49. Freyja [Andromeda]

Kili'an : synonyme de merveilleux. – Journal intime du premier Aar'on –

*****

Planète inconnue, date inconnue, heure inconnue. Le ciel était verdâtre, le sol orangé. Une source d'eau claire brisait le silence de ses clapotis. Des arbres hauts apportaient ce qu'il fallait d'ombre aux quelques bestioles grattant la terre à la recherche de nourriture. À même un rocher abrasif, un adolescent blond se tenait allongé, ses lèvres niaiseuses tournées vers les étoiles. Blessé au plus profond de sa chair, il était plongé dans un profond sommeil. Autour de lui, ses amis s'étaient regroupés, inquiets.

Cela faisait depuis qu'ils avaient été projetés de force dans cet endroit étrange que Kili'an n'avait pas ouvert les yeux. Il fallait tout faire pour lui faire reprendre conscience avant que la faune locale s'éveille et réalise qu'elle avait faim. Les coups de langues du brave Link'o ayant lamentablement échoué, le châtain de la bande s'avança nerveusement et secoua vigoureusement son ami par les épaules.

– Allez, Kili'an, réveille-toi ! C'est bon, on a gagné ! Le Bottel'ron est mort, transformée en bouillie que même les vieux ne voudraient pas en bouffer. Du coup, tu dois poser pour moi, ton mec avait promis !

– Mhhhh, encore dodo ! – rouspéta le blond sans même s'en rende compte. Aar'on, câlin, Nutella...

Rien n'y faisait. Malgré les cris et les baffes, le jeune soldat refusait de s'éveiller. Armée de deux pinces électrifiées qui produisaient moult étincelles en s'entrechoquant, la mécanicienne s'approcha de son capitaine. Gabri'el avait échoué, c'était à son tour de jouer.

– Laisse tomber, Gaby, il est complètement HS... Laisse-moi faire. Un p'tit coup de deux cent vingt volts dans les fesses et il repartira tout seul...

– Yun'ah, je ne sais pas si c'est une bonne id... – protesta son camarade, avant de se faire couper la parole par les cris du pauvre blondinet.

– AAAAAAAAAAAAAAAAAH ! J'AI MAAAAAAAAAAL... AAAAAAAAAAAAH.... Attendez... mhhhhh, nan en fait, dodo... Aar'on, manga, câlin...

Une fois encore, le jeune héros resta prisonnier de ses songes, au plus grand désarroi de ses camarades.

– Alors ça, c'est la première fois que le deux cent vingt ne marche pas... – s'étonna Yun'ah en tournant un petit bouton. Bon, essayons le quatre-cent quarante alors ! Attention....

– AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAARG... Do...do... Ro'ron... Fessées...

À chaque essai, la même scène se reproduisait à l'identique. Le buste de Kili'an se redressait. Sa bouche hurlait. Son cerveau bugguait. Et il se rendormait, parfois en souriant bêtement à cause des idées qui lui passaient par la tête, d'autres en suçant amoureusement son pouce, index sur le nez, comme un bébé. Mais toujours, il appelait son Aar'on.

– Arrête, mécanicienne de malheur ! – s'emporta le châtain. Tu vas le tuer ! Tu vois bien qu'il est prisonnier de ses rêves. Le passage derrière Nigatruo lui a semble-t-il un peu ramolli la cervelle...Regarde, il sourit comme un idiot, il est complètement à l'ouest. Merde...

– Et si tu essayais ton truc avec ton fluide magique ? – proposa Clé'a. Un p'tit coup dans le derrière et il sera comme neuf. C'est comme ça que tu lui as sauvé la vie après notre premier combat.

– Non, ça ne marchera pas... – soupira Gabri'el. Il ne souffre pas de blessures physique ou morale, je crois qu'il est tout simplement planté. Forcément, c'est une réincarnation. Sa place est dans son monde, pas dans celui dans lequel nous nous trouvons. Cela doit causer des interférences avec...

