Chapitre 3 : Timide flamme
Chapitre 3 : Timide flamme
- « Ace Faust ... Qu'es-tu en train de me faire ? »
Ces paroles résonnent en moi. Même si ça me fait mal de l'admettre, Ace me fait de l'effet. Il a le don de m'embarquer dans toutes sortes d'expériences plus folles les unes que les autres. Mais je dois dire que ... J'aime bien ça et ce, de plus en plus.
Nous sommes à présent dimanche soir et après mûre réflexion j'ai repris le contrôle de mes pensées. Ace Faust, aussi envoûtant soit-il reste un playboy et je dois garder cela à l'esprit. Je ne dois pas m'attacher ou me faire de fausses idées. En plus de cela, il est mon patron et j'ignore où des sentiments pour lui pourraient me mener.
À ma perte, sans aucun doute.
Cette semaine s'annonce chargée et remplie d'une multitude de déplacements en dehors du bureau. Avec Ace, nous devons rencontrer de potentiels clients un peu partout dans le pays.
Alors que mes talons claquent dans les rues encore endormies de la ville, j'aperçois une silhouette devant l'immeuble de Nova Corporation. Plus j'avance, plus ses traits se précisent.
Ace. C'est lui.
Ses cheveux noirs sont légèrement ébouriffés et quelques mèches volettent au rythme de la brise hivernale. Alors qu'il ajuste ses gants en cuir, un nuage de vapeur s'échappe d'entre ses lèvres.
Lorsque le bruit de mes talons cesse, il relève la tête dans ma direction et me gratifie d'un sourire charmeur. Il s'avance vers moi, toujours occupé à enfiler ses gants.
- « Bonjour Sélène, as-tu passé un bon week-end ? » me dit-il tout en se débattant avec la fermeture de ses gants.
- « Besoin d'aide ? » J'esquive sa question tout en prenant ses mains pour fermer le bouton pression de ses gants.
- « Merci. » Répond-il en se grattant l'arrière du crâne, légèrement gêné.
Il est mignon.
- « Allons-y Sélène, nous avons de la route ce matin. » Annonce-t-il en pointant du doigt la voiture garée devant l'entreprise.
C'est une somptueuse Lamborghini noire, la voiture de sport par excellence. Elle est magnifique.
Attendez. S'il me la montre, cela signifie qu'on va aller voir le client avec ? Mon visage devient aussi livide que celui d'un fantôme et je me tourne vers Ace. Mes yeux sont remplis de panique et de questions.
- « Quand arrive ton chauffeur ? » Je demande en faisant l'idiote qui prétend ne pas avoir vu ce qu'il me montre.
- « Bien essayé Sélène. Maintenant, en voiture. »
Mon petit stratagème n'a pas marché. Bien évidemment.
Ace m'ouvre la portière. Une fois que je suis installée, il la referme délicatement. Alors qu'il prend place à son tour, côté conducteur, il m'annonce tout content :
- « Cette semaine, on va travailler sur les sensations fortes ! »
Ni une, ni deux, il démarre en trombe et me voilà le dos scotché au dossier. Mes mains sont agrippées à la portière. Mes yeux sont rivés sur la route qui défile bien trop vite à mon goût.
- « Dis-moi Sélène ... As-tu un petit ami ? »
Alors là, elle sort de nulle part cette question. Abasourdie par l'aisance avec laquelle il vient de me demander ça, mes yeux quittent la route pour venir se poser sur son visage. Visage, qui je le découvre avec horreur est tourné vers moi.
- « Mais ce n'est pas vrai Ace, regarde la route ! »
- « Réponds-moi d'abord. »
- « Mon dieu ... Non je n'en ai pas ! Maintenant regarde la route ! »
Quel. Gamin. Sérieusement, entre sa question et son comportement je viens de frôler la crise cardiaque.
