Chapitre 2 : Braise

Chapitre 2 : Braise




- « Un mois ... Donne-moi un mois pour t'apprendre à vivre. »


Voilà bien 5 minutes que mon cerveau essaye de traiter ce qu'il vient d'entendre. Mon patron, Ace Faust ... LE Ace Faust veut m'apprendre à vivre ?


Dans un effort qui me paraît surhumain, je tourne la tête vers ma tasse, tout en me demandant s'il n'y a pas une quantité astronomique de drogue dans cette dernière. C'est la seule explication possible à ce qui est en train de se passer. J'hallucine, je dois halluciner.


- « Alors ? Qu'en penses-tu Sélène ? » Me demande-t-il calmement comme si sa question n'avait rien d'extraordinaire.

- « J'en penses qu'en tant que président de Nova Corporation tu as du temps à perdre avec un stupide défi. » Je réponds faussement confiante.

- « Un défi ? Stupide qui plus est ? Eh bien, que de jugements Sélène. » Ricane-t-il.

- « Oui, un stupide défi, je ne vois pas comment le qualifier autrement. Tu me connais seulement depuis ce matin. Qu'est-ce que cela peut bien t'apporter ? »

- « Vois-tu Sélène, j'ai moi-même été un jour un petit garçon qui avait pour habitude d'avoir peur des petites choses du quotidien. Peur d'avoir une mauvaise note à l'école, peur du monstre sous mon lit. Et puis ... » Commence-t-il avant de marquer une pause.

- « Et puis ? » Dis-je comme captive de ses mots.

- « Et puis la mort. Elle m'a arraché mes parents comme on arrache une mauvaise herbe, d'un revers de la main. Elle m'a propulsé pieds et poings liés dans une spirale infernale de tristesse, d'incompréhension puis de colère. Mais c'est là que j'ai compris ... Compris qu'on avait qu'une seule vie et qu'elle pouvait s'arrêter quand on s'y attend le moins. Alors, je suis devenu un ouragan ... Vivant à 100 à l'heure, sans regarder derrière ni devant, juste ici et maintenant. Et si tout venait à s'arrêter ? Je partirais, un sourire dansant sur mon visage et tu sais pourquoi ? Parce que je ne regrette rien. » Dit-il presque essoufflé.



Complètement secouée par ses paroles et une timide larme coulant le long de ma joue, je laisse échapper :

- « D'accord, je vais le faire. »

Sortie de ma transe par le son de ma propre voix, j'agite mes mains devant ma bouche comme pour rattraper ces mots et les ramener à mes lèvres. C'est peine perdue, ils sont sortis, ils ont dansé dans l'air avant de se poser doucement au creux de son oreille.

Comme s'il pouvait lire mes pensées, il attrape mes mains :

- « Trop tard ! Tu as accepté ! »

Et puis le voilà en train de repartir, comme un enfant fuyant pour ne pas entendre ses parents lui dire non. Il me laisse là, seule, perdue et frigorifiée.

Après avoir rendu le livre, je me mets en route pour mon appartement. Que vient-il de se passer ? Est-ce vraiment arrivé ? L'ai-je rêvé ? Pourquoi diable ai-je accepté une chose pareille ? Les questions se succèdent et commencent un tango endiablé dans mon esprit. Mes jambes avancent toutes seules et je me retrouve devant ma porte sans me souvenir de comment j'y suis arrivée. Je tourne la clé dans la serrure puis je m'affale dans le canapé.

Alors que je tourne la tête, mon regard s'arrête sur ma collection de DVD. Elle est posée sur une étagère surplombant mon miroir. Pour la plupart, ce sont des films d'héroïnes, toutes sans peur et prêtes à tout pour affronter le mal. Et puis, je suis là, le reflet d'une boule recroquevillée dans son canapé. Un papillon emprisonné dans son cocon, tétanisé à l'idée de sortir et de se briser les ailes. Pathétique, je me trouve pathétique.

