27. La première chambre sexuelle du tribunal de Thot


Le sport préféré du Kili'an est l'escrime. Quand il se bat, il est tellement gracieux que ses adversaires préfèrent s'arrêter de combattre pour l'admirer. Bon, cela ne l'empêche pas de se faire parfois botter les fesses. Qu'il a magnifiques, soit dit en passant. – Journal intime du premier Aar'on –

*****

– Bien... – grommela le grand Musquin. Et donc, si je résume votre version des faits, c'est parce que votre équipage vous a abandonné sans vêtement sur Witz et que vous avez trébuché sur une pierre vivante que vous vous êtes retrouvé captif des Splatos et que vous avez « assisté » des jeunes représentants de cette espèce dans leur passage à l'âge adulte, c'est bien ça ?

– Affirmatif ! – répondit le jeune blond sans baisser la tête. Je suis innocent Monsieur le Juge, j'vous le jure ! Tout ce qui est arrivé n'est qu'un fâcheux concours de circonstances. J'ai bien mérité une petite amnistie, non ?

– Pour le délit de nudité du Kili'an, je veux bien fermer les yeux cette fois. Même si vous auriez au moins pu enfiler un ©Végéslip pendant votre rapatriement.

– Mais je mets que des ©Végécaleçon ! Les ©Végéslip, ça me gratte, et après, je suis de mauvaise humeur. Et le sergent Jéro'èm m'a appréhendé avant même que je ne pose le pied sur Thot ! J'ai beau avoir essayé de négocier, il n'a rien voulu savoir et m'a intimé de garder ma langue dans ma bouche ! Genre, comme si c'était sa place naturelle ! N'importe quoi ! En plus, il m'a fait mal, il m'a tapé, et c'est contre la loi ! Je plaide la faute de procédure ! Du coup, j'suis libre ?

– Non ! – reprit le juge, passablement énervé par les mimiques de l'accusé. Pour votre gouverne, suite aux événements récents, le sergent Jéro'èm a été promu au rang de Capitaine, ce qui l'autorise à vous tapoter sur le derrière du crâne sans autorisation administrative. Enfin, passons. Pour les faits qui vous sont reprochés, nous avons ici à faire à une copulation non autorisée entre deux Âminaux d'espèces différentes. Si la loi protège les Splatos des poursuites au nom de leur culture, il n'en est pas de même pour leurs partenaires éventuels. Or, comme vous le savez, les comportements sexuels non reproductifs sont interdits dans tous les cas entre espèces âminales distinctes et sont considérés comme des crimes de catégorie une. Et comme votre dignité de Kili'an est une circonstance aggravante, le crime est requalifié en catégorie deux. Multiplié par le nombre de fois que la faute a été commise... huit cent quarante-deux-fois quand même, cela nous fait huit cent quarante-deux crimes de catégorie deux, que dans notre extrême sagesse nous commuons en un seul, sans quoi, il aurait fallu vous tuer pour vous les faire expier. Et les chroniqueurs et journalistes qui suivent vos aventures n'auraient pas forcément apprécié qu'on les laisse en plan à ce niveau de l'histoire. Bref, si vous n'avez pas d'objection, nous allons passer à l'annonce de la sentence.

Sûr de son bon droit, le jeune soldat menotté avait gardé la bouche grande ouverte pendant tout ce long monologue. Il n'en croyait pas ses oreilles. Une très grave méprise venait d'être commise. Profitant que le grand Musquin arrêta dans sa logorrhée pour reprendre sa respiration, il s'écria, seul artifice qu'il avait en sa possession pour défendre son honneur :

– Quoi !!! Attendez, y a une erreur ! J'suis un Humain, donc un Âminêtre ! Donc normalement, vu qu'on me reproche une copulation non reproductive avec une espèce âminale – un acte normalement autorisé à tous les Âminêtres sauf pour ma pomme –, c'est forcément un crime de catégorie une ! Article A-11 de l'amendement du neuvième Aar'on : « Les actes interdits au Kili'an mais autorisés pour les autres Âminêtre sont des crimes de catégorie une ». Nan mais à force de passer devant cette cour, le code sexuel j'le connais par cœur. Vous ne pouvez pas me condamner comme ça, j'exige un avocat ! Gabri'el, t'es mon avocat, défends-moi !

