18. Douamoutef
Poser ses yeux sur un Kili'an est un crime passible d'un coup de foudre. Moi, j'ai pris perpétuité ! – Journal intime du premier Aar'on –
*****
– Le vingt-sixième est mort ! Le vingt-sixième est mort !
Le vingt-quatrième Aar'on était surnommé le Médiocre, le vingt-cinquième le Lâche. De toute l'histoire connue, ils furent sans doute les deux plus mauvais de leur lignée. Alors qu'ils avaient devant eux la possibilité de coloniser de nouveaux horizons et de donner un nouveau cap à l'Humanité et ses alliés, ils préférèrent fuir leur responsabilité et se vautrer dans le stupre et la facilité. Aussi droit et juste pouvait-il être, leur successeur – le Sage – avait hérité d'une Fédération en pleine décadence. Privée d'ennemis visibles, elle n'arrivait plus à donner du sens à son existence.
Après la défaite du Bottel'ron, les espèces Âminêtres de Vojolakta n'avaient plus de but, mais toujours un guide, inutile. En l'absence de guerres et de batailles, les lois liberticides ne se justifiaient plus, les dissensions politiques renaissaient, les alliances absolues se fissuraient et l'anti-humanité, cette idée utopique d'un monde sans Aar'on pour asservir le vivant, renaissaient enfin
Apparu sous le sixième, ce rêve avait aussitôt été écrasé par son successeur et arrière-petit-fils, seul survivant du massacre ayant vu la disparition de toute sa famille. En instaurant les grandes lois fédérales et le culte suprême de l'Aar'on, le « Fondateur » n'avait fait que protéger sa lignée de ceux qui désiraient tant sa fin et venger son prédécesseur, le Déchu, exécuté publiquement avec les siens pour n'avoir pas été capable d'empêcher la mort de quatre-vingt-dix pour cent des habitants de Susanoo. Après avoir vaincu les Kémèts, les ennemis de l'extérieur, ce furent ceux de l'intérieur que le septième pourchassa. De cette belle idée de liberté, ne survécurent que quelques résistants se reconnaissant entre eux à leurs capes rouges et à quelques codes connus des seuls initiés.
Entre le neuvième et le vingt-et-unième Aar'on, les antihumains se firent le plus discret possible. La guerre contre les Ashtars justifiait la plus grande prudence. Se reconnaître de cette mouvance était un crime condamné par la torture, la souffrance, la privation de Saint Nutella et la mort. Comploter contre la Fédération était considéré comme aussi grave que de cracher sur les fesses d'un Kili'an. À choisir, le peuple préférait subir la loi de l'Aar'on plutôt que celle de Soljamine. Aveuglé, il ne voyait pas qu'il était l'instrument de sa propre servitude. Seule la paix réussit à lui ouvrir les yeux. Un bon Aar'on est un Aar'on mort. Le vingt-sixième, tout Sage qu'il était avec sa barbe grisonnante, paya de sa vie pour les crimes de ses vingt-cinq prédécesseurs. La rébellion menée secrètement par son premier ministre, Kha'sauss, lui trancha la gorge dans ses propres appartements. Il mourut en pensant à son Kili'an, disparu plusieurs années plus tôt. Son fils se prosterna immédiatement devant l'ordre nouveau. Son petit-fils, alors âgé de seulement sept ans et désigné pour prendre sa suite, disparut avec une poignée de fidèles. Pour ne pas provoquer la révolte des foules, terrorisées à l'idée de perdre leur principale lumière dans l'infinité de l'espace, un nouveau régime censé durer dix ans fut proclamé : la Régence. Son objectif était de gérer les affaires courantes en attendant que le vingt-septième réclame son trône. Et s'il ne se manifestait pas pendant cette période, la transition vers une nouvelle ère s'imposerait alors d'elle-même. Pendant des années, tous les soldats se mirent à la recherche de l'élu, officiellement pour le ramener sur Horus pour son couronnement, officieusement pour lui offrir une tombe digne de son rang.
Lors des festivités saluant le quatrième anniversaire de l'intronisation du régent Kha'sauss, un homme souvent présent à ses côtés me posa la main sur l'épaule. Avec un sourire calme, il me confia une mission que moi seul pouvait accomplir.
