Courir

Il courait.

Il se fichait qu'il pleuve, qu'il soit trempé, qu'il bousille ses vêtements à cause de la pluie, la boue et la sueur, et qu'il soit 23 heures passées.

Il courait, parce que c'était la seule chose qu'il pouvait faire par ce temps, à défaut du Quidditch. Parce que c'était le seul moyen qu'il avait pour se vider la tête. Pour évacuer sa honte, sa colère, sa tristesse, sa déception, son désespoir, sa lassitude, sa souffrance, sa rage.

Il courait, et il comptait bien continuer jusqu'à épuisement. Pour ne plus avoir à penser. Pour ne plus avoir à ressasser. Pour ne plus avoir à contrôler les sanglots qui lui compressaient la poitrine. Pour ne plus avoir à ressentir.

Harry Potter courait pour, peut-être, ne plus avoir à vivre.

****************

Ce fut Hagrid qui le trouva près du lac, endormi dans la boue, trempé de pluie et de larmes. Harry se réveilla dans sa chaleureuse cabane. Une tenue était posée sur le fauteuil et une bassine d'eau chaude l'attendait au pied du canapé où il était allongé. L'absence de Crockdur l'informa que le garde-chasse était probablement allé promener son chien ou rendre visite à une quelconque créature peu recommandable dans la Forêt Interdite. Harry se glissa dans la bassine et ferma les yeux. Hermione et Ron avaient dû s'inquiéter de ne pas le voir rentrer, et ça devait être elleux qui avaient apporté ses habits à Hagrid lorsqu'iels avaient su qu'il était chez lui. Une fois lavé et habillé, il s'assit dans l'énorme fauteuil de son ami, qu'il n'entendit pas rentrer, et regarda les flammes qui dansaient dans la cheminée.

- Je ne sais pas ce qui s'est passé, mais tu devrais en parler à quelqu'un·e. Ou l'écrire. Je ne sais pas si tu es doué pour écrire., lui dit Hagrid.

Harry eut un rictus.

- Tiens. C'est du chocolat chaud.

Le Survivant prit la tasse avec reconnaissance. Le chocolat chaud était bien la seule chose en matière de nourriture qu'Hagrid réussissait parfaitement.

- Ron et Hermione sont passé·e·s, iels m'ont dit de te dire qu'iels seraient sûrement à la bibliothèque aujourd'hui.

Harry hocha la tête.

- Alors, la rénovation du Square Grimmaud avance ?

Le Gryffondor remercia silencieusement Hagrid de ne pas lui poser plus de questions et l'informa de l'avancée des travaux.

****************

- Hey.

- Harry !, s'exclama sa meilleure amie en délaissant son livre, chose qu'Harry n'aurait jamais cru possible. On s'est fait un sang d'encre !

- Laisse-le respirer, 'Mione., intervint Ron. Ça va, vieux ?

- Mhm.

- Tu es sûr ? Tu devrais aller voir Mme Pomfresh, tu as sûrement attrapé un rhume !, s'inquiéta Hermione.

- T'inquiète, Hermione, je suis en pleine forme. Bon, qu'est-ce que j'ai manqué d'excitant ce matin ?, s'enquit-il, désireux de changer de conversation.

Ron hésita quelques instants, mais décida de respecter la volonté implicite de son ami.

- Ginny a pété un câble.

- Et pourquoi ?

- Seamus a embrassé Dean alors qu'elle le "draguait".

- Ah. Il était temps. Je me demande pourquoi ils ne sont pas ensemble depuis longtemps. Ça se voyait comme un fantôme au milieux d'une horde d'Inferi. Et pourquoi Ginny a pété un câble ? Je croyais qu'elle savait, elle aussi, et qu'elle essayait justement de tout faire pour que ça arrive.

- Oh, c'était un faux pétage de câble. Elle était juste énervée contre Dean de ne pas lui avoir dit plus tôt. Deux minutes plus tard, elle les félicitait.

- Oh, je vois. Ginny, quoi.

Heureusement qu'elle avait été la première personne au courant qu'il avait plutôt un penchant pour les hommes que les femmes (même s'il n'était pas gay, il se sentait plus poussé vers la gent masculine, ou en tout cas les personnes dont l'identité de genre se situait sur le spectre masculin), parce qu'il n'osait pas imaginer la scène qu'elle lui aurait faite.

- Harry, pourquoi tu t'es endormi dehors ?

Et voilà, on y était.

- Parce que j'étais fatigué, probablement.

- Harry... Je ne sais pas ce que tu as, cette année, mais je ne te reconnais plus. Tu disparais pendant des heures. Soit on-ne-sait-où dans le château, soit on-ne-sait-où dehors. Tu es renfermé, tu n'es presque pas monté sur un balai depuis Mai... Tu ne rigoles plus, tu ne souris plus sauf les quelques fois où tu réapparais après tes escapades dans le château... Tu m'inquiètes.

Harry aurait voulu tout dire à ses ami·e·s, il aurait voulu leur expliquer tout ce qu'il avait sur le cœur, les rassurer... Au lieu de ça, il se leva et répondit :

- Lâche-moi, Hermione.

*****************

- Je suis désolé., lâcha-t-il de but en blanc quand le couple le rejoignit à midi. Pour tout à l'heure. Mais je n'ai rien, et je n'ai vraiment pas envie de parler de ce qui s'est passé hier soir.

Sa meilleure amie le regarda et hocha la tête, un air triste sur le visage. Puis, le couple vedette de l'école s'assit à côté d'elleux et Harry les apostropha.