- « Et y a-t-il un type d'homme que tu aimes ? »
Mais qu'est-ce qui lui prend aujourd'hui ? Il a mangé un petit déjeuner avarié ? Il s'est pris un pot de fleur sur la tête en venant au bureau ? Pire, il a bu avant de conduire ?
- « Alors ? »
- « Ça ne te regarde pas vraiment. »
Ma réponse est sèche mais j'essaie désespérément de couper court à cette discussion. En effet, si je n'y parviens pas, mes fermes résolutions de ne pas tomber dans les filets de mon playboy de patron vont tomber à l'eau.
En plus de cela je n'y ai jamais vraiment réfléchi. J'ai déjà eu des petites attirances par ci par là mais jamais de petit ami. Je ne suis jamais tombée amoureuse. Après tout, tout est dans l'expression : tomber. Que ce soit sur le sol ou amoureuse, je ne veux pas tomber. C'est effrayant.
Visiblement insatisfait de ma réponse, Ace accélère. Qu'est-ce que je disais ? Un gamin.
Après deux bonnes heures de conduite sportive et de souhait de ma part de fusionner avec la portière, nous arrivons. Alors que mes pieds touchent enfin de nouveau le sol, mes jambes tremblent encore d'émotion. Cela interpelle d'ailleurs notre client qui me demande si tout va bien.
- « Sûrement le froid ! » répond Ace à ma place avec son sourire en coin.
Le froid. Bien entendu. Il me le paiera.
Le client nous fait visiter les locaux de son entreprise. Il nous invite ensuite à un copieux repas le midi puis nous partons en réunion avec certains de ses employés. Comme d'habitude, nous parlons chiffres, partenariats et optimisation pendant toute l'après-midi. Le contrat semble en bonne voie et serait bénéfique pour nos deux entreprises.
Alors que la journée touche à sa fin, nous sortons de la salle de réunion et Ace me dit :
- « J'ai encore un petit détail à régler pour le contrat, tu peux m'attendre à la voiture. »
Alors là, il peut compter là-dessus et boire de l'eau fraîche. J'ai aperçu un arrêt de bus en arrivant et je compte bien m'y rendre. Après le cirque de ce matin, il n'y a pas moyen que je remonte avec lui en voiture.
Quand j'arrive au fameux arrêt, il y a juste un couple de personnes âgées qui attend avec moi. Tout est calme et silencieux et seulement quelques voitures passent par là. Ce moment de paix est interrompu par un vrombissement de moteur que je reconnais immédiatement. Ace et sa Lamborghini s'arrêtent devant moi. Il baisse la vitre :
- « Enfin je te retrouve Sélène. Je me suis fait un sang d'encre en ne te voyant pas à la voiture. Monte ! »
- « Non. »
- « Non ? Tu es sûre ? »
- « On ne peut plus sûre. » Je réponds prise d'une confiance naissante.
Naissante et de courte durée. En effet, elle disparaît complètement quand Ace sort de la voiture et me dit avec son éternel petit rire sournois :
- « Tu l'auras voulu. »
- « AH ! » Je m'exclame alors qu'il me balance par-dessus son épaule comme un vulgaire sac à patates.
Le couple assiste à la scène et commence à doucement rigoler et dire :
- « Un jour, nous aussi avons été aussi fougueux, comme ils sont mignons ! »
Fougueux ? Mignons ? Mon patron est littéralement en train de me kidnapper ! Sauvez-moi, appelez la police, je ne sais pas ! Faites quelque chose !
Après m'avoir installée dans la voiture, Ace reprend le volant comme si de rien n'était. Les minutes passent dans un silence de plomb et il finit par me demander :
- « Tu es fâchée ? »
Je ne suis pas fâchée. Un peu choquée, certes, mais pas fâchée. À vrai dire, je suis assez chamboulée. Mon cœur bat à 100 à l'heure et mes joues sont cramoisies. Je ressens des émotions que je n'avais jamais ressenties auparavant. Je m'efforce de ne pas y penser et de repousser les vagues de frissons qui me parcourent de la tête aux pieds.
