Océane - 11 octobre 2014
Je me sens tellement mieux depuis qu'il est là...
Lorsque je suis arrivée à Linz sans avoir aucune nouvelle de sa part, j'étais déprimée. J'étais responsable de ce malentendu mais j'avais espéré qu'il me fasse un signe, qu'il vienne sur place comme je l'avais souhaité sans oser le lui avouer.
Dire qu'effectivement il était là. Pas depuis les qualifs mais depuis le début du tableau final. Il avait fait l'effort d'être présent malgré ses doutes envers moi.
J'avoue que je n'aime pas du tout l'attitude de Clément depuis l'arrivée de Christopher. A sa décharge, il ne savait pas que j'avais accepté de donner une chance à mon fougueux décathlonien anglais. Mais cela relève de ma vie privée et même si nous sommes amis, je ne lui dis pas tout.
Lorsque j'entre sur le terrain, mon cœur bat à tout rompre : je sais que je n'ai que très peu de chance d'aller en finale : mon adversaire, Karolina Pliskova a fait une bonne saison, elle fait partie du top 50, elle vient également de remporter le tournoi de Séoul, un 500 000 dollars.
Pascal dit qu'elle finira l'année sans doute dans les trente premières mondiales et qu'il faudra compter sur elle dans les prochaines années.
En somme ce match s'annonce assez déséquilibré : Pliskova sert bien, très bien même. A tel point qu'elle est deuxième au classement des joueuses ayant réalisé le plus d'aces sur la saison. Avec sa grande taille, elle me dépasse d'une vingtaine de centimètres quand même, son style de jeu est vraiment dédié aux schémas courts. Mon atout pour essayer de la faire plier c'est de l'obliger à multiplier les déplacements, son point faible.
Lauréate ici même l'année dernière en double avec sa jumelle Kristyna, elle est bien plus à l'aise sur dur que sur terre et comme c'est une cogneuse comme moi, je sens que si je ne suis pas concentrée à 200 %, je regardai passer les balles.
Mais je n'ai pas peur de l'affronter. Je tape fort, je peux retourner des services très puissants : je sais que je peux me défendre correctement et je saisirai les moindres occasions qui se présenteront à moi.
A la fin de l'échauffement réglementaire, je jette un regard sur mon clan et surtout sur Christopher qui me fait un petit sourire crispé.
J'ai tellement envie qu'il soit fier de moi...
Je me rappelle d'un article que j'ai lu à son sujet après Zurich : le journaliste parlait d'un talent à l'état pur, d'un gars naturellement doué pour tout ce qu'il entreprenait. Tout le contraire de moi en fait : si je ne bosse pas, si je ne fais pas mon quota d'heures par semaine, je ne progresse pas. Il me faut des heures de travail acharné là ou pour d'autres, quelques séances suffisent. Si je m'arrête de jouer quelques semaines, je ne reprends pas de zéro mais presque et c'est terriblement frustrant.
Karolina Pliskova a gagné le droit de servir en première.
Je me positionne plus d'un mètre cinquante derrière la ligne de fond et je m'apprête à recevoir.
Comme je m'y attendais, mon adversaire cherche directement les aces mais je réussis à retourner chacun de ses puissants services. Comme Pascal me l'a conseillé, je cherche à la faire bouger le plus possible et à mon grand étonnement, je parviens à la breaker d'entrée.
Evidemment, la réponse de la joueuse tchèque ne se fait pas attendre et après un jeu très disputé elle efface mon break pour revenir à un jeu partout.
Le premier set s'éternise : si je ne perds plus mon service, Pliskova non plus et nous nous rendons coup pour coup. Je finis cependant par lâcher prise ce qui permet à mon adversaire de remporter la première manche par sept jeux à cinq en une heure et quarante minutes.
Pour une fois, je ne me décourage pas : avant d'entamer le deuxième set, je cherche un soutien visuel auprès de Christopher. Sa présence me donne un supplément d'énergie et de courage et le niveau que j'ai atteint pendant le match jusqu'à présent me permet de garder un espoir de gagner la rencontre.
Le deuxième set a exactement la même physionomie mais cette fois je parviens à recoller au score pour forcer le tie-break que je remporte très largement. Le poing rageur, je retourne sur mon banc pour profiter de quelques instants de repos avant d'entamer la manche décisive. Cela fait déjà plus de trois heures que je joue mais je ne me sens pas fatiguée.
Mon adversaire s'énerve sur le terrain : je suis convaincue qu'elle ne s'attendait pas à ce que je lui résiste de la sorte. Elle sait que tout le temps passé sur le court aujourd'hui pourrait lui être largement défavorable ensuite pour la finale si elle parvient à remporter ce match.
Comme je l'ai fait dans le premier et le deuxième set, je sers pour rester dans le match : Pliskova mène par six jeux à cinq et je sais qu'à cet instant je n'ai plus droit à l'erreur.
Les échanges sont tendus. Je parviens à m'octroyer une balle de six jeux partout mais je la gâche lamentablement en voulant jouer un revers long de ligne bien trop puissant.
Mais je n'abdique pas. Pliskova obtient cinq balles de match que je réussis à écarter presque avec l'énergie du désespoir. Elle cogne de plus en plus fort et ses retours de service sont de plus en plus compliqués à aller chercher.
Finalement, après quinze égalités et autant de balles de match sauvées, je finis par craquer en ratant une volée qui n'était pas si compliqué que cela à réussir.
Après quatre heures et trente-cinq minutes de match.
Mon adversaire a de très gentils mots pour moi et je la remercie en essayant de retenir mes larmes.
Je balance toutes mes affaires dans mon sac et je quitte le terrain rapidement en saluant brièvement le public de la main.
