29. Muan
J'vais la tuer. – Journal intime du premier Aar'on –
*****
L'atmosphère orange des profondeurs d'Ixtab avait laissé place à une aura bien plus sombre. En moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire, l'Aar'on et son armée prirent possession des lieux et firent prisonniers les quelques survivants du massacre perpétré par Clé'o. Levant haut le front et soumettant les lieux à Vortication, le Légitime s'avança en direction de son blond personnel. Grinçant des dents, il ne put que constater son état déplorable de souffrance et d'abandon. Kili'an était plongé en plein chaos. Son corps avait subi la pire des tortures. Son âme détruite lui donnait un regard vide et triste. La teinte verte pétillante de ses yeux avait laissé sa place à un voile pâle. Ses lèvres sèches murmuraient à peine des mots que la voix stridente de Clé'a couvrit de toute sa rage :
– Maître, laissez-moi m'en occuper ! – supplia la Ztékoj en direction du Bottel'ron. Il est à moi !
Faisant face au jeune brun, la rebelle sourit puis cracha de manière provocante sur le corps nu de Kilian, rajoutant une ultime souillure à toutes les autres, rouges et blanchâtres, qui recouvraient son organisme. Pris d'une rage intense, l'Aar'on laissa exploser sa fureur. Croisant son Regard, même le maître des Ashtars se sentit obligé de reculer d'un pas, avant de rire aux éclats.
– Ainsi, tu es l'Aar'on? Le combientième exactement ? Vingt-cinquième ? Vingt-sixième ? Je me suis battu avec nombre de tes prédécesseurs. Beaucoup étaient courageux, plus encore étaient faibles.
Puis, après avoir soulevé Kili'an par les cheveux :
– C'est lui, ta faiblesse, n'est-ce pas ?
– RENDS-LE-MOI – hurla en guise de réponse le maître de Vojolakta. RENDS-LE ! Il est à moi, À MOI ET À MOI SEUL ! Personne... PERSONNE n'a le droit d'y toucher ! Personne !
– Ah bon ? – s'égosilla Clé'a en se tenant le ventre. Monsieur l'Aar'on a un acte de propriété ? À moins qu'il ne veuille parler de ses stupides lois qui ne concernent que lui ! L'ère de la domination de votre stupide Fédération sur mon peuple est terminée ! Demain, c'est toi et les tiens qui nous servirez d'esclave ! Et avant de te tuer, on t'enfermera dans une cage et on donnera sous tes yeux ton petit blond en pâture à tous ceux que vous avez humiliés ! Et tu chialeras en le voyant se faire violer jusqu'à la mort ! Puis on t'arrachera la langue et on la filera à bouffer à ta progéniture !
– Toi, tu vas mourir ! – prophétisa le brun, furieux.
– J'ai peur ! J'ai tellement peur... – s'amusa la Ztékoj avec son air toujours plus provocant. L'Aar'on me menace ! À l'aide ! Il va sauter son blondinet et créer une Résonance ! On va tous mourir ! Ah non c'est vrai, il ne peut pas... Le Kili'an n'est plus en état de recevoir sa divine semence... J'ai cassé son jouet ! Oh, pauvre Aar'on, il doit être tellement malheureux...
– Ça suffit, Clé'a ! – coupa le Bottel'ron. Nous avons autre chose à faire que de perdre du temps ici. Ramasse ton frère ainsi que le garçon source d'énergie et suis-moi.
Puis, jetant le corps brisé du blondinet aux pieds de son véritable propriétaire :
– Tiens, jeune Aar'on. Pour fêter mon retour et ta fin prochaine, laisse-moi t'offrir ce présent. Je n'ai peur ni de toi, ni de lui, et encore moins de vous deux réunis. Ce garçon est profondément faible, ton Regard manque de détermination, et vos sentiments sont trop embrouillés pour représenter le moindre danger. Votre amour est bien pâle à côté de celui qui unissait certains de vos prédécesseurs.
Tournant le dos au jeune brun qui s'était jeté sur le corps de son bien-aimé, la bête immonde disparut derrière un voile de fumée à travers une galerie trop sombre et profonde pour que le moindre représentant de la Fédération ose s'y aventurer. À sa suite, les deux Ztékojs s'y précipitèrent avec le jeune Benj'am inconscient sous le bras et les quelques rares antihumains épargnés par Clé'o et ayant résisté à l'armée de l'Aar'on dans leur dos.