– Avec ? – demanda le robot du groupe.

– Avec ce qu'il doit y avoir dans ce monde ! – s'énerva son interlocuteur. Enfin, je ne suis pas sûr, je ne suis jamais venu ici. Je ne fais que des théories basées sur ce que je connais de cet endroit. Enfin, en attendant, on a un blond HS sur les bras. Mart-1, tu as essayé de lui faire respirer de l'essence de Nutella ou de lui proposer une partie de jeux vidéo ?

– Affirmatif !

– Et le résultat ?

– Négatif. Il m'a mordu un doigt en pensant que c'était un morceau de brioche, il a recraché un boulon puis il s'est rendormi. Il ne m'a même pas traité de robot roux sans âme. Je crois qu'il est foutu...

– Eh merde – soupira Gabri'el. Il ne nous reste plus qu'une seule solution. On doit trouver le seul être capable de réveiller notre camarade. Il est vivant dans ce monde, mais on ne sait pas encore où. Ça va encore être une quête épique. Je prévois des mois de voyages, des combats dangereux, des rencontres émouvantes, des paysages somptueux, une aventure hors du commun, des...

– Attends... – le coupa Yun'ah. Me dis pas que le seul truc capable de faire réagir ce machin, c'est un bisou ou un coup de l'Aar'on dans le derrière. Parce que là, on est mal barré, cet imbécile est resté de l'autre côté.

– Mais nan ! Ça serait complètement con. Excuse-moi la référence moisie aux mythes de Canaan, mais on appellerait ça comment, après ? Le beau au bois dormant ? Et on fout un dragon sur le chemin pour faire jolie ? Non, ce qu'il faut, c'est amener à Kili'an ce pourquoi il voulait venir dans ce monde, celui qui y avait été banni avant nous, son grand frère, Cédlic. Après, le problème, c'est qu'on ne sait pas où il est, qu'on a pas un rond en poche et qu'on ne sait même pas si les pouvoirs issus de nos Regards fonctionnent de la même manière dans cet univers. C'est pour cette raison que cette quête s'annonce longue et périlleuse. Afin, à nous l'aventure, les fous rires, les dangers, les femmes, les...

Une fois de plus, une voix interrompit le châtain dans son discours. Elle semblait joyeuse. Elle appartenait à ce qui semblait être un jeune humain, tout ce qu'il y avait de plus normal, avec des cheveux marron sombre, des yeux de la même couleur et des biceps plus développés que ses autres muscles. Attiré par la lumière produite lors de l'ouverture de Nigatruo, il s'était lancé en direction du point ou la lueur avait été la plus forte. Puis, sans se faire repérer par la petite troupe, il s'en était discrètement approché, jusqu'à se pencher au chevet du petit blond qui soupirait.

– Eh, mais c'est mon p'tit frère ! Kili ! Ouhouh ! Réveille-toi ! C'est moi, Cédlic ! Ouhouh !

Immédiatement, le magnifique adolescent se redressa et ouvrit grand ses paupières, larmoyante de joie. Il n'en croyait pas ses yeux, il ne rêvait pourtant pas. Il ne rêvait plus. Sans réfléchir, il se jeta dans les bras de son ainé et le serra fortement contre lui en chialant, jusqu'à s'être assuré que ce dernier n'était ni une ombre, ni un mirage.

– Cèd... C'est toi ? C'est vraiment toi ? C'est vraiment vraiment toi ?

– Bien sûr que c'est moi, p'tit frère... – sourit le jeune adulte, tout aussi ému. Après la bataille sur Bhêt, j'ai été propulsé par Nigatruo et son penchant local Blankotruo dans cette même forêt, sur cette planète, Freyja. Quand je me suis réveillé, blessé, j'ai été secouru par Sand'ra, une jeune Vanne, une des créatures peuplant ce système. On s'est tout de suite plu, elle est devenue ma femme et je me suis installé avec elle dans la plaine. Je n'ai jamais vraiment bougé. Je me disais que si jamais tu venais un jour à ma recherche, c'était ici que j'aurais le plus de chance de te trouver. À chaque fois que j'ai vu Blankotruo s'ouvrir, je me suis précipité ici en espérant te voir arriver, sans succès jusqu'à aujourd'hui ! Enfin, après tant d'attente, mon souhait s'est réalisé... Au fait, c'est normal que ton ami se tape violemment la tête contre un tronc ? Il va se faire mal.

