🤍chapitre 8🤍
👻Le champ du repos ou reposent les défunts.👻
Le 20 avril 2006 :
Le champ de repos avait été construit sur une des plus hautes falaises rocheuses : ses parois d'un gris foncé fissuré se faisaient souvent violemment fracasser par les vagues déchaînées de la mer. Un seul sentier à double sens pouvait permettre d'accéder à cet endroit presque inaccessible, car le risque d'éboulement augmentait au fil du temps. Certaines personnes ne prenaient pas l'engagement d'emprunter ce chemin en sachant le danger que cela représenterait. Alors, la plupart empruntaient un raccourci, rallongeaient.
C'étaient des escaliers ancrés dans la pierre faite par les écoulements d'eau pure dans la falaise. Les marches parfois glissantes n'étaient pas régulières dans leurs formes étranges : cela rendait l'excursion anguleuse. Ceux qui empruntaient ce passage pouvaient admirer un paysage saisissant de splendeur qu'on pourrait imaginer quasiment immergé d'une œuvre d'art peinte par la main minutieuse d'un artiste.
Hélas, ce tableau de rêverie fut gâché par une apparition soudaine d'une jeune femme accompagnée de trois enfants. Ils escaladèrent sans beaucoup de difficultés pour arriver à la dernière marche qui menait devant un portillon d'un fer couleur argent légèrement brillant sous les rayons timides de l'aurore.
La jeune femme prit quelques minutes pour reprendre son souffle avant de pénétrer avec les enfants dans ce sanctuaire dans lequel les âmes reposaient en paix. Certains devaient sûrement vagabonder encore parmi les vivants.
Un silence pesant englobait cet endroit : pas un moindre bruissement ne se faisait percevoir ; chaque élément était comme figé à jamais dans le marbre. Les arbres morts ne pouvaient fleurir pour un renouveau, leurs branches tordues s'emmêlaient pour donner vie à des visages sinistres.
Certains tombeaux étaient délaissés dans des états bien tristes que la nature avait repris sa place pour emprisonner dans ses mousses vertes ; ceux-ci étaient dissimulés aux yeux de tous. Un vent au goût de sel se leva avec véracité, des craquements retentissaient venant des branches fragiles. La jeune femme posa une de ses mains sur le rebord de son large chapeau orné d'un ruban rose pâle pour le retenir.
Elle s'avança pour rejoindre les enfants déjà devant une pierre tombale différente des autres parce que celle-ci était récente : cela ne faisait que quelques mois que celle-ci était ici dans ce décor d'une beauté terrifiante.
— Cassie, William et Éléonore, est-ce que vous voulez dire quelques mots ? Demanda-t-elle d'une voix rauque par les émotions qu'elle s'empêchait de montrer pour rester forte aux yeux de ses petits qu'elle considérait comme ses enfants. Ils ne pouvaient répondre parce que le poids de la triste était lourd sur leur épaule fébrile. Ils avaient perdu une personne très chère à leurs cœurs sans n'avoir été préparés : celle-ci leur fut arrachée brutalement du jour au lendemain.
Elle s'agenouilla pour être à leur hauteur : bien qu'ils étaient grands, leur taille était encore petite à ses yeux d'adulte. Ses bras s'écartèrent pour qu'ils se réfugient à l'intérieur, parce qu'un câlin, c'était bien mieux parfois que des mots pour consoler une peine bien trop douloureuse. Elle fixait d'un regard vide l'inscription sur le monument d'un coloris gris foncé presque noir.
— Tante Alessandro ? Son âme va être emportée dans quel endroit ? Demanda une des petites filles du trio. C'était son portrait craché d'un détail près parce que ses yeux avaient quelques nuances de gris quelques fois. Sa main caressait délicatement ses longs cheveux noirs de la même texture que les siens. Hélas, ce n'était pas sa fille, mais son unique nièce qu'elle avait appris à aimer malgré sa résistance à ne pas développer des sentiments envers celle-ci pour ne pas prendre la place de sa défunte sœur.
Elle prit un instant pour réfléchir à ses mots, qui auraient forcément un impact sur eux, parce qu'ils étaient encore des enfants. Leurs âmes ne pouvaient certainement pas comprendre ce qu'était le paradis et l'enfer. Surtout qu'elle ne croyait pas en tout cela. Alors, ce serait leur raconter un mensonge tissé dans une toile pour les bercer d'illusions.