Quelques instants plus tard, l'Aar'on exigea que tous ses soldats quittent les lieux. Il voulait être seul. Seul avec son Kili'an et ceux qu'il tenait pour responsable de cet échec.
Devant le corps meurtri de son adorable petit blond aux cheveux si fins et doux, au visage si candide, au torse si bien dessiné, aux mains si adorables et aux fesses si parfaites, il cria, beugla, hurla, brailla, brama et rugit de toutes ses forces. Il s'en voulait d'avoir pris la mauvaise décision et d'avoir envoyé dans un tel traquenard le garçon qui comptait le plus à ses yeux. Non, qui était toute sa vie et même plus encore. Ce piège pourtant flagrant, il n'avait pas été capable de le prévoir et de le sentir. Par son aveuglement et son manque de discernement, il avait rendu possible ce plan maléfique. Il se croyait grand et fort. Il manquait tout simplement de maturité. Parce que le poids qui pesait sur ses épaules était immense, il avait avancé avec une prétentieuse assurance. Depuis toujours, de par son intelligence plus grande que toutes les autres et de par son Regard lui offrant charme et pouvoir, il s'était cru à la hauteur de ses responsabilités. Il avait en réalité été en dessous de tout. L'âme de son Kilian avait été violée et il en était le premier responsable. Si cela n'avait été que son corps, cela aurait encore été habituel. Un simple jugement aurait pu punir la lubricité de ce petit blond pas foutu de gérer l'effet de ses foutus phéromones sexuelles capables de faire bander même les macchabées. Mais là, cet acte, cette Résonance forcée, cette souffrance... L'Aar'on se sentait plus coupable que jamais. Ne pouvant se punir lui-même pour d'évidentes raisons politiques – la stabilité de la Fédération dont il était à la tête n'avait certainement pas besoin que son leader s'auto-flagelle –, il promit de se venger cruellement de tous ceux qui avaient osé faire du mal à son trésor et chercha parmi les présents des responsables sur qui passer ses nerfs. L'équipage entier du Swinton fut passé en revue, et tous en prirent pour leur grade, les vivants, les blessés et même les morts.
Pour son crime d'avoir fini en morceaux – ce qui nécessiterait encore une fois de lourdes réparations qui viendraient ponctionner d'autant le budget jeux vidéo du blond trop mignon – Mart-1 l'androïde roux fut traité de tas de ferraille inutile et condamné à changer de couleur de cheveux. D'ailleurs, à cause de sa faute, la couleur orange des tifs et toutes autres sortes de poils ou de parures équivalentes fut déclarée illégale. La peine prévue pour les contrevenants refusant de lutter artificiellement contre leur ADN fut fixée à trois testicules d'amendes. Pour certaines espèces comme les Keutards – qui en avaient plusieurs centaines pour agrémenter les nombreux dards ornant leur épiderme –, ce n'était pas vraiment un problème, ils pouvaient s'acquitter sans soucis de l'amende. Mais pour un robot sans couilles comme Mar-1, forcément, les choses s'avéraient plus compliquées : il devait commencer par s'en faire greffer pour ensuite pouvoir se les faire enlever. Ce à quoi Yun'ah s'opposa fermement.
– Ah nan ! S'il on lui en met, faut que ça serve ! J'veux passer avant qu'on les lui coupe !
– Mais... – reprit l'androïde en bégayant. T'as pas arrêté de me dire que je n'avais pas le droit de faire des choses avec toi parce que j'étais un robot !
– Non ! – corrigea la mécanicienne-traître. Ça, c'était parce que t'es roux et qu'une fille doit toujours dire qu'elle ne couchera pas avec un roux avant le mariage pour se donner un genre ! Enfin, arrête de faire cette tête, tout le monde sait que j'ai envie de coucher avec toi ! Ça fait depuis notre mission sur Frigg que tout le monde a compris ! C'est juste que j'attends de ta part un peu de romantisme, que tu me donnes envie sans me donner l'impression que tu ne penses qu'à ça... J'suis une fille, j'suis compliquée, c'est normal... À chaque fois que tu me demanderas, je te dirais non !