« Adri'an... Nous devons à tout prix empêcher le retour de l'Aar'on. Tu as l'âge maintenant de servir notre cause. Un rapport de patrouille parle de l'existence sur la décharge d'un jeune garçon aux cheveux dorés et aux yeux verts. Même si cette éventualité est peu probable, il se pourrait qu'il soit un Kili'an, celui du vingt-septième. Si tel était le cas... alors tu devrais le tuer sans la moindre hésitation. »
Ainsi, accompagné de Vic'tor, mon fidèle Splatos aussi bête que fidèle, je me rendis sur la troisième lune d'Horus, Douamoutef, où étaient rejetées toutes les ordures que la planète jaune pouvait produire. Son orbite croisait souvent ses voisines, Hâpi la gazeuse et Kébehsénouf, un astre liquide dont la teinte tirait vers le marron. Ses habitants étaient des parias, des moins que rien, des exclus et des rejetés. Même les Âminêtres y étaient traités comme de simples Âminaux, et les Âminaux comme des esclaves. Là-bas, en tant que gouverneur envoyé par la Fédération, je pris malgré mon jeune âge le contrôle d'une petite communauté d'Humains qui devinrent mes serviteurs, mes obligés et même mon armée. En quelques jours, je soumis l'intégralité de cette foutue lune. Je n'imposai qu'une seule règle : tous devaient m'obéir. Apprendre l'art de la dictature me plut bien plus que je ne l'aurais imaginé. Afin de retrouver ce garçon aux cheveux blonds, plutôt que de retourner centimètre par centimètre cette terre putride, j'invitai chaque mâle de mon âge à venir se prosterner à mes pieds, et tous le firent. Tous, sauf un.
– Nan mais j'ai pas envie ! M'en fiche si je me fais punir, j'ai pas envie.
Il se tenait là, devant moi, debout alors que je le souhaitai à genoux. Dès que je le vis, je compris.
Il était blond. Il n'avait pas de prénom, il n'en avait pas besoin. Ses parents ne l'aimant pas, ils n'avaient pas trouvé utile de lui en donner un. Tout juste, plutôt que de l'égorger à la naissance, avaient-ils accepté de le jeter vivant aux ordures avec son grand frère Cédlic, qui s'occupait de lui alors qu'il n'était lui-même qu'un petit enfant. Ainsi, il avait fini sur Douamoutef, où il s'était fait quelques amis, comme cette fille férue de mécanique ou cet androïde roux qu'il avait récupéré en haut d'une colline d'ordures et qu'il avait lui-même retapé. Ce qu'il faisait principalement de ses journées ? Étudier un peu, se laver nu dans le seul lac qui n'était pas contaminé par des déchets acides et apprendre le maniement d'une vieille arme dépassée. Son maître, connu sous le nom de Ji'pé, entraînait un autre élève, Pierr. Ce dernier était doué, mais promis à un avenir sombre sur cette pauvre lune. Lui qui rêvait des sommets, il pataugeait dans les égouts. Ce triste destin en faisait un être facilement influençable et manipulable. Pour quelques deniers, il me rendit de fiers services. Ainsi allait le monde. L'argent pouvait tous les acheter. Tous, sauf un.
Plutôt que de se prosterner devant moi, le jeune blond préféra me montrer ses fesses, qu'il avait particulièrement roses et fermes. Son attitude provocante et sincère me laissa dans un état second. À travers ses yeux qui lui permettaient maladroitement de contrôler les quelques rares plantes vertes présentes sur Douamoutef, la vérité m'apparut claire et limpide. Il était bien l'élu, l'être de légende, celui destiné à s'accoupler à l'Aar'on afin de réaliser des miracles. Il était un Kili'an. Il n'aurait fallu qu'un seul mot de ma part pour qu'il meure. Une toute petite intonation, un simple désir, et sa tête m'aurait été apportée sur un plateau, pour que je puisse à mon tour l'offrir en offrande à mes maîtres.
Il n'en était pas question. Après avoir posé mes yeux sur sa peau, je ne pouvais plus lui ôter la vie. Si je l'avais fait, jamais il ne m'aurait appartenu.
Ce jour-là, je décidai de le laisser partir. Je n'avais plus besoin de le chercher, je l'avais trouvé. Mais cette information capitale, je devais la cacher aux autres, sans quoi ils l'auraient fait exécuter avant qu'il ne baise mes pieds. Alors je prétextai des troubles causés par Pierr – dont c'était la première mission en tant que mercenaire – pour justifier mon établissement durable sur Douamoutef. En même temps, j'envoyai Vic'tor suivre et menacer cette petite chose dorée qui me revenait de droit.