– Mhhh ? – ronronna le concerné en masquant un bâillement de la paume. Ah, je ne te l'ai pas dit ? Pendant ton absence, tu as été jugé par contumace pour avoir fait de la peine à l'Aar'on, un crime de catégorie trois. Il était vraiment malheureux, il a emmerdé tout le monde pendant des semaines avec ça. Du coup, il a été décidé de te déchoir de ton statut d'Âminêtre pour te punir et tu as été requalifié en Âminal. Pas de problème pour l'application de l'article A-11. C'est super clair, dans ce cas de figure, le barème s'adapte automatiquement, t'es baisé. Enfin, plus que d'habitude, quoi. Non, désolé, mais là, j'peux rien pour toi.

Sous le choc de cette révélation, Kili'an bégaya une sorte de gloubi-boulga incompréhensible fait de « mais » et de « ouin ». Le laissant complètement hagard dans son coin, Gabri'el se tourna vers le grand Musquin :

– Monsieur le juge, la défense appuie complètement les conclusions de l'accusation. Nous plaidons l'erreur de jeunesse et nous vous remercions pour votre extrême mansuétude. Moi, à votre place, j'aurais été plus sévère...

– Mais nan ! C'est pas possible ! – s'égosilla le jeune blond en pleurnichant pour essayer d'attendrir le jury. J'veux pô être un Âminal ! C'est nul, c'est pas classe, un héros peut pô être un simple Âminal... Et je... snif... En plus, ce que j'ai subi, c'était même pas sexuel !

– Quand même ! – s'écria le juge. On a retrouvé des extraits de semence de plus de huit-cents Splatos différents dans votre corps, et encore, on n'a regardé que dans les orifices traditionnels ! Un record que vient justement d'homologuer l'académie compétente. Le précédent détenteur avait survécu à sept cent trente-deux assauts avant de rendre l'âme. Si vous niez ces faits, on vous reprend le bouquet de fleurs, le diplôme et la médaille !

– Meeeeeh... – grogna l'adolescent en prenant une allure grognonne. Pas la médaille... J'aime trop les médailles, j'adore les médailles, c'est mes précieuses... Sinon, on peut pas acter le chiffre, mais dire que c'était de l'art ? Comme ça, je m'en sors bien et je garde les cadeaux !

– Même si cela n'est pas à même de faire évoluer votre verdict, c'est une excellente remarque ! – poursuivit son défenseur en lui posant la main sur l'épaule. Moi-même en tant qu'artiste, je dois admettre que ce rituel est extrêmement intéressant, type nouvelle vague, voire nouveau tsunami dans la tronche, dans le cas de mon client. Très clairement, il est bien meilleur en tant que toile qu'en tant que chauffeur. Je sais, c'est ma faute, je n'aurais pas dû lui donner les clés... Mais comprenez que je fasse la gueule ! Mon assurance ne voudra jamais me dédommager, l'astéroïde avait très clairement la priorité... Donc si vous pouviez punir cet Humain comme jamais, ça ne soulagerait pas mon compte en banque, mais ça me ferait quand même du bien, moralement parlant.

– J'AI PAS FAIT EXPRES ! – se justifia Kili'an en criant, avant de renifler et de se frotter les yeux à l'aide de ses poings refermés. J'pensais que ça passait large... Et puis ça va, on a survécu... Et t'es pas censé me défendre, au fait ? Nan mais t'es vraiment nul comme avocat... Je... et merde, il s'est retransformé en peluche...

– Geeeeeb ! – acquiesça le Chérub en courant autour de son client les bras écartés, un énorme sourire aux lèvres. Geb, Gaby Geb !

– Bon ! – coupa le grand Musquin en soufflant. Puisque nous sommes tous d'accord sur les faits, voici la sentence. Dénommé Kili'an, vous êtes condamné à dix mille kils d'amendes, à trois mois de cachot, à une fessée publique et à la destruction intégrale de votre collection de manga. Ou bien...

