43. Hecatl

Si un éléphant, ça trompe énormément, et bah un Kili'an, ça suce encore plus. Ouais, je sais, faut vraiment que je termine rapidement ce roman, ça devient n'importe quoi... – Journal intime du premier Aar'on –

*****

– Et voilà, un bon steak de megatlalocodon encore saignant de chez Jéro'chi, bon appétit ! Dites-moi, vous venez souvent ici ? Les touristes sont rares, en cette période... Avec la guerre et tout ça, un humain en plus, vous prenez des risques... Enfin, pour moi, tant qu'il paye, un client est un client !

Le soleil Totec s'était couché dans le ciel de Tlaloc. Au milieu des étoiles, la lune Hecatl brillait de sa lueur argentée. Sa capuche sur la tête, l'homme vêtu de violet sourit au Ztékoj qui venait de le nourrir, puis mordit dans sa pitance. Cette viande aquatique était un peu salée, mais pas désagréable à manger. Il avait besoin de force. Le tavernier lui semblait sympathique. Il poursuivit la conversation.

– Non, c'est rare... la dernière fois remonte à tellement longtemps que je m'en souviens à peine, même si je pense avoir laissé quelques bons souvenirs à certaines de vos consœurs... Certaines me surnommaient même « le démon d'Hecatl » ! C'est que j'en ai fait frétiller, de la poche pectorale ! Sinon, vous parliez d'une guerre ? Je vous avoue, je m'intéresse assez peu à l'actualité. Il s'est passé quelque chose dernièrement ? Votre système est toujours bien sous domination Kekchi, non ? Je croyais Solmanassé bien intégré à la Fédération...

Plus que son sourire, les mots de l'Humain firent frissonner le vieux Ztékoj. Clairement, il avait encore à faire une de ces pourritures fédérées se comportant partout comme en terre conquise. Celui-là était encore plus étrange que tous les autres. D'apparence juvénile, il parlait comme s'il avait vécu plusieurs vies. S'il jouait les idiots, il semblait en savoir bien plus qu'il ne le prétendait. Un espion ? Un membre de la police fédérale sous couverture ? Dans tous les cas, il était forcément dangereux. Calmement, Jéro'chi répondit comme si de rien n'était. Il devait tenir jusqu'à l'arrivée de la milice. Elle serait là d'une minute à l'autre...

– Oui, mais plus pour longtemps... – ricana le Ztékoj. Suite aux disputes entre l'Aar'on et le peuple Kekchi, ces derniers ont fait bande à part. Ils contrôlent leurs propres troupes, stationnées sur Chicome, la planète voisine. Les pauvres n'aiment pas trop l'eau, le climat de Tlaloc leur réussit moins... Les principaux colons sur cette planète sont des Humains, comme vous, mais adaptés au monde aquatique. Ils vivent reclus dans leurs villes et seront les premiers à mourir quand le Bottel'ron nous délivrera de nos chaines. Son armée, menée par une de nos sœurs en plus, est en route. Bientôt, nous serons tous libre. Et vous, tous morts. Allez, terminez votre steak, c'est peut-être votre dernier...

Fatigué, l'Humain soupira. La viande était trop cuite et les informations frelatées. Il avait quand même bien peu de chance. C'était la troisième taverne de surface qu'il faisait, et à chaque fois, on lui racontait des banalités. Que les Kekchis fussent en situation de faiblesse et que les renforts fédérés, bloqué de l'autre côté des Vorticos n'arrivassent pas, il l'avait déjà très bien compris. Lui-même avait eu plutôt du mal à trouver un passage vers Tlaloc, et avait dû jouer sur les illusions pour passer certains postes de sécurité. Mais même le fait que Clé'a préparait une offensive, ce n'était pas une surprise. Ses vaisseaux s'étaient massés dans le ciel et n'attendaient que son feu vert pour lancer l'assaut et libérer les pauvres Ztékojs opprimés.