Entendons-nous bien, je ne désirais pas le contraindre par la force, mais bel et bien par l'esprit. Je ne voulais pas le jeter, nu, sur le sol. Je désirais qu'il se dévêtît lui-même devant moi pour m'offrir son corps en offrande. J'étais Adri'an, l'envoyé de la Fédération, l'être le plus important de ce caillou stupide, et lui, il n'était rien qu'un paria, une vermine, une saleté à écraser avec force de la plante du pied. Pourquoi une telle obsession ? Je me le suis souvent demandé, sans jamais trouver la réponse. Peut-être était-ce son sourire, sa légèreté, son insouciance ou son indiscipline qui me faisaient le désirer. Ou peut-être simplement que désirer le voir crier sous mes coups, souffrir de mes gestes et pleurer des châtiments que je prévoyais de lui infliger m'excitait.
Malheureusement, accompagné de son robot et de son amie mécanicienne, il me résista. À chaque fois que j'organisai une petite festivité en son déshonneur, il s'éclipsait, préférant jouer, courir et s'amuser. Mon intelligence et sa stupidité menèrent à des joutes explosives. Devant tous, je l'humiliai, l'insultai et le rabaissai, afin qu'il comprenne qui était son maître et à qui il devait jurer allégeance. En retour, il s'énerva, cria, chouina, bouda, mais jamais ne céda. Alors, de rage, j'envoyai Pierr le défier, promettant à ce jeune lutteur un vaisseau, de l'argent, des papiers et la possibilité de s'échapper de cette lune qui le retenait prisonnier. Après une longue hésitation, il accepta. S'ensuivit une lutte enragée qui vit, in-extremis, sa victoire ainsi que la défaite du jeune blond. Pierr m'apporta ainsi, le corps inerte de son pauvre adversaire, défait dans son art et blessé dans son honneur, puis disparut, conscient de son crime mais l'acceptant pour vivre l'existence dont il avait toujours rêvé.
Le rouge du sang qui recouvrait la poitrine du Kili'an se reflétait dans l'or de ses cheveux. Armé d'une éponge, à l'abri de toutes indiscrétions, je le lavai sans même qu'il ne s'en rende compte, m'autorisant même pendant son sommeil à lécher une profonde entaille sur sa joue. Si seulement il avait été conscient, sans doute aurait-il accepté de me tendre la main et de m'offrir son âme, que j'aurais ainsi pu torturer pendant toute une éternité.
Mais en se réveillant, persuadé que mes jeux étaient allés plus loin dans le déshonneur que ce que j'avais réellement commis, il me repoussa en pleurant puis s'enfuit. De rage, je lançai Vic'tor et toute une garnison à ses trousses, avec un seul mot d'ordre : faites-lui mal, mais ramenez le-moi vivant.
Des roustes, des raclées, des expéditions punitives, des humiliations, des insultes et des crachats, il en connut des dizaines pendant les trois années que je passai près de lui. À chaque fois, pour lui prouver ma sincérité et mon intérêt, je punis avec violence ceux que j'avais moi-même envoyé le chasser. Mais même toute cette violence en son honneur ne suffit pas à le convaincre de baisser la tête sur mon passage. Alors, au bout du bout, j'en arrivai à la pire des extrémités : je décrétai son arrestation et le jetai, couvert de chaînes, dans ma petite prison personnelle. Là, tous les jours, j'allai le voir en lui posant la même simple question :
– Vas-tu enfin te prosterner à mes pieds, où prétends-tu n'en avoir toujours pas envie ?
En guise de réponse, toujours le même comportement : des yeux brillants de peine et de colère, des joues gonflées, et des insultes.
– J'parle pas aux cons, ça leur donne l'impression d'avoir de l'importance ! Par contre, j'veux bien à manger, j'ai faim !
Quand il ne me crachait pas au visage, il m'arrivait de le faire battre par mon fidèle Vic'tor, histoire de ne jamais me salir les mains. Nu dans sa petite cage, il assumait les coups qui lui étaient donnés, mais jamais il ne cédait. Sans respect pour son statut d'Âminêtre naturel, je le désignai esclave du gouverneur Adri'an. Mais plutôt que de me servir avec obéissance, il me mordit la main, celle qui le nourrissait, à chaque fois que je l'approchai trop près de sa gorge. Incapable de comprendre que je lui avais sauvé la vie en cachant son existence, cet ingrat me résistait. Même enfermer son si cher frère adoré et ses amis se montra inutile. Rien n'arrivait à le détourner de sa volonté.
La mort dans l'âme après une longue hésitation, je me résolus au pire. S'il ne voulait pas m'appartenir, alors ma mission l'emportait sur mon désir propre. Prétextant un mauvais comportement de sa part, j'organisai un procès, dont il était le seul accusé, et dont j'étais le seul juge.
