Océane - 24 décembre 2014 (1ère partie)

Je n'ai pas le cœur à la fête. Je pense à mon départ pour Brisbane dans deux jours et je n'ai toujours pas réussi à prendre une décision.

Je suis tiraillée entre mon attirance pour Christopher dont je ne n'arrive pas à déterminer si elle est passagère ou bien réelle, et la peur de voir resurgir des fantômes de son passé qui auraient des conséquences désastreuses pour moi.

Je n'ai pas, comme lui, cette aptitude à me forger une carapace et à ignorer royalement ce qui se dit à mon sujet et je sais que je serai incapable de faire face au moindre commentaire désobligeant.

Lucas en a discuté avec moi, pour mon plus grand étonnement. Bien entendu, il n'a cessé de marteler que m'afficher avec Christopher à Linz et Luxembourg était une terrible erreur mais, je ne sais pas, depuis son retour d'Australie mon frère est bizarre. En fait, il ne cesse de se contredire et je le soupçonne d'avoir eu quelques conversations musclées avec l'homme qui occupe toutes mes pensées.

Justine dit que je suis ridicule et qu'il serait grand temps que je reprendre contact avec lui. Mais je ne sais pas comment faire. En fait, j'en ai envie tout en ayant la trouille de regretter mon geste par la suite.

- Mais bordel Océane décide-toi une bonne fois pour toute ! Tu ne peux pas continuer à jouer avec ses pieds de la sorte !

Après avoir une nouvelle fois exprimé le fond de ma pensée à ma sœur, je m'en prends plein la gueule.

Je fais mine de ne pas l'écouter et sur mon smartphone, je tapote quelques mots clés sur Google. Je tombe alors sur plusieurs vidéos montrant Christopher avec de nombreux enfants sur une piste d'athlétisme. J'apprends ainsi qu'il avait organisé avec sa fondation deux jours auparavant, une sorte d'après-midi récréative pour les enfants orphelins de Londres et qu'il avait mis sur pied une initiation à l'athlétisme avec plusieurs grandes stars mondiales. Je le découvre ainsi en train de discuter avec Usain Bolt, Valérie Adams, Mo Farah ou encore Jessica Ennis-Hill.

Il est souriant, on voit qu'il prend énormément de plaisir à échanger avec les enfants et à leur expliquer les techniques de chaque discipline. J'ai l'impression, une nouvelle fois, de découvrir un autre homme.

- Sérieusement Océane, je sais bien que tu as peur que des trucs sombres de son passé resurgissent, tu ne pourras rien y faire et lui non plus. Mais regarde-le...

Ma sœur s'est approchée de moi sans bruit et elle a vu les dernières images de la vidéo que je regardais. Je ne dis rien, je dépose mon téléphone sur la commode dans ma chambre pour terminer de me maquiller légèrement avant de rejoindre le salon où mes parents, Lucas, Joyce et Marc, le mari de Justine nous attendent pour prendre l'apéro. Nous passons toujours le réveillon de Noël ensemble : c'est un moment que j'aime tout particulièrement mais pas cette année.

Je me regarde dans le miroir : papa exige que nous soyons toujours bien habillés alors j'ai choisi un pantalon classique noir avec une blouse parme dont les manches en dentelle sont légèrement transparentes. J'ai mis un peu de fond de teint pour cacher la pâleur de mon visage et j'ai relevé mes cheveux en un chignon lâche.

En traînant les pieds je sors de ma chambre pour tomber presque nez à nez avec Lucas.

- Ah ce n'est pas trop tôt, je croyais que tu t'étais enfermée dans la salle de bain !

Je lui donne un petit coup de coude puis je le suis d'un pas lent. Prise par le besoin soudain d'avoir des nouvelles de Christopher, je retourne dans ma chambre pour aller chercher mon smartphone.

J'hésite quelques instants puis je rédige un court message :

J'espère que tu passeras un bon réveillon avec tes amis et ta famille et que tu auras des cadeaux sympas. J'aimerai t'appeler demain si tu es d'accord.