Alors que Cédlic pointait Gabri'el de l'index, Yun'ah répondit pour Kili'an, tout aussi étonné que son frère par cette étrange scène :

– Faut pas s'en faire, c'est normal. Il s'imaginait déjà honorer la croupe de toutes les créatures à forte poitrine qu'il pensait rencontrer en te cherchant. Là, tu viens de casser son trip, donc il s'énerve un peu. Bon, du coup, comme on est tout réuni, l'idéal, ça serait de rentrer dans notre monde maintenant. Quelqu'un à une idée ? Parce que si j'ai bien tout suivi, notre petite serrure préférée aurait, comme qui dirait, perdu son trousseau de clé...

Comprenant qu'on parlait de lui, Kili'an se détacha des bras de son frère. Tout lui revenait clairement à présent. S'offrant à son brun au seuil de la mort, ils avaient connu tous deux la plus intense de toutes les Résonances. Le Bottel'ron s'était fait désintégrer, Angra avait explosé et, avec ses amis, ils s'étaient retrouvés projetés dans cet autre monde dont il ne connaissait rien. Le stress commença à le gagner. Ses doigts tremblaient. Une toute petite chose lui manquait. Son cœur se déchira au rythme de la chute de ses larmes sur les cailloux. À genoux, les fesses posées entre ses pieds, il gémit de toutes ses forces en se frottant les yeux, comme si on lui avait arraché une partie de son âme.

– Mooooooon Aar'ooooooooooooooon ! Il est moooooooooort ! J'veux mouriiiiiiiiiiiiir aussi et le rejoiiiiiiiiindre ! Je l'aiiiiiiiiiiiiimeuh ! Mon ro'roooooooooon, mon Aa'chouchouuuuuuuuu. C'est trop dur, c'est trop duuuuuuuur. AIE ! Mais pourquoi vous me tapez, j'suis trop malheureux, moi !

– Parce que tu fais trop de bruit ! – répondit Gabri'el, furax. Je ne m'entends même plus me lamenter à cause de tes jérémiades ! En plus, ton Aar'on n'est pas mort. Tu devrais le sentir au fond de toi, vous êtes liés...

Se ressaisissant, l'adolescent posa son index sur ses lèvres et regarda vers le ciel. C'était vrai que, maintenant que son camarade le disait, il arrivait à ressentir une petite lueur lointaine de vitalité qui ne pouvait appartenir qu'à son brun. Même s'ils n'étaient plus dans le même monde, leur lien indéfectible continuait à se jouer des lois de la physique. Rassuré, Kili'an se releva et s'étendit. Sa tenue était tellement en lambeaux qu'on voyait presque l'intégralité de son corps couvert de blessures. Il préféra se mettre complètement à nu, pour laisser respirer son épiderme, sans même songer à demander des fringues à ceux qui l'accompagnait.

– Quoi ? C'est pas comme si on allait me punir, hein ! Si l'Aar'on n'est pas content que je m'expose devant les autres, il a qu'à venir me juger lui-même, tiens ! Bon, du coup, Yun'ah a raison, on fait comment pour rentrer, nous ? Non, parce que je ne vais pas avoir une Résonance tout seul, moi, quand-même...