Voyant que quelque chose cloche, Ace pose sa main sur la mienne.
- « Je suis désolé, je ne recommencerai plus. »
- « Hum. » est la seule réponse que je peux extirper de mes lèvres closes.
Le reste du trajet retour se fait dans le silence. Pas le genre de silence dont on souhaite qu'il se termine. Plutôt le genre de silence dont on veut qu'il dure éternellement. Un instant, à deux, qui se passe de mots.
Sa main alterne entre la mienne et le levier de vitesse. Je sais que je ne devrais pas mais j'ai envie de ressentir la chaleur de sa peau contre la mienne. Encore un peu.
Il me dépose chez moi et c'est toujours dans cette ambiance, presque hors du temps que je m'endors paisiblement.
Le lendemain, la journée est plus ou moins la même. Ace nous conduit de client en client. Cependant, cette fois, pas d'excès de vitesse. Pendant les trajets, nous discutons de tout et de rien. Aucun de nous deux n'est revenu sur ce qu'il s'est passé hier et c'est peut-être mieux comme ça !
Nous voilà déjà mercredi et toujours autant de rendez-vous à l'extérieur nous attendent. Seul petit problème, aujourd'hui, les dossiers ne sont pas imprimés. Le jeune homme du secrétariat s'est emmêlé les pinceaux et nous voilà terriblement en retard. Alors que je cours dans tous les sens pour essayer de rattraper cette catastrophe, Ace me tend un casque que j'attrape machinalement.
- « Aux grands maux les grands remèdes. »
- « Ace, qu'est-ce que je suis censée comprendre ? » Je lui demande tout en imprimant la dernière feuille qui nous manquait.
Plutôt que d'utiliser des mots, il se plante là. Il agite son propre casque dans une main et pointe une moto avec l'autre.
- « C'est hors de question. Absolument hors de question. » Je dis tout en secouant la tête de gauche à droite.
Encore une fois je me retrouve embarquée sans avoir mon mot à dire. Au début, gênée, je n'ose pas me tenir à lui. Je me ravise cependant très vite lorsqu'il met un coup d'accélérateur. Me voilà devenue un koala géant accroché à Ace de toutes mes forces. Mes bras font le tour de sa taille et mes mains sont accrochées l'une à l'autre au niveau de son abdomen. Je ne peux penser à rien d'autre que me tenir à lui et je passe tout le trajet les yeux fermement clos.
Je suis sortie de ma terreur par des délicates caresses sur les mains et Ace qui me dit :
- « Sélène, on est arrivés. Non pas que ton câlin me déplaise, mais il va falloir que tu te détaches de moi. »
Je deviens rouge écarlate et lève les bras d'un coup sec comme si j'étais en état d'arrestation. Ace descend le premier de sa moto et me laisse à califourchon seule dessus. Il enlève son casque puis le mien et les accroche au guidon. Il vient ensuite m'attraper de chaque côté des hanches et me soulève comme si j'étais une plume. Alors que mes pieds touchent le sol, je me retrouve collée à lui, mes yeux plantés dans les siens.
À ce moment précis, le temps s'arrête. Il n'y a plus que lui et moi. Plus rien ne m'importe autour. Et alors que mes yeux le scrutent, je crois déceler une timide flamme danser tout au fond des siens.
Ce bref instant, qui pour moi dure éternellement est coupé court par le client qui se racle la gorge. Ace se redresse et revient vite à son attitude de patron millionnaire. Quant à moi, je remets mon tailleur en place tout en essayant de contrôler mon cœur qui s'est follement emballé la minute passée.
Pendant la journée, je ne croise Ace que très peu. Lui étant occupé avec le patron et moi avec son assistant de direction. Je ne sais pas si c'est à cause de ça mais la journée me paraît interminable.