Ça doit changer, je veux changer, je vais changer.




Le lendemain matin, je me lève puis me prépare. Je suis léthargique, comme si ma peur s'était transformée en rouleau compresseur et m'avait roulé dessus toute la nuit. C'est dans une attitude toujours aussi zombiesque que j'arrive au bureau et que m'engouffre dans l'ascenseur. La montée vers le 35ème étage me paraît si interminable ce matin que je pourrais m'endormir, là, maintenant.

TING ! Les portes s'ouvrent et mon front rencontre une surface dure ... dure ?

- « Demi-tour Mlle Katell. »

Alors que mon cerveau est encore en train de traiter l'information de la collision de mon front contre le torse de mon patron, je sens deux mains sur mes épaules. Mains qui me ramènent dans l'ascenseur duquel je viens de sortir.

- « Bien dormi Mlle Katell ? »

- « Où va-t-on ? Je ne crois pas avoir vu de quelconque rendez-vous à l'extérieur dans le planning d'aujourd'hui. » dis-je soudainement consciente du fait qu'il vient d'appuyer sur le bouton du rez-de-chaussée.

- « Faire du shopping. »

- « Du shopping ? » Je répète pensant avoir mal entendu.

- « Nous avons une réunion très importante ce midi avec le patron de Carbon Industry. Il se déplace en personne depuis Singapour pour signer notre contrat. Je dois donc me trouver un nouveau costume pour l'occasion. Je ne peux pas me permettre de porter un costume qui ne soit pas neuf. Cela se verrait et ferait mauvaise impression. »

Alors qu'il termine sa phrase, les portes de l'ascenseur s'ouvrent sur le hall d'entrée. J'attends qu'il sorte pour le suivre mais au lieu de cela, il se penche vers moi et me chuchote :

- « Alors, pas si terrible l'ascenseur à deux, tu vois ? »

- « Je-je croyais qu'on ne se tutoyait pas au bureau. »

- « Ce sera notre petit secret. » me dit-il avec un clin d'œil avant de se redresser et de reprendre son attitude de patron.

Ceci dit, il a raison. J'étais tellement absorbée dans notre conversation que je n'ai pas pensé une seule seconde à ma claustrophobie. Quel homme étrange ...

- « Vous comptez passer la journée dans cet ascenseur Mlle Katell ? » me lance-t-il alors qu'il est déjà en train de marcher vers la sortie.

Je finis par sortir de la cage métallique pour le suivre jusqu'à la voiture qui nous attend dehors avec son chauffeur. Le trajet ne dure qu'une dizaine de minutes pendant lesquelles on peut entendre les anges passer. Nous voilà maintenant devant un immense centre commercial de luxe ... Des chaussures, des vêtements, des sacs et des bijoux à vous en faire tourner la tête.

- « Pendant que je vais me choisir un nouveau costume, je vais t'assigner ta première mission Sélène. »

Avant même que je puisse réagir à mon prénom, il poursuit avec son petit sourire en coin :

- « Je peux te tutoyer puisque nous ne sommes pas au travail. Ta première mission consiste à te choisir une tenue que tu porterais si tu n'avais pas peur du regard des autres. »

- « Comment vous ... »

- « Voyons Sélène, même un aveugle aurait vu comme tu t'es accrochée à ton pull hier matin. Je dois dire que je suis assez curieux de voir comment Sélène Katell s'habille ... Et pas son ombre. » Dit-il tout en se tournant et se dirigeant vers le rayon homme.



Encore une fois, il me laisse seule et perdue. Me prend-il pour une poupée grandeur nature ? Je suis passablement énervée par son attitude de Monsieur je-sais-tout. Néanmoins, il reste mon patron et je n'ai pas spécialement envie de me faire virer mon deuxième jour pour insubordination. Qui sait comment réagit un millionnaire quand il n'obtient pas ce qu'il veut ?