La question était légitime. Forcément, dans le groupe, Clé'a pouvait servir de Clé, mais sans désir ni alignement des âmes, il apparaissait peu probable que quelque chose se passe. Et puis, la Ztékoj n'avait aucune envie de s'accoupler une deuxième fois avec ce petit Humain. À vrai dire, elle semblait bien plus attirée par celui qui l'avait vaincue, à savoir le garçon aux yeux bleus. Elle ne le cachait même pas. Sa manière de se coller à lui et de lui caresser les cheveux parlait pour elle, au plus grand étonnement de Kili'an. Discrètement, il osa poser au châtain la question qui lui brulait les lèvres :

– Dis... Vous... vous l'avez fait ?

– Bah oui... – répondit Gabri'el en un haussement d'épaule. Trois fois pendant que tu dormais et une demi-douzaine de fois avant. Ça a commencé dans sa cellule après son arrestation et ça a même continué sur le champ de bataille, après qu'elle t'ait déposé sur Angra ave ton brun. Ça, on n'a pas perdu de temps. À peine elle vous avait laissé qu'elle a sauté dans la première navette pour me rejoindre. Arrête d'être choqué, t'as l'air con. Et puis, désolé, hein, mais ce n'est pas discuter de ça qui va nous permettre de rentrer chez nous ! Non, ce qu'il nous faut, c'est trouver la seule personne dans ce monde capable de te donner assez de plaisir pour que tu t'éveilles à nouveau. Ça va être une quête légendaire ! On va voyager dans toute la galaxie, rencontrer mille peuplades, s'accoupler avec tout ce qui traîne, se battre comme des malades, se faire de nouveaux alliés, prendre tous les risques, affronter de nouveaux ennemis, goûter à la nourriture loc..

– Euuuuuh – l'interrompit Cédlic en se grattant la tête. Sans vouloir me montrer trop affirmatif, je crois que celui que vous cherchez habite chez moi. Ce n'est pas loin, deux kilomètres à peine à pied, on y sera avant la tombée de la nuit... Kili, s'il te plait, dis à ton copain d'arrêter de se cogner la tête contre l'arbre, je commence vraiment à avoir mal pour lui...

Après une petite promenade, toute la petite troupe arriva au foyer de Cédlic. Sa femme, Sand'ra, accueillit chaleureusement autour de sa table. les visiteurs et ce petit frère dont elle avait tant entendu parler Après les présentations, Kili'an aperçut un étrange être qui l'observait à travers le trou de la serrure, mais qui refusait de se montrer.

– Il est timide – confessa Sand'ra.

– Dans ce cas, c'est très certainement l'homme qu'on recherche... – soupira Gabri'el, avant de s'adresser à la porte et de pointer son camarade blond du pouce. Allez, viens, n'est pas peur, il est à toi...

Aussitôt, l'ombre sortit de sa cachette et s'approcha de l'adolescent, avant de longuement le renifler. Il était du genre humain et ses cheveux étaient bruns. Physiquement, il faisait dans les dix-sept ans et sa beauté semblait sans pareille, ce qui pétrifia Kili'an. En tout point, c'était le portrait craché de son Aar'on ! La seule différence se trouvait sur son visage : l'étranger souriait béatement comme un goinfre devant un pot de Nutella encore fermé.

– Que.... QUEUWA ? Attends, y a un bug là... Aa'chouchou ? C'est mon Aa'chouchou ? Mais, euh... J'comprends rien, là !

– Pas tout à fait... – soupira Gabri'el. Mais dans l'idée, ça s'en rapproche. Il faut remonter aux origines et à la vie du premier pour comprendre. La question est surtout de savoir si vous voulez vraiment connaître le fin mot de l'histoire...

