Chapitre 1
La nuit était fraîche. Une douce brise agitait mes courts cheveux sombres, dont certains dépassaient néanmoins de ma capuche. Je la redescendis devant mon visage. Mon cœur tambourinait dans ma poitrine. Les lampadaires à gaz révélaient par intermittence mon existence. Je rajustai mon baluchon sur mon épaule. Ma fuite pouvait être compromise à n'importe quel instant. Déjà, mes genoux pulsaient d'une douleur habituelle. Je serrai les dents. J'étais presque arrivée à l'écurie, ce n'était pas le moment de flancher.
Le cliquetis caractéristique de l'armure des gardes me fit sursauter. Je fouillai du regard à toute vitesse les environs. Une cachette, vite ! Rien, seulement un coin d'ombre. Je m'y précipitai et me collai au mur. « Je suis invisible, je suis invisible », répétai-je en pensée. Le garde apparut, je fermai les yeux fortement et retins mon souffle. J'essayai de me coller le plus possible à la façade, comme pour ne faire plus qu'un avec. Je m'imaginai aussi plate et fine qu'une feuille. Petit à petit, le cliquetis s'éloigna. J'inspirai un grand coup et me remis en marche.
Je finis par arriver devant l'écurie. Le bâtiment consistait en un « L » avec deux étages. Le rez-de-chaussée accueillait les chevaux, tandis que l'étage servait à entreposer la nourriture et la maintenance de ceux mécaniques. J'allais dans l'aile consacrée aux cheveux de chair et d'os grâce à la clef que j'avais dérobée un peu plus tôt. J'allumai une bougie et me dirigeai jusqu'à la stalle de ma jument, Poivre. Je caressai son museau et elle ouvrit les yeux.
"Ce n'est que moi, ma belle, ne t'inquiète pas", lui chuchotai-je.
Elle hennit doucement. Je la menai jusqu'à la sortie, la sellai et la montai. Il me sembla que mes genoux soupiraient de soulagement. Je lançai Poivre au petit trot, en sachant pertinemment que je me ferai très vite repérer.
Pourtant, j'atteins la ville basse sans encombre. Mais je savais qu'ici, le danger n'était plus de tomber sur des gardes, mais plutôt sur des malfrats. J'avalai ma salive et écartai les souvenirs qui remontaient. Il me semblait que l'on n'entendait que le claquement des sabots de Poivre dans tout le quartier. Je regardai partout autour de moi, comme une bête traquée, m'attendant à voir surgir des criminels à chaque intersection. Et en effet, cela ne tarda pas.
« Alors le nobliau, on se promène la nuit ? Faut faire attention, c'est plutôt mal famé dans le coin ! Vous risquez de tomber sur des gens mal intentionnés. Des gens qui pourraient en vouloir à votre argent ou votre vie... »
L'homme qui me barrait la route était seul, si l'on exceptait le couteau qu'il tenait dans la main droite. Je jetai un regard derrière moi. Dans l'ombre, je vis du mouvement. Je reportai mon attention sur la personne en face de moi.
« Que gagneriez-vous à me laisser en vie ? Je pourrais vous faire retrouver et arrêter...
-Mais je vois que j'ai affaire à une noblionne !, s'exclama-i-il en singeant une révérence. Vous avez tout à fait raison. Cependant, voyez-vous, je ne suis pas un assassin, mais un voleur. Et je vole parce que je ne gagne pas assez dans vos usines pour que ma famille survive. Si nous vous aviez payé plus, au lieu de nous exploiter, je ne serais pas là devant vous à vous menacer. Vous récoltez le fruit de vos actions !
-Je comprends bien votre problème. Mais, voyez-vous, si je pars cette nuit, c'est parce que je refuse de vivre dans cette noblesse que vous -et moi- semblez conspuer. Or, le peu d'argent que j'ai sur moi me servira aussi à survivre, dans le vaste monde hors de Zal. Si j'ai un cheval, c'est que, à cause d'une malformation de naissance, mes genoux me font souffrir lorsque je me tiens debout.
-Vous semblez honnête, mademoiselle. Mais, voyez-vous, je m'en voudrai de vous laisser partir comme cela.
-Dans l'écurie, vous trouverez des chevaux à revendre, mécaniques et vivants, lui dis-je en sortant la clef d'une poche. Cela vous intéresse-t-il ?
-Marché conclu !, répondit-il après un instant de réflexion. Envoyez-là moi et vous pourrez passer ! » Je décidai de lui faire confiance et lui envoyai la clef, qu'il réceptionna adroitement.
« Bon courage et bonne chance la donzelle ! »
il disparut dans l'obscurité et je continuai ma route.
Je finis par arriver aux portes de la ville. Celles-ci restaient ouvertes en permanence, mais étaient toujours gardées. J'approchai au pas après avoir relevé ma capuche. Un garde armé d'une hallebarde me s'approcha de moi.
« Holà ma dame-oiselle ! Qu'est-ce qui vous amène si loin de chez vous en plein cœur de la nuit ?
-Mon bon ami, lui chuchotai-je sur l'air de la confidence, m'attend dans un maison au-dehors, si vous voyez ce que je veux dire, ajoutai-je avec un clin d'œil.
-Hoho ! Je vois très bien, répondit-il en me rendant mon clin d'œil. Faut bien profiter de sa jeunesse ! Je l'envie, votre bon ami !
-Haha ! Flatteur !
-Allez-y mademoiselle, et amusez-vous bien ! »
Je passai la porte, sentant que ma vie venait de prendre un grand virage. Le vent qui m'accueillit au-dehors me sembla être celui de la liberté. Je galopai alors à bride abattue pendant d'intenses minutes, grisée par la sensation de vitesse.
Lorsque poivre s'arrêta, je descendis et m'assis dans l'herbe fraiche et un peu humide. Au loin, face à moi, les grandes tours de verre et de métal de Zal dépassaient des murailles, majestueuses, légères. Quelque part là-dedans, j'avais vécu, enfermée moi aussi derrière les hauts murs. Mais à présent, j'étais libre. Je me retournai résolument. Le passé était dans mon dos, et l'avenir devant moi !
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