Je commence à arpenter les allées, tout en réfléchissant ... Qui est Sélène Katell ... Qui suis-je ? Mon regard est attiré par le rayon manteaux. J'ai toujours admiré les femmes d'affaires féminines et chics. Elles, qui marchent fièrement dans leurs talons en faisant courber l'échine du monde.

Après mûre réflexion, j'opte pour un pantalon de tailleur noir taille haute, un col roulé noir, un magnifique manteau long vert émeraude légèrement irisé et des talons assortis. Du haut de mon mètre 78 je n'ose jamais porter de talons. Mais, je dois reconnaître que cette tenue a de l'allure. Après avoir simplement déposé le manteau sur mes épaules, je sors de ma cabine et me retrouve nez-à-nez avec ... Une silhouette masculine de dos. Des cheveux noirs, de larges épaules, un dos musclé recouvert d'un veston de la même couleur que mon manteau et grand dieu, des fes-

Sélène, non.

- « Enfin prête Sélène ? » me demande la silhouette en se retournant.

- « Ace ? » Dis-je en me giflant mentalement pour les pensées qui me traversaient l'esprit quelques secondes plus tôt.

- « Eh bien ... Sélène Katell, ravi de faire ta connaissance. » Souffle-t-il en me regardant doucement de la tête aux pieds.


Presque machinalement, je ramène mes mains en croix devant mon torse. Le col roulé épousant ma peau est bien loin des gros pulls que je porte depuis hier. Alors qu'il pose ses mains sur les miennes, l'étincelle dans ses yeux devient braise. Comme si mes mains étaient faites de la plus fragile porcelaine, il les soulève délicatement puis les amène à côté de mes hanches. Alors qu'il me relâche, j'ai l'impression que mes mains sont faites de plomb ... Trop lourdes quand elles ne sont plus portées par les siennes.

- « Cette couleur, quelle coïncidence ... Elle va à ravir avec ton teint clair mais ça serait encore mieux comme ça ... » commence-t-il avant d'avancer une main vers mon visage.

D'un revers de la main, il ôte l'élastique qui regroupe mes cheveux en un chignon. Ils se déversent alors telle une cascade sur mes épaules et mon visage. À nouveau, d'un geste délicat, il ramène les mèches couvrant mon visage derrière mes oreilles.

- « Parfait, nous pouvons y aller ! » Annonce-t-il tout en m'amenant vers la sortie.

- « Qu'est-ce que- ? Et mes affaires ? Nous n'avons même pas payé ! » Je m'écrie.

- « Cadeau de bienvenue dans l'entreprise. Et pour tes affaires, tu n'en auras plus besoin. Maintenant dépêchons-nous, je ne voudrais pas être en retard. » Me répond-il en me tapotant le dessus de la tête.

Plus besoin ? Une tape sur la tête ? Cet homme teste ma patience autant que mes fonctions cardiaques. Je n'ai même pas le temps de protester que nous sommes déjà de retour dans la voiture et lui, les yeux rivés sur son portable.


N'ayant pas eu le temps dans ce tumulte, mes yeux s'attardent finalement sur son nouvel apparat. Des chaussures mates noires, un pantalon de costume noir, une chemise noire elle aussi et un veston ... un veston assorti à mon manteau. Les premiers boutons de sa chemise sont défaits et amène sur visage tourné ... Tourné ?

Honteuse d'avoir été prise en flagrant délit de le dévorer du regard, je me détourne violemment vers ma fenêtre. Je suis à deux doigts de sauter de la voiture en marche quand j'entends son célèbre petit rire suivi d'une sonnerie de téléphone.

- « Oui ... Bien ... D'accord, dit-il avant de raccrocher et de me dire : Mr. Tan, le patron de Cardon Industry sera là dans 20 minutes. Prête pour votre première réunion Mlle Katell ? »

- « Hum ... Ou-oui. » J'articule tant bien que mal avec les joues cramoisies.