C'est nul comme message mais sur le coup je ne trouve pas mieux que de lui sortir des banalités. Il ne lui faut pas cinq minutes pour me répondre et ce que je lis alors me bouleverse totalement :

Je ne fête plus Noël depuis dix ans Océane. Je ne vois plus mes parents et Nathan est dans sa famille à Coventry. Alors, non, pas de réveillon pour moi et encore moins de cadeau. Je vais sans doute regarder la télé un peu puis j'irai me coucher tôt. Comme chaque année.

Hébétée, je fixe mon téléphone. Il est...seul ? Seul le soir du réveillon de Noël ?

Les larmes aux yeux je me précipite vers le hall d'entrée : je revêts rapidement mon gros manteau d'hiver, je noue une écharpe autour de mon cou et je sors à toute vitesse dans la rue.

Je savais qu'il était en froid avec ses parents et ses frères mais...mais de là à être seul...

Je me rends compte que finalement je ne sais pas grand-chose sur ses amis. Oui il y a Nathan et Lucas mais ensuite ? Il ne pouvait évidemment être ni avec l'un ou l'autre et je me demande alors s'il est possible que l'un des plus grands champions de l'athlétisme, adulés par des milliers de fans soit finalement un solitaire, quelqu'un qui n'ait absolument personne à ses côtés en dehors de son staff sportif.

Je suppose que sa fierté l'avait empêché de m'en parler et je me sens terriblement coupable.

Après dix minutes de marche très rapide, je me retrouve devant l'immeuble où habite Christopher. J'hésite quelques secondes puis je sonne à la grande et imposante double porte. Le gardien du bâtiment vient m'ouvrir et il me dévisage d'un air étonné.

Lorsque je lui explique que je suis une amie de Christopher, un grand sourire éclaire son visage :

- Oh mais oui, je vous reconnais. Vous êtes Océane n'est-ce pas ? Il me parle souvent de vous. Mais je crois que vous n'êtes jamais venue ici n'est-ce pas ?

- Non en effet.

- C'est l'appartement 2B au deuxième étage.

Je remercie le vieil homme et je grimpe quatre à quatre les escaliers.

Je frissonne un instant devant la porte en regardant les noms apposés en dessous de la sonnette :

Nathan McMillan – Christopher Hodges

Je ferme les yeux quelques secondes puis j'appuie sur la sonnette. Je ne dois pas attendre bien longtemps avant de voir la porte s'ouvrir devant moi.

L'étonnement se lit immédiatement sur le visage de l'anglais. Je le dévisage avec une certaine gêne ne sachant trop que lui dire. Il est vêtu d'un sweat et d'un pantalon de sport, ses cheveux sont en bataille et je le trouve assez pâle.

Il reste silencieux également et il ne m'invite pas à entrer chez lui. Il finit par me le proposer du bout des lèvres lorsqu'il entend un bruit au-dessus de nos têtes, au troisième étage.

Je me retrouve alors dans le hall d'entrée quand Christopher reçoit un appel sur son téléphone. Il grimace en regardant le nom de l'appelant mais il répond quand même :

- Oui ?

- ...

- Oui elle est ici. Non, je ne lui ai rien demandé.

- ...

- Comme tu veux.

Je comprends qu'il s'agit de Lucas et que sans doute ce dernier doit être furieux de ma disparition. Il est vrai que j'étais si bouleversée que je n'ai prévenu personne de mon départ.

Enfin, Christopher finit par m'adresser la parole :

- Pourquoi tu t'es enfuie de chez tes parents ? Et pourquoi tu es venue ici alors que...

- Parce que...tu as dit que tu...tu étais seul et...

- Tu as eu pitié de moi c'est ça ? Alors tu peux rentrer chez toi. Je ne veux pas que les gens me fréquentent parce qu'ils s'imaginent que je suis triste. C'est comme ça depuis dix ans, je suis habitué.

Son ton sec me fait de la peine. Mais à quoi je m'attendais ? Je le laisse en plan juste après avoir passé dix jours seule avec lui et je ne lui adresse plus la parole pendant un mois. Evidemment, il ne va pas bien le prendre.

