Jour 21 - Mariela (Barcelone, Espagne)

          Mariela termina d'enfiler son uniforme à la hâte, elle boucla ses rangers et elle alla rejoindre Josefa qui l'attendait devant la porte de leur baraquement.

– Bouge ! On va être en retard ! Lui dit cette dernière.

Les deux femmes gagnèrent l'arrière des bâtiments en courant.

La caserne Cornellà de Llobregat était située au sud de Barcelone, non loin de l'aéroport. Elle était composée de plusieurs baraquements, de locaux opérationnels abritant véhicules, matériels et centre d'appel, mais aussi d'un terrain destiné à l'entraînement des volontaires.

Depuis plus d'un an, Mariela et Josefa s'étaient enrôlées dans le corps des pompiers de la ville. Elles voulaient aider leur prochain, tendre la main à ceux qui étaient dans la détresse mais, surtout, elles ne voulaient pas faire partie de ceux qui attendent qu'on les sauve.

– C'est nous qui sauvons les autres ! Répétaient-elles, l'une comme l'autre, à qui voulait l'entendre.

Au début toutefois, ça avait été difficile. En dépit de son niveau en athlétisme, Mariela avait été surprise par la difficulté des entraînements. Ici, on n'attendait pas de vous que vous donniez le meilleur de vous-même. On attendait que vous vous surpassiez chaque jour.

Les premiers temps les autres recrues – tous des hommes – aimaient se moquer de leurs petits bras et petites jambes et ils rigolaient comme des baleines chaque fois qu'elles échouaient à atteindre le haut du mur d'escalade ou à soulever un mannequin plus grand qu'elles.

Mais quelques semaines plus tôt, les cartes avaient été redistribuées et les règles avaient changé.


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Les garçons étaient déjà là quand elles arrivèrent et certains avaient commencé à faire des pompes pour s'échauffer.

L'entraînement des sauveteurs n'a pas grand-chose à voir avec ce que l'on voit dans les salles de sport. Le leur vise à être utile en intervention. 

La gonflette, ça n'est pas pour eux.

Les exercices étaient choisis pour se rapprocher le plus possible aux situations qu'ils pouvaient rencontrer sur le terrain. Escaliers à gravir au pas de course chargé d'un sac de vingt ou trente kilos, monter et descendre d'une échelle, grimper à la corde ou traîner un poids – type pneu de camion – faisaient partie de leur quotidien. Sans compter l'exercice de la planche, cette épreuve qui consistait à se hisser sur une plateforme en hauteur à la seule force des bras.

Celui-ci avait été la hantise de Mariela pendant longtemps. Il lui avait fallu pas moins d'un mois pour réussir à l'exécuter et même encore maintenant c'était celui qui lui donnait le plus de mal.

– Bah alors Mariela ? S'esclaffaient dans ces moments-là les recrues masculines alors qu'elle battait des jambes dans le vide. Tu as du mal ? T'as pas mangé assez de soupe quand tu étais petite ? Faut te faire pousser les bras et les jambes hein ?

Pas question de répondre ou même de manifester la moindre mauvaise humeur quand cela arrivait, sinon elle avait droit à l'éternel :

– On déconne c'est bon, tu as tes règles ou quoi ?

En quoi les règles c'est drôle ? Se demandait-elle encore aujourd'hui sans comprendre.

Le sergent-chef les rejoignit sur le terrain d'entraînement. et il tapa dans ses mains pour attirer leur attention.

– Allez ! S'exclama-t-il. On ne traîne pas.





À la course d'obstacle, succédèrent les tractions avec des poids accrochés aux chevilles, puis les squats un sac de sable sur le dos.

Trente minutes plus tard, tout le monde était en sueur.

Lorsque le moment de passer à la planche arriva, Mariela se mit mentalement des claques.

Aujourd'hui, je vais le gérer comme une pro et personne n'aura rien à dire !

À deux pas devant elle, Ramon, un autre volontaire, se tourna à demi vers elle avec un sourire en coin.

– Tu veux un escabeau, Mariela ? Lui dit-il pour plaisanter.

Il était de ceux qui ne comprenaient pas que les plaisanteries les plus courtes étaient les meilleures.

Elle ne se laissa pas démonter.

– Va te faire foutre Ramon, lui répondit-elle.

Elle allait lui montrer de quoi elle était capable. Elle était décidée.

Puis, mue par une impulsion subite, elle attendit qu'il reporte son attention devant lui pour s'approcher discrètement de son oreille et là, elle hurla aussi fort qu'elle put.

– AAAAAAAAAAH !

Les autres la regardèrent et Ramon bondit en arrière en lui jetant un regard furieux. Mais il était trop tard. Ses traits avaient commencé à changer et Mariela se retrouva rapidement devant une petite femme aux courbes avantageuses et à la poitrine imposante.

– Arrêtez de faire les zouaves derrière, dit alors le sergent-chef. Ramon, à ton tour.

– Mais sergent, dit Ramon avec une voix plus aiguë en se tournant vers le gradé. Je ne peux pas faire l'exercice comme ça, regardez !

Son supérieur ne lui jeta qu'un regard.

– Vous devez être opérationnel dans n'importe quelle situation Ramon, lui répondit-il. Vous croyez qu'en intervention vos collègues vont attendre que vous vous fassiez pousser les bras et les jambes ? Allez.

Il lui désigna la planche du menton.

Ramon n'avait plus le choix.

Il se dirigea vers le mur où était fixé à deux mètres cinquante du sol une simple plateforme de bois massif dépourvue de support, respira plusieurs fois et se lança.

Malheureusement pour lui, il n'avait plus ni l'allonge, ni la musculature nécessaire pour se hisser comme il en avait l'habitude. Durant plusieurs secondes, il resta agrippé du bout des doigts, les jambes tortillant dans le vide, sans parvenir à monter plus haut, et bientôt, les rires se firent de moins en moins discrets derrière lui.

– Tu veux un escabeau ? Lui demanda finalement Mariela.

Josefa renchérit.

– Il n'a pas dû manger assez de soupe quand il était petit, ajouta-t-elle.

Autour d'elles, les autres éclatèrent de rire sans plus essayer de se cacher et même le sergent-chef avait du mal à garder un visage impassible. Il était bien placé pour savoir à quel point ces deux filles en avaient bavé pour se faire accepter. Elles avaient bien mérité leur petite revanche.

Toujours accroché à la planche, Ramon leur jeta un regard mauvais par-dessus son épaule, mais Mariela avait déjà sa réplique toute prête aux lèvres.

– Rhoo ça va, dit-elle, ne me regarde pas comme ça, je rigole. Tu as tes règles ou quoi ?

Le fou rire fut cette fois général.

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