Dix minutes plus tard nous arrivons devant le bâtiment de Nova corporation. Alors que nous traversons le hall, de nombreux regards se tournent vers nous ou plutôt vers moi. Mal à l'aise de recevoir toute cette attention, j'accélère le pas vers l'ascenseur en faisant claquer mes talons contre le marbre. Une fois Ace rentré dans l'ascenseur, nous montons au 35e pour récupérer des documents pour la réunion.

- « Mlle Katell, vous vous entraînez pour le marathon en courant comme ça ? » S'amuse-t-il.

Je décide de l'ignorer pour cette fois, mon cœur commence à avoir son lot de montagnes russes depuis hier. TING ! Nous voilà arrivés. Ace récupère ses documents et je décide d'aller chercher la fiche récapitulative que j'ai faite hier sur Carbon Industry. On ne sait jamais, cela pourrait toujours servir.

Aussitôt arrivés, nous repartons dans le hall pour accueillir Mr. Tan. Pendant la descente, Ace est silencieux et je peux voir à quel point il est sérieux à la vue de sa mâchoire qui se contracte régulièrement. Carbon industry est un producteur de matériel de concert mondialement connu. Un contrat avec eux n'a pas de prix.

A peine sort-on se l'ascenseur qu'une magnifique berline noire s'arrête devant l'entrée. En sort un homme d'une cinquantaine d'années, habillé d'un costume rouge dont le tissu me semble hors de prix. Après quelques poignées de main, Mr. Tan accompagné de ce qui me semble être ses associés, Ace, d'autres employés de Nova Corporation ainsi que moi-même rentrons dans la salle de réunion. Ace me place à côté de lui avant de commencer sa présentation. Les minutes passent et il commence à citer les chiffres de Carbon industry. Cependant quelque chose cloche, je le sens et je le vois aux lèvres de Mr. Tan qui viennent doucement se pincer. Je regarde alors ma fiche et me rend compte qu'Ace est en train de donner les chiffres du mois dernier et pas de ce mois-ci. Son précédent assistant a dû se tromper. C'est une catastrophe, si cela continue, Mr. Tan pourrait mal prendre cette faute et reconsidérer le contrat. Alors, d'un geste délicat et discret, je glisse ma fiche jusqu'à ce qu'elle recouvre les notes d'Ace.

Au début, il est perturbé par mon geste puis il comprend vite ce que je suis en train d'essayer de lui dire. S'ensuit alors une pirouette verbale, prétextant une quelconque comparaison avec le mois dernier pour montrer la croissance incroyable de l'entreprise de Mr. Tan. Et ça marche ! Ce dernier bombe le torse tel un paon orgueilleux. Soulagée, je repose mon dos contre le dossier de ma chaise. La réunion dure toute l'après-midi et se conclut par la signature tant attendue du contrat. Mr. Tan est si satisfait qu'il invite Ace au restaurant pour fêter ça. C'est ainsi, que sans un regard un arrière, les deux hommes partent de la salle.



Alors que je suis sur le chemin de mon appartement, je fulmine, j'irais même jusqu'à dire que je suis folle de rage. Il me traine dans un magasin, abandonne mes vêtements puis je lui sauve les fesses avec Mr. Tan, le tout sans manger de la journée et pas un remerciement ? Un simple merci aurait suffi, mais non.

Toujours en train de maudire Ace, j'aperçois au loin un homme avec une bonne dizaine de boîtes en carton en bas de mon immeuble. Bizarre ... Je ne savais pas que quelqu'un emménageait. Alors que je me rapproche, je m'aperçois que l'homme porte une tenue de travail et doit en fait être un livreur. J'esquive les cartons pour arriver jusqu'à la porte quand l'homme m'interpelle et me demande :

- « Bonjour mademoiselle, est-ce que par hasard vous connaitriez quelqu'un du nom de Katell ... Oui c'est ça, Sélène Katell. »

- « Hum oui ... C'est moi, en quoi puis-je vous aider ? » Je lui demande en faisant tourner mes méninges à 100 à l'heure pour deviner ce qu'il peut bien me vouloir.