Non, ce que l'Humain n'arrivait pas à comprendre, c'était le plan derrière tout ça. Pourquoi le Bottel'ron avait-il confié à sa principale lieutenant la majorité de sa maigre armée pour attaquer un point aussi peu stratégique que le système Solmanassé, au risque de laisser Soljamine sans défense ? Pour intégrer les Ztékojs ainsi libérés dans ses rangs ? À de rares exceptions, ces derniers faisaient de piètres combattants. Leur talent résidait bien plus dans leur technologie de pointe que dans leurs aptitudes physiques. Malheureusement, plusieurs générations d'asservissement leur avait fait prendre un peu de retard en matière d'armement, notamment pour tout ce qui était missiles bioniques téléguidés à très longue portée. Le Bottel'ron ne pouvait l'ignorer. Cette opération ressemblait à tout sauf à un plan censé. Certes, le succès dans la bataille était écrit. Mais si c'était pour diviser ses forces en obtenant une victoire à la Pyrrhus, était-ce bien utile ? Et qui, d'ailleurs, était ce Pyrrhus dont l'Humanité avait perdu la trace en même temps que leurs souvenirs de l'existence de Canaan ? Tout le monde s'en fichait complétement !

Enfin, l'attaque programmée de Clé'a avait forcément une autre finalité que celle de sauver son peuple. Restait à comprendre laquelle. L'homme en violet avait beau chercher, il ne trouvait aucune réponse. Poussant sa viande sur le coin de son assiette, il demanda à boire.

– Qu'est-ce que vous avez de bon qui descend facilement dans la gorge ?

– Que diriez-vous de votre propre sang ?

– Nan, ça, c'est trop cliché... On se connait à peine, on a un peu discuté, vous sortez une arme, vos copains arrivent par derrière pour m'empêcher de fuir, vous faites les kékés avec votre Regard trop puissant, je vous montre le mien en retour, vous faites dans votre froc et vous mourrez tous... À la fin, ça se finit toujours de la même manière, le mec badass gagne facile à un contre vingt et se tape la frangine, la femme ou la fille du tavernier. Quand-même, vous ne pensez pas que ça irait plus vite si vous me présentiez directement votre gamine ? Non ? Bof ? Bon, tant-pis alors. Va pour la baston...

Tout ce que l'Humain avait prédit se réalisa, à un seul détail près. S'il l'emporta facilement contre deux douzaines de Ztékojs, membres du principal réseau de résistance contre la Fédération qui avait par ailleurs prêté allégeance au Bottel'ron pour faciliter la tâche sur place à son armée, l'être vêtu de violet se retrouva particulièrement chiffonné par un simple détail. Jéro'chi n'avait pas de fille, mais un fils, bel adolescent pas timide pour un sou qui répondait au nom de Max'ou. Il avait la peau bleu ciel et des cheveux tirant vers le orange. Et surtout, il voulait à tout prix remplir sa part de la prophétie.

– Mais il va me lâcher ? Mais il est pire qu'un Splatos, celui-là ! Tu ne veux pas aller turluter ailleurs ? C'est que j'ai du boulot, moi... Il faut absolument que je découvre ce que projette Clé'a, sinon, on court tous à la catastrophe...

Max'ou ne l'entendait pas de cette oreille. Enfin débarrassé de son tyran de père et de ses idées sorties tout droit d'un autre siècle, il tenait bien à remercier celui qui l'avait sauvé en lui prodiguant tous les services auxquels les jeunes Ztékojs de son âge étaient tenus face à l'envahisseur. Une attitude qui énerva particulièrement l'Humain.

