Jour 200 - Roméo & Andréa (Los Angeles, Californie, USA)
La tête dans les mains, assis sur leur canapé dans leur loft de Beverly Hills, Roméo se désespérait.
– Je ne suis qu'un raté... Répétait-il. Un minable... Un moins que rien !
C'est dans cette position que Andréa, son petit ami, le trouva en rentrant ce soir-là.
Il le rejoignit, vint s'asseoir à côté de lui et passa un bras autour de ses épaules.
– Qu'est-ce qu'il y a mon chou ? Dit-il.
Il n'avait pas vraiment besoin de lui poser la question, il savait en réalité très bien ce qui tourmentait Roméo ces dernières semaines.
Depuis que tous les deux s'étaient mis ensemble voilà presque dix ans, leur rêve était de fonder une famille et d'avoir des enfants.
Mais jusqu'à présent, soit la GPA avait échoué (NDA : GPA, Gestation Pour Autrui, pratique médicale qui consiste à implanter un embryon dans l'utérus d'une donneuse.), soit les cliniques avaient augmenté leurs tarifs de façon exorbitante en leur expliquant que l'acte était complexe et que les échecs qu'ils avaient essuyés en étaient la preuve.
Mais le jour où les hommes avaient commencé à se transformer en femmes, Andréa et Roméo y avaient vu un signe du ciel.
C'était comme si Dieu répondait à leurs prières en leur offrant l'opportunité qu'ils désiraient.
Ils avaient alors entrepris d'essayer de concevoir un enfant de manière naturelle avant même d'entendre parler des premières grossesses de ces nouvelles femmes.
Là aussi, ça n'avait pas été sans mal. Andréa avait beau aimer Roméo, sa version féminine ne provoquait chez lui aucune réaction qui aurait pu les aider. Ils s'étaient alors résolus à avoir recours à des inséminations artisanales dans l'espoir que cela fonctionnerait.
C'était Roméo qui serait la mère, il n'y avait jamais eu le moindre doute entre eux. La fibre paternelle était chez lui tellement développée qu'il brûlait de découvrir les joies de la maternité avant même que la terre soit frappée par cette étrange malédiction.
– Je vais être maman grâce à ces métamorphoses ! S'était-il écrié, rayonnant, quand ils avaient pris leur décision. Je vais enfin pouvoir être maman ! C'est un rêve qui se réalise !
À leurs yeux, cette épidémie n'était rien de moins qu'une bénédiction.
Malheureusement, les semaines et les mois s'étaient écoulés et aucun signe de grossesse n'était apparu.
Aujourd'hui encore, Andréa avait compris dès qu'il avait passé la porte et vu que Roméo était redevenu un homme durant la journée. Ceux qui tombaient enceintes ne le redevenaient pas avant la fin de leur grossesse. On ignorait d'ailleurs même aujourd'hui encore s'ils pouvaient le redevenir après.
Cette question tourmentait Andréa.
– Et si jamais la transformation était définitive ? Avait-il demandé à Roméo lorsqu'ils en avaient discuté ensemble. Si jamais, même après l'accouchement, tu ne redeviens pas un homme, qu'est-ce qu'on fera ?
Roméo avait lui aussi pensé à cette possibilité, mais elle semblait l'effrayer moins que Andréa.
– C'est un risque que je suis prêt à courir, avait-il répondu. La question c'est est-ce que toi tu l'es ?
Andréa n'avait pas su quoi répondre sur le moment et Roméo avait repris.
– Est-ce que... tu cesseras de m'aimer si je deviens une femme pour toujours ?
La réponse l'angoissait, mais il avait besoin de savoir.
– Non, avait répondu Andréa après réflexion. Je ne pourrais jamais cesser de t'aimer. Ça sera différent, voilà tout. Il me faudra sûrement un moment pour m'y faire, mais je t'aimerais, toi et ce petit bout, malgré tout. Ça sera une nouvelle étape de notre histoire.
Rassuré, Roméo avait serré sa main entre les siennes et, le soir-même, ils avaient fait leur première tentative.
Assis sur le canapé, Roméo continuait de se lamenter.
– C'est parce que le ciel sait que je serais une mère déplorable ! Dit-il. Je ne vois que cela !
Andréa resserra sa prise sur ses épaules.
– Tu sais que c'est faux, lui dit-il. Tu seras le père – ou la mère – le plus aimant et le plus attentif qui soit, je le sais. Ça n'est qu'un contretemps. Tu devrais plutôt voir cela comme une épreuve, un moyen de vérifier si nous sommes assez déterminés et assez patients.