- « Ces paquets sont pour vous, et cette lettre aussi. »

- « Vous devez vous tromper, je n'ai rien commandé, et encore moins dans cette quantité. »

- « Pourtant c'est bien votre nom et votre adresse, je ne fais que mon travail mademoiselle. Pouvez-vous signer ici que je puisse continuer mes livraisons ? » Dit-il en me tendant une petite tablette numérique.

Je signe pour libérer le pauvre homme et me retrouve entourée de ces mystérieux paquets. Je les empile tous dans mon ascenseur et les monte chez moi. Me voilà donc assise par terre, dans mon salon, entourée de dix colis et d'une lettre. Et si c'étaient des bombes ou pire un cadavre découpé ? Mon dieu, il faut vraiment que j'arrête les films d'actions moi, ça devient grave. D'une main tremblante, je décide de commencer par la lettre, c'est le plus sûr. Il y est écrit :

Merci.

Signé A.F

Le tout est suivi d'un numéro de téléphone. A ... F ? Ace Faust ? Non impossible ... Mais le merci, ça pourrait être celui pour lequel je peste depuis une heure. Il n'y a qu'un moyen d'en être sûre. Le numéro, je vais l'appeler.

BIP ... BIP ... Allo ?

Ace, c'est bien lui. Je suis si surprise que j'en lâche mon téléphone et raccroche dans le même temps. Remplaçant l'idée de cadavre découpé par une curiosité débordante, je me jette sur les colis. J'y trouve des manteaux, des pantalons, des jupes, des robes, des talons et j'en passe. Il y a dans ces cartons la parfaite panoplie de la business woman au sommet. Les bras m'en tombent, il doit y en avoir pour des centaines, non des milliers d'euros. Je ne peux pas accepter, je ne peux pas, je ne peux pas ... Je peux ?

Alors que mon cerveau s'acharne sur ce dilemme cornélien, je me rends compte que j'ai oublié un dernier carton. Je le rapproche de moi et je vois une seconde enveloppe accrochée. J'ouvre d'abord l'enveloppe :

À ton vrai toi,

Ne pas ouvrir avant instruction.

Signé A.F

Alors que la curiosité me ronge, je décide de le ranger dans mon placard pour ne pas craquer. N'arrivant pas à me décider sur l'avenir des autres cartons, je décide d'aller prendre une douche avant de manger.



Une fois mon repas englouti, je m'affale sur mon lit et fixe le plafond. Je suis sortie de mes pensées par mon téléphone qui sonne près de ma main. Pensant que c'est ma mère et son appel quotidien du soir je décroche.

- « Allo maman ! Je viens juste de me mettre au lit. »

- « Eh bien Sélène, je ne demandais pas tant de détails. » me répond une voix qui n'est clairement pas celle de la mère.

Prise de panique, je décolle l'écran de mon oreille pour regarder le numéro.

Et. Merde.

Mon interlocuteur n'est autre qu'Ace. Note à moi-même : regarder qui m'appelle avant de décrocher.

- « Hum ... Ace ... Désolée, je n'ai pas regardé avant de décrocher. »

- « J'ai cru comprendre. As-tu reçu mes colis ? » Dit-il tout en rigolant doucement.

- « Oui ... À ce propos ... »

- « Par pitié ne me dis pas que tu ne peux pas accepter. C'est si cliché. »

- « Eh bien ... Merci alors, même si je n'ai aucune idée d'où je vais loger tout ça. »

- « Dois-je te commander des armoires ? »

- « Ah non ! Ça suffit les cadeaux ! »

- « C'est si facile de te taquiner ! » Répond-il en riant cette fois à gorge déployée.

Cette fois c'est à mon tour de rigoler doucement. C'est si étrange, on ne se connait que depuis deux jours et j'ai l'impression que cela fait des années. Il a cette façon, tellement à lui de mettre les gens à l'aise. Le téléphone toujours à l'oreille, je me tourne dans mon lit et serre ma couette tout contre moi. C'est la première fois que je parle à un homme au téléphone le soir avant d'aller dormir. C'est agréable.