– Tu sais que ce que tu racontes est hautement incohérent ? Déjà, je ne t'ai pas sauvé, j'ai butté ton père, tu devrais me haïr pour ça ! Ensuite, si je t'avais libéré de quoi que ce soit, ça ne serait certainement pas pour t'asservir sexuellement derrière ! En plus, t'es un mâle, et moi, j'me tape jamais les mâles, j'aime pas trop ça ! Même que j'ai une autorisation spéciale de l'Aar'on pour déroger aux règles du code sexuel en matière de copulation reproductive... Je suis le seul dans tout l'univers à n'avoir aucune restriction de sexe et d'espèce ! J'me suis tellement amusé que si tu fais un sondage chez les femelles de tous les Âminêtres et Âminaux qui existent, je suis sûr que ma semence est dans le top dix des mets les plus consommés de tout Vojolakta ! Après le Nutella, mais avant les Chiqueuns ! Elle a même des vertus thérapeutiques rares, notamment chez les Kili'ans !

– Ah mais nan, mais moi j'ai envie ! – réagit le bleuet. Je m'entendais mal avec mon père car il était trop fermé d'esprit sur tout ce qui était sexualité. Pour lui, c'est mâle-femelle et uniquement intra-espèce, le truc trop chiant... Un vieux con, quoi ! Il n'a jamais supporté que je sorte en cachette avec un Bèrbire, des Âminaux originaire de Chicome qui aiment bien squatter chez nous et qui passent leur temps à se noyer dans nos océans. Ji'bril il s'appelait, il était trop chou ! Papa l'a assassiné dans mon lit puis l'a fait rôtir. Eh bah, il était meilleur à laper qu'à manger ! Donc moi, à ce niveau-là, j'suis à fond les ballons pour ouvrir le plus largement possible la sexualité non reproductive ! Bon, j'peux goûter ? Au fait, si vous avez besoin d'un guide ou d'un indic, j'suis votre Ztékoj ! Vous pouvez me poser toutes les questions que vous voulez...

L'Humain hésita quelques secondes. Son enquête était au point mort et son nouveau camarade semblait posséder une langue loquasse et musclée, de quoi lui soutirer des informations de grande valeur. L'accord se fit naturellement. Max'ou se mit à table.

– J'confirme, c'est goûtu, ça fond sous la langue. Si on pouvait le mettre en bouteille, je crois bien qu'on serait riche... J'ai déjà une idée de slogan marketing... Chez vous, partout, emportez un nuage de brume d'Hecatl... Ça ferait un tabac.

– EST-CE QUE JE PEUX AVOIR DES RÉPONSES À MES QUESTIONS, MAINTENANT ! Non, c'est bon, quoi, j'ai rempli ma part du contrat, à ton tour !

– Ah... oh... Oui, pardon... – murmura le Ztékoj. C'était quoi la question ?

– Le plan ! – mugit l'être tout de violet vêtu. Quel est le putain de plan de Clé'a ? Pourquoi elle veut attaquer Tlaloc ? Quel est son objectif ?

– Ah, ça... J'avoue que je ne sais pas trop. Même mon père n'était pas dans la confidence, et pourtant il a servi toute sa vie comme agent de la résistance. Tout ce que je sais, c'est qu'elle se moque de Tlaloc. Ce qui l'intéresse, elle, c'est Hecatl... Dès qu'elle aura pris le contrôle de Solmanassé, elle veut y envoyer tous les Ztékojs pour organiser la plus grosse partouze de l'Histoire, un truc de malade. Enfin, moi, je ne pense pas y aller... L'amour à la papa sur la lune bouillonnante avec une femelle pour se reproduire, c'est pas trop mon trip. Moi, je recherche des sensations plus exotiques. Il était vraiment mignon, mon Ji'bril, c'est dommage... J'l'avais bien entraîné, en plus...

Sonné, l'Humain réalisa à cet instant ce que son meilleur adversaire avait en tête. Il tremblait. La sueur s'était emparée de son dos. Clé'a se foutait bien de son peuple. Ce qu'elle voulait, c'était plonger la galaxie toute entière dans le néant. Il y avait urgence.

Une dernière fois, l'Homme se tourna vers son jeune ami. Ce qu'il vit le foudroya d'effroi. Le Ztékoj léchait goulument une sucette en observant la photo d'un de ses compatriotes qui semblait lui faire divinement envie.

