Océane - 15 mars 2015

Hier, Serena Williams, la numéro un mondiale actuelle chez les femmes, a fait son grand retour en Californie et naturellement elle a eu les honneurs du cours central.

L'américaine boycottait le tournoi depuis quatorze ans et elle a décidé de revenir cette année.

Elle n'a pas eu la tâche aisée pour remporter la victoire car son adversaire, la roumaine Monica Niculescu s'est accrochée jusqu'au bout. Je me doute que Serena a eu du mal à gérer ses émotions : la dernière fois qu'elle avait jouer ici, elle avait été victime de gestes de racisme et je peux tout à fait comprendre que remonter sur ce court a dû lui sembler très étrange.

Je n'ai pas eu l'occasion d'assister au match dans les tribunes car je devais rester à l'hôtel pour me reposer. C'est donc confortablement installée dans les bras de Christopher que j'ai vibré devant la télévision de ma chambre. L'émotion de Serena Williams a la fin du match était palpable et j'avoue que j'ai ressenti un certain pincement au cœur.

Dieu merci, je ne suis pas dans sa partie de tableau mais j'avoue que je n'aurais pas dit non au court central, quitte à me prendre une raclée.

Mais le tirage au sort ne m'a pas gâtée pour autant car, après un match face à une adversaire de mon niveau, c'est la tête de série numéro 4, la danoise Caroline Wozniacki que je vais devoir affronter.

Comme l'a dit Pascal, mon tournoi est déjà réussi : je suis sortie des qualifs et j'ai passé un tour. Je sais également que je serai, quoi qu'il arrive dans le tableau final de Roland Garros, Wimbledon et l'US Open. Financièrement, c'est le jackpot : rien que ces trois tournois, même avec une élimination au premier tour, me permettront d'ajouter plus de soixante-dix mille euros à mon prize-money de l'année.

Mes bons résultats ont également été remarqués car à présent, je suis sollicitée par plusieurs joueuses afin de jouer quelques tournois de double.

Justine dit que je dois arrêter d'avoir des pensées tordues mais parfois je ne peux m'empêcher de me demander si ces filles ont vraiment envie de jouer avec moi ou elles utilisent ce prétexte afin de côtoyer Christopher.

J'avoue que je ne m'imaginais pas devenir à ce point jalouse : je sais bien que je n'ai pas le physique de mannequin ni l'aura de filles comme Ivanovic ou Sharapova, je ne suis pas la fille que l'on va remarquer dans la foule et je n'ai rien des poupées russes que Christopher a côtoyé lors de ses compétitions.

Jusqu'à présent aucune fille ne lui a fait du rentre-dedans en ma présence et je me demande comment je réagirai si je devais être confrontée à pareille situation.

Mon décathlonien a beau me répéter qu'il n'y a plus que moi, une petite voix dans un coin de ma tête me rappelle qu'il y a moins d'un an il sautait sur tout ce qui bouge.

- Océane ?

Deux bras puissants enserrent ma taille et je ferme un instant les yeux en respirant le parfum de mon petit ami. J'aimerai pouvoir rester comme ça pendant des heures, nichée contre le torse musclé de Christopher, mais le devoir m'appelle.

Je ne suis pas vraiment stressée pour mon match : je connais mon niveau, je sais que Caroline Wozniacki fait partie du top mondial et je sais surtout que, contrairement à elle, je n'ai rien à perdre.

Quoi qu'il arrive, je quitterai la Californie avec au moins un chèque de dix-sept mille dollars et trente-cinq points WTA.

Je me tourne vers Christopher et je me perds un instant dans son regard : cela ne devrait pas être permis d'avoir des yeux pareils...

Conscient de l'effet qu'il a sur moi, mon amoureux me dévisage en souriant :

- Je sais que tu meures d'envie de rester dans notre chambre...Non, non, ne le nie pas je le sais. Mais,...il me semble que tu es attendue pour ton second tour. Il ne faudrait pas décevoir tes fans.

- Mes fans ? A part ma famille, mon staff et toi...

- Détrompe-toi. J'ai eu tout le temps d'écouter les conversations devant l'entrée du complexe lorsque je suis arrivé. Les gens savent qui tu es. Tu sais, ta victoire contre Ivanovic t'a, en quelque sorte, révélée aux yeux du public.

- Hum...

- Donc si tu veux prendre le temps de signer quelques autographes tranquillement, il faut que tu te bouges.