– NAAAAAAAAAAAAAAN, PAS MES MANGAS ! PITIÉ, TOUT MES PAS MES MANGAS ! Pendez-moi, torturez-moi, dépecez-moi, mais ne touchez pas à mes bédés !

– Ou bien... – continua le juge sans même faire attention à ce cri du cœur. Vous acceptez de rencontrer l'Aar'on, de vous excuser pour toute la peine que vous lui avez causée ces derniers mois et de lui baiser les pieds, ainsi tout vous sera pardonné. Je vous laisse choisir la peine qui vous convient le mieux.

– Oubliez pas de regarder sous le matelas. – se reprit le condamné avec un calme Olympien. C'est là que je planque tous mes mangas coquins. Et il y en a aussi quelques-uns dans le Swinton, et une bonne dizaine aux toilettes. Ah, et j'allais en acheter des nouveaux tout à l'heure, donc si vous attendez un peu, vous pourrez les brûler aussi... Pour la fessée, je conseille de faire ça en début de soirée, c'est là où les gens ont le plus de temps libre, si on veut maximiser le nombre de spectateurs, c'est le meilleur moment. Pour le cachot, merci de me réserver la cellule H3, c'est ma préférée, il y a une belle vue sur Horus le matin.

En réaction à ce retournement de situation, Geb fit « Pouf » et redevint l'Humain qu'il avait toujours été, puis écrasa sa main sur le haut du crâne du jeune héros en lui lâchant un regard de braise devant lequel Kili'an se fit tout petit, puis se retourna vers le juge en soupirant.

– On prend l'Aar'on comme convenu. Excusez-le, il a parfois un peu de mal à comprendre le fonctionnement de ses procès. Il est un peu blond, aussi.

Pris dans l'ambiance de son jugement, l'adolescent aux cheveux d'or avait oublié la raison de son retour sur Thot, à savoir faire amende honorable devant le maître qu'il prétendait détester. C'était un passage obligé pour obtenir des informations sur Benj'am et pouvoir voler à son secours. Heureusement que Gabri'el était là pour le lui rappeler et, surtout, que l'issue du procès avait été décidée avant même son commencement, dans le plus pur respect de la tradition de siècles de poursuites envers les Kili'an. Si certains s'offusquaient de ce cruel déni des droits de la défense, il fallait quand-même avouer que la pratique avait de sérieux côtés positifs. L'Aar'on soufflait discrètement la sentence qu'il voulait voir appliquée, la justice trouvait les arguments pour la justifier et le Kili'an gesticulait en grognant dans tous les sens pour amuser la galerie. En fin de compte, des plus hautes sphères fédérales au public en passant par le jurés et les multiples autres intervenants de ce petit écosystème, tout le monde y trouvait son compte. Tout le monde, sauf le Kili'an, dont le postérieur se retrouvait souvent doté d'une magnifique couleur écarlate. Enfin, ce n'était pas non plus comme si son avis importait. Qu'il braille et se plaigne n'était pas vraiment un problème. Ce qui comptait, c'était que les punitions soient à la hauteur de ses fautes. Et elles l'étaient toujours.

Quelques minutes plus tard, l'adolescent se retrouva assis à genoux dans les appartements aaronesques, devant un brun vaniteux assis sur son trône les jambes croisées. Pour la première fois depuis leur dispute, ces deux-là se faisaient face. Des éclairs parcouraient de toutes parts la salle en forme de demi-sphère. Pendant plusieurs minutes, dans cette ambiance lourde et chargée, l'Aar'on ne fit qui fixer le garçon impur qui se tenait devant lui tandis que ce dernier fuyait ses yeux en posant les siens sur la décoration et les murs. Apeurés, Mistr'al et les autres animaux avaient déserté les lieux, laissant seuls ces deux êtres amoureux face à leurs contradictions. Toujours aussi nu, Kili'an serra ses poings sur ses cuisses fermes et brillantes et fit gonfler ses joues en contractant la mâchoire et en empêchant la moindre parcelle d'air de s'échapper de ses poumons. Ronchonner était sa manière de montrer qu'il était toujours en colère et qu'il ne comptait pas du tout se soumettre à la volonté de son maître, quand bien même la justice le lui avait ordonné. N'en pouvant plus, l'Aar'on se leva, tourna trois fois autour de l'Âminal en grommelant les mains dans le dos, puis prit la décision difficile de mettre fin à ce silence en posant son pied nu sur le visage du condamné. En tremblant, les yeux gorgés de larmes, il ordonna l'exécution immédiate de la sentence :

– Fais ton devoir !