– Je le suis ! S'écria Roméo en se redressant. Je le suis à deux cents pour cent ! Mais...
Ses épaules retombèrent.
– C'est dur, compléta Andréa. Je le sais.
– Ça serait plus facile si je pouvais rester une femme quelque temps, dit Roméo. Difficile de s'y retrouver dans mon cycle alors je redeviens un homme à tout bout de champ.
Tous les deux avaient bien tenté de tenir un calendrier pour marquer les périodes d'ovulation, mais le corps de Roméo semblait n'avoir cure de régularité et ni l'un ni l'autre n'aurait su dire si c'était le résultat de son retour régulier à l'apparence d'homme ou bien un effet du stress. En plus de cela, aucune étude ne pouvait les aider, le phénomène était encore trop récent pour avoir été examiné par les scientifiques.
– Je sais, répondit Andréa.
Les mois précédents, le couple avait essayé certaines méthodes trouvées sur internet pour permettre à Roméo de demeurer une femme plus longtemps, mais aucune d'entre elles n'avait fonctionné. L'un et l'autre gagnaient bien leurs vies, ils vivaient dans un quartier aisé où la criminalité était quasi inexistante, ils n'avaient jamais réellement eu de problème de santé...
Qui aurait cru qu'un jour nous penserions que nous avons une vie trop parfaite pour obtenir ce que nous voulons ? Songeait Andréa.
Ce dernier avait même envisagé de s'inventer une maladie, mais il n'avait pu se résoudre à faire cette frayeur à l'homme qu'il aimait.
Je ne veux pas lui faire cela, c'est déjà si dur pour lui... S'était-il dit. Nous y arriverons autrement, il n'y a pas de raison. Hors de question de baisser les bras !
Finalement, Andréa se leva et il se dirigea vers la cuisine.
– Ce qui est sûr, reprit-il, c'est que te faire du souci ne t'apportera rien de bon, ni à toi, ni à notre futur bébé, au contraire ! Je connais le remède idéal contre ça : la recette spéciale de macaronis au gruyère made by Andréa !
Sa remarque réussit à tirer un sourire à Roméo.
– Avec supplément fromage ? Dit-il.
– Avec supplément amour, lui répondit Andréa avec un clin d'œil espiègle.
︵‿︵‿୨⊱♦⊰୧‿︵‿︵
Le lendemain, Andréa fut réveillé par les premiers rayons du soleil qui traversèrent l'imposante baie vitrée de leur loft.
Il grimaça et se retourna vers l'homme qu'il aimait pour tenter de se rendormir.
D'abord, il ne vit pas ce qui avait changé. La présence contre lui était toujours la même, chaude et douce. Le bras de Roméo qui se posa sur son épaule sans même qu'il ouvre un œil n'avait pas changé.
Pourtant, Andréa sentit son cœur battre tout à coup à la volée sans qu'il puisse s'expliquer pourquoi.
Il se redressa à demi, fronça les sourcils et regarda autour de lui.
Puis il vit.
Roméo était bien là, mais sa chevelure était longue et fournie, ses traits étaient ceux d'une femme et, sous le drap, Andréa pouvait deviner les courbes de sa poitrine.
Un frisson le traversa.
Si Roméo était une femme alors qu'il était encore endormi, cela ne pouvait vouloir dire qu'une chose.
Il tendit la main et lui secoua doucement l'épaule.
– Laisse-moi dormir mon cœur, murmura Roméo. Je suis fatigué...
– Chou... Reprit Andréa dans un croassement. Tu devrais vraiment te réveiller...
Roméo ouvrit un œil.
– Hmm ? Pourquoi ?
Il se redressa à son tour et, la seconde suivante, il avait compris.
Il s'assit dans le lit et s'examina sous toutes les coutures.
– Je... Je... Bafouilla-t-il, sans parvenir à dire autre chose.
– Je crois, dit Andréa, que ça serait bien que tu ailles faire un des tests qu'on avait acheté à la pharmacie en prévision de ce jour.
Roméo le regarda, la gorge serrée.
Il ne pouvait pas articuler un mot tellement il était ému. Tout ce qu'il put faire, ce fut hocher la tête et se précipiter dans la salle de bain.
Pendant ce temps, Andréa se leva et il s'habilla.
Leur vie avait peut-être changé du tout au tout et ils ne le savaient pas encore.
Cette idée lui hérissa la peau de chair de poule.
Lorsque Roméo revint quelques minutes plus tard, il tenait un bâtonnet à la main et son visage n'aurait pu exprimer plus clairement son bonheur.
– Mon cœur... Bredouilla-t-il. On va être parents !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top