– Que... Tu fais quoi, là ? Où as-tu eu cette image ?

– Quoi ? – s'étonna sincèrement Max'ou. Attends, faut bien vivre, non ! On ne devient pas un grand champion sans un grand entraînement ! C'est simplement un mec super canon que j'ai croisé hier en faisant les courses. Il attendait pour s'envoler sur Hécalt, il était seul, c'est pour ça que je l'ai repéré. D'habitude, ce n'est pas le genre de trajet qu'on fait sans être accompagné. On a discuté un peu, il était chelou, il m'a dit que s'il revenait vivant, il accepterait peut-être de coucher avec moi, puis il a explosé de rire... Mais en attendant, je n'avais droit qu'à la photo... Pourquoi est-ce qu'à chaque fois que je tombe sur un beau gosse, il est soit en couple, soit taré, soit Humain ? Tu l'crois, ça ?

Son interlocuteur le regarda. Pour la première fois depuis qu'il avait mis les pieds sur cette planète, il décocha un sourire. Son enquête n'avait pas été veine.

– Non... rien... Merci pour ton aide... Grace à toi, je sais exactement ce qu'il me reste à faire.

*****

Clé'o n'avait eu aucun mal à s'embarquer pour Hecatl. En ces temps troubles, son apparence était le meilleur laissez-passer. Ztekoj il était né, Ztekoj il mourrait. Dans la navette qui le menait à destination, il repensait à ce qui l'avait poussé à ce choix. Après son entrevue avec l'Aar'on, il s'était mis en tête d'arrêter sa sœur par ses propres moyens. Enchainés et limités par des jeux politiques, les Humains étaient trop faibles et ignorants. Lui-seul semblait être en mesure de lui tenir tête. Il était allé à sa rencontré. Il avait échoué. Non, il avait même failli mourir comme l'insignifiant animal qu'il jugeait être. Cette défaite, pourtant, n'avait fait que renforcer sa motivation. Il lui fallait simplement plus de puissance.

Voguant telle une âme en peine, il avait réfléchi à plusieurs plans sans en trouver un seul de potable. Sur le moment, il s'était convaincu que s'il mettait la main sur Camill – un authentique Synchrotron – et s'il s'unissait à lui, il pourrait augmenter la portée et l'efficacité de son RP Névrose et lutter à arme égale contre le Vertige de Clé'a. Le hasard avait mis le Swinton sur sa route. C'était un signe du destin. Il lui fallait Camill à tout prix.

Là encore, il avait lamentablement échoué. Il était trop affaibli pour se battre. Kili'an et son équipage l'avaient fait prisonnier. Même s'ils l'avaient sauvé et soigné, son objectif n'était pas de faire ami-ami avec ces misérables Humains. Déposé sur Spenta, il s'était éclipsé dès que le blond de service lui avait tourné le dos. Pendant plusieurs heures, il avait vogué à droite à gauche à la recherche d'un vaisseau à chouraver en pensant, dans un moment de déprime, à sa planète natale qu'il avait quittée petit enfant et qu'il n'avait jamais revue. Elle lui manquait. Atrocement.

Puis, il avait rendu l'âme. Enfin, c'était ce qu'il avait pensé sur le moment. Une énorme lumière avait englouti tout Spenta. Une explosion avait suivi, rayant la moitié de la lune de la carte. Le Ztékoj s'était vu mourir. Finalement, il avait lamentablement échoué. Ses yeux semblaient s'être définitivement clos.

Quand il les avait rouverts, il était allongé sur le sable fin d'une des plus belles plages de Tlaloc. Son paradis personnel ? Il n'en était rien. Les coups de pieds et de poings que lui avaient balancé dans le ventre quelques Humains et Kekchis membres des forces de polices lui avaient immédiatement rappelé les causes de sa haine. L'asservissement de son peuple était la raison pour laquelle il s'était rebellé dans un premier temps. Dire qu'à présent, il faisait tout son possible pour sauver ces imbéciles...