Compréhensif, l'Aar'on admit que ce que le pauvre Mart-1 subissait avec sa collègue de mission était une punition qui compensait plus que largement sa faute. Ainsi, sa peine fut commuée en une semaine de vacances entre mecs à regarder des nichons sur la plage, ce qui lui ferait le plus grand bien. Quant à la mécanicienne du Swinton qui s'était sortie de toute cette pagaille avec un minimum de blessure, elle fut condamnée à être honnête avant la fin de l'aventure avec l'androïde sur qui elle craquait. Parce que franchement, leur histoire devenait très clairement ridicule.
Les autres membres de l'équipage n'eurent pas le droit au même traitement de faveur. Pour avoir mordillé des mollets au lieu de protéger son capitaine au péril de sa vie, Link'o fut très méchamment grondé, consigné dans sa « Nich » – le nom de sa cabine personnelle dans le Swinton –, et privé de nonos et de confiseries. De toute manière, ce régime était pour son bien ! Il fallait à tout prix réparer les conneries de Kili'an qui avait cru bon de rajouter une lichette de Nutella sur la pâtée de son compagnon à quatre pattes pour lui faire plaisir. Ah ça, l'animal avait été content ! Certes, il avait refait la décoration en vomissant partout, mais il avait été content.
Camill, lui, fut accusé de trop réfléchir et de ne pas assez être lui-même, ce qui se révélait plutôt gênant dans le feu de l'action. Et quand le change-sexe en pleine question existentielle demanda qui il était précisément, l'Aar'on n'arriva pas à répondre et s'énerva au plus haut point.
– On s'en fout de c'que t'es tant que t'es heureux de l'être ! Ou heureuse ! On s'en tape ! Mais sois-le !
Camill eut beau rétorquer que cela n'avait pas grand-chose à voir avec la triste mésaventure qui était arrivée à son capitaine, le Légitime lui répondit que c'était au contraire central, que Kili'an l'adorait et se souciait énormément de lui. Ou d'elle. Enfin, ça dépendait de la taille de son soutien-gorge du moment.
De son côté, Ko'a fut traité de machin gluant et inutile. Tout à fait d'accord avec cette analyse d'une grande finesse – il était tellement content d'être un personnage important de l'histoire qu'il s'en fichait –, le Splatos demanda l'autorisation de « finir » Kili'an. Après tout, heureux ou maussade, le jeune blond restait un mets de choix qu'il avait une folle envie de déguster et sur qui il voulait absolument coller ses tentacules. Un coup de pieds dans ce qui lui servait de fesses plus tard, l'Âminal se retrouva rétrogradé d'assistant sexuel à machin inutile préposé à la décoration, faute de pouvoir le virer à cause de la convention collective signée par son espèce avec un représentant de la Fédération bourré qui avait fini sa carrière dans le cachot B22 des profondeurs de Thot.
Pour Man'on, l'Aar'on mit un certain temps à trouver la punition adéquate. Voulant tout d'abord condamner la Kekchi à mort pour dualité avec l'ennemi, il dut revoir ses plans après que la majorité de ses conseillés lui aient rappelé qu'on ne pouvait légalement pas exécuter un cadavre. En fin de compte, pour son crime, la pauvrette se retrouva privée de dessert. Il était d'ailleurs intéressant de voir que les lois fédérales étaient tellement mal foutues que, si on ne pouvait pas condamner à mort un macchabée, on pouvait sans problème lui interdire l'accès à la nourriture. Même s'il n'avait plus ni bouche, ni dent. Dès qu'il aurait une minute à lui, et ça, il le promettait, l'Aar'on reverrait toutes les règles stupides que vingt-six bruns avaient pu pondre avant son accès au trône, chantier que vingt-cinq avaient été incapables de mener à cause de la décision du premier d'entre eux d'imposer comme loi centrale de la Fédération qu'un Aar'on était forcément obligé de consacrer tout son temps libre à l'étude, la recherche ou l'affection d'un Kili'an et à nulle autre chose.
Enfin, parce qu'il en restait un à punir qui avait disparu de la grotte, le Légitime héla son nom :
– Où est passé ce foutu Gabri'el ?
Levant timidement la main, une peluche ailée baissa la tête et prononça le principal mot de son vocabulaire.
– Geb...
Ce qui, en langage humain, voulait dire : « J'ai pas fait exprès, aïe bobo ma tête, arrêtez de crier s'il vous plait, ça fait mal au crâne ! »
– Nan mais sérieusement, t'étais passé où, toi ?