Baissant la tête mais levant les yeux en direction de l'homme qui lui ordonnait de se laisser dominer, Kilian grogna puis attrapa de ses doigts fins la sainte voûte plantaire qui lui écrasait le nez et les lèvres. Après avoir respiré un grand coup, il laissa sa langue sortir de son écrin et caresser l'objet de son tourment, tel qu'il lui avait été imposé. Puis, après plusieurs secondes de baisers, il porta un orteil à sa bouche comme pour le gober tout entier et afficher enfin sa totale soumission, celle qui lui était imposée et qui semblait le plus naturel à son être. Un demi-sourire en coin, l'Aar'on apprécia à sa juste valeur ce moment de grandeur en se léchant la lèvre supérieure. Il était bien le plus grand, le plus remarquable et le plus puissant de toute la galaxie. Tous étaient à ses pieds, même le garçon qui échappait au contrôle de Vortication. Son Regard Particulier lui permettait, en plus de contrôler les fameux Vorticos, de soumettre toutes âmes dans sa sphère focale, sauf celle-là. Après ses orteils, il avait déjà une idée de la partie de son organisme qui irait visiter le palais du condamné aux mèches ondulées. Elle frétillait déjà entre ses jambes, et même son Kili'an pouvait le voir à travers sa ©Végéscratch sombre. Mais en attendant, c'était bien sur son pied que l'adolescent aux cheveux blonds concentrait toute son attention. Méchamment, même.

– AIE ! LE P'TIT CON, IL M'A MORDU ! Ah putain ça douille ! De l'eau, de l'eau, vite... Jusqu'au sang en plus, il a pas fait semblant...

Laissant son maître sautiller à cloche-pied tout autour de lui, Kili'an détourna la tête en levant le nez bien haut et en lâchant un « humph » particulièrement hautain. Non mais ! Il n'était pas question pour lui de pardonner l'être infâme et perfide qui lui avait menti et encore moins de s'excuser alors que c'était bien lui la victime dans toute cette histoire. S'il avait accepté cette entrevue particulièrement désagréable, ce n'était certainement pas pour ramper sur le sol ou faire plaisir à ses juges. Il n'était là que pour recevoir les ordres de sa prochaine mission, et accessoirement voler au secours de Benj'am, son protégé qu'il avait plutôt très mal protégé jusqu'alors. Ce mordillage de pouce n'était qu'une agréable mise au point en destination du brun qui se tenait à présent les orteils en soufflant dessus.

– Ça, ça veut dire que je te déconseille d'approcher trop près ton corps de ma bouche, surtout si t'as des idées perverses en tête. Sauf si t'as envie de te passer de descendance.

Débandant immédiatement devant cette menace, le Légitime retourna s'asseoir sur son trône en contractant la mâchoire et les lèvres. Du nez, il expira un souffle haché et colérique, puis soupirant tristement, il plongea son visage dans sa main droite. La réconciliation avec son trésor doré n'était malheureusement pas d'actualité et il lui faudrait sans doute plus qu'un procès et la contrainte pour l'amener à l'aimer à nouveau. Maigre consolation tout de même, ils pouvaient enfin se reparler :

– Ton équipage m'a fait le rapport de tes précédentes missions, c'est du très bon travail, je suis fier de toi. Les antihumains n'ont jamais été aussi affaiblis dans toute l'histoire de la Fédération. Du coup, j'ai rajouté des noms sur la liste des traîtres à occire, mais il faudra faire très attention. Depuis le coup d'état raté, les trois Kekchis membres du conseil des douze ont fui Thot mais aussi leur planète nourricière, Yum. Même s'il est probable qu'ils aient été manipulés, ils jouent un double-jeu depuis le début et je tiens à leur faire payer le plus discrètement possible leur trahison. Mais attention, la moindre erreur de notre part pourrait déboucher sur une grave crise diplomatique. En gros, si tu te foires, je serais obligé de te châtier pour ramener le calme, ce qui ne me fait pas profondément envie. Mais avant ça, il nous reste à mettre la main sur Clé'o et Clé'a, les deux fugitifs actuellement les plus recherchés de tout Vojolakta. Après les événements de Yum, ils ont été aperçus sur Susanoo peu avant la mort de mon père. Depuis, ils ont échappé à tous nos radars, jusqu'à il y a peu. De ton côté, as-tu découvert quelque chose à leur propos sur Wiz ?