Après trois jours de cabane pour défaut de port de ©Végéscratch, il était ressorti, plus déterminé que jamais. Sans alliés ni armée, il ne pouvait que compter sur lui-même. Dans les rues, il croisa des enfants qui jouaient au ballon. Il leur sourit. Les malheureux... Plus loin, certains adultes semblaient étrangement joyeux. Les nouvelles parlaient du retour du Bottel'ron, le sauveur des Ztékojs. Son armée était en route pour libérer les opprimés. Clé'o avait ri jaune. Sa sœur menait les opérations. Il connaissait parfaitement son plan. Pour cause, ils l'avaient imaginé ensemble. L'empêcher était ce pourquoi le bleuet avait fait le choix de trahir la personne qu'il aimait le plus au monde. Si lui et Clé'a avaient plongé dans un océan folie, un seul d'entre eux en était sorti. Il devait sauver son peuple. La mort plutôt que l'oppression ? Quel imbécile il avait été. Sa frangine ne venait pas apporter le salut aux Ztékojs. Elle venait les sacrifier sur l'autel de sa propre mégalomanie.

À ses yeux, le Bottel'ron n'était qu'un pion, tout comme Gér'ar avait lui et tous ceux qu'elle avait prétendu servir. Les antihumains devaient lui permettre de ramener le roi des Ashtars. Ce dernier devait lui apporter l'armée nécessaire pour reprendre le contrôle de Tlaloc et mettre à exécution son véritable plan. Tout effacer. Tout rembobiner. Tout recommencer. Créer un nouveau monde dont elle serait la reine. Un monde sans Aar'on, sans Kili'an, sans Humains.

Clé'o ne connaissait qu'un seul moyen de l'en empêcher. Il devait détruire Hecatl. Il devait se sacrifier. Pour que l'univers continue de tourner, pour que les enfants puissent jouer et qu'un futur puisse exister...

Du coup, il avait acheté un billet.

C'était la procédure normale depuis que son peuple avait évolué. Les anciennes générations se laissaient porter par les forts vents pour atteindre cette bulle d'air brulante quand elle était au plus proche de Tlaloc, une fois dans l'année. Les technologiques modernes permettaient désormais aux Ztékojs d'aller y forniquer quand ils voulaient.

Composée à quatre-vingt-dix-neuf pourcents d'un gaz chaud atteignant les trois cents degrés, Heactl était la lune où se reproduisait son peuple. La chaleur et l'absence de gravité améliorait très grandement la fertilité des Ztékojs, en plus d'apporter un plaisir incommensurable pendant l'accouplement. C'étaient dans ses vapeurs que se concevaient la majorité des bébés. C'était là où Clé'o avait été désiré. C'était là où tout s'arrêterait.

Au moment du départ, il avait croisé un jeune de son espèce. Ils avaient discuté. Il était plutôt mignon, tout comme son nom. Max'ou. Sans doute dans une autre vie aurait-il pu s'en faire un ami, voire plus. C'était trop tard de toute manière.

Il était arrivé.

Plongeant la tête la première dans l'atmosphère lourde d'Hecatl, Clé'o nagea pendant des heures. Sa destination finale était le noyau où il devait exploser, pourfendu par son propre Regard. Privée de son centre, la lune deviendrait instable et ses nombreux atomes se disperseraient partout dans l'espace en laissant suffisamment de temps aux couples en plein acte pour fuir avait d'eux-mêmes finir dissipés. Plus le Ztékoj s'approchait de son objectif, plus la chaleur augmentait, passant de trois cents à quelques milliers de degrés. Protégé dans sa sphère focale, il tenait bon. Il y était presque. Il donnait sa vie pour les siens. Il confiait à un stupide blond le destin de millions d'espèces à travers la galaxie. S'il pleurait, c'était sans aucun doute de joie.

– Arrête ! Tu n'es pas obligé de mourir.

Cette voix... Clé'o tourna la tête. Une ombre violette s'était massée derrière lui. Le Ztékoj la reconnu immédiatement. C'était risible.