Dans les vestiaires, je m'effondre sur un banc en pleurant à chaudes larmes. Je sais que j'ai raté une perf énorme et je m'en veux terriblement.
Quelques minutes plus tard, je vois arriver Pascal, uniquement accompagné de Christopher. Je n'ai pas besoin de réfléchir : je me précipite dans les bras de mon petit ami et je fonds à nouveau en larmes.
De sa voix rauque chargée d'émotion, Christopher tente de me consoler. Il n'arrête pas de me dire qu'il est fier de moi et que je ne dois pas être déçue de mon parcours.
Je n'ose pas le regarder et je reste blottie contre lui à essayer de digérer cette grosse déception.
Il finit par m'écarter doucement de lui : il prend mon visage entre ses mains pour ensuite déposer un léger baiser sur mes lèvres.
Il m'explique ensuite qu'il ne veut pas imposer sa présence à ma famille et qu'il va retourner à son hôtel pour me permettre de terminer mes obligations par rapport au tournoi. En effet, après ma récupération et ma douche, je dois répondre aux questions des journalistes durant la conférence de presse d'après match.
Avant de faire un débriefing avec Pascal, je fais promettre à Christopher de venir me retrouver à l'hôtel pour que nous passions la soirée ensemble.
Inquiète de ne pas voir le reste de mon clan, je pose la question à mon chéri qui me répond avec un petit sourire ennuyé :
- Lucas a dit que...que tu ne voudrais sans doute pas le voir, ni lui ni ton père et...il m'a dit que...c'était à moi à te rejoindre.
- Alors, ils ne vont pas venir ?
- Je suppose qu'ils vont attendre que je parte.
Nous nous embrassons une dernière fois puis je le regarde partir avec un certain pincement au cœur.
Je vais devoir trouver une solution : Lucas, mon père et Christopher ne vont pas pouvoir s'éviter ainsi éternellement.
Pascal ne manque pas de remarquer ma mine triste : il essaie de me rassurer en me disant il me faut laisser un peu de temps à ma famille afin de s'habituer.
Facile à dire...
Au moins, mon coach n'a plus aucune critique à formuler envers Christopher puisqu'il a pu remarquer par mon attitude sur le terrain que sa présence ne me distrayait absolument pas.
Lucas me serre dans ses bras lorsqu'il arrive enfin. Il ne fait aucune mention de mon petit ami sauf lorsque je dois le quitter pour me rendre à la conférence de presse.
- Tu comptes leur dire quoi s'ils te posent des questions à son sujet ?
- La vérité. Je n'ai rien à cacher. Et j'assume entièrement.
Heureusement que j'y étais préparée : la dernière question qui m'est adressée concerne Christopher. Elle est posée par un journaliste anglais. Posément je lui réponds qu'effectivement je suis en couple avec le ténébreux décathlonien anglais puis je demande à tous de respecter notre vie privée et je précise que je ne répondrai pas à d'autres questions à ce sujet.
Lorsque je rentre à l'hôtel, j'envoie un message à Christopher pour l'informer que je l'attends avec impatience et je lui indique que j'ai officialisé notre relation en conférence de presse.
Dans ma chambre, pour patienter jusqu'à l'arrivée de mon petit ami, je discute avec Justine ;
- Tu crois que j'ai eu tort ? Je ne pouvais pas nier que nous sommes ensemble, tout le monde l'as vu ce matin pendant mon entraînement.
- Non tu as bien fait. Au moins les choses sont claires et cela évitera les rumeurs.
- J'espère qu'ils nous ficheront la paix. Ils étaient si nombreux à Zurich à le suivre...
L'arrivée de mon amoureux met fin à la discussion pour en amener un autre. En effet, Lucas a tenu à accompagner Christopher et il a quelques recommandations à nous faire. Ou plutôt, il nous donne des ordres à tous les deux :
- Océane, la semaine prochaine, tu partageras ta chambre avec Ju. Toi...tu iras avec Pascal. Mets-toi bien dans le crâne que ce ne sont pas des vacances. Je ne peux pas t'empêcher de voir ma sœur mais au moindre truc louche tu dégages.
Je ne vois franchement pas comment il pourrait y avoir des problèmes et je ne me gêne pas pour le faire remarquer à mon frère. Il nous quitte ensuite rapidement car il retourne à Paris dès ce soir. Joyce et lui ont prévu de passer dix jours aux Seychelles et je soupçonne Lucas de préparer une demande en mariage. Ils sont ensemble depuis six ans déjà et malgré le fait qu'ils ont tous les deux leur carrière sportive à gérer, ils sont toujours aussi complices et amoureux. Ils arrivent à se voir assez souvent car Joyce adapte son planning à celui de Lucas : elle participe à tous ses stages et elle essaie de participer aux mêmes meetings que lui, quand la perche féminine est au programme bien sûr. Je suspecte presque mon frère d'exiger la mise sur pied du concours quand ce n'est pas le cas pour être certain qu'il puisse voyager avec sa belle australienne.
Ils vivent ensemble depuis un an et demi environ et cela n'est toujours pas du goût de papa. Lucas a beau avoir 24 ans, notre paternel le considère toujours comme un gosse.
Au moins, à Luxembourg j'aurai la paix car il ne sera pas là non plus. Ma mère, qui ne me suis presque plus dans mes déplacements pour s'occuper de ma grand-mère maternelle qui est très malade, aimerait voir son mari un peu plus souvent et je la comprends.
Cela fera d'une pierre deux coups : je pourrai enfin bénéficier de quelques libertés avec Christopher.
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Chapitre un peu plus centré sur le match de tennis mais ça me semblait important vu que notre héroïne est une joueuse professionnelle ;-)
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