CHAPITRE HUIT : OCRÉLIA
Planète Terre, an 2501, 1er septembre
Ocrélia grimaça légèrement devant le massacre. Il y avait longtemps qu'elle s'était habituée au sang et aux cadavres mais elle n'arrivait pas à supporter les pleurs et les cris désespérés des survivants. A la guerre, il y a toujours des vainqueurs et des perdants. Les perdants mourraient, il n'y avait rien à comprendre ni à faire : c'était la vie. Ils étaient morts, un point c'est tout. Il n'y avait pas à pleurer, ni à se lamenter où encore moins à se plaindre, ils n'avaient qu'à se reprendre en main et à essayer d'honorer les morts.
Elle fit un effort et enfila son plus beau masque. Après tout, elle était la cheffe de ce Clan. Elle devait tenir son rôle jusqu'au bout, où du moins, jusqu'à ce qu'elle obtienne le Ɖΐᾆ₥ǟƞŤ ɖɘ Ƨăɓȴɘ. Elle n'était pas pressée. L'Impératrice pouvait bien attendre quelques heures de plus.
Alors que trois hommes se dirigeaient vers elle, elle vit arriver le jeune blond et réprima un sourire. Ocrélia ne savait pas pourquoi elle avait eu peur, tout se déroulait toujours selon ses plans. Et puis vu que Ykran Xerimas, l'homme qu'elle avait choisi à la place de l'Amiral Rintus, était mort, elle devait se charger de tous les problèmes futiles propres aux hommes.
— Que puis-je pour vous ? Demanda Ocrélia en leur adressant un sourire qu'elle espérait sincère en usant de sa voix la plus mielleuse,
— Mon ami est blessé, expliqua un jeune homme du nom d'Iros, en désignant son compagnon beaucoup plus grand que lui et visiblement en piteux état.
Cherchant dans les méandres de sa mémoires, elle finit par trouver le fameux nom : Esteb.
— Qu'a-t-il ? Interrogea Ocrélia en s'adressant au jeune homme qui soutenait l'accidenté.
— Il saigne beaucoup à la côte droite et à une éraflure au front, répondit Iros.
Celui-ci ne tenait debout que parce qu'il s'appuyait sur Iros et son poids, sans doute dans les quatre-vingt-dix kilos devait peser sur les épaules du blond puisque ce dernier s'affaissait légèrement. Les deux étaient couverts de sang, l'un du sien, et l'autre de l'hémoglobine de son ami. Le métisse avait l'air à l'article de la mort, ses yeux, plus vitreux que jamais, semblaient regarder un point invisible et ses lèvres avaient pris une jolie couleur violette. Des poches énormes pendaient sous ses yeux prouvant à elles seules l'état de fatigue dans lequel il devait se trouver depuis quelques jours déjà. La blessure qu'il avait au front saignait mais elle n'était pas conséquente, elle guérirait vite. L'autre balafre à la côte droite paraissait plus profonde mais malgré son saignement ininterrompu, elle doutait qu'elle soit assez importante pour lui apporter la mort.
— Pour sa blessure à la côté droite, il suffira d'appliquer un remède que je vous donnerai d'ici cinq minutes puis d'appliquer des bandages et d'en entourer son torse, il faut les serrer au maximum. Fais-le boire au minimum une fois par heure, il faut aussi qu'il soit à l'ombre et n'hésite pas à utiliser des des cristaux d'énergie et des ambres rouges. Avec ça, il survivra, répondit d'un air distrait Ocrélia en regardant autour d'elle.
— Vous en êtes sûr ? s'assura Iros, le stress et la chaleur faisant apparaître quelques gouttes de sueur sur son front.
— Oui, répondit Ocrélia et malheureusement pour elle, elle ne mentait pas.
Il semblait vraiment que cet Esteb soit plus résistant que la norme car il arrivait encore à se tenir debout malgré la gravité de ses blessures, ainsi, oui, elle était sûre qu'il survivrait.
Elle leur adressa un sourire et s'en alla un instant préparer le remède et le leur remit en main propre. Ils la remercièrent d'un geste de la tête et elle put s'en aller vaquer à d'autres occupations. Les autres survivants, au nombre de neuf, se portaient plus où moins bien. Esteb semblait être le plus blessé des onze humains restants.