Alors qu'un long soupir de fatigue traverse mes lèvres, je m'assois sur un banc devant l'entreprise de notre nouveau client. J'attends qu'Ace finisse de son côté pour repartir avec lui. Malheureusement, il n'y a aucun arrêt de bus à proximité et je n'ai pas très envie de réitérer l'expérience sac à patate.
Le jour commence doucement à décliner et le ciel revêt ses teintes orangées. On pourrait croire qu'il est en feu s'il ne faisait pas aussi froid. Ace n'arrive toujours pas et je commence à greloter. Je croise mes bras et porte mes mains à mes épaules pour tenter de conserver la chaleur que produit mon corps. Soudain, un gobelet fumant apparaît juste devant mes yeux. D'abord surprise par cette apparition inattendue, je relève ensuite la tête le long du bras qui tient le récipient.
Ace. L'air aussi fatigué que moi si ce n'est plus.
- « Tiens. Un chocolat chaud. »
J'attrape le chocolat et lui fait une place sur le banc à côté de moi. Il s'assoit et boit ce que je suppose être un café, de par sa couleur et son odeur. À nouveau, ce même silence apaisant prend place.
Une fois nos boissons englouties, nous prenons la route. L'entreprise est assez reculée et séparée de la ville par une grande campagne. Aussi, nous empruntons une route bordée par deux champs de pivoines. Ces fleurs sont magnifiques et si robustes qu'elles poussent même en plein hiver.
Le soleil couchant disparaît doucement au fond du champ. Comme pour attraper les dernières lueurs du jour, je tends un de mes bras vers lui. Le vent glisse entre mes doigts et j'ondule ma main comme pour jouer avec. Sans m'en rendre compte, je me mets à sourire. Pour la première fois, je me sens ... Libre.
Je ramène mon bras autour de la taille d'Ace après un petit moment et je croise son visage dans le reflet du rétroviseur. Il me sourit. Pas son habituel sourire en coin. Non. Un sourire sincère à vous en faire exploser le cœur.
Tout bon moment ayant une fin, nous voilà arrivés devant chez moi. Cette fois-ci, je descends toute seule comme une grande. Je défais le casque et le tend à Ace pour qu'il le reprenne.
- « Garde le. Habituellement, personne ne monte en moto avec moi. »
- « Hum. Alors je vais le garder, merci. »
Après lui avoir souhaité une bonne soirée, je rentre dans mon immeuble. Une fois dans mon appartement, je dépose le casque sur la table. Je me dirige vers la fenêtre pour fermer les volets. L'air glacé du soir s'engouffre dans mon appartement et m'arrache un frisson. Alors que je me penche pour attraper les volets, mon regard se fige et mon cœur rate un battement.
Ace est toujours en bas, la tête tournée vers ma fenêtre mais le visage caché par son casque. Dès qu'il m'aperçoit, il hoche presque imperceptiblement la tête, démarre et disparaît au loin dans l'océan de voitures.
A-t-il attendu que je sois bien rentrée ? Est-ce qu'il s'inquiète pour moi ? À cette pensée, je ne peux m'empêcher d'afficher un sourire niais.
Un nouveau coup de vent glacé me sort de ma rêverie et je m'empresse de fermer les volets et ma fenêtre. Je prends une rapide douche bien chaude, mange sur le pouce puis me mets au lit. Bien enroulée dans ma couette, je sombre doucement, le cœur chaud et battant, le sourire toujours aux lèvres.
Jeudi et vendredi passent et se ressemblent. Ace et moi enchaînons les allers retours entre les clients et le bureau. Les seuls moments calmes dont nous arrivons à profiter sont les trajets de retour. Lors de ceux-ci, ce silence si agréable nous enveloppe.
Nous sommes vendredi soir et cette fois-ci Ace me dépose au bureau et non pas chez moi. Il lui reste encore des choses importantes à régler. Sur le chemin du retour, je rêvasse et me projette dans mon week-end. Un bon livre, du chocolat chaud et un plaid tout doux. Hum, ça va être génial.
