•
Imaginez une rue. Sombre, poubelles renversées par terre, apparence hostile, rien ne bien avenant. Pourtant, vous distinguez une faible lumière derrière l'une des fenêtres. Comme une tâche, une touche de couleur dans cette toile de noir et blanc, une lueur de quelque-chose.
Cinquième étage. Deuxième appartement sur la gauche. Un deux pièces, aux murs vêtus d'un papier peint à fleurs dégarnies. Manque d'envie de refaire la déco, sûrement. Car Nikki n'a pas mauvais goût, vous vous en souvenez très bien. Et cette feuille de papier moisie qui recouvre le mur, est en effet horrible à voir.
En parlant d'elle, la voilà qui sort justement de la douche, une serviette mauve enroulée autour de la poitrine. Elle se frotte frénétiquement les cheveux -ils sont plus long qu'auparavant, cela vous fait étrange de la voir avec une chevelure aussi volumineuse. Puis elle tousse, laisse tomber la serviette humide à terre, et enfile un pantalon.
Il était noir, le pantalon, comme ses sous-vêtements et son débardeur. Nikki ne portait que du noir. Du sombre, des vêtements qui lui permettaient de se fondre dans le décor de la ville nocturne. Elle vivait la nuit, Nikki.
Dès les douze coups de minuit entonnés, elle s'approchait silencieusement de l'unique fenêtre de la pièce (celle qui reflétait la tâche colorée), et l'ouvrait en rabattant les volets vers le mur extérieur. Ensuite, elle fouillait minutieusement ses poches une dizaine de secondes, le temps d'attraper un briquet et une clope, puis portait la tige bicolore à ses lèvres en inspirant la fumée à pleins poumons.
Vous ne la quittiez pas des yeux, désireux d'en apprendre davantage sur la vie qu'elle menait à présent. Ses habitudes, son quotidien au travail, ses amis, tout cela vous démangeait de l'intérieur. Et de son côté, Nikki, tranquillement, finissait de s'étouffer en laissant se créer un brouillard qui empestait la nicotine.
Quand brusquement, elle renifla. La cigarette était devenue un mégot qu'elle jeta par-dessus le rebord de la fenêtre. Elle resta à l'affût un instant, espérant pouvoir entendre le bruit des cendres tomber au sol.
Un sourire se forma sur vos lèvres. Nikki n'avait pas l'air d'avoir tant changé que ça. Toujours des joues et un bout de nez rosies, un corps presque trop mince, des cheveux châtains épais qui ne tiennent pas en place, et une certaine tendance singulière.
Le seul détail qui vous choqua, se fut ses yeux. Larmoyants, et aussi ténébreux que la nuit sur laquelle la fenêtre ouvrait. Il y eut notamment ce noir. Ces traits dessinés grossièrement sur ses paupières, qui s'éparpillaient comme un dégradé mal reproduit, et descendaient jusqu'en haut de ses joues. Ces cernes qui, incrustées de chaque côté de ses globes oculaires, déformaient son visage angélique en une femme bien plus qu'exténuée.
Nikki paraissait fatiguée. Ses gestes mous, sa nonchalance, tout cela le démontrait bien.
Petit à petit, le nuage de fumée se dispersait dans l'air. Et Nikki restait accoudée à la fenêtre. Elle écoutait les voitures qui passaient devant l'immeuble et les courants d'air gelés qui lui griffaient le visage.
Elle aimait ça, Nikki. Le froid.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top