29. Bébé Wyatt - Partie 1

Installé sur le canapé du salon, j'ai regardé toute la maisonnée s'activer autour de ce petit bout d'homme attirant toute l'attention sur lui. Dire que je suis jaloux d'un bébé pleurnicheur est...clairement un euphémisme, car normalement c'était censé être ma journée. La journée où je rentre, où je retourne auprès des miens sans avoir un médecin autour de moi toutes les 3 heures. La journée où je me fais dorloter, cajoler, aimer. J'avais déjà fait des plans dans ma tête et j'avais même prévu de bouder certaines situations si je n'obtenais pas satisfaction. Mais voilà que la vedette m'est volée par un bébé.

- Il est brun quand même, sifflé-je de mon accoudoir tandis que je regarde la chose couchée en face de moi

- Comme une bonne moitié de la population, merci Gabriel pour la remarque, me répond Cléo

- Vous êtes absolument sûres que...

- OUI ! Pour la dixième fois en vingt minutes, on l'est ! Je serais quand même au courant si quelque chose était sorti de mon vagin.

- Et moi je serais au courant si j'avais fait une quelconque folie de mon corps. Je n'ai plus le sens de la vue, mais j'ai encore celui du toucher et crois-moi, question d'expérience, les caresses de Cléo sont bien différentes des tiennes.

À cet instant, il y a un blanc. Basile réalise ce qu'il vient de dire, Cléo se fige et ma bouche s'ouvre en grand.

- Comment ça "différentes" ? Qu'est-ce que l'on ne me dit pas dans cette fichue maison ?

Mon regard passe de l'un à l'autre tandis que je cherche désespérément à obtenir des réponses.

- Pour information, c'est arrivé bien avant que toi tu n'arrives au village.

- Mais Cléo ! N'en rajoute pas !

En plus ! Visiblement, tout le monde s'est bien gardé de me dire que sur la liste des "ex" je devais rajouter la petite serveuse du café.

- Vous savez quoi ? Je ne veux pas savoir. Je vais monter me reposer. Faites ce que vous voulez avec Basile junior tant que vous le faites taire.

- Gabriel, attends !

Je ne dirais pas que je suis monté dans la chambre comme une fusée, mais si j'avais pu le faire, je l'aurais fait. Au lieu de ça, j'ai monté les marches tout doucement, subissant les regards de tous pendant de longues minutes avant d'atteindre l'étage supérieur.

Ici rien n'a changé. Pas un meuble. Pas un cadre. Pas un bibelot. Tout est comme mamie l'a laissé. Comme je l'ai laissé dans mon souvenir : intact.

En tournant la poignée de la porte menant à la chambre, je me surprends à avoir une certaine appréhension que je n'explique pas. La même qui m'a cloué au siège de la voiture tout à l'heure. Je reste là, pendant quoi ? Allez cinq minutes, sur le seuil à regarder cette pièce. Cinq minutes à me remémorer cette nuit de pluie. Mais cinq minutes à revoir nos moments tendresses, à repenser à cette première nuit passée ensemble, à cet affreux pyjama qu'il portait et...bizarrement tous ces souvenirs chassent ma soudaine mauvaise humeur. Mon saut d'humeur.

Ce n'est que de la jalousie mal placée, rien de plus. Rien que ça. Basile a tout à fait le droit d'avoir une vie, que ce soit avant ou après moi, qu'importe. Il ne m'appartient pas et je n'ai aucun droit de me scandaliser devant certaines révélations.

Je m'installe alors sur ce qui fut mon lit pendant quelques nuits, avant que ma mère ne me rejoigne à l'étage.

- Je peux entrer ?

- Si tu es venue me dire que j'ai réagi avec impulsivité, sache que tu as tout à fait raison. Regarde, je l'avoue moi-même. Je me suis emporté, ce n'est pas correct.

Elle ne dit rien de plus, non, mais son sourire en dit long tandis qu'elle vient s'asseoir à côté de moi.

- Tu as mûri Gabriel. C'est fou. Parfois j'ai encore du mal à voir en toi le jeune homme que j'ai laissé partir. Pourtant, ce n'est pas si lointain, mais on dirait que quelque chose t'as changé...

On se regarde, on échange un regard complice plein de sous-entendu avant de dire en chœur

- Ou quelqu'un.

Je dois le reconnaître, l'influence de Basile sur moi a été grande. Il m'a "ouvert les yeux" sur pleins de choses et j'avoue avoir été un sombre connard en arrivant ici.

- C'est juste que ces derniers mois j'ai eu Basile pour moi tout seul et maintenant je dois de nouveau le partager avec tout le monde et notamment un bébé qui sort de je ne sais où.