— Chaque âme est unique. Donc, elles méritent toutes d'avoir leurs propres endroits. Je suis sûr avec certitude que son âme se prélasse dans un petit lac sous les rayons du soleil pour faire une petite sieste bien méritée, murmura-t-elle. Ses lèvres roses se posaient sur leur front à chacun pour déposer un tendre baiser. Elle posa son sac en paille sur le sol pour prendre à l'intérieur quatre fleurs qu'elle avait achetées avant d'arriver ici. C'était avec délicatesse que Cassie, William et Éléonore en avaient une dans leurs mains pour la déposer sur la terre après avoir prononcé quelques mots à l'égard de cette âme partie bien trop tôt.
Madame Alessandro déposait la sienne en dernière ; son chapeau était rabattu légèrement pour cacher son visage ; cela permettait de dissimuler ses larmes sur ses joues. Elle prit un moment pour se recueillir en silence, sans pour autant délaisser sa responsabilité de surveiller ses trois morpions.
Qu'ils se sont déjà faufilés vers la sortie sans tarder, pressés de rentrer à la maison, désormais que leur cœur était moins peiné pour cette âme. Elle se relevait sans difficultés avec son sac bien contre sa poitrine : c'était avec un dernier regard sur la tombe qu'elle faisait demi-tour pour rattraper ses chenapans déjà bien loin.
Pourtant, Madame Alessandro s'arrêtait légèrement, surprise de constater qu'Éléonore était restée devant une pierre tombale camouflée par la mousse verte et humide, presque invisible. Elle s'approchait silencieusement pour découvrir ce qui avait éveillé la curiosité de sa petite Colombe. Ses grands yeux marron étaient vagues, déjà bien loin dans les tourments de ses pensées. Elle posa son regard qui s'assombrit en lisant l'inscription encore visible sur la plaque fissure.
"Éléonore Becker"
E
lle passa un bras autour des épaules fébriles de sa petite colombe pour la rapprocher contre son corps, avec l'espoir de pouvoir la protéger des ombres du passé. Qui réussissaient toujours à revenir, bien qu'on essaye souvent d'échapper à leurs griffes acérées.
— À l'école, les autres enfants disent que je suis maudite, que c'est pour ça que mes parents m'ont abandonné. Est-ce que je vais finir comme cette femme ? Être oublié Demanda-t-elle d'une voix étouffée, car son visage était caché dans le tissu de soie de la robe rose pâle de madame Alessandro.
Celle-ci ne savait comment répondre parce que les mots restaient bloqués dans sa gorge, serrée par les émotions qu'elle ressentait comme une vague brutale pour la submerger entièrement. Elle aurait aimé rassurer sa petite colombe pour réduire ses doutes à néant, car c'était avec certitude qu'elle pensait que sa mère ne l'avait pas abandonnée pour une unique raison de la protéger.
Elle s'agenouilla pour être à sa hauteur : ses deux mains se posaient déjà sur ses épaules, bien trop lourdes pour son jeune âge. Son regard croisait le sien, ses pupilles reflétaient son âme pure que beaucoup pourraient convoiter parce que celle-ci brillait d'un léger éclat que Madame Alessandro pouvait percevoir.
— Tu n'es pas maudite, ceux qui n'osent dire cela ne sont que des imbéciles, car ils ont peur de certaines choses qui sont différentes. Tu es unique avec une destinée bien différente de cette femme ; ce n'est pas parce que vous portez le même prénom que ça veut dire que vos chemins seront pareils. Tu es la seule à pouvoir écrire ton destin, murmura-t-elle d'une voix douce. Ses bras se refermèrent sur Éléonore pour la serrer contre sa poitrine. Celle-ci se réfugia pour dissimuler son visage inondé de ses larmes aux gouttes de sel avec une pointe de tristesse. Pourtant, son cœur s'était apaisé, rassuré par les mots sincères de Madame Alessandro.
Elles restaient ainsi un long moment jusqu'à être rejointes par Cassie et William. Ils savaient faire demi-tour en voyant que personne ne les savait suivre et sans prononcer le moindre mot.
C'était avec empressement qu'ils se faufilaient, eux aussi. Dans les bras de Madame Alessandro pour un câlin collectif. Elle posait sur chacun un regard attendri avec plein d'amour ; désormais, c'était impossible d'imaginer sa vie sans ses trois petits chenapans qui grandissaient au fil des saisons.
— Rentrons à la maison, murmura-t-elle avec un vrai sourire qu'elle ne réservait qu'aux personnes qui avaient une place dans son cœur de glace, réchauffé parfois par la présence de ces êtres chers qu'elle aimait tant.