Reprenant sa forme traditionnelle, le jeune adolescent aux vêtements violets tenta nerveusement quelques explications. Après avoir chuté au fond de la faille avec Clé'o, il s'était retrouvé dans les vapes pendant de longues minutes. Dans un réflexe d'auto-défense, il s'était enfermé à l'intérieur de sa Sphère Focale, servant pour l'occasion de bouclier. C'était un tour assez compliqué à réaliser pour le commun des Âminêtres, mais de son côté, il avait une si bonne maîtrise du Regard qu'il y arrivait les yeux fermés et l'esprit ailleurs. Malheureusement, il s'était réveillé trop tard pour sauver le Kili'an des mains de Clé'a et avait assisté, impuissant, au retour du Bottel'ron.
– Je te faisais confiance ! – s'emporta l'Aar'on en l'attrapant par le col. Tu étais censé le protéger, veiller sur lui quand je n'étais pas là ! C'était ton rôle !
– Oui, bon, ça va... – lui répondit Gabri'el en détournant les yeux. J'traverse une passe difficile en ce moment, j'ai pas le droit ? Je foire des trucs qui marchaient tout le temps avant, j'me remets en question... C'est tout un travail existentiel super compliqué. Mais j'voulais pas ce qui est arrivé...
– Mais c'est arrivé quand-même... Et c'est parce que tu ne l'as pas empêché...
Agrippant à son tour son interlocuteur par le cou, Gabri'el le fixa d'un air mauvais, comme si ces critiques, légitimes, lui étaient insupportables.
– Je sais ! – lâcha-t-il enfin après plusieurs secondes de silence. Je sais et je n'ai pas besoin que tu me le dises ! J'ai merdé, t'as merdé, on a tous merdé, et le résultat, c'est que non seulement la galaxie court un putain de danger, mais qu'en plus, le mec qui est censé la sauver vient de se transformer en zombi ! Alors plutôt que de me prendre la tête, occupe-toi de ton blond et remets-le sur pied ! Parce que je peux peut-être veiller sur lui pour toi, mais je ne pourrais jamais le rendre heureux à ta place ! Et à ce niveau-là, tu t'es un peu chié dessus !
Ce prenant dans les dents les remarques acerbes du seul être qu'il respectait vraiment dans tout Vojolakta, l'Aar'on se recula d'un pas et chercha à reprendre sa respiration. Il avait pleinement conscience de ce que Gabri'el lui envoyait en pleine face. Depuis qu'il avait causé la colère de son Kili'an, quelque chose s'était brisé en lui. Il avait échoué à faire le bonheur de celui qu'il aimait et qui, plongé dans un étrange délire, gisait à présent à ses pieds comme un malheureux. Le portant dans ses bras, le brun rejoignit son vaisseau et fixa le cap sur Thot avant de décider d'une halte sur Muan la lumineuse, une des deux lunes de Yum. Bercée par des vents d'une rare violence ayant expliqué sa colonisation tardive, Muan présentait souvent un magnifique ciel bleu clair clairsemé de nuages blancs se déplaçant à toute allure au-dessus de champs, de plaines et de mers. Suite à la catastrophe causée par Clé'o et Clé'a, cela avait aussi été l'endroit où avaient été déplacées les principales instances administratives et politiques du système Solphéra.
L'Aar'on n'avait pas forcément une grande envie de se poser sur ce morceau de caillou flottant dans l'espace. Il y était obligé. À peine Nigatruo s'était-il ouvert que les Kekchis avaient exigé une audience immédiate.
En attendant ses interlocuteurs du jour, l'Aar'on passa ses doigts fins dans les mèches de cheveux dorés qui recouvraient le front et la nuque de son bien aimé. Complètement amorphe, Kili'an esquissa pourtant un très léger sourire. Allongé sur une simple couchette, il laissa ses yeux se perdre dans les étoiles. Ce qu'il venait de vivre était sans doute la pire mésaventure qu'il avait connue depuis qu'un certain brun lui avait volé un baiser. Et sa dignité aussi, mais ça, c'était comme les vêtements. S'il était préférable de s'en vêtir devant les autres, on pouvait très bien vivre sans ! Surtout aux moments des câlins, d'ailleurs, où il était même recommandé de s'en passer. Enfin, c'était ce que l'Aar'on lui avait toujours expliqué, et il n'était pas stupide au point de répondre à l'Aar'on ! Juste assez pour le croire sur parole, en fait.