- Non, je...

J'avais besoin de te voir. Et...je me suis sentie coupable en lisant ton message. Je...

- Ecoute, on ne peut pas continuer comme ça : j'ai besoin de savoir si je peux encore espérer quelque chose de ta part. Mais si non, j'aimerai que tu me le dises et que tu arrêtes de jouer avec mes sentiments.

- Je ne joue pas avec tes sentiments, Christopher ! Non, j'ai...j'ai paniqué.

- Paniqué ?

- Je ne suis pas vraiment habituée à ce qu'un homme me dise clairement ce dont il a envie avec moi et je...avec ton passé, je...ça m'a fait peur.

- Je sais, je l'ai bien compris. Et je t'assure que ça n'arrivera plus. Mais je croyais...je croyais que je t'avais prouvé que...que toi et moi c'était du sérieux, que tu étais la seule qui comptait pour moi et je...

- Je sais. Et tu avais raison en disant que je me préoccupais surtout de ce que mon père et Lucas pensaient. J'ai pensé à ma carrière c'est vrai mais je me suis rendue compte que...que j'avais besoin de toi.

Je n'ai pas le temps de continuer. Lucas est arrivé à son tour et il frappe violement sur la porte d'entrée.

En soupirant Christopher va lui ouvrir et mon frangin se déchaîne sans lui laisser le temps de s'expliquer :

- Non mais putain Chris, ça va pas dans ta tête ? Tu lui as dit quoi pour qu'elle se pointe ici sans nous prévenir ? Tu lui as fait du chantage ? Tu l'as menacée ?

Incapable de me retenir je réponds à la place de l'anglais :

- Il n'a rien fait du tout Lucas ! Je suis venue parce que je l'ai décidé. Toute seule. D'accord, je n'aurai pas dû partir comme ça et je suis désolée si vous vous êtes inquiétés pour moi. Tu peux rentrer, je vais bien, je n'ai rien OK ?

- Ne me dit pas que tu vas rester ici ?

- Et pourquoi je ne pourrais pas ?

- Tu vas vraiment nous planter ? Le soir du réveillon de Noël ?

Oui, peut-être bien que je vais le faire. Christopher a bien plus besoin de moi que ma famille. Et rentrer chez mes parents en sachant qu'il est seul chez lui, non, je n'y arriverai pas. Je fixe mon frangin avec un air de défi et ce dernier finit par soupirer en nous regardant tous les deux :

- Alors je vous ramène tous les deux.

Cette fois, c'est au tour de Christopher de réagir :

- Quoi, tu veux que je vienne chez tes parents ?

- Y a pas trop le choix non ? Elle refusera de rentrer si tu restes ici si je comprends bien.

- Lucas...ton père me déteste. Tu me vois vraiment partager une soirée de réveillon avec vous tous ? Pas question que je me pointe alors que je n'ai pas été invité et que ma présence n'est pas souhaitée.

Je me tourne vers lui, je lui prends les mains et je plonge mon regard dans le sien :

- Je ne compte pas passer la soirée seule, sans toi. Mais je te laisse choisir l'endroit.

Christopher s'apprête à me répondre lorsque Lucas nous montre son smartphone. Il a reçu un message de mon père qui nous demande de rentrer aussi vite que possible et que si c'est la seule solution pour me décider à revenir, Christopher peut également m'accompagner.

Ce dernier n'a pas l'air spécialement emballé lorsque Lucas le lui explique mais il se dirige alors vers sa chambre en disant qu'il va s'habiller.

Sans qu'il ne m'en donne l'autorisation, je le suis et j'entre ainsi véritablement dans son appartement.

Je suis agréablement surprise : c'est clair, très agréable, la déco est sobre, les pièces sont bien rangées et l'endroit semble vraiment très confortable.

Je me rappelle alors qu'aucune fille n'est jamais venue ici et je m'arrête au beau milieu du salon, sans oser aller plus loin.


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Réconciliation en vue ou ça va partir en vrille durant ce réveillon ? 

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