Ils redescendraient la falaise par le même chemin qu'à l'allée pour rejoindre le parking qui était bien plus bas. Les enfants admiraient avec une curiosité dévorante leur environnement avec une imagination débordante. Il s'amusait encore à jouer aux trois mousquetaires, à s'inventer que les soldats de Richelieu étaient à leurs trousses. Madame Alessandro observait cela avec un sourire amusé.
Elle n'aimait pas particulièrement cette œuvre, ça ne l'avait jamais touchée jusqu'à ce que ses petits chenapans fassent chavirer son opinion pour apprécier un tout petit peu ce récit.
Un courant d'air frais se faufilait entre les branches des arbres pour caresser son visage et son cœur palpitait d'une envie d'aller au bord de la mer. Pourtant, ils devaient rentrer parce que c'était aujourd'hui qu'Éléonore devait partir avec sa famille adoptive pour profiter des derniers jours de vacances avec de la famille éloignée.
Elle avait essayé par plusieurs moyens de convaincre ceux-ci de garder sa petite colombe pour qu'elle ne soit pas séparée de Cassie et William. Hélas, rien n'avait fonctionné pour qu'ils puissent changer d'avis.
C'était à contrecœur qu'elle avait dû accepter sa défaite pour ne pas insister davantage, parce qu'elle avait craint qu'à force sa famille adoptive décide de ne plus la laisser revenir chez elle. C'était décidément hors de question puisqu'elle devait impérativement avoir un œil sur sa petite colombe, car elle avait encore espoir d'avoir un jour sa garde, même si cela se révélait être compliqué pour le moment.
Elle descendait les dernières marches pour rejoindre les enfants déjà près de sa voiture de collection avec impatience de rentrer pour le repas de midi. C'étaient de vrais estomacs sous pattes. Madame Alessandro trouva au fond de son sac sa clé pour ouvrir le véhicule rapidement ; les Chenapans ne tardèrent pas à y monter rapidement pour s'attacher dans leurs sièges.
Elle vérifie que les ceintures de sécurité soient bien bouclées avant de s'installer dans le siège conducteur. Ses mains sur le volant en cuir, c'était avec un sentiment de liberté qu'elle appuyait son pied sur la pédale pour faire ronronner le moteur comme un chaton. Ce doux bruit fit battre son cœur d'une légère pulsion d'adrénaline.
C'était avec regret qu'elle dut réprimer difficilement son envie de rouler à toute vitesse parce qu'elle n'était pas seule dans l'habitacle. C'était pour cette raison qu'elle appréciait de délaisser le volant à d'autres, comme ça, aucun risque qu'elle ne succombe à sa passion dévorante.
Hélas, Edgar, son chauffeur attiré, n'était pas disponible aujourd'hui, car il avait un rendez-vous urgent à l'hôpital pour sa femme, encore hospitalisée là-bas. Son regard se posa sur son rétro intérieur pour observer William, bien silencieux et éloigné pour se réfugier dans son petit monde au merveilleux.
Il devait se douter que l'état de sa mère devenait chaque mois un peu plus critique comparé à son père Edgar, qui ne voulait rien entendre et convaincu même qu'elle allait se remettre sur pied. Madame Alessandro secouait sa tête pour reprendre son esprit, pour ne pas penser à la conversation houleuse qu'elle avait eue avec lui avant le début des vacances.
Elle avait désespérément essayé de le raisonner pour lui faire comprendre que peut-être, il devrait se préparer au pire. Bien sûr, cela ne lui avait pas plu, à tel point que celui-ci avait cédé à une colère très noire. Ses mains resserraient le volant pour revenir à l'instant, parce que déjà, elle avait grillé deux feux rouges.
Heureusement, les enfants étaient chacun plongés dans leurs pensées et probablement aussi somnolaient un peu après cette longue balade matinale ensoleillée. Elle tendait sa main pour prendre ses lunettes de soleil, car quelques éclaircies se reflétaient sur son pare-brise et cela faisait mal à ses yeux assez fragiles aux éblouissements.
Elle passa l'un de ses bras par la vitre grande ouverte, très à l'aise de conduire avec une seule main après avoir bien mis ses lunettes sur son petit nez fin. La route se découpa en plusieurs bifurcations ; c'était sans ralentir qu'elle tournait le volant pour prendre le chemin de gauche ; c'était celui pour rentrer à la maison.
Elle avait hâte de retrouver son petit nid douillet, car ces derniers mois, cela n'a pas été de tout repos.
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