- Alors, c'est bon, vous êtes enfin ensemble ?

- Oui., sourit Seamus.

- Il vous en aura fallu du temps !

- Tu parles., intervint Ginny en s'asseyant à côté de lui. C'est de la faute de Dean, tout ça. "Mais non, Ginny, je ne suis pas gay, qu'est-ce que tu racontes ? Je suis 100% hétéro !".

Harry eut un sourire amusé.

- Et toi, Harry ?

Il se raidit soudain, imperceptiblement.

- Quoi, moi ?

- Et bien, tu vois quelqu'un·e ?, s'enquit Neville qui les avait rejoint.

- Non. Personne ne semble savoir que je ne suis pas juste un corps à mettre dans son lit, mais aussi un cœur un peu Poufsouffle.

Ginny fit une grimace compatissante.

- Mais t'as quelqu'un·e en vue, au moins ?

- Pas vraiment, non.

- Pas vraiment ?! Ça, ça veut dire que oui !, s'exclama Seamus.

- Il n'y a personne.

- Allez ! Fille, mec, autre ?

- Personne.

- Pfff... T'es pas drôle, Harry.

- C'est ce qu'on me dit souvent.

- Bon, qui vient à Pré-au-Lard cette aprèm' ?, demanda Ron en changeant subtilement de sujet.

Iels répondirent tous·tes que oui, et Ginny les informa que Luna se joindrait sûrement à elleux. Et se fut tout. Une après-midi à Pré-au-Lard et une nouvelle façon d'oublier, comme il pouvait.

****************

Le plafond blanc sur lequel il ouvrit les yeux lui était beaucoup trop familier. Harry se redressa et le cours de Métamorphose de la veille lui revint en mémoire. Un sortilège demandant une immense concentration, une mauvaise nuit juste avant, presque rien dans le ventre, un effort trop grand pour lui et il s'était évanoui.

Il sortit du lit et se glissa silencieusement hors de l'infirmerie. Il songea tout d'abord à aller manger un peu, mais il se dit que ce n'était pas une bonne idée, étant donné que toute la population de Poudlard se trouvait dans la Grande Salle à cette heure-ci. Alors il décida plutôt de se rendre dans sa salle commune.

Mais arrivé là-haut, il se rendit compte que ce n'était pas là qu'il voulait être, il étouffait. Alors il sortit dans le parc de Poudlard, de la musique dans les oreilles. Merci à Hermione de lui avoir bricolé un équivalent magique du MP3 moldu. Petit à petit, il se mit à courir, encore une fois.

Quel était son problème ? Tout était bien, le monde était en paix, il avait réussi sa mission, et Il était mort. La douleur lui transperça le crâne et il dut s'arrêter.

Éclairs rouge et vert
Crin de Licorne, crin de Sombral
Un homme à terre
Le silence, puis le bruit
Un mort et un assassin de plus

Harry respira un grand coup. Son problème, c'était qu'il avait tué. Il n'avait pas lancé le sort, mais c'était tout comme. Voldemort était mort de sa main, un point c'est tout. Et ça le hantait. Surtout qu'il l'avait détruit petit à petit, horcruxe par horcruxe.

De l'eau, du feu
Des cadavres, deux hommes
Un médaillon, un espoir,
La Marque, un mort.

Le flashback le fit tomber à genoux. Combien de gens tombé·e·s pour lui, à cause de lui ? Par cet éclair vert, cet éclair de la couleur de ses yeux, qui annonçait la mort, proche et irrémédiable ?

Un rire, un sort
Un sourire, un mort
Une arcade, le vide
Et la douleur.

Combien de mort·e·s, êtres humain·e·s ou créatures ?

Tennis, chauve-souris
Blessure
Morsure
Espoir
Poignard
Sable
Coupable.

Harry s'effondra sur le dos. Toutes ces victimes, juste pour un ado... Un ado incapable. Même si personne ne lui en voulait, que tout le monde lui disait que ce n'était pas de sa faute, que les gens le remerciaient, qu'iels assuraient qu'iels avaient choisi de se battre...

Serpent, morsure
Nez crochu, cheveux gras
Charbon contre émeraude
Une dernière fois, un mort de plus
Un grand homme.

Un sanglot monta de sa poitrine et franchit la barrière de ses lèvres. Il n'était même pas capable de prendre soin de celleux qui comptaient pour lui.

Yeux chocolat, livres
Yeux bleus, échiquier
Cheveux roux, Chauve-Furie
Cheveux blonds, air rêveur
Courageux, épée
Brun, explosion
Discret, Poursuiveur.

Il n'était même pas capable de prendre soin et de garder auprès de lui les gens qu'il aimait. Aimer...

Draps, lit
Soupirs, murmures
Corps mélangés
Désir et plaisir.

Un cri de souffrance lui vrilla les tympans et il se rendit compte que c'était le sien. Faible, il était si faible... Ne dépendre de personne d'autre en plus de ses ami·e·s, c'est ce qu'il s'était promis. Parce que ça faisait trop mal quand les gens nous étaient arraché·e·s. Il n'avait pas réussi, et il en payait le prix.

Ce fut de nouveau le garde chasse qui le retrouva pour la deuxième fois en l'espace de deux semaine par terre, endormi, les mains en sang.

****************

1612 mots

Publié le Samedi 22 Octobre 2022 (si vous réussissez à voir le 22:22 aujourd'hui, c'est stylé. Ou le 20h22. Ou les 2 lol)

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