– Je suis désolé... – murmura le brun à destination de son trésor. C'est ma faute, j'aurais dû me rendre compte que tout cela était un piège, j'ai été nul... Mon petit héros, je t'aurais vraiment fait souffrir... et dire que ton calvaire n'est même pas fini.
Entre rires et pleurs, Kili'an se retourna contre le mur pour masquer ses larmes. Les mots de son maître étaient trop adorables et il ne pensait pas les mériter. Le fait d'avoir été abusé par Clé'a l'avait peut-être détruit intérieurement, mais l'acte en lui-même lui avait permis de prendre conscience d'une chose. Malgré la colère qu'il trainait depuis de trop longues semaines, il aimait encore son propriétaire. Et il avait l'aigre impression de l'avoir déçu.
– Tu parles d'un héros, j'fais n'importe quoi, j'perds tout le temps... À chaque fois que j'ai trop la classe, on me marche dessus ! J'passe mon temps à me faire piétiner par tout le monde. J'suis le plus pitoyable de tous les Kili'an de la création ! J'suis sûr qu'aucun n'a jamais autant fait de peine à son Aar'on que moi !
– T'es le plus parfait, oui ! – répondit le brun en lui embrassant le front. T'as toutes les qualités du premier Kili'an, t'es sa réincarnation exacte ! T'as les cheveux soyeux, des yeux envoûtants, les lèvres gorgées de sucre, les joues roses, la croupe magnifiquement vallonnée, la beauté humble et naturelle, le courage, l'élégance sportive, l'humour, la candeur, la gentillesse, la générosité, la sensibilité, la franchise... et là, je parle même pas de tes fesses ! Ce n'est pas pour rien si la galaxie toute entière te veut dans son lit et que je te désire plus fortement encore que la galaxie toute entière !
– Ça... Ça veut dire que tu ne vas pas me punir ? – murmura naïvement le bel adolescent.
– Non, là, faut pas déconner non plus ! – se reprit l'Aar'on en sortant de sa mièvrerie. Je t'avais prévenu qu'à la moindre connerie, on aurait les Kekchis sur le dos et que je serais obligé de sévir pour ne pas perdre la main ! Je ne sais pas ce qu'ils vont exiger de moi, mais tu vas très clairement prendre super cher. En même temps, c'est un peu ta faute. Quand Clé'a a essayé de te violer, t'aurais dû prétexter que t'avais mal à la tête ou que t'avais tes règles ! C'est un vieux truc que les humaines utilisent tout le temps pour se soustraire à leurs obligations reproductives, ça marche super bien... Bon, dans ton cas, vu que t'es un garçon, ça n'aurait pas été super crédible, mais dans le feu de l'action, ça aurait pu la faire douter et tu aurais pu t'enfuir !
– Mais, j'suis pas une femelle ! – s'énerva le blond devant cette stupide suggestion.
– Et je n'aurais pas supporté que tu en sois une ! – rétorqua le brun souriant et en lui caressant le bout nez.
– Humph... – le coupa une voix en provenance de l'entrée. Plutôt que de faire des mamours à cet animal lubrique, il serait bon que vous assumiez vos devoirs d'Aar'on. Le peuple Kekchi a assez souffert à cause de vos égarements. Assez de mensonge, nous savons tout !
– Tout ? – demanda le Légitime à son interlocuteur, avec un rire nerveux dans la voix. J'aurais plutôt dit « Rien » à votre place, comme tous ceux de votre stupide espèce.
– Je ne vous permets pas !
– Et moi, je m'autorise ! Et qui êtes-vous, déjà ? Je ne pense pas que les présentations aient été faites.
– Mon nom n'a pas d'importance ! Je suis envoyé pour vous demander des comptes par Bourgnal, représentant Kekchi au conseil des douze et précédent petit Khass-Kouil, avant que vous ne le releviez indûment de ses fonctions !
– Il avait été nommé par mon père ! Un traître ! – répliqua l'Aar'on. S'ils n'étaient pas protégés par leur statut diplomatique, votre Bourgnal, ses amis du conseil, le roi de Yum et tous les autres pontes de Solphéra auraient déjà été jugés pour haute trahison par le tribunal de Thot ! Et c'est peut-être parce qu'ils ont peur de devoir rendre des comptes à propos de ce complot contre ma personne qu'ils se cachent !