Sentant une douleur vive dans son épaule gauche, elle aperçut, avec un mélange d'étonnement et de curiosité, une flèche enfoncée dans son bras. Elle aurait pourtant du la sentir avant, pourquoi ne la remarquait-elle que maintenant ? Retournant sa tête avec une rapidité effrayante, elle ouvrit grand son œil droit et fouilla les environs. Réprimant un sourire victorieux, elle vit un S'ras invisible qui semblait avoir échappé au sort de ses congénères.
Jugeant inutile d'alerter les humains, elle se déplaça innocemment vers sa proie en feignant une simple balade. Elle jeta un discret coup d'œil vers l'ennemi et vit que ses doutes étaient infondés puisque ce dernier ne semblait pas avoir remarqué qu'il avait été repéré. Une fois à deux mètres de sa cible et s'assurant que personne ne regarde, elle bougea son auriculaire. Observant toujours avec discrétion l'espion Ocrélia put constater qu'il avait disparu. Sans doute réduit à l'état de poussière comme ses compagnons.
Une fois qu'elle se fut débarrassé de lui, elle retira d'un coup sec la flèche empoisonnée et après avoir passé sa main sur son entaille, constata avec satisfaction qu'elle avait déjà cicatrisé. Elle sourit et dévisagea le reste des hommes qui se regroupaient, sans doute voulaient-ils se conforter dans leur malheur ? Ne jugeant pas utile de les déranger tout de suite, elle s'éloigna doucement de la petite troupe et ferma un instant les yeux.
Elle avait perdu beaucoup de réflexes à force de manquer les entraînements. Certes, elle restait la meilleure dans bien dans des domaines mais elle ne devait pas se reposer sur ses acquis et ne pas prendre à la légère les exercices que lui avait conseillé et même vivement recommandé son maître de combats et d'arts martiaux. Elle restait une élève comme les autres et malgré sa capacité à progresser vite, force était de constater qu'elle perdait en vivacité et en endurance avec l'âge.
Ocrélia regarda sa montre et décida qu'il était temps d'aller exposer son plan aux humains ; après tout si elle savait se montrer compréhensive, il ne fallait pas trop lui en demander.
— Bien, comme expliqué au camp, cette expédition a pour but le Ɖΐᾆ₥ǟƞŤ ɖɘ Ƨăɓȴɘ. Nous sommes presque arrivés à l'endroit exact où il se situe. Je comprends votre colère face à mon désir de continuer mais s'arrêter là signifierait que tous ceux qui sont morts le sont pour rien. Me concernant, je trouverais ça offensant de savoir que ma mort n'a servi à rien. Ainsi, je vous demande, où plus exactement, je vous ordonne de continuer jusqu'à notre objectif final qui n' a pas changé. Nous sommes à moins de deux jours de marche de l'emplacement où il est, une fois prit, je vous promets qu'il n'y aura plus d'imprévu, expliqua d'un ton calme et apaisant Ocrélia.
Devant les yeux et le visage des humains, elle douta un moment de son speech mais elle n'eut pas à attendre longtemps avant de constater des réactions conformes à ses attentes. Elle n'eut qu'à lire leurs pensées pour voir ses espérances devenir réalité. Elle n'était pas devenue chef parce qu'elle était belle, mais parce que ses talents d'oratrices l'avaient fait élire sans opposer de résistance. Elle convainquait même les plus réticents. Après tout, lorsqu'on parlait, l'important n'était pas la vérité, c'était d'avoir raison. Et, pour son plus grand bonheur, Ocrélia avait toujours raison.
— Je comprends votre fatigue mais plus vite nous aurons ce diamant et plus vite nous pourrons repartir au camp, c'est pourquoi je propose qu'on se mette en route dès maintenant. Bien sûr si l'un d'entre nous venait à s'arrêter parce qu'il est trop faible pour continuer, nous stopperions notre avancée et nous l'attendrions, proposa Ocrélia en regardant un à un les onze survivants.
Personne ne répondit rien et tous se regardèrent. Ils ne savaient quoi dire, leurs pensées se bousculaient dans leur tête et il n'y avait personne pour les aider dans ce dilemme intérieur. Ils avaient tous conscience qu'ils ne pouvaient abandonner maintenant et rentrer au camp sans rien, pas après tous ces morts. Ils ne pouvaient se permettre de retourner d'où ils venaient sans rapporter l'objet pour lequel tant de vies avaient été sacrifiées. Ils savaient qu'ils n'avaient pas le choix.
L'Impératrice en eut la confirmation lorsqu'elle lut dans leurs pensées qu'ils étaient sur le point de la suivre. Les rares doutes qui restaient se dissipèrent lorsqu'ils se levèrent et elle réprima un sourire.
