Partie I | Lui
Mars 2005
J'observe mes amis s'amuser. Les soirées étudiantes, ça n'a jamais été mon truc. Souvent, on me trouve un peu trop coincée. Mais je m'en moque. Moi, ce que je veux, c'est réussir. Je suis une des meilleures de ma promotion. Je suis ambitieuse et rien ne me détournera dans mon objectif. Ma mère m'a toujours dit que j'étais trop bornée et déterminée pour me laisser distraire. J'ai toujours su que je serais chirurgienne et rien ne m'en empêchera. Je sais que, parfois, les gens me regardent bizarrement. Eux et leurs stupides clichés. Ça et le racisme. J'ai appris à ne pas les écouter. J'ai appris à relativiser. Il y a des cons partout et malheureusement, je ne pourrai pas leur échapper. Parfois, je voudrais les insulter. Je voudrais me battre, me défendre comme je devrais le faire. Cependant, j'ai un but et je ne dois pas penser à autre chose. Ma plus grande fierté est de réussir à devenir médecin et leur montrer, que moi aussi, je peux y arriver. Ça leur clouera le bec à tous ces abrutis.
— Kara ! Viens danser !
Je lance un regard amusé à ma meilleure amie qui me tire par le bras. Je ne dis rien et me laisse entraîner. Je ne sais pas si c'était une bonne idée de venir. J'ai dit oui à mes amis parce que parfois, ça fait du bien de se détendre. Je sais bien que la pression doit être relâchée. Et en voyant mes amis faire les idiots en se déhanchant, je ne peux m'empêcher de sourire. Ils sont tous plus ou moins alcoolisés. Je dois être la moins bourrée, mais ça ne m'empêche pas de m'amuser. Contrairement à ce que certains croient, je sais s'amuser. J'aime profiter de la vie. C'est juste qu'en ce moment, je dois me concentrer sur mes études. Enfin, ce n'est pas le moment pour penser à ça. Je ragerai demain quand je me lèverai en pleine après-midi alors que je devais réviser. Oui, je penserai à ça demain. Pour l'instant, tout ce qui compte, ce sont mes amis et la musique assourdissante.
Il est un peu plus de quatre heures du matin quand nous décidons de partir. Je commence un peu à fatiguer et surtout, j'ai mal aux pieds. Pourtant, je suis en baskets plates. Je ne comprendrai jamais les filles qui viennent en talon aux soirées étudiantes. Comment font-elles pour rester debout pendant des heures ? Cette question restera un mystère.
Nous récupérons nos affaires avant de sortir. Le vent froid de l'extérieur contraste avec l'air étouffant à l'intérieur. Là-dedans, on peut à peine respirer et dehors, le froid congèle nos doigts. Je grimace. Ce n'est pas le moment d'attraper froid. Heureusement que j'ai pensé à emmener une écharpe. Je la noue autour de mon cou en disant au revoir à mes potes. J'habite à dix minutes à pied. Ma meilleure amie se penche vers moi.
— T'envoies un message quand t'es arrivée.
Je me retiens de lever les yeux au ciel et me contente d'acquiescer. En réalité, je ne peux rien dire parce que je lui demande la même chose. J'aime bien savoir que tous mes amis sont bien rentrés. Certains diraient que nous sommes un peu paranoïaques, mais avec tout ce qu'on entend... Je dépose un baiser sur la joue de Nikki et m'éloigne en souriant. Dans quelques heures, ce soir, je suis sûre que je vais pester parce que je n'aurai pas bossé de la journée. Cependant je me suis bien amusée. Je suis contente que mes amis aient insisté pour que je vienne. Je me suis changée les idées et danser m'a fait du bien. Ça fait longtemps que je ne m'étais pas autant lâchée.
Les rues sont désertes et je serre mon sac contre moi. Je connais les rues par cœur. Je connais tout de ce quartier. La petite épicerie que j'adore. Cette laverie que je fréquente parce que dans mes vingt mètres carrés, je n'ai pas de machine. Ce café que nous adorons, car il est chaleureux et proche de la fac. Oui, franchement, je n'aurais pas pu rêver mieux. Pourtant, j'ai hâte d'être arrivée devant mon immeuble. Je n'aime pas la nuit et ses rues fantomatiques. Je sens le froid s'infiltrer sous mes vêtements et frissonne. Je n'ai qu'une envie, me mettre en pyjama et me faufiler sous ma couette pour dormir.
Je frissonne une nouvelle fois. Pourtant, ce n'est pas le froid que je sens. Les battements de mon cœur s'accélèrent sans que je comprenne pourquoi. J'ai l'impression d'être suivie. Je tourne la tête à droite puis à gauche. Je ne vois rien. Je me retourne, mais il n'y a rien non plus. J'accélère mes foulées alors que mon cœur ne ralentit pas. Je passe devant la pizzeria où je commande souvent. Tout est éteint à l'intérieur. L'enseigne semble morte et j'ai l'impression que ma respiration haletante résonne dans la nuit.
— Tu croyais vraiment pouvoir m'échapper ?
Un bras s'enroule autour de ma taille, me stoppant net, et un corps se colle contre le mien. Je sursaute et un rire résonne au creux de mon oreille. Je suis terrifiée. Je n'ai jamais été une peureuse. J'ai juste la phobie des serpents depuis que je me suis fait mordre à l'âge de dix ans. Mais je n'ai jamais ressenti cela. Je suis paralysée par la frayeur. Mes jambes tremblent et tout ce que j'entends, ce sont les battements affolés de mon cœur.
— Si je pouvais goûter ta peur, je dirais qu'elle est divine.
Je veux crier. Je veux me débattre. Mais aucun son ne sort de ma bouche. Les mots restent bloqués dans ma gorge. Mon regard paniqué parcourt la rue, mais il n'y a personne. Aucune voiture ne passe. Aucun commerce n'est ouvert. Il y a juste la lumière blanchâtre des lampadaires. Et tout ce que je peux faire, c'est pleurer. Les battements de mon cœur ne se calment pas. Je n'ai jamais ressenti ça. Je n'ai jamais eu aussi peur. Je suffoque. Je n'arrive plus à respirer.
— Chut... Ne pleure pas. On va bien s'amuser toi et moi.
L'étau autour de ma poitrine se resserre un peu. Mes jambes continuent de trembler et l'homme me tient fermement. Je n'ai aucun moyen de m'échapper et j'en serais incapable, vu mon état. L'homme me tire dans une impasse obscure. Et je comprends que le pire va arriver. Je ne vois même pas à quoi il ressemble. Mes yeux sont embués de larmes qui mouillent mon écharpe. C'est un cauchemar. Je vais me réveiller. Et lui, il me sourit. Un sourire amusé. Un sourire mauvais, qui me hantera.
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