– Un complot qui a causé la mort de centaines de million de représentant de notre peuple ! – s'offusqua le Kekchi, outré. Un complot ourdit par votre propre père, un complot ayant fauché la vie d'un nombre incalculable de nos enfants ! La trahison de votre géniteur est votre version, celle que vous avez imposée à tous. Celle que les différents peuples Âminêtres ont naïvement crue après que vous l'ayez assassiné ! Et maintenant, quel mensonge allez-vous inventer pour masquer la vérité ? Le Bottel'ron est revenu d'entre les morts et menace la stabilité de la Fédération, et pire, c'est votre Kili'an qui en offrant son corps à l'ennemi à rendu cela possible ! Un Kili'an qui agissait sous vos ordres !
Choqué qu'on puisse imaginer une seule seconde qu'il était consentant, le jeune blond chercha difficilement à se redresser sur ses pattes pour dire ses quatre vérités à l'imbécile qui parlait trop fort. Les yeux sombres de l'Aar'on posés sur lui l'en empêchèrent. Là, pour le coup, c'était encore une engueulade assurée s'il l'ouvrait, et il n'avait vraiment pas la tête à ça !
– En effet... – répondit sournoisement le maître de la Fédération. Et je ne chercherai pas à nier la réalité de ce retour, ni le rôle que mon jeune Humain de compagnie a joué bien malgré lui dans ce désastre.
– Et que comptez-vous-faire, alors ? – demanda le Kekchi en pouffant d'incrédulité. Inviter le Bottel'ron à votre table pour jouer aux cartes et décerner une médaille à votre petit blond ?
À ces mots, Kili'an redressa brusquement la tête. Lui, il trouvait l'idée plutôt très bonne. Il adorait les médailles. La petite claque que son homme lui plaça à l'arrière du crâne le remit immédiatement à sa place.
– Nous battre, tous ensemble... – annonça calmement l'Aar'on. Humains, Avs, Voduos et Kekchis. Les Âminêtres doivent être unis contre l'ennemi, il en va de notre survie à tous.
– Comment croire en vos belles paroles après tout ce qui s'est passé ? – ironisa le Kekchi avec incrédulité.
– Demandez-moi ce que vous voulez ! – rétorqua le brun, impassible et souriant. Je serais heureux de vous prouver ma fidélité et mon amitié à votre peuple ! Alors, que désirez-vous ?
Pointant du doigt le blond allongé, son interlocuteur lui répondit avec une certaine fermeté.
– Nous exigeons que ce garçon soit châtié le plus cruellement possible ! Nous réclamons sa vie pour payer la dette de sang que la Fédération a contracté envers notre peuple et nos enfants !
– EH ! – s'emporta le beau soldat en se redressant brusquement. Nan mais ça va pas la tête ? Je suis son Kili'an ! KILI'AN ! Ouhou, faut atterrir, là ! L'Aar'on va pas se séparer de moi ! On est lié par le destin, on peut pas vivre l'un sans l'autre ! Nan mais sérieux, Aa'chouchou, dis-lui d'aller se faire foutre !
– Accordé ! – sourit l'Aar'on en se saisissant de la main du Kekchi.
– Meeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeh !
– Par contre, vous devrez-vous faire justice vous-même. – poursuivit le Légitime sans même prêter attention aux beuglements d'insatisfaction de son amant. Comme preuve de ma bonne volonté, et comme punition pour sa félonie, je mettrais mon Kili'an aux enchères dès demain au lever du soleil en terrain neutre sur Wedo, capitale des Voduos et quatrième planète du système Solnephthali. Le plus offrant pourra disposer de son corps, de son âme, de ses fesses et de sa vie comme bon lui semble ! Si vous voulez le tuer, vous n'aurez qu'à l'acheter !
À moitié satisfait, le Kekchi fit voler sa cape et tourna le dos à son interlocuteur avant de plonger dans un couloir. C'était pour son peuple une première victoire. Se penchant vers la pauvre marchandise abasourdie, l'Aar'on lui chuchota quelques mots :
– Tiens bon et prends cela comme ta nouvelle mission. Crois en moi, je sais ce que je fais...
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