Sous les crachats de la foule, il fut traîné nu et enchaîné dans la cour de mon palais qui servait de tribunal. À genoux, les poignets liés devant sa poitrine, il pleurnicha sans pour autant baisser la tête. Mon fidèle Vic'tor, nommé procureur par mon simple désir, lui lut son acte d'accusation. Cela provoqua chez mon petit accusé une multitude de tremblotements.
– Heu... c'est quoi son prénom déjà ? Il en n'a pas en fait ? Bon, machin la blondeur, vous êtes accusé d'avoir été très vilain et d'avoir désobéi aux règles fixées par le gouverneur, en refusant de vous baigner en slip, en aguichant des innocents à l'aide de votre beau derrière et en vous comportant comme un vrai P.É.D.É. Ce qui signifie « Petit Énergumène Déluré et Énervant ». Et il parait que c'est très mal, le gouverneur, il a dit.
– C'EST PAS VRAI ! – beugla alors la jeune créature. J'suis pas un P.É.D.É, vous avez pas l'droit de dire que j'suis un P.É.D.É, ça s'fait trop pas ! Z'avez même pas d'preuves, et même si vous en aviez, c'est ma vie privée ! Et j'ai pas choisi en plus, j'suis comme ça, c'est en moi, c'est tout !
Avec cette pitoyable stratégie de défense faite de dénégations aux relents d'aveux, son sort semblait scellé. Je l'avais décidé en tout cas. S'il ne voulait pas être mien, il devait mourir.
– Bien, si tu n'as rien d'autre à dire, on peut en rester là. Je te déclare coupable et te condamne donc à la peine capitale, pour crime contre la Fédération. Par humanité, je te promets de ne pas te faire souffrir au moment de t'ôter moi-même la vie.
M'approchant de son visage recouvert d'un immense chagrin et d'une peur insurmontable, je passai une dernière fois ma main sur sa joue.
– Je peux encore te gracier tu sais... cela ne dépend que de toi... prosterne-toi, et tu auras la vie sauve...
Alors qu'une fois de plus, et malgré les larmes acides qui coulaient sur son menton, il tournait la tête de gauche à droite et de droite à gauche, une voix fière se fit entendre.
– UN INSTANT !
Un jeune garçon, brun, à la peau blanche, et affichant une fierté et une suffisance sans pareil sortit du public et s'approcha de ma petite chose. Un sourire aux lèvres, il me pointa du doigt. Avec assurance, il gonfla ses poumons, et de son Regard, il maîtrisa la foule toute entière.
– Un procès sans défense n'est pas légitime, je serai l'avocat de cet enfant. Pour les faits reprochés, être un P.É.D.É ne pourra jamais être considéré comme un crime. Car moi-même, j'aime les Petits Énergumènes Délurés et Énervants, et ce n'est pas un crime d'aimer !
Désordonnée et incohérente, cette plaidoirie rencontra étonnamment un étrange succès dans l'assistance. La personnalité, la fougue et le Regard de celui qui parlait jouait beaucoup dans ces réactions. Auréolé d'un premier succès, il m'invectiva sans frémir :
– D'après la loi fédérale, la peine de mort ne peut être prononcée que de la bouche de l'Aar'on. Sinon, elle est interdite. Qui êtes-vous pour oser pouvoir prétendre condamner quelqu'un à un tel châtiment ?
Pris de rage, je me levai et je répondis, tous crocs dehors.
– Je suis Adri'an, gouverneur de Douamoutef, troisième lune d'Horus, deuxième planète du système Solruben. J'ai été nommé par le grand Kha'sauss lui-même, régent de l'Aar'on et premier personnage de la Fédération. En son nom, je détiens donc toute la force et la légitimité Aaronesque. Et toi, qui es-tu ?
Toujours aussi fier et sûr de lui, l'étranger me fixa, attrapa le blond par le bras, puis le colla à son torse, avant qu'ils ne se perdent l'un dans les yeux de l'autre. Le Kili'an tremblait de toute part et ne pouvait pas masquer la chaleur qui s'échappait par ses oreilles et qui colorait en rouge son visage. Le brun s'approcha de ses lèvres, jusqu'à les caresser des siennes dans une explosion de lumière. Pendant plus de dix secondes, le temps s'arrêta de tourner, les gens de respirer, les oiseaux de chanter et les cœurs de battre. La pauvre proie, complètement lobotomisée par ce geste, tomba à genoux aux pieds de son avocat qui, toujours aussi dignement, invectiva les masses :
– Moi ? Je suis l'Aar'on. Le vingt-septième, petit-fils du vingt-sixième, le Sage, et seul Aar'on légitime de tout Vojolakta. Je suis de retour après sept ans de fuite pour réclamer mon trône. Et avant de me rendre sur Thot arracher la tête de tes maîtres, je me suis permis de venir récupérer la chose la plus importante à mes yeux, mon Kili'an, celui qui m'est destiné.