- « Eh Sélène ... »

- « Hum ? »

- « Encore merci ... Ce contrat, c'est grâce à toi. »

Et me voilà prise d'un sourire niais incontrôlable. Grâce à moi ... Il vient de dire que c'est grâce à moi.

- « Bonne nuit Sélène. » Chuchote-il presque.

- « Bonne nuit Ace. »

A peine notre appel terminé, je sombre dans les bras de Morphée. Et, pour la première fois, je le fais le cœur léger.



Après une nuit des plus reposantes, je me lève et prends un rapide petit déjeuner. Après une bonne douche pour finir de me réveiller, je m'agenouille devant les colis pour choisir quelque chose à mettre. J'en sors une chemise à col Claudine noire, un pantalon tailleur blanc ainsi qu'un manteau long noir. Pour ce qui est des chaussures, je ne peux m'empêcher de voir la paire d'escarpins rouge écarlate. Le rouge .... La couleur par définition de la femme fatale. Après les avoir regardés pendant cinq minutes je finis par choisir des escarpins noirs simples. Le rouge est une couleur qui se doit d'être portée fièrement, je ne suis pas encore prête.

Alors que j'arrive au bureau, je passe à l'accueil pour récupérer les copies du contrat d'hier. Le même jeune homme qu'à mon arrivée me tend les papiers et me dit :

- « Voilà les copies du contrat Sélène ! »

- « Merci ... Tu te souviens de mon prénom ! » Dis-je assez surprise.

- « Depuis ton arrivée hier avec ce manteau vert, tout le monde te connaît ! Tu es si grande, on dirait un mannequin ! »

- « Me-merci ! » Dis-je sentant le rose me monter aux joues.

C'est donc cela que l'on ressent quand quelqu'un vous complimente ? Quel sentiment enivrant. Et moi qui croyais ne pas pouvoir mettre de talons pour ne pas paraître trop grande ... Me voilà qualifiée de mannequin ! Je continue ma petite célébration mentale tout en gloussant et en me dirigeant vers l'ascenseur.

- « Eh bien, quelqu'un est de bonne humeur ce matin ! » rigole une voix derrière moi, voix qui n'est autre que celle d'Ace.

- « Oh ! Bonjour Mr. Faust ! »

- « Bonjour Mlle Katell. »

La journée d'aujourd'hui et de demain passent en un éclair. Principalement du rangement et de l'archivage mais aussi quelques recherches pour de potentiels nouveaux clients.



Nous voilà déjà vendredi ! Le temps passe vite. J'ai déjà bientôt terminé ma première semaine chez Nova Corporation. Et, sans me vanter, je pense qu'Ace est plutôt satisfait de mon travail !

Alors que j'ai le nez plongé dans mon ordinateur, j'entends des bruits de pas furtifs s'approcher de mon bureau. Avant qu'il n'ait l'opportunité de me faire peur pour la 150ème fois je relève la tête et le devance :

- « Est-ce que je peux vous aider d'une quelconque manière Mr. Faust ? »

- « J'ai quelque chose à vous annoncer Mlle Katell. » Répond-il en faisant la moue, clairement déçu d'avoir raté son coup.

- « Hum ? »

- « Vous savez que ce soir Nova Corporation organise un gala de charité dont les fonds seront reversés aux orphelinats ? »

- « Bien sûr ! J'ai réuni les informations essentielles des clients qui y sont invités. Je les ai déjà imprimées, vous- » Je commence avant qu'il m'interrompe comme à son habitude.

- « Ça ne sera pas nécessaire. En effet, ce soir vous allez m'accompagner. »

- « Vous accompagner ? » Je m'exclame.