– Gabri'el... Je te croyais mort sur Spenta... C'est en tout cas ce qu'ils disaient sur VFM TV... Un reportage avait filmé les membres du Swinton à son retour sur Thot et tu n'y étais pas...

– Faut pas croire ce que disent les infos ! Attends, il faut plus qu'une petite explosion pour me crever ! Alors comme ça, c'est à ta planète natale que tu as pensé en dernier ? Logique. Dis, tu ne trouves pas qu'il fait super chaud, ici ? Je suis sûr qu'on serait mieux à la surface pour discuter... D'ailleurs, je te conseille de te rendre tout de suite et de me suivre sans opposer de résistance, je n'ai pas envie de me battre avec toi. Te tuer alors que j'essaie de te sauver, ça ferait mauvais genre. Faut penser au mec qui ensuite va devoir se taper l'écriture de la légende pour les générations futures...

Immobile, le Ztékoj observa son interlocuteur en chialant. Au fil de leurs affrontements, Gabri'el lui avait presque tout prit. Mais là, il ne pouvait lui enlever sa fin.

– C'est trop tard. Je dois le faire, et je dois le faire maintenant. Je n'ai pas réussi à arrêter ma sœur, laisse-moi au moins empêcher son plan... Tu ne sais pas ce qu'elle prépare...

– Si... – sourit tendrement l'Homme aux yeux bleus. J'ai compris quand j'ai appris que tu voulais venir seul ici pour détruire Hecatl. Elle veut pousser un maximum de Ztékoj à s'unir en même temps dans un état d'excitation maximale, en se tenant elle-même au centre de cette lune. En tant que Clé, elle doit penser pouvoir catalyser l'amour tout autour d'elle pour provoquer une Résonance d'un genre nouveau, encore plus intense que celle que le premier avait connu avec son Kili'an. Son souhait n'est pas ici de simplement ouvrir Nigatruo, mais de l'utiliser pour avaler tout Vojolakta et en recracher une galaxie complètement neuve et vierge. Tout effacer et tout recommencer, c'est ça ? Un monde à son image et à sa main... En tant qu'artiste, j'admets que c'est un projet perché mais pas inintéressant... Fallait y penser, j'avoue même être un peu jaloux...

Particulièrement étonné par la perspicacité de l'Humain, Clé'o n'en bouillonnait pas moins pour autant. Ses larmes inondaient son visage et son corps.

– Si tu as deviné son plan, alors tu as forcément compris aussi que le seul moyen de l'empêcher est de détruire Hecatl et son noyau. Seule une Clé, comme elle et moi, pouvons le pénétrer ! Une fois à l'intérieur, je n'aurais qu'à me faire sauter, et tout sera terminée... Je t'en supplie, ne te mets pas en travers de mon chemin...

– Ta mort ne changera rien. – implora Gabri'el. Crois-moi, son plan est voué à l'échec ! Kili'an et son équipage sont en route, je les sens venir. L'Aar'on est avec eux. On peut encore sauver tout le monde. La Fédération, ton peuple, toi... et même ta sœur... Prends ma main et sortons. Nous allons avoir besoin de toi vivant pour les bataille à mener, Clé'o... S'il te plait...

Les mots n'y faisaient rien. La détermination du Ztékoj était totale. Le combat semblait inévitable. Pourtant, il ne dura pas plus de quelques secondes. À bout de souffle et d'énergie, Clé'o s'était entouré de toutes les lames que sa Névrose pouvait lui offrir. Gabri'el vola à travers elles jusqu'à pouvoir coller son torse à celui de son adversaire. Une seule attaque suffit à faire la différence. Elle avait un nom bien particulier. Elle se nommait « le baiser de l'ange ». À peine quelques millièmes de secondes après l'avoir reçu, Clé'o s'effondra dans les bras de son adversaire. Il s'avouait vaincu.

– Sauve-là... Promets-moi que vous allez la sauver elle aussi...

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