Ainsi, alors qu'elle s'attendait à des rebellions, au pire à des suicides, ils n'opposèrent aucune résistance. Tout se passait encore mieux que prévu !
Ils arrivèrent enfin à destination après trois jours de marche. Selon ses estimations, ils auraient déjà du y être arrivés depuis un jour mais elle avait sous-estimé la fatigue et les blessures des hommes ainsi, avec les arrêts incessants, la lenteur de leur allure, leur manque d'endurance, ils avaient finalement un jour de retard. Rien de dramatique mais il ne fallait pas trop tarder non plus.
— Bien, j'aurais besoin de l'un d'entre vous, les autres, vous pouvez vous reposer, expliqua Ocrélia en désignant le jeune humain blond.
Ce dernier haussa les épaules et elle hocha la tête de haut en bas. Se résignant, il laissa Esteb aux mains des autres survivants et la suivit.
Étrangement, alors qu'elle s'attendait à des questions de sa part, il ne dit rien.
— Nous y-sommes bientôt ? s'impatienta-t-il au bout d'une dizaine de minutes à marcher.
— Oui, plus qu'une dizaine de minutes à marcher, répondit Ocrélia.
Une fois arrivés à destination, ils se retrouvèrent en plein milieu du désert. Iros grogna et elle s'empêcha de le frapper. Après tout, il était le seul à pouvoir la prendre.
La cheffe lui demanda gentiment de s'écarter et ouvrit grand les bras puis prononça une formule à voix basse. Aussitôt ses yeux ouverts, un trou assez grand pour un déposer un crâne d'humain s'ouvrit et une boîte noire apparut. Ocrélia sourit doucement et se saisit de la boîte fabriquée en vantablack, un matériau connu pour absorber quatre-vingt-dix-neuf pour cent de la lumière et être d'une noirceur incomparable.
Elle fit le tour de la boîte mais ne put l'ouvrir. Comme elle s'en doutait, il fallait qu'une âme innocente l'ouvre. Or, innocente, il y avait bien longtemps qu'elle avait cessé de l'être.
— Viens là, commanda-t-elle en s'adressant à Iros qui s'approcha.
L'humain obéit et elle posa la boîte dans ses mains, aussitôt le contact établit, la boîte s'évapora et un diamant de la taille d'un poing de bébé apparut. Entièrement beige, il possédait quelques reflets blancs et dorés mais sa couleur restait d'un beige pur et parfait. Le plus impressionnant est sans doute l'effet qu'il produisait puisque le sable aux alentours commençait à souffler de plus en plus fort. Afin de réduire son pouvoir, elle s'en saisit et le plaça dans sa poche, aussitôt le sable redevint calme. Elle sentait encore la pierre brûler dans sa poche mais elle savait que son pouvoir cesserait bientôt.
— Bien, faisons demi-tour, ordonna Ocrélia en faisant demi-tour.
— Et le diamant !? Je ne peux même pas le voir ? se plaignit Iros en se déplaçant vers Ocrélia.
Elle se retourna puis le foudroya du regard. Lorsqu'il baissa des yeux, elle laissa échapper un rire discret. Il n'avait même pas tenu sept secondes. Pathétique.
Sans dire un mot de plus, elle l'ignora et continua son chemin. Elle n'eut pas à attendre longtemps pour entendre le bruit de ses pas foulant le sable. Elle continuait son chemin quand elle entendit un bruit qui résonna et elle l'aperçut, à terre, en train de manger la poussière. L'Impératrice lui lança son plus beau sourire et s'en alla sans un mot de plus. Après tout, il était grand et il était tout à fait capable de se relever sans elle. Elle n'avait pas signé pour être nourrice.
Ils firent donc demi-tour et retrouvèrent rapidement le reste du groupe. Iros, oubliant la discussion précédente, se précipita vers son ami pour s'assurer que tout allait bien.
Ocrélia sourit hypocritement. Ils étaient partis à peine une demi-tour et il s'inquiétait autant ? Iros ferait mieux de s'inquiéter pour lui-même au lieu de penser tout le temps aux autres.
Après tout, s' il savait tous les dangers qui le guettait, sans doute serait-il un peu plus méfiant.
Le retour au camp se fit dans un calme olympique. Personne ne parlait et il n'y eu plus aucune attaque. La vraie tempête se trouvait au camp, ils en firent les frais dès qu'ils posèrent le pied sur place.
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