Océane - 3 août 2014
Le retour à la compétition se passe bien mieux que prévu et les changements suggérés par Lucas ont porté leurs fruits. Bien sûr, Anthony n'a pas accepté très facilement de se faire évincer mais ma victoire au tournoi de Biarritz lui a fait comprendre que je devais voir plus loin et perfectionner ma préparation. Après avoir également remporté le tournoi d'Astana, je me suis retrouvée tête de série numéro 1 à Bad Saulgau.
J'ai bénéficié d'un tirage très favorable et aujourd'hui je joue la finale contre une brésilienne qui m'est totalement inconnue. Si la plupart des joueuses du top 100 se connaissent, la multitude des tournois ITF fait que les mêmes joueuses se rencontrent rarement.
Gabriella, mon adversaire du jour est gauchère. Je déteste jouer une gauchère car la plupart du temps, leur coup droit est leur meilleur coup et par la force des choses lorsqu'elles jouent croisé c'est sur mon revers que cela arrive. Je suis une joueuse assez puissante mais si mon coup droit est très stable, mon revers est mon pire ennemi. Ce n'est pas faute de le travailler à l'entraînement mais je n'arrive pas à atteindre le même niveau d'assurance qu'en coup droit. Pascal, mon nouveau coach, me reproche souvent de ne jamais tenter le revers long de ligne mais d'invariablement jouer croisé et trop près du couloir.
Depuis que nous avons débuté notre collaboration, il a totalement changé mon style de jeu, non sans mal car je refusais systématiquement de mettre en pratique ses conseils mais aujourd'hui je sais que je n'ai pas le choix si je veux gagner. Lorsque j'ai débuté sur le circuit ITF, je n'étais pas vraiment une joueuse de terre mais petit à petit j'avais appréhendé cette surface et aujourd'hui, je m'y sens aussi à l'aise que sur dur. J'adore glisser et la lenteur de la surface me convient bien. Impossible de jouer en deux ou trois frappes : il faut construire, se montrer patient, exploiter au maximum les faiblesses de l'adversaire. L'aspect tactique a donc ici plus d'importance et justement, c'est un de mes points forts.
Aujourd'hui cependant, il faut que je repense complètement mon schéma de jeu. Même si je dois jouer croisé, je ne dois pas oublier qu'en face, tout est inversé. Pascal m'a donc conseillé d'exploiter le plus possible les effets, de gratter la balle et de trouver les angles qui mettront le plus en difficulté mon adversaire. Je n'ai pas peur de jouer deux ou trois heures. Grâce à Lucas, j'ai une très bonne endurance et je sais que ma condition physique peut faire la différence. Avant de monter sur le terrain, mon coach me donne ses dernières recommandations :
- Elle s'est blessée hier à la cheville : fait la bouger le plus possible, fait durer les échanges, n'hésite pas à faire quelques amorties.
- Ok.
- Et surtout Océane n'oublie pas : point suivant.
- Oui oui je sais.
Mon plus gros défaut c'est de ressasser pendant plusieurs jeux un point perdu. Je sais que je dois travailler sur ma concentration et essayer de rester calme mais c'est plus fort que moi, je ne supporte pas de perdre et je dois extérioriser cette frustration.
Le premier set est une formalité pour moi. Mon adversaire est classée deux cent places derrière moi à la WTA et elle semble tétanisée par l'enjeu. En vingt minutes à peine, je remporte le set par six jeux à zéro. Je suis contente de ce que je produits sur le terrain. J'ai utilisé le slice à bon escient, j'ai réalisé quelques amorties là où mon adversaire ne s'y attendait pas du tout et pour une fois mon revers à deux mains est parfait. Je débute le deuxième set confiante. Trop peut-être. N'ayant jusqu'à présent pas dû m'employer et n'ayant pas dû hausser mon niveau de jeu, je commets plusieurs fautes de précipitation et je me retrouve menée trois jeux à zéro.
Très énervée, je prends à peine le temps de me reposer lors du changement de côté et je me prépare déjà à servir. Mon adversaire, qui n'en menait pas large auparavant, réussit à présent tout ce qu'elle ratait dans le premier set et je regarde les points défiler sans pouvoir réagir. Après avoir fixé le marquoir qui affiche un très mauvais quatre – zéro en ma défaveur, je me tourne un bref instant vers les tribunes pour chercher le regard de mon coach et celui d'Anthony. Leurs conseils me reviennent en mémoire et je finis par rejouer avec ma tête. Mes coups sont à nouveau plus assurés, plus précis, plus puissants et grâce à un superbe revers court croisé, je recolle à quatre partout. Mon adversaire accuse le coup et les deux jeux suivants sont nettement plus simples à gérer pour moi. Le poing rageur levé vers le ciel, je célèbre ma troisième victoire finale en autant de tournois.