- « Vous avez bien entendu Mlle Katell, m'accompagner. Vous serez mes yeux et ma voix. Après tout qui est mieux placé que vous pour m'aider avec tous ces clients ? Vous les connaissez par cœur, sûrement même plus que moi. »

- « Mais enfin, je n'ai même pas de quoi m'habiller, le gala est dans seulement deux heures ! »

- « Rentrez chez vous, un taxi vous attend en bas et ... Si vous avez été sage, il me semble qu'il vous reste un colis à ouvrir. » Finit-il en m'amenant vers l'ascenseur.

Cet homme a le don de m'embarquer dans des histoires sans me demander mon avis. Me voilà donc dans ledit taxi, en route pour mon appartement. Une fois arrivée, je me précipite dans mon placard pour en sortir le colis. J'ôte le couvercle et les bras m'en tombent. Devant moi se trouve l'iconique robe rouge fendue. Celle que porte l'héroïne à la fin du film. Elle est accompagnée de stilettos de la même couleur ainsi que d'une paire de boucles d'oreilles allongées faites de diamants. Comme si j'avais oublié comment on respire, l'air commence à me manquer et ma tête tourne. Sans réfléchir j'attrape mon téléphone et compose le numéro d'Ace qui répond presque immédiatement.

- « Je ne peux pas ... Je ne peux pas ! » dis-je à bout de souffle.

- « Sélène ... Sélène ... Respire. »

- « Je-je ... »

- « Respire. Inspire, expire ... Voilà comme ça, continue. »

Je l'écoute et essaie tant bien que mal de calmer ma respiration. Sa voix douce et posée m'aide et je finis par reprendre le contrôle de mon corps.

- « Ça va mieux ? »

- « Oui mais cette robe ... »

- « Sélène, ce n'est qu'une robe, qu'est-ce-qui t'effraie autant ? »

- « Rouge ... Elle est rouge. »

- « Et donc ? Ce n'est qu'une couleur. C'est à toi de voir, vas-tu vraiment laisser une couleur t'empêcher de faire ton travail ? Si c'est le cas, soit prête à en assumer les conséquences. » Dit-il avant de raccrocher abruptement.

Les conséquences ? Est-ce que cet espèce de millionnaire capricieux va vraiment me virer si je ne mets pas sa fichue robe ? Il avait l'air terriblement sérieux.


Tentant de ne pas céder à la panique qui me gagne à nouveau, je décide d'aller prendre une douche. Après celle-ci j'arrange mes cheveux en un chignon banane et applique un peu de mascara, d'eye-liner et de gloss. Me voilà prête à l'exception de ma tenue. Elle est là, étalée sur mon lit, attendant d'être enfilée. Je la regarde, encore et encore, comme si elle allait m'exploser au visage si je la quittais des yeux une seule seconde. Soudainement, j'entends que l'on sonne à mon interphone et je me dépêche d'aller répondre.

- « Oui ? »

- « Êtes-vous mademoiselle Katell ? Je suis chauffeur et on m'a envoyé vous chercher. Êtes-vous prête ? Nous devons partir maintenant si nous voulons être à l'heure. »

Silence. Tempête sous un crâne.

- « Mademoiselle ? Vous êtes toujours là ? »

- « J'arrive ! »

Me voilà à courir dans mon appartement pour enfiler cette fichue tenue, sinon je suis virée. Ace Faust, je te déteste.

(Note de l'autrice : Mais oui bien sûr Sélène on y croit tous.)



Après un trajet de 30 minutes, me voilà arrivée (en retard) devant une grande bâtisse qui ressemble presque à un château. Je gravis doucement les marches en essayant de ne pas tomber à cause de ma robe qui traîne sur le sol. Une fois en haut, deux hommes en uniforme m'ouvrent la porte. S'ensuit un long couloir au bout duquel se trouve une porte massive avec deux nouveaux portiers. Les portes sont fermées mais on peut entendre le bruit de pas, de conversations et de rires s'en échapper. Je reste plantée là en attendant que les deux hommes me laissent rentrer, mais rien.