– Nan – répondit sèchement le blond avant de faire une pause et de se sourire de manière idiote à lui-même. Mais c'est pas grave, c'était cool ! J'ai fait des belles rencontres, je me suis ouvert à de nouvelles cultures, y avaient de beaux paysages... et aucun méchant brun pour me prendre la tête. C'était presque le paradis en fait ! Bon, j'ai failli mourir, mais à part ça, les gens étaient plutôt très corrects avec moi ! Et donc, tu attends quoi précisément de moi, maintenant ?

– J'y viens... – soupira l'Aar'on en posant son menton sur ses poings. La rumeur qui t'a emmené vers Solphéra était bonne, tu t'es juste trompé de caillou. D'après mes services de renseignements, Benj'am serait retenu prisonnier sur Ixtab, la troisième planète du système. L'information est assez certaine, mais nous devons agir avec discrétion.

– C'est impossible ! – rétorqua le blond avec agacement. Ixtab présente toujours la même face à son étoile ! D'un côté, tu crames et de l'autre, tu gèles. Personne ne peut y survivre plus de quelques heures, à part des micro-organismes et des robots envoyés pour exploiter les mines. On a essayé de s'y poser avec les copains, on est reparti vite fait.

À ces mots, le brun ricana sournoisement.

– Tu connais bien ta géographie, mais tu connais mal ton Histoire et tes sciences ! Tu l'ignores peut-être, mais les Ashtars, sont capables de résister aux pires chaleurs. Après la conquête de Solphéra, ils ont préféré placer leur centre de commandement sur Ixtab plutôt que sur Yum. Ils avaient ainsi un accès direct aux minerais nécessaires à leur armée sans personne pour les leur contester. Il paraitraît qu'ils auraient aussi aménagé les sous-sols, notamment au niveau du méridien de démarcation. Si tu ne connais pas, c'est à visiter, l'endroit est plutôt sympathique pour les photos,. Tu regardes d'un côté, il fait jour et chaud. Tu regardes de l'autre, il fait nuit et froid. Et sur cette ligne précise, le climat est tempéré. Nos deux amis Ztékojs Clé'o et Clé'a auraient utilisé certaines infrastructures Ashtars comme base arrière avant l'attaque de Yum, et s'y serraient réfugiés depuis. C'est là que tu trouveras Benj'am. Ne perds pas de temps à te reposer, tu pars ce soir avec tout ton équipage, il t'attend déjà. Je... euh... tu m'écoutes ?

Homme d'action, Kili'an préférait de loin le sport – et un peu les maths – aux matières scolaires traditionnelles qui lui faisaient toujours perdre sa concentration. Il n'y pouvait rien, c'était un réflexe immunitaire pour protéger son cerveau en cas de bourrage de crâne. Les neurones reliés à des cheveux blonds étant réputés pour leur extrêmes fragilités, l'adolescent avait toujours eu le réflexe de regarder par la fenêtre ou de prendre une feuille et de gribouiller dessus dès que les choses devenaient trop intellectuelles, ce afin de les préserver. Même là, il avait décroché et commencé à jouer avec ses doigts de pieds dès que son maître avait prononcé le mot « Histoire ». C'était fou d'ailleurs ce qu'on pouvait s'amuser avec pas grand-chose quand on se faisait chier !

– Hein ? Heu... nan, pas vraiment, mais c'est pas grave, j'ai noté que je devais aller sur Ixtab, c'est bon. Et si tu n'as rien d'autre à me dire, j'peux y aller ? J'ai du boulot.

Complètement affligé, l'Aar'on respira longuement et doucement. Si en théorie, il en avait bien fini avec son briefing, il lui restait un ultime point à traiter.