Après la remise des trophées, Anthony me prend dans ses bras pour me féliciter puis il m'adresse un véritable savon :
- Mais bordel Océane, combien de fois est-ce que tu vas encore nous faire le coup ? Tu maîtrises ton sujet et à cause d'une seule petite balle ratée, tu perds complètement le fil. Point suivant Océane, point suivant ! Le jeu perdu c'est trop tard, ça ne sert à rien d'y penser encore et encore. Si tu avais joué une fille de ton niveau tu n'aurais jamais gagné ce match.
Et bien c'est agréable de se prendre un tel remontage de bretelles après une victoire. Furieuse, je m'écarte de mon petit ami et je l'ignore royalement jusqu'à notre retour à l'hôtel. Il n'a pas tort c'est vrai mais pourquoi me sortir ça, juste à la sortie du terrain ? Je n'ai même plus envie de fêter ma victoire par sa faute. Au restaurant, tandis que je discute avec Pascal, Anthony passe son temps sur son smartphone et il ne m'adresse pas la parole une seule fois. Ce n'est que lorsque nous nous retrouvons seuls dans notre chambre qu'il finit par ouvrir la bouche :
- Tu te rappelles cette proposition que j'avais reçue pour entraîner un junior allemand ?
- Oui, celui dont le père était venu nous voir à Strasbourg ?
- Oui tout à fait. Il me propose de le rencontrer dans huit jours à Leipzig et de faire un test pendant une semaine avec son fils.
- Et ?
- Regarde.
Je manque de tomber à la renverse lorsqu'Anthony me montre le mail qu'il a reçu. Le père de ce garçon tient à ce que son fils grimpe rapidement dans la hiérarchie à l'ATP et il est prêt à mettre les moyens qu'il faut, quitte à dépenser des sommes folles.
- Même si cela ne dure pas, ce serait dommage de refuser un contrat pareil.
- Tu...ça ne te dérange pas si j'accepte ?
- Non. Financièrement, tu ne peux pas te permettre de refuser une telle offre. Et puis, ça te fait une ligne de plus sur ton CV. Il a quand même remporté L'US Open junior l'année dernière.
- Sauf que tu seras à Zurich à ce moment-là.
- Je sais que tu n'aimes pas trop l'athlé et moi,...je vais passer beaucoup de temps avec Lucas. Tu devrais lui téléphoner pour lui dire que tu acceptes avant qu'il ne le propose à quelqu'un d'autre.
- Tu as raison.
Je profite de son appel pour aller me changer dans la salle de bain. C'est étrange, je n'ai eu aucun problème à proposer à Anthony de se rentre à Leipzig. Pourtant cela signifie que nous n'allons pas nous voir pendant plus de deux semaines puisque je ne prendrai pas part au tournoi de Koksijde en Belgique la semaine prochaine. En concertation avec Pascal, j'ai choisi de me reposer afin de pouvoir enchaîner les tournois à la fin du mois d'août.
Je vais ainsi me rendre à Zurich en même temps que Lucas qui veut être sur place cinq jours avant le début de la compétition. Son décathlon commence en effet le 12 août et il veut pouvoir prendre ses marques tranquillement. Lorsque je sors de la salle de bain, Anthony est toujours au téléphone et il me fait signe d'approcher.
- Tu pars quand avec Lucas ?
- Le 6.
- Et tu reviens le...17 ?
- Oui c'est ça.
- Je partirai en même temps que toi mais je ne pourrais pas être là à Oldenzaal.
- Ne t'inquiète pas, tu dois saisir cette opportunité.
- Merci ma belle.
Qu'est-ce qui ne tourne pas rond chez moi ? Avant, la moindre séparation entre nous représentait un véritable drame pour moi. Je n'ai d'ailleurs jamais été fichue de passer un tour si Anthony n'était pas présent dans les tribunes. Depuis quelques mois cependant, ce n'est plus pareil. Je n'ai plus le sentiment d'avoir mon copain à mes côtés mais une personne de mon staff. La vie d'une joueuse professionnelle ne laisse que peu de place pour les loisirs mais la routine qui s'est installée entre nous ne me convient plus. Je ne vais rien dire à Anthony mais je pense qu'il faut que je fasse le point. D'abord toute seulet et ensuite je demanderai l'avis de Lucas.
En réalité, je pense déjà connaître la réponse à mes questions : je crois que je ne suis plus amoureuse d'Anthony. Je ne sais pas à quel moment j'ai commencé à m'éloigner de lui et à ne plus le voir que comme mon préparateur physique.
Merde...
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