Pour bien commencer mon week-end cocooning, je décide de me faire couler un bon bain chaud. J'y ajoute quelques huiles essentielles puis m'y installe. Petit à petit, je sens la fatigue accumulée cette semaine disparaître ainsi que mes muscles se détendre. Mon téléphone tinte plusieurs fois dans ma chambre, m'indiquant que j'ai reçu plusieurs messages. Je décide de ne pas y porter attention pour l'instant, après tout je suis dans mon bain. Une dizaine de minutes plus tard, alors que je suis en train de fondre dans ma baignoire, quelqu'un tape à ma porte.
Sérieusement ? C'est le soir où je décide de prendre un bain que l'univers entier cherche à me déranger.
J'enfile mon peignoir en quatrième vitesse avant d'aller voir qui est à ma porte. Je me demande qui cela peut être à une heure pareille.
- « Sélène tu es là ? »
Surprise d'entendre la voix d'Ace, je m'accroupis (un peu trop vite) machinalement pour me cacher. C'est tout à fait stupide puisqu'il ne peut pas me voir. En plus de cela, n'ayant aucun équilibre je me retrouve vite par terre. J'ai l'air maline tiens.
- « Sélène je t'entends, viens m'ouvrir s'il te plait. »
Étant consciente du fait que je ne porte qu'un peignoir, j'entrouvre la porte. Au début intrigué, Ace finit par comprendre la situation et porte sa main devant son nez. Je ne vois plus de son visage que ses yeux. Qu'est-ce qui lui prend ? Il est enrhumé ou quoi ?
- « Je t'ai envoyé plusieurs messages auxquels tu n'as pas répondu. Comme c'est sur mon chemin, je suis passé voir si tout allait bien. »
- « Hum, et bien comme tu peux le voir tout va bien. Qu'est-ce que tu voulais ? Une urgence au bureau ? » Je lui demande, ne comprenant pas ce que fait mon patron sur mon palier.
- « Non pas du tout. Je voulais juste savoir si tu avais quelque chose de prévu demain ? »
- « Eh bien je- »
- « Quelque chose de prévu autre qu'un livre et un chocolat chaud cette fois Sélène. »
Touchée. C'est qu'il commence à bien me connaître.
- « Non à part ça rien de prévu, pourquoi ? » Je ronchonne.
- « Surprise ! Retrouve-moi au bureau à 10 heures tapantes, en tenue de sport ! »
- « Au bureau ? Je te préviens Ace, je ne compte pas faire d'heures supplémentaires après cette semaine de folie. »
Amusé par ma réflexion, il rigole et enlève la main de devant son visage. C'est là que je vois ses joues rosies et que je percute le pourquoi du comment. Moi. Sélène Katell. Je fais rougir LE Ace Faust en portant un peignoir.
Me voilà prise d'un fou rire incontrôlable devant un Ace déboussolé. Il doit me prendre pour une folle à rigoler comme ça mais c'est juste hilarant. Je n'en reviens pas.
- « Je peux savoir pourquoi tu rigoles comme ça Sélène ? » Me demande-t-il avec l'air perdu.
- « Rien, rien. À demain ! » Je lui dis toujours en rigolant et en tapotant son épaule avant de refermer la porte.
Très rapide retour à la réalité. Je viens de rire au visage de mon patron, de lui tapoter l'épaule et de lui fermer la porte au nez. Tout aussi rapidement, je rouvre la porte sur un Ace affichant un sourire carnassier.
- « Eh bien Sélène, tu me surprends de jour en jour. »
- « D-désolée, je ne sais pas ce qui m'a pris. »
- « À demain donc ! » me dit-il avant de tourner les talons et de partir.
Je reste quelques instants, plantée là. En peignoir, la porte grande ouverte, réfléchissant au sens de la vie. Je finis par claquer la porte puis prends la direction de mon lit. Je m'endors en souhaitant que ce que je viens de vivre n'est qu'un mauvais rêve.
Le lendemain matin, je suis réveillée non pas par le chant des oiseaux mais par des sonneries de téléphone incessantes.
