Chapitre 12
J'émerge doucement de la torpeur dans laquelle j'avais sombré. Après avoir répandu des litres considérables de vodka dans mes veines, le sommeil m'avait pris en otage. Un courant d'air frais s'engouffre par la porte, donnant sur la terrasse, et me fait frissonner. Je me hâte d'enfiler mon sweat. L'arôme âcre du cannabis titille mes narines, j'en déduis qu'Enrique est entrain de siffler un spliff. Il remarque ma présence et me fais un check en guise de salut.
— T'as les idées plus claires ? questionne-t-il, le regard rivé vers l'horizon.
— J'ai surtout la migraine.
— Vire-moi ces bandages, brosse-toi les dents et prends une douche, tu empestes la charogne.
Mon regard se pose alors sur mes bandes rougeâtres. Je songe qu'avec le temps, elles ont occupé une place de choix dans mon style vestimentaire. Elles sont presque devenues une importante caractéristique physique.
— On fera un tour à Rivers après déjeuner, histoire de faire une mise en place de notre nouveau job.
— Ce serait naïf de ma part de penser que ça ne tournera pas mal, fais-je, anxieux.
— Effectivement. Plus vite on gagnera de l'argent, plus vite on s'en ira.
— Qu'est-ce qui te garantit qu'il nous laissera nous en aller ?
— Rien du tout. Disons qu'on rajoutera cette clause au contrat, rétorque-t-il, hilare.
— C'est ça. Fous-toi de ma gueule.
— Azy file, y'a une brosse à dents neuve dans la salle de bain, m'informe-t-il.
J'achemine mes jambes vers celle-ci. J'entre et referme la porte à clé. Je soustrais mes vêtements, puis les depose sur le lavabo. Je prends le soin de me nettoyer les dents, de déféquer ensuite, puis me glisse sous la douche d'où j'active l'eau. Une faible douleur surgit lorsque je frotte mon corps. J'ai le regard flou à cause de la pellicule d'eau qui s'est déposé sur mes yeux. Je devine néanmoins les entailles que je me suis fait sur les doigts. Il me vient à penser qu'elles ne disparaîtront que si j'arrête de me battre contre moi-même. Mais le combat acharné que je me livre depuis des années maintenant, prendra-t-il fin un jour ?
∗
Nous pénétrons dans le bâtiment. Je darde un regard circulaire à la pièce. Il s'agit d'un hall composé de salons, de jeux de fléchettes, de billard et d'un mini bar. L'ambiance, bien que sombre en raison de l'éclairage tamisé, est assez cosy. Des effluves de cigares et d'alcool chatouillent mes narines. Je songe que dans ce genre d'endroit, il vaut mieux se tenir à carreaux. Enrique me bouscule pour attirer mon attention. Nous nous dirigeons vers une porte surveillée par deux hommes de carrure imposante. Je reste en retrait et observe Enrique leur glisser des informations dont j'ignore la nature. Le portier de gauche murmure des mots dans un minuscule micro dissimulé sur sa veste. Il se fige un instant, puis hoche de la tête. Il lance ensuite un regard suspicieux à mon encontre avant d'ouvrir la porte. J'emets un rictus, puis emboîte le pas à Enrique. Nous pénétrons dans une pièce aux blafardes lueurs. Je ne m'attarde pas sur la décoration de celle-ci. À mesure que j'avance, je distingue enfin un homme assis sur un fauteuil en cuire bleu charron. Une fille en string à genoux entre ses jambes. Il remarque notre présence et congédie la demoiselle. Aucunement gêné de nous dévoiler sa nudité, il se lève puis se couvre d'un peignoir. Il ceint négligemment ses reins, puis se rassoit.
— Asseyez-vous donc, faites comme chez vous, introduit-il.
Impossible que je fasse comme chez moi, pensé-je en m'assayant dans le fauteuil en face de lui.
— Alors, que racontes-tu de beau, mon ami ? lance-t-il à l'adresse d'Enrique.
— Comme convenu, je me ramène avec un ami de confiance.
Je sourcille, puis plisse les yeux en écoutant le ramassis de merdes qu'Enrique déblatère. Mon geste n'échappe pas à la vigilance de Rico. De longs cheveux vénitiens noués en chignon recouvrent son crâne, ses sourcils fournis en accent circonflexe lui donnent un air sévère. Ses yeux bleu électrique dans lesquels frétille une lueur arcane et sa forte mâchoire lui confère une aura intimidante. En détaillant son visage, je déduis qu'il est probablement dans la trentaine. Je déglutis en croisant son regard. C'est le genre de gars à qui il ne faut pas la faire à l'envers. Dans quelle merde je me suis fourré ? pensé-je.
❪734 mots❫
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