- À ce propos...

Je vois son visage s'illuminer d'un léger sourire avant de continuer en sifflant

- Je présume que c'est quelque chose que tu dois lui raconter toi-même, n'est-ce pas Basile ?

Ce dernier se tient à hauteur de la porte et je reconnais bien là ses capacités de ninja. D'ailleurs, je m'étonne que maman l'ait entendu arriver.

- Un conseil mon chéri, c'est bien que tu reconnaisses tes torts, vraiment. Ça te permettra d'avancer d'ailleurs, mais parfois essaye de prendre du recul avant de t'emporter et de monter sur tes grands chevaux.

- Je sais.

Je m'excuserais bien, mais je sais que ce n'est pas à elle que je devrais le faire, mais plutôt au principal concerné qui s'avance vers moi avant de s'asseoir également à côté, prenant ainsi la place de ma mère.

- Je...

- Basile, avant que tu ne dises quoi que ce soit, je tiens à m'excuser. Je n'aurais pas dû réagir comme ça, c'est puéril et inapproprié. Je suis désolé.

Il y a un an de ça, il aurait clairement pu s'asseoir sur ses excuses, je pense. Je n'aurai même pas bronché. J'aurai même trouvé ça légitime, mais maman a raison sur un point : Parfois, il est bon de prendre du recul. D'essayer de voir le "souci", s'il y en a un, sous les yeux de l'autre. Même si Basile et moi avons passé énormément de temps ensemble ces derniers mois, je comprends qu'il est aussi besoin de voir quelqu'un d'autre, de faire autre chose. Et je n'ai certainement pas le droit à avoir un droit de regard sur son passé qui ne regarde que lui et les principaux intéressés, c'est-à-dire Cléo. C'était juste...soudain. Brusque. Je ne m'attendais pas à ce que...Enfin Cléo et Basile quoi. Dans ma tête ça a toujours été "impossible" et même lui m'a toujours laissé penser qu'il ne s'était jamais rien passé. Ce qui m'a toujours étonné d'ailleurs, car elle n'a pas hésité à me sauter dessus quand je suis arrivé au village, alors que Basile, canon comme il est, aurait pu être son genre. Totalement même.

- Cléo et moi, il s'est à la fois passée pleins de choses et à la fois rien du tout. En fait il y avait une fête pour je ne sais plus quel anniversaire et on avait tous les deux un peu trop bu. Enfin, surtout moi. Elle a donc tenté sa chance et je t'assure que ça n'a jamais été plus loin que...Disons...Les préliminaires. Nous n'avons eu aucune forme de relation et on s'est très vite mis d'accord. On a nous-mêmes laissé cette histoire derrière nous.

- Tu sais que tu n'es pas obligé de te justifier ? Je veux dire, cette histoire, c'est TON histoire. Tu n'es pas obligé de tout me raconter et j'admets avoir agi sous le coup de l'impulsion.

- C'est vrai, mais je veux que tu saches. Je te l'ai déjà dit Gabriel, mais je n'ai jamais aimé quelqu'un comme je t'aime toi. J'ai aimé Manu, c'est vrai, mais c'était autre chose. Disons que c'était une relation purement...physique ou du moins essentiellement physique. On se faisait du bien, on discutait, on riait, on sortait de temps en temps en dehors du village pour prendre l'air et puis voilà. Mais avec toi, c'est différent. Avec toi, et je ne sais pas pourquoi, j'ai toujours envie de "plus". Toujours plus. Encore plus. Tu parles d'avidité. T'es carrément mon pêché.

Basile trouve toujours les mots qu'il faut. Les mots qui me plaisent à entendre. Les mots qui me font du bien. Il prend le temps de les poser, de les expliciter et surtout, de vérifier si mon coeur les supporte plus ou moins bien.

- Quant au bébé, il ne se prénomme pas "Basile junior", mais Wyatt. Et ce n'est définitivement pas mon enfant ! Ni même celui de Cléo. D'ailleurs, c'est toute une histoire que je vais te raconter.

- Tu sais, je comprends que la vie aie poursuivi son cours ici...je ne...

- Il est vrai qu'on a continué de vivre. Qu'on a partagé pleins de choses, mais je ne t'ai jamais rien caché et ce n'est pas aujourd'hui que ça va commencer. Je ne suis pas spécialement transparent sur tout, mais j'estime être suffisamment honnête.

Et c'est pour ça que je t'aime. Parce que toi tu as cette force d'affronter les choses de la vie, moi non.

- Tout a commencé au début du printemps, tu sais ce que l'on dit non ? Les filles viennent des roses et les garçons des choux...Eh bien Cléo et moi avons découvert ce bébé au milieu des fleurs.

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