Merde. Quelle heure est-il ? J'ai complètement oublié de mettre un réveil.
Encore enroulée dans ma couette, je me précipite sur mon téléphone. Alors que je vois qu'il est 10 heures, je reçois un nouvel appel d'Ace.
- « A-allo ? » Je dis timidement, de peur qu'il soit énervé.
- « Tu viens de sortir du lit pas vrai ? »
- « Hum-hum. Oui ... »
- « J'en étais sûr. Je suis en bas, dépêche-toi et prends ton casque. »
Oh non, pas encore la moto. Pourquoi diable est-ce que je n'ai pas mis de réveil ? Je me mets à courir dans mon appartement. J'enfile un legging, un pull noir over size et des baskets blanches. C'est un record, j'ai réussi à me préparer en 5 minutes.
Je cours dehors tout en enfilant mon casque et en m'excusant 500 fois à la seconde. Quelques minutes plus tard nous voilà arrivés au bureau. Comme nous sommes samedi, il n'y a personne et on est bien loin de la fourmilière habituelle.
Toujours perdue sur la finalité de la journée, je le suis jusque dans l'ascenseur. TING ! Les portes s'ouvrent et je suis gratifiée d'un magnifique courant d'air dans la figure.
On est sur le toit.
Là, je ne comprends vraiment plus rien. Ace sort le premier. Ayant le vertige je le suis de près. On fait quelques pas et il se plante devant l'hélicoptère de la société où un pilote est déjà installé.
Mes yeux font des allers retours. Ace. Hélicoptère. Ace. Hélicoptère. Ace. Hélicoptère.
Je suis alors prise d'un rire nerveux.
- « Hahahahahaha. Non. »
Je commence à faire demi-tour, oubliant totalement mon vertige pour quelques secondes. C'est sans compter sur Ace qui me soulève et m'amène dans l'hélicoptère. Je vais finir par croire qu'il y a écrit sac à patates sur mon front.
- « On n'en est même pas encore à la surprise. Tu ne peux pas déjà fuir. Ce n'est pas donné à tout le monde de monter dans un hélicoptère, profite. »
- « Profite, profite. J'ai le vertige sur une chaise alors dans un hélicoptère ! »
Sur ces mots il me tend la main. L'hélicoptère décolle. Ni une, ni deux je m'accroche à sa main comme si ma vie en dépendait. Je suis crispée et mes yeux sont fermés.
- « Sélène, ouvre les yeux. »
Je prends sur moi, les ouvre et me retrouve face à Ace. Il me fait signe de regarder vers la vitre. La vue est saisissante. Les voitures paraissent toutes petites vues d'ici et les bâtiments s'enchaînent, prenant toutes sortes de formes.
Le trajet passe étonnement vite et contrairement à ce que je pensais j'ai plutôt apprécié. Notre hélicoptère se pose à côté d'un petit hangar où de petits avions sont stationnés. Nous sommes accueillis par plusieurs hommes en combinaison qui nous guident jusqu'à une pièce avec des chaises et un tableau. Ace quitte la pièce et me laisse seule avec un des hommes en combinaison. C'est quoi ce plan ?
L'homme, qui s'avère être fort sympathique m'explique les règles à suivre pour ... Un saut en parachute. Une quinzaine de minutes plus tard d'explications, il me fait signer une décharge. Très rassurant.
Tout s'enchaîne si vite que je ne proteste même pas. À vrai dire, la situation me dépasse.
Vient le moment d'enfiler la tenue et d'être harnachée. Toujours aucune trace d'Ace. Super. Alors que mon instructeur de saut me guide vers un avion mon estomac commence à se tordre. Il fait froid mais je transpire.
J'ai peur, je suis terrifiée.