À cette question, tous répondirent oui, même le blondinet malgré l'étrange créature qui se frottait silencieusement mais amoureusement à sa joue. Confortablement assis au milieu d'un auditoire acquis à sa cause, le châtain prit sa respiration et se pinça le haut du nez. Lentement, il expira tout l'air de ses poumons, puis se lança dans son ultime récit :

– Cela remonte à l'époque du premier, l'Amoureux, disais-je, et de son petit ami. Plus précisément, aux quelques instants qui ont précédé leur décision de se sceller tous deux pour l'éternité. Au dernier moment, l'Aar'on de l'époque a pris peur. Ses réincarnations avaient comme objectif de gouverner Vojolakta, elles se devaient d'être fortes. Alors, juste avant de s'endormir dans les bras de son blond, il a décidé de couper son âme en deux. La partie virile, fière, puissante et dominatrice resterait dans son monde. La partie faible serait exilée dans une galaxie lointaine, celle de l'autre côté de Nigatruo, connu sous le nom d'Androméda.

– C'est en effet le nom de notre galaxie... – confirma Sand'ra. D'après nos scientifiques, nos deux mondes sont relativement proches et son connecté par un Vortico géant, Blankotruo...

– Nommé Nigatruo de notre côté... – compléta le châtain. C'est d'ailleurs assez simple comme fonctionnement. Les Vorticos classiques permettent de voyager immédiatement d'un système à un autre à l'intérieur même d'une galaxie. Les grands, de type Nigatruo, sont les portails entre deux mondes, mais le fonctionnement est similairement le même, à cela près que ces monstres nécessitent une énergie phénoménale pour s'ouvrir, sans quoi, ils restent en sommeil au centre de leurs étoiles. C'est là qu'intervient la Résonance...

– D'accord... – concéda Yun'ah, encore dubitative. Donc en fait, cet autre monde placé derrière Nigatruo est simplement une autre galaxie, dans laquelle les Aar'on successifs ont balancé leurs déchets au cours de l'histoire, tel le Bottel'ron où leurs mauvais côtés. Ils ont bien dû s'amuser, ici...

– Pas loin... – admit Gabri'el. À cela près que le premier Aar'on a banni ses BONS côtés, pas ses mauvais.

– Mais pourquoi ? – demanda nerveusement le blond, de plus en plus tripoté par le sosie de son brun.

– En fait, ce qu'il a envoyé ici, c'est une projection de tous ses bons côtés pour qu'ils ne l'enquiquinent pas trop dans la réalisation de sa tâche, même si ces derniers existaient quand même au fond de lui. Il l'a fait pour le bien de la galaxie qui nécessitait un être fort à sa tête, dénoué de trop de sentiments. C'est pour cette raison que de nombreux Aar'ons étaient connus pour leur cruauté. Normalement, leurs Kili'ans s'y retrouvaient plutôt bien, car ils adorent le côté viril de leur petit brun. J'me trompe, monsieur j'ai-les-joues-aussi-roses-que-le-derrière ?

– Oui, bon... – murmura, gêné, le premier concerné.

– Enfin, c'est comme ça que cette partie indésirable de lui s'est retrouvée bannie dans ce monde, sous la forme que voici. Je précise tout de même que ce ne sont que les deux facettes d'une même pièce intimement connectée, et que cette bonté, cette gentillesse et cette générosité ont toujours été en eux, même si elle était fortement camouflée. C'est juste que là, vous avez devant vous la matérialisation même de cette bonté. D'ailleurs, à son regard, je crois qu'il est amoureux... fait gaffe, Kili, je crois qu'il va te sauter dessus... Ah trop tard. Par contre, pour info il est aussi pervers que le nôtre, voire même un peu plus... Ça va tes fesses ?

– Gnnnn, ça va, ça va, j'ai l'habitude. Aie.

Il fallait bien avouer qu'en matière de rodéo, ce brun savait y faire. Le spectacle réjouit forcément toute l'assistance. Il était aussi la preuve que Kili'an allait bien. Le voir se faire prendre par tout ce qui était prenable sur la table à manger était une véritable réjouissance, qui émut même Yun'ah, si heureuse de retrouver son capitaine et peut-être aussi un moyen de rentrer chez elle faire les soldes.