- « Excusez-moi ... Est-ce bien le gala de Nova Corporation ? Je- »

- « Eh bien, j'ai cru que tu ne viendrais pas. Je leur ai dit de ne pas t'ouvrir sans que je sois là. Après tout, tu es ma cavalière ce soir. Messieurs. » dit une voix derrière moi.

À ces mots, les deux hommes ouvrent la porte tandis qu'Ace place une main dans mon dos. Tous les yeux se tournent vers nous et des applaudissements fusent dans les quatre coins de l'immense salle de bal. Il y a des robes et des costumes de toutes les couleurs, sauf rouge, bien évidemment. Je le maudis.

- « Bienvenue au Gala annuel de Nova Corporation, je suis ravi que vous soyez venus si nombreux. Si vous voulez bien, comme chaque année nous allons commencer par une danse. »

- « Une danse ? Tu n'as jamais mentionné de danse ! » Dis-je en commençant à paniquer.

- « Prends ma main et laisse-toi aller. »

Me laisser aller ? Je ne sais pas danser ! Je vais me tourner en ridicule.

Sa main, toujours dans mon dos, me guide jusqu'à la piste. Avec l'autre, il place délicatement une de mes mains sur son épaule puis attrape l'autre pour ne plus la lâcher. Doucement, il utilise son bassin et ses mains pour me guider. Nous dansons comme ça une bonne minute puis les invités rejoignent à leur tour la piste de danse.

- « Alors ? Pas si terrible pas vrai ? » me demande-t-il toujours en dansant.

- « Tu allais vraiment me virer ? »

- « Qui sait ? » Dit-il nonchalamment.

Énervée par sa réponse, je relève la tête pour planter mes yeux remplis de colère dans les siens.

- « Enfin tu me regardes. Il en aura fallu du temps. »

Décontenancée par sa réponse, la colère quitte mes yeux et mes joues se teintent de rose. Essayant de détourner la conversation je lui dis :

- « Les vendeuses ont fait du bon travail, la robe et toutes les affaires sont parfaitement à ma taille. »

- « Les vendeuses ? Sélène, ce n'est personne d'autre que moi qui a choisi ces cadeaux. »

Pire. C'est encore pire. Mes joues sont maintenant certainement aussi rouges que ma robe.

- « C-comment ? » J'arrive à bégayer.

- « Disons que je suis un homme ... Attentif. » Chuchote-il dans mon oreille.

Si la vie était un dessin animé j'aurais surement de la vapeur qui me sortirait par les oreilles. Il faut que je fasse attention. Ace Faust est un playboy renommé. Je ne dois pas tomber dans le panneau.

Sauvée par le gong, la musique prend fin et annonce le début du repas. Les conversations et les léchages de bottes s'enchaînent. J'aide Ace à identifier les clients, lui faisant des petits rappels par ci par là. Après plusieurs heures du même manège, la soirée prend fin et il me raccompagne dehors où le même chauffeur m'attend.

- « Bonne nuit Sélène. » Dit-il avant de refermer la portière et de tapoter sur la voiture pour dire au chauffeur de démarrer.



Quelle soirée épuisante. Ayant transpiré, je décide de prendre ma troisième douche de la journée en rentrant. Et alors que l'eau perle sur ma peau, je ferme mes yeux et commence doucement à danser. Je me remémore notre danse, sa main comme brûlante dans mon dos, nos doigts entremêlés, ... Puis soudainement, je reviens à la réalité : qu'est-ce que je suis en train de faire ? Je débloque complètement.



- « Ace Faust ... Qu'es-tu en train de me faire ? »




Note de l'autrice : Et voilà le chapitre 2 ! Il est plus long que le premier j'espère qu'il vous plaît ! N'hésitez pas à voter et commenter ça me ferait extrêmement plaisir !

Avez-vous remarqué que quand Sélène pense elle ne dit plus « patron » ou « boss » mais « Ace » ? Ça cache quelque chose ? Nous en saurons plus dans le futur haha ! 

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