Alors que la foule murmurait son étonnement et que je restai bouche bée, le jeune blond réussit à reprendre son souffle. Sans rien comprendre à ce qui venait de se passer, il bougonnait. Son souffle était court et sa main accrochée au ©Végépantalon de son seul et unique maître.
– Légitime... légitime... j'en sais rien, mais si on devait vraiment lui trouver un surnom à celui-là, ce serait plutôt le mufle ou le pervers !
– TAISEZ-VOUS ! – hurlais-je à la mort, comme si l'on venait de m'enlever ma seule raison de vivre. TAISEZ-VOUS ! C'EST FAUX ! L'Aar'on... l'Aar'on ne peut...
– Oh si... – me sourit le brun, en attrapant violemment « son » Kili'an par la chevelure et en le forçant à se mettre à quatre pattes, son intimité arrière en l'air. Excuse-moi, toi, ça risque de te faire un peu mal, mais j'ai besoin que tu me prêtes ta force. Ne t'en fais pas, après ça, je m'occuperai longuement de toute la partie dressage pour m'assurer que tu m'aimes... Respire...
De toute ma vie, ce fut la première et seule fois que j'assistais à une Résonance. D'après les archives, seuls points de comparaison, elle était digne des plus grandes, comme celle qu'avait connue le vingt-et-unième et son amant lors de la bataille décisive contre le Bottel'ron. Complètement innocent d'âme et de cœur, le jeune Kili'an s'aligna naturellement et parfaitement avec celui qui lui était destiné, plus qu'il ne le fit jamais plus par la suite à une exception près. Entre ses piaillements, la lumière aveuglante qui recouvrait tout, la terre qui tremblait et le ciel qui semblait s'ouvrir, nous ne vîmes que tardivement l'immense Vortico qui venait d'apparaître au-dessus de nos têtes et qui absorba et désintégra mes suiveurs les plus fidèles, dont mon pauvre Vic'tor. Une ombre orange failli s'en échapper, mais l'intensité de l'action l'en empêcha. Les effets de la venue d'un Aar'on dans un Kilian se firent ressentir dans tout Solruben. Cible de la fureur Aaronesque, mon corps tout entier se retrouva comme broyé et pulvérisé. Dans Vojolakta tout entier, des armées fidèles à Kha'sauss tombèrent immédiatement les armes. L'Aar'on tant attendu par le peuple était de retour. Même si nous étions peu nombreux à vraiment pouvoir témoigner de ce prodige, il provoqua des scènes de liesses aux quatre coins de la galaxie. Encore aujourd'hui, je ne sais pas si je dus ma vie sauve à la mansuétude de mon adversaire, négligeant de m'achever alors qu'il en avait l'occasion et que je gisais à ses pieds, ou au regard doux que son partenaire me lança au moment où la sève aaronesque irrigua pour la première fois son corps. Peut-être m'avait-il donné l'envie et la force de survivre malgré mon état.
Mortellement blessé, je réussis à m'enfuir, loin, sur une planète où je pus retrouver quelques capes rouges. Elles me soignèrent et me cachèrent. Je jurai à ce moment-là d'avoir un jour ma revanche et de récupérer mon bien, cet adolescent aux cheveux d'or et aux yeux émeraude, objet de ma convoitise et source de ma névrose.
Par le biais de quelques amis qui avaient échappé aux rafles, j'appris que Kha'sauss avait été exécuté par des fidèles de l'Aar'on avant même que ce dernier ne mette le pied sur Thot, son Kili'an amoureusement accroché à son bras. Le dressage afin de faire du blond un soldat loyal et un amant dévoué dura plusieurs mois avant que ne lui soit confié le commandement de son propre vaisseau et de sa propre équipe. Deux ans passèrent ainsi, pendant lesquels il servit avec abnégation celui qu'il avait reconnu comme son maître, et qui n'était pas moi.
Pendant ces deux années, l'anti-humanité à nouveau plongée dans l'ombre ne resta pas pour autant inactive. Elle recruta au contraire de nouveaux soldats et prépara sa revanche, sous l'égide de l'homme qui m'avait confié ma première mission.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top