– Ne te réjouis pas trop vite ! – tempéra Gabri'el. Si ces deux-là sont théoriquement compatibles, rien ne dit qu'ils puissent vraiment avoir une Résonance. Notre Kili'an est intimement lié à SON Aar'on, pas sûr qu'il puisse tomber amoureux de celui-là, beaucoup trop gentil, aimable et respectueux. Mais ça vaut le coup d'essayer.

Malheureusement, malgré un culbutage en règle du plus bel effet, rien ne se produisit ce soir-là. Piteux et déçu, Kili'an leva les fesses exigea une correction en bon et due forme pour le punir de son inutilité. À son plus grand regret, l'Aar'on local lui refusa sa punition qu'il commua en un gros bisou sur le popotin. Frustré par ce manque de sévérité, Kili'an plongea dans une colère noire teintée de tristesse, à l'incompréhension du brun qui le regardait l'air interloqué. Enfin, son argument se tenait : un Aar'on qui ne lui donne pas la fessée, ce n'est pas vraiment un Aar'on ! Là, il en avait les larmes aux yeux. Pire, il pleurait comme une fillette.

– J'veux mon Aa'chouchou, le vrai, pas cette pâle copie en sucre qui sourit comme un niais en me turlutant après m'avoir explosé le derrière ! J'veux celui qui me ré-explose le derrière après m'avoir explosé le derrière et qui me donne des Résonances !

– Ne t'en fait pas... – le rassura Gabri'el, une main glissée dans ses cheveux dorés. Si ça ne marche pas avec celui-là, cela veut peut-être dire que le lien entre toi et ton brun est arrivé à un stade proche de celui de vos plus illustres prédécesseurs, ce qui ne serait pas forcément plus mal et nous permettrait d'ouvrir le passage sans Résonance. Enfin, là, on est vraiment dans des trucs compliqués que je maîtrise mal, donc je ne sais pas vraiment, mais ça me semble plausible. Après, faut savoir que moi, j'ai pris option Art au bac en fait, j'ai toujours été une demi-quiche en science.

Sa peine atténuée, Kili'an demanda à se coucher avec gentil-Aar'on, qui pouvait potentiellement lui servir de peluche en attendant qu'il retrouve son méchant-Aar'on à lui. Sa journée avait été rude et riche en émotion. Il était nerveusement vidé. Ce fut à cet exact instant qu'une milice armée jusqu'aux dents défonça la porte de Sand'ra. Le front levé, le leader de l'escouade, un autochtone trapu et méchant, déclama la raison de sa présence en ces lieux.

– Au nom du vingt-septième Kili'an, le Bandant, je vous intime de vous rendre sans opposer la moindre résistance. Dénommés Sand'ra et Cédlic, vous êtes accusés par la Fédération des douze systèmes d'Andromeda d'avoir offert gite, couvert et protection au godemiché kilianesque connu sous le nom d'Aar'on, après sa fuite des appartements de son propriétaire, notre maître à tous, le plus grand blond que la galaxie n'ait jamais connu. Tiens, d'ailleurs, il est déjà ici. Ça pour une surprise... Je suis confus, c'est la première fois que je vous vois dans une tenue aussi légère, vous qui êtes si pudique...

– Heiiiiiiiiiiiiin ? – brama l'adolescent aux yeux verts que l'énergumène dévisageait. Quoi ? J'pige quedalle, là...

– Oh grand Kili'an, – s'excusa le soldat. Je suis désolé du manque de tact de mes combattants et de leur violence. Je ne savais pas que vous étiez déjà sur place. Je croyais bien faire, je ne voulais pas vous interrompre en pleine retrouvailles avec votre jouet intime... Je... Tiens, je me sens plus léger au niveau des épaules, d'un seul coup... Le plafond est plutôt joli, il faudra penser à féliciter la personne qui a fait la décorat...

– Quoi ? – s'étonna l'adolescent devant le cadavre fumant de son interlocuteur. Me regardez pas comme ça, il me faisait chier, j'comprenais rien à ce qu'il racontait, j'ai paniqué, j'ai sorti mon fleuret. Voilà, quoi, ça peut arriver à tout le monde, non ? Bon, on s'occupe des autres ? J'ai sommeil et j'veux pas dormir en prison !