– Une dernière question...

– Oui ?

– C'est quoi le truc gluant accroché à ton dos qui te fout un de ses tentacules dans l'oreille ?

Se rendant compte qu'il n'avait pas fait toutes les présentations, Kili'an se tapa le front du plat de la main. Quel idiot il pouvait être des fois !

– Oh c'est rien, c'est Ko'a ! C'est un Splatos super affectueux qui craque sur moi ! Depuis qu'il m'a vu, il refuse de me lâcher, c'est mignon. Dis, j'peux le garder dans mon équipe ? Alleeeeeeeeez, steuplait...

– Il te met quand même son tentacule dans l'oreille... – s'étonna le Légitime. Enfin, si c'est bien un tentacule...

– Ça ? Ça va, c'est rien, c'est juste sa manière à lui de montrer son affection et d'essayer de me féconder ! Tous les Splatos font ça. Des fois, c'est pire, ils visent la bouch... ARgfsploufgrrrgllle...

– Ah oui, d'accord, je vois... – songea à haute voix le brun avec un esprit scientifique. Bon, à contre-cœur et comme preuve de ma bonne foi à ton égard, je nomme ce machin membre de la team Kili'an au poste d'assistant sexuel. Vous pouvez déguerpir tous les deux.

Quelques instants plus tard, vêtu d'une ©Végéscratch neuve, Kili'an retrouva le commandement du Swinton et son équipage au grand complet, prêt au départ. Ko'a le petit nouveau, Mart-1, Yun'ah, Camill, Link'o, Man'on et même Gabri'el sous sa forme chérubine, ils étaient tous là. Tous sauf Benj'am. Observant la petite armée sous ses ordres, le blond réalisa tout le chemin parcouru depuis plusieurs mois. Dire qu'au tout début, il n'avait que son robot de compagnie et sa mécanicienne-traître pour lui tenir compagnie. Et maintenant, il avait toute une troupe de foireux prêts à contester ses ordres et à l'abandonner à la première occasion pour faire les soldes. C'était tellement émouvant que cela lui tira même une petite larmiche. C'était qu'il était sensible, le Kili'an. Voir autant de monde le suivre dans sa quête, même si c'était pour mieux lui botter les fesses, cela lui faisait quelque chose. Il n'était pas seul. Ils étaient nombreux à l'aimer, et il voulait le leur rendre en étant le plus digne possible de leur soutien et de leur affection.

– Allez, on va chercher Benj'am, on terrasse les méchants et après, j'vous jure, on fait la plus grosse fête de notre vie ! Team Kili'an... En avant !

Après un voyage sans encombre, le Swinton arriva aux abords d'Ixtab. Suivant les recommandations de l'Aar'on, Kili'an indiqua à son équipage ou poser le vaisseau, juste sur la frontière entre le jour et la nuit. Suivant une galerie longue d'une dizaine de kilomètre, les courageux soldats arrivèrent dans une énorme grotte où l'air était respirable, la température douce et la pression acceptable. Se débarrassant de leurs combinaisons de survie et désactivant leur Regard protecteur, ils passèrent les lieux au peigne fin. Des traces d'habitations et une installation électrique sommaire prouvaient une présence encore récente. Les murs gris et rugueux suintaient d'humidité . Des traces orangées ici et là, comme si une entité démoniaque hantait les lieux, inquiétèrent les visiteurs. Éclairant le font de la cavité, Kili'an glapit de terreur. Accroché par les bras à de lourdes chaînes au mur, Benj'am suffoquait dans des haillons laissant voir son torse et ses jambes. Son corps meurtrit et couverts d'ecchymoses, de coupures, de rougeurs et de foulures semblait avoir été battu par une force destructrice et rageuse, comme si un être infâme avait voulu éveiller son Regard en le torturant ou tout simplement épancher sa propre colère sur un enfant innocent. Se jetant sur son protégé, Kili'an déchira une partie de sa ©Végéscratch pour lui essuyer le front et le visage. De colère, il brisa d'un coup sec les liens qui le retenaient, le prit dans ses bras et pleura au-dessus de ses joues. Réunissant les quelques rares forces qui parcouraient encore son organisme, Benj'am sourit à son sauveur puis s'écroula de fatigue. Se retenant de hurler, Kili'an confia l'enfant timidement en vie à ses camarades pour qu'ils le soignent, puis lâcha sa rage contre les murs qu'il cogna et cogna encore de toutes ses forces. Les monstres qui avaient fait ça ne méritaient pas de vivre. Immédiatement, Yun'ah et Camill se mirent au travail pour essayer de sauver la petite victime tant qu'il en était encore temps. Dans le dos de la troupe, une voix calme d'adolescent se fit entendre. Elle appartenait au geôlier. Il était jeune et massif. C'était un guerrier, un escrimeur hors pair. Et il tendait son épée droit devant lui, en direction du plus beau blond de tout Vojolakta.