D'un geste autoritaire, Christopher me pousse vers la porte de notre chambre. Lorsque j'arrive à l'Indian Wells Tennis Garden, je suis interpellée par quelques enfants qui me tendent de grandes balles de tennis ou des magazines afin que je les signe. Je me soumets bien volontiers ensuite à une séance de selfies puis, mon petit ami reprend son rôle de garde du corps ultra protecteur et il m'amène jusqu'aux vestiaires.

Ce que j'admire le plus chez lui c'est qu'il ne cherche pas à s'imposer : avant un match, il ne reste jamais à mes côtés, il me laisse me concentrer tandis que j'écoute les dernières recommandations de mon coach.

Mais quand je rentre sur le terrain, il est celui que je cherche en premier : nos regards se croisent et un bref instant, j'essaie de me remémorer ses paroles d'encouragement et d'oublier le stress qui commence peu à peu à m'envahir.

Mon échauffement cependant, se passe très bien et c'est un peu plus relâchée que je m'apprête à recevoir.

Wozniacki est réputée pour le très faible nombre de points qu'elle donne dans un match. Elle est très solide en défense et en couverture de terrain, elle sait maintenir une forte intensité et une belle longueur de balle. Son revers et meilleur que son coup droit même si ce dernier est efficace. Elle est très à l'aise sur sa ligne de fond et elle est capable de faire des volées liftées pour empêcher son adversaire de se replacer après un contre.

De toute façon, si elle n'était pas aussi douée, elle ne serait pas dans le top mondial.

Avant que le match ne débute, je jette un dernier regard vers le box réservé aux proches des joueuses et je fronce les sourcils en constatant qu'une jeune femme blonde vêtue d'un chemisier au décolleté provoquant est assise juste à droite de Christopher et elle a posé négligemment sa main sur son bras.

Je n'ai pas le temps d'approfondir mon examen car mon adversaire est prête à servir.

Perturbée, je loupe complètement mon entrée dans le match.

Mécontente, je laisse ensuite éclater ma frustration et ma colère en lâchant mes coups, en frappant de plus en plus fort.

Pour une fois, je ne regarde pas mon clan lorsque je vais m'assoir sur mon banc entre chaque changement de côté. Mais je finis par craquer lorsque je me retrouve menée cinq jeux à quatre.

Je ne pensais même pas atteindre un tel niveau de jeu même si je sais que c'est dû essentiellement à ma colère et ma jalousie.

Je remarque que Pascal et Christopher ont échangé leurs places et que la blonde reluque toujours mon petit ami sans aucune gêne.

Encore une fois, je n'ai pas le temps d'analyser la situation car je remontre sur le terrain où je parviens à forcer le tie-break que je ne parviens pas à remporter.

Un peu sonnée, je suis très vite menée par deux jeux à zéro dans le second set. Je vais puiser très loin dans mes ressources mentales pour recoller au score et je parviens même à prendre le service de Wozniacki pour prendre la tête dans ce deuxième set. Naturellement, la danoise n'est pas dans le top mondial pour rien : elle revient pour prendre mon service et repasser devant. Je vois bien qu'elle est irritée de la résistance que je lui oppose mais je sens que je ne vais plus tenir très longtemps. Je me sens très fatiguée et ce combat qui dure depuis deux heures à présent m'épuise psychologiquement.

Je m'accroche comme je peux mais après deux heures et quatorze minutes, mon coup droit vient mourir dans le filet pour offrir à Caroline Wozniacki son billet pour le troisième tour.

Lorsque nous échangeons une poignée de main, elle a des mots très gentils pour moi et me propose même de s'entraîner ensemble à Miami, ce que j'accepte avec un grand sourire.

Etrangement, je ne suis pas trop déçue de ma défaire. Parvenir au second tour était déjà une très grande victoire pour moi et je commence à me rendre compte que je peux réellement taquiner les meilleurs joueuses du circuit, moi qui m'en croyais totalement incapable il y a encore un an.

Dans les tribunes, tout mon clan est là à m'applaudir lorsque je quitte le terrain. Tout le monde, sauf Christopher et l'inconnue.

Pressée par un sentiment d'urgence, c'est au pas de course que je me dirige vers les vestiaires. J'y retrouve mon décathlonien, accompagnée de la sangsue.

Bon sang mais qui est cette fille ?

Je dépose mon sac brutalement sur le sol et je les observe tous les deux.