Aussitôt dit, aussitôt fait. La pauvre escouade ne pouvait malheureusement pas grand-chose contre la team Kili'an. Les derniers soldats survivants quittèrent les lieux en se tenant leurs fesses grignotées par Link'o, tandis qu'un jeune blond se faisait recouvrir la joue de salive par un brun aux yeux pétillant d'amour. Dépité, Sand'ra tomba à la renverse. La situation, complexe, laissait interdits ses invités. Le visage contracté, Cédlic la clarifia :

– Excusez-moi de ne pas vous l'avoir dit plus tôt, mais ce monde court un grave danger. Moi-même j'ai eu beaucoup de mal à y croire, mais comme il existe dans cette galaxie un gentil-Aar'on, il y a aussi un vilain-Kili'an, qui règne sur Andromeda. Il est tyrannique, sanglant, cruel et extrêmement boudeur. Même le Bottel'ron exilé ici a préféré se cacher plutôt que de l'affronter, tellement il en avait peur ! Au début, je ne voulais pas y croire, je pensais être en face de mon frère, mais ils n'ont rien en commun. Alors, avec ma compagne, nous avons rejoint la résistance pour l'empêcher de nuire. Il y a quelques mois, nos alliés ont lancé une attaque sur la station orbitale et ont réussi à lui arracher gentil-Aar'on, que nous avons caché ici, sur Freyja. Malheureusement, il a retrouvé notre trace. Il faut fuir au plus vite avant qu'il ne nous retrouve. Son Regard est terrifiant, et il n'est pas connu pour faire des prisonniers.

Si cette révélation complètement imprévue fit exploser de rire Clé'a, elle laissa de marbre Mart-1, Yun'ah et Kili'an. Ils ne comprenaient pas du tout comment cela pouvait être possible. Dans la bande, seul le garçon aux cheveux châtains semblait saisir ce qui se passait réellement dans cette étrange galaxie. Il leva le doigt et exulta :

– J'ai peut-être une explication !

– Quoi donc ? – demanda la mécanicienne, fatiguée par tous ces retournements de situation.

– Ça m'avait échappé, mais en fait, lorsque le premier Aar'on a banni ses bons côtés de cette galaxie, son Kili'an a pété un câble comme jamais. Quand il a compris que ses réincarnations devraient se taper le côté dur, cassant et méchant de son brun, il a décidé de se venger en bannissant dans Andromeda ses pensées négatives. Uniquement pour faire chier gentil-Aar'on et lui rendre la vie impossible ! C'était vraiment super puéril, mais bon, c'était le premier Kili'an en même temps, on ne peut pas lui en vouloir. Apparemment, c'est ce qui a créé cette... chose ! En gros, c'est simplement la représentation de sa bouderie et de son mauvais esprit poussés à l'extrême. Une vraie saloperie. Nan mais faut pas croire, le premier Kili'an, il avait quand même son petit caractère. Il n'était pas du genre à se laisser marcher dessus comme certains de ses successeurs ! Donc voilà. Marrant nan ? Vous êtes pas d'accord ? Sérieux, les gars ? Allez, rigolez un bon coup, c'est plutôt comique quand on y pense, non ? Vraiment ? Par contre, la bonne nouvelle, c'est que si tu lui rétames la gueule, en théorie, tu pourrais l'absorber et redevenir un Kili'an entier, comme le tout premier, et du coup sauver ce monde. En plus, derrière, forcément, le lien avec ton Aar'on resté de l'autre côté sera encore plus fort, et on pourra rentrer chez nous en tentant une Résonance des esprits à distance. C'est pas trop cool ? He les mecs, là, j'crois qu'on la tient, notre quête trop géniale ! À nous les combats épiques, les voyages fabuleux, les rencontres imprévues et les gonzesses ! Ça va être super méga top, vous allez voir !

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