– Tu en as mis du temps, Kili'an. Arrête de gémir et bats-toi. En garde !

Foudroyant son vieux rival des yeux, l'adolescent aux cheveux d'or laissa Chlorophyli envelopper tout son corps. Les fibres s'échappèrent de sa tenue, laissèrent apparaître sa peau et se transformèrent en une multitude de lames qui vinrent tournoyer autour de son fleuret. Comprendre que son plus ancien adversaire était responsable des supplices infligés à son petit Benj'am était inacceptable. Après avoir menacé ses alliés de son arme s'ils osaient s'interposer entre lui et sa cible, il se jeta dessus en beuglant de toutes ses forces. Ce combat était un duel à mort. Personne n'avait le droit d'intervenir avant que l'un des deux opposants ne rende l'âme.

– Pieeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeerr...

Incapable d'esquiver l'assaut de son adversaire, le mercenaire déclencha Amphèt, son Regard Particulier. Cela lui permit de figer ses jambes dans le sol et de ne pas être projeté en arrière au moment de l'impact. Une seconde plus tard, il répondit en tailladant le torse de son adversaire, tandis que les lames végétales du jeune blond transperçaient sa propre peau. Entre échange de coups et d'insultes, le combat reprit de plus belle. Misant tout sur son talent, ses réflexes et ses feintes, Kili'an prit très rapidement le dessus sur la force brute de son adversaire. Au mieux, ce dernier arrivait simplement à entailler sa peau en faisant gicler quelques gouttes de sang. Jamais la différence de niveau entre ces deux adolescents n'avait semblé si importante. Jamais Kili'an n'avait semblé avoir le dessus avec autant de facilité. C'était presque comme si Pierr cherchait plus à esquiver et à gagner du temps qu'à mener un combat qui lui semblait perdu d'avance. Au loin, au fond de la grotte, ouvrant timidement les yeux, Benj'am admira de toutes ses maigres forces son modèle qui se battait si bien et qu'il aimait tant.

Enfin, posant un genou à terre alors que plusieurs de ses tendons avaient été sectionnés, Pierr fixa Kili'an des yeux avec un air désolé. Essoufflé malgré sa domination des débats, le jeune blond approcha la pointe de son fleuret du cou de son adversaire. Il n'avait qu'à appuyer pour que se déverse sur le sol le sang de son rival et que s'éteigne son âme. Hésitant entre achever le monstre qui avait torturé son élève ou lui laisser la vie sauve, il trembla. Profitant de son incertitude, un voile blanc embruma sa vue et son esprit, lui fit tourner la tête et lui donna un profond mal de crâne. Au même moment, un rire féminin résonna dans la cavité.

Sans qu'on ne lui oppose la moindre résistance, Pierr se releva, s'approcha de Kili'an et lui assena un violent coup de poing dans le ventre. Là, le bel adolescent cracha une masse d'hémoglobine qui lui remontait des entrailles avant de s'évanouir dans les bras de son opposant.

– Pardonne-moi pour ma lâcheté. – lui chuchota ce dernier à l'oreille. Tu méritais de gagner, mais je ne pouvais pas laisser cela arriver. Elle ne m'aurait pas pardonné un nouvel échec. Ne t'en fais pas, le poison qui recouvrait mon arme ne te tuera pas, enfin pas tout de suite. Nous avons besoin de toi vivant pour une dernière chose... Mais sans doute aurais-tu préféré mourir...

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