Je prends place dans l'avion avec l'instructeur dans mon dos. C'est à ce moment qu'Ace décide de refaire son apparition. Il est lui aussi vêtu d'une tenue similaire à la mienne mais personne ne l'accompagne. Il prend place en face de moi dans l'avion. J'ai envie de lui hurler dessus et de le gifler mais en même temps sa présence me rassure. Mon estomac se calme et l'avion décolle. Nous prenons de la hauteur et survolons des terres agricoles et des champs de fleurs comparables à ceux de la dernière fois sur la route.
- « Ace. »
- « Oui ? » me demande-t-il nonchalamment.
- « Avoue-le. »
- « De quoi est-ce que tu parles Sélène ? »
- « Tu es un psychopathe et tu veux déguiser ma mort en accident. »
Je peux sentir mon instructeur rigoler dans mon dos et dire :
- « Ace vient ici depuis qu'il est adolescent. Je doute qu'il veuille tuer qui que ce soit ici. Nous sommes comme une grande famille mademoiselle. »
- « Exactement. En plus, je t'avais prévenue que cette semaine on allait travailler sur les sensations fortes. »
Un peu trop fortes à mon goût ces sensations.
Je peste intérieurement jusqu'à ce que mon instructeur me dise que l'on a atteint la bonne altitude. Il m'explique qu'Ace va sortir en premier pour pouvoir filmer et que l'on sautera ensuite. Au moment où la porte s'ouvre, tous mes sens sont en alerte. J'ai l'impression que mon cœur bat si fort qu'il va me sortir par la bouche.
Ace sort et s'accroche littéralement au-dessus du vide.
- « Eh Sélène. »
- « Qu-quoi ? »
- « Lâche prise. »
Sur ces mots, nous sautons dans le vide. Je crie à pleins poumons mais ne ferme pas les yeux. En effet, la descente ne dure qu'une minute et on m'a répété 50 fois pendant le brief d'en profiter. J'ai l'impression de voler, c'est incroyable. Peu de temps après, le parachute s'ouvre et nous atterrissons tous. L'instructeur me détache, je le remercie et je titube les jambes tremblantes vers Ace.
Je suis alors prise d'euphorie, je rie aux éclats puis fond en larmes. Ce ne sont pas des larmes de tristesse. C'est seulement mon cerveau qui court-circuite entre la terreur et l'immense sensation de liberté que je ressens. C'est la première fois que je laisse quelqu'un d'autre prendre les rênes de ma vie.
Me voyant dans un état second alternant entre le fou rire et les chutes du Niagara, Ace me prend dans ses bras.
- « Tu l'as fait. »
- « Hum. » J'acquiesce en bougeant doucement ma tête contre son épaule.
Nous restons quelques instants comme ça. Je me sens bien dans ses bras. Je me sens en sécurité.
Notre petit moment est interrompu par l'instructeur qui nous invite à le rejoindre. Nous montons tous dans une voiture qui nous ramène au hangar. Là-bas, on me donne un certificat pour attester de mon tout premier saut en parachute !
Le reste de la journée, nous mangeons avec toutes les personnes qui travaillent ici. Ils me racontent qu'Ace vient ici depuis qu'il a 18 ans et qu'il en est à son 59ème saut. Ils me montrent ensuite plein de photos d'Ace à chaque saut. Il était déjà mignon quand il était jeune. Je comprends mieux pourquoi l'instructeur me parlait de grande famille. On se sent tout de suite à l'aise ici.
Vient le moment des adieux en fin d'après-midi. Aussi géniale qu'ait été la journée, il faut bien que l'on rentre chez nous. Nous remontons dans l'hélicoptère et repartons direction la ville.
Le vrombissement régulier des pales me berce. Complètement exténuée par l'intensité des événements, mes yeux clignent de plus en plus longtemps et finissent par se fermer.
Une main me caresse les cheveux puis je sombre dans le sommeil.
Note de l'autrice : Voilà le chapitre 3 ! J'espère qu'il vous plaît !
Je ne connaissais rien au saut en parachute alors j'ai dû faire pleins de recherches pour être la plus réaliste possible haha !
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