Mal à l'aise Christopher s'approche de moi mais je recule d'un pas lorsqu'il tente de m'embrasser. D'un ton sec je lui dis :

- La vue était intéressante dans les tribunes d'après ce que j'ai pu constater.

- Océane...je n'ai pas demandé à Paige de s'incruster.

- Paige ? Hum, vous semblez bien vous connaître.

- C'est la responsable communication de Nike pour les Etats-Unis. Et...elle insiste depuis trois mois pour que tu changes de sponsor et pour que nous réalisions une séance photo ensemble.

- En te mettant sa poitrine refaite sous le nez ? Curieuse manière de procéder. Tu m'excuses mais je dois faire ma séance de récupération avant de prendre ma douche et de rentrer.

- Océane ! Je ne savais même pas qu'elle serait là !

Je le plante au milieu du couloir, trop énervée par ma défaite et parce que Christopher m'a caché les demandes répétées de cette poupée siliconée.

Volontairement je fais traîner les choses et ce n'est que plus de deux heures après la fin de mon match que je me dirige vers la sortie du complexe d'Indian Wells.

Justine, Pascal, Ryan et Laurent sont là. Pas de trace de Christopher. Je m'approche de ma sœur et celle-ci, avec un grand sourire, m'indique de regarder vers la droite. Mon décathlonien est manifestement en train de passer un savon à Barbie qui n'en mène vraiment pas large.

- Tu devrais lui faire un peu plus confiance Océane. Tu l'as sacrément blessé.

Lorsqu'il s'approche ensuite de moi, les traits crispés, je m'excuse d'une toute petite voix. Il se contente de me prendre dans ses bras et il reste silencieux jusqu'à l'hôtel.

Il reste également taciturne durant le repas que nous prenons le soir venu au restaurant.

Incapable de le supporter, je lui prends la main et je l'entraîne à l'extérieur. Nous nous asseyons sur un transat au bord de la piscine et, pendant un bref instant, je réfléchis à ce que je pourrais dire, ou faire, pour que Christopher me pardonne.

Je devrais cesser d'avoir autant de doutes à son sujet car je crois qu'en cinq mois il a fait tout ce qu'il fallait pour me prouver à quel point il tient à moi.

Je l'observe tandis qu'il fixe tristement le bassin devant lui. Un frisson parcours mon corps lorsque je le vois prendre machinalement la petite chaîne qui ne le quitte plus désormais.

- Je suis maladroite avec toi. C'est stupide mais dès que je vois une femme qui te tourne autour, je...

- Tu n'as pas confiance en moi.

- Si ! J'ai confiance en toi Christopher, je t'assure.

- Tu as une curieuse manière de le montrer alors.

J'ai changé Océane, je ne suis plus le mec d'avant Zurich. Il n'y a que toi qui compte pour moi. Pourquoi tu ne veux pas le comprendre ?

Incapable de supporter son regard accablé, je me lève et je lui tourne le dos un bref instant. Je ferme ensuite les yeux lorsque je sens le torse ferme de Christopher dans mon dos.

- Tu dois me trouver complètement grotesque...Même avec mon ex je n'étais pas comme ça.

- J'avoue que j'ai parfois du mal à te comprendre. Même si je sais que tu as peur que je ne replonge et que je redevienne le connard fini que j'étais avant. Je ne t'ai pas parlé de Paige parce que je n'en voyais pas l'utilisé. Nous avions déjà eu cette discussion au sujet de ton équipementier et je n'aurai jamais cédé à ses avances. Je ne sais pas comment te l'expliquer Océane mais....tu es tout pour moi.

Tu es la seule femme qui connaisse tout de moi, la seule à qui je n'ai pas peur de me confier. tu es ma force Océane, celle qui me permet d'exister, de me sentir vivant. Je n'ai jamais ressenti ça auparavant, pour personne.

Il prononce ces mots en chuchotant, d'une voix tremblante d'émotion et quand je me retourne, je vois des larmes couler le long de ses joues.

Je le contemple un instant : aux yeux de tous il apparaît comme un roc inébranlable mais, en réalité, je sais qu'il est fragile.

Il est grand temps pour moi d'arrêter de me martyriser le cerveau et de profiter de ce que la vie m'offre. En l'occurrence, un homme incroyablement tendre et attentionné, un homme qui m'aime pour ce que je suis et qui est capable de remuer ciel et terre pour moi. 

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