ConLibres
Avez-vous pensé que confinement peut nous apprendre le sens de la liberté ?
Cette question suppose déjà différentes choses problématiques : que la liberté à un sens, que l'on peut l'apprendre en opposition d'une absence de réflexion menant à l'ignorance et qu'enfin le confinement est une condition préalable et essentielle, si unique qu'aucune autre expérience ne saurait la remplacer. Or, j'ai du mal à croire en toute ces propositions réunies car elles sont principalement bien subjectives et conceptuelles. S'oppose alors deux opinions majeures bien distinctes tout à fait défendables : le confinement ne nous enseigne rien et en particulier sur la liberté ou alors il est l'expérience qui nous en fera prendre pleinement conscience.
Tout d'abord, il faudrait que la liberté ait un sens, or c'est une valeur subjective définie par tous différemment, lui donner un sens est donc contradictoire et l'apprendre universellement encore plus. La liberté est certes une idée collective fréquemment reprise car perçue comme un idéal (la devise française, la statue de la Liberté) pourtant, un ermite, un agoraphobe ou un citadin lambda ne la verra pas de la même manière. La liberté du citadin c'est de circuler en ville comme bon lui semble mais pour l'agoraphobe cette liberté sociale est un enfer, sa liberté à lui est donc de rester cloitré chez lui, de même pour l'ermite qui le fait par choix. Pour ces gens-là, le confinement n'a rien à leur apprendre sur un sens quelconque de la liberté, celle qu'ils ont l'habitude d'expérimenter est toujours accessible.
Comment donc tirer un profit (ici l'enseignement) d'un manque que l'on n'a pas ? On s'aperçoit de la valeur qu'on les choses quand elles disparaissent, typiquement, quand je suis malade et que j'ai le nez bouché, j'estime à quel point avoir le nez libre m'est essentiel, pourtant, une fois que je ne suis plus malade j'oublie bien vite cette considération. Pourquoi une fois sortis de confinement, j'aurais appris et surtout retenu un sens à la liberté ? Je vais la retrouver, je n'y penserais plus. Dans la finalité, je n'aurais rien appris.
Le confinement est donc sensé créer un manque exceptionnel pour nous permettre d'apprendre, mais il ne crée pas ce manque de la même manière chez tout le monde, il n'est pas universel et surtout, s'il réduit notre liberté il n'a pas été la première situation à le faire. Les guerres, les régimes totalitaires prive de liberté bien plus que le confinement car elles cherchent en plus à le faire dans l'ombre. Pourquoi tirerait-on quelque chose d'une situation légère en comparaison et qui n'est pas si inhabituelle que ça en termes de restrictions ? S'il y avait une leçon durable à en tirer, elle aurait déjà été donnée dans le passé et aurait déjà profiter à autrui et transmise dans les générations. Pourtant, en particulier dans des pays démocratiques et en paix au moins sur leurs sols comme la France, mis à part notre devise désuète, nous ne portons guère attention à notre liberté quotidienne : je peux me déplacer comme je le souhaite, chance rare, et pourtant je m'efforce de me plaindre contre la SNCF. La prise de conscience des degrés de liberté et des échelles des choix dans lequel l'homme évolue fait partie de la philosophie de Sartre, mais cela serait extrêmement épuisant de le faire en permanence. « A tous les philosophes qui s'en font les défenseurs, il est permis de poser une question préalable : à propos de quelle situation privilégiée avez-vous fait l'expérience de votre liberté ? » demande-t-il dans son célèbre texte de Situations I consacré à la liberté cartésienne. L'être humain est ingrat et n'apprend pas, le confinement ne le changera pas.
Pour finir, le confinement ne peut donc pas nous apprendre le sens de la liberté car il n'est pas une situation suffisante pour inculquer universellement des idées subjectives. A bas cette injonction contre un temps perdus alors que nous sommes perdus depuis le temps dont nous essayons de tirer toujours plus de productivité et plus et plus...
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