Christopher, 6 juin 2015


Andrew ne s'imaginait pas que je passerais autant de temps à Paris. Ce n'est pas ma faute, Océane a fait le tournoi de sa vie et jouera cet après-midi sa première finale en Grand Chelem. Pour y parvenir, elle a éliminé au quatrième tour la tenante du titre, Maria Sharapova. Cela a été l'occasion de taquiner Lucas, grand supporter de la Russe et toujours officiellement célibataire. Quoi que celui-là...il faudra que je creuse du côté de la Suède car, si je ne me trompe pas, il a gardé contact avec la jolie spécialiste du 800 mètres rencontrée en Afrique du Sud.

Les journaux ont, naturellement, commenté l'élimination surprise de l'une des favorites du tournoi. Depuis quatre ans, Sharapova atteignait au moins les demi-finales et surtout, elle a remporté deux titres en quatre éditions. C'est dire l'ampleur de la performance réalisée par ma girlfriend. Océane a été impressionnante de sérénité. Une première comme l'a dit Pascal. Même quand la Russe s'est rebellée, en débreakant dans le premier comme dans le deuxième set, ma jolie française n'est pas sortie de sa bulle.

Elle avait tremblé sur sa première occasion de plier le match et envoyé la balle au milieu du filet alors que le court était ouvert. Mais la deuxième tentative avait été la bonne. Sur le service de son adversaire s'il vous plait. Ce match a en tout cas mis mes nerfs à rude épreuve. Et je dois dire que je ne sais pas trop à quoi m'attendre aujourd'hui.

Océane n'avait atteint qu'une seule fois le stade des quart de finales en Grand Chelem jusqu'à présent. Alors, la finale, face à une adversaire aussi expérimentée que Serena Williams...je crains le pire. J'ai confiance en Océane mais à ce niveau-là, je crains vraiment qu'elle n'arrive pas à maîtriser ses nerfs. Elles sont nombreuses les filles à avoir foiré leur première finale à cause de la pression et, le mental de ma petite amie reste encore son plus gros point faible.

C'est d'ailleurs LA question qui revient sans cesse dans la presse. Pour éviter qu'Océane ne se braque là-dessus, je lui ai demandé d'arrêter de consulter les news sur internet et de se concentrer sur son match. Elle sait qu'elle ne part pas favorite mais elle a quand même éliminé deux anciennes lauréates du tournoi, Ivanovic et Sharapova.

Comme tous les journalistes savent à présent qu'Océane partage ma vie, nous n'avons pas dormi cette nuit chez moi. Nous nous sommes esquivés discrètement pour loger dans un hôtel de Paris où personne n'a été mis au courant de notre présence, hormis la sécurité bien entendu. Ainsi, ma petite amie a pu passer une soirée au calme sans se soucier des paparazzis et des photographes qui campent depuis une semaine devant mon appart. Il leur a quand même fallu huit jours pour qu'ils captent que nous ne séjournions pas à l'hôtel et depuis, ils ne nous lâchent plus.

La nouvelle popularité d'Océane a eu une incidence sur le nombre de personnes qui viennent à présent la voir durant ses entraînements. Je joue toujours mon rôle de garde du corps mais je suis maintenant épaulé par deux agents de sécurité. L'engouement autour de ma compagne est tel que Denis et moi-même nous avons demandé à ce que des mesures soient prises pour qu'Océane puisse continuer son tournoi de manière sereine. Il a fallu également refuser de nombreuses demandes d'interviews et séances photos. Tout cela, ce sera pour plus tard, dans quelques jours, lorsque Roland Garros sera terminé.

Après discussion avec Pascal, Océane a préféré manger à l'hôtel avant de rejoindre la Porte d'Auteuil. Elle dort moins bien depuis plusieurs jours et je la comprends : jamais elle ne s'était retrouvée dans pareille situation. Cette nuit, elle s'est réveillée plusieurs fois et j'ai essayé de la rassurer comme je pouvais. La presse française l'imagine déjà lauréate car elle attend impatiemment depuis 2000 qu'une française succède à Mary Pierce pour soulever la Coupe Suzanne Lenglen. C'est ce qui m'angoisse le plus, cette pression que subit Océane depuis sa victoire contre Sharapova. Pour le moment, elle a bien géré mais aujourd'hui, c'est différent.


Avant de la quitter dans les vestiaires, je me contente de la serrer dans mes bras puis, après réflexion je lui chuchote :

— Quoi qu'il arrive, tu sais que nous sommes tous fiers de toi. Je veux que tu penses d'abord à profiter de l'instant, que tu t'amuses, que tu oublies un peu l'enjeu. Et tu le sais Océane, peu importe le score, pour Lucas, Justine, tes parents, pour nous tous, ton tournoi est déjà réussi à deux cent pourcent.

J'ai réussi à cacher mon anxiété jusqu'à présent mais lorsque je me retrouve dans la tribune et que je fixe le court Philippe Chatrier, mon cœur s'emballe. J'ai tellement peur de voir ma petite amie s'effondrer à cause du stress, j'ai tellement peur que l'enjeu énorme de ce match l'empêche d'être elle-même sur le terrain. Je ne suis pas le seul à être inquiet. À mes côtés, Justine, Lucas, Pascal, Laurent, Ryan, Denis et Muriel ont du mal à cacher qu'ils sont loin d'être sereins.

Au moins, mes déboires sportifs et, dans une moindre mesure, extra-sportifs, combinés à la révélation d'Océane au haut niveau ont eu le mérite de nous rapprocher ses parents et moi. Et surtout, Denis a finis par admettre que je n'étais pas mauvais pour sa fille.

Lorsque le nom de ma girlfriend résonne dans le stade, je ferme les yeux et je frissonne. Les cris de la foule, les applaudissements, le soutien que le public français manifeste à son égard me donnent les larmes aux yeux.

Et, un peu plus de deux heures après le début du match, je me retrouve, à nouveau à tenter tant bien que mal de retenir mes larmes. Océane s'est battue, comme la guerrière qu'elle est. Elle a contraint Serena à aller au troisième set alors que je croyais, à tort, qu'à 6-3, 4-1 et 40-15 pour l'américaine tout était plié. Mais ma jolie française, avec l'aplomb que je lui connais si bien, est revenue petit à petit, pour remporter le tie-break et prolonger sa belle aventure. Même si elle a craqué physiquement, et sans doute mentalement, sur la fin, Océane n'a pas à rougir de sa prestation. Elle s'est tournée vers moi, avant d'aller féliciter Serena, comme si elle cherchait à s'excuser. Mais, j'ai essayé, par mon regard, à lui faire comprendre qu'elle n'avait pas à être déçue. Je crois d'ailleurs, lorsqu'elle reçoit son trophée de finaliste, qu'Océane comprend que ce qu'elle a réalisé pendant cette quinzaine est exceptionnel.

Avec émotion je la regarde poser pour les photographes puis, lorsque la cérémonie protocolaire est terminée, je suis sans doute le premier à quitter la tribune pour regagner les vestiaires. Je me faufile rapidement dans les couloirs et lorsque j'aperçois enfin ma petite amie je fonce vers elle pour la prendre dans mes bras.

J'oublie que nous sommes entourés par les agents de sécurité et par deux journalistes de France Télévisions autorisés à filmer dans les vestiaires. J'embrasse Océane avec tendresse, et, c'est en anglais que je lui dis à quel point je suis fier d'elle. Je vois bien qu'elle oscille entre tristesse et satisfaction et je fais tout ce que je peux pour qu'elle oublie sa déception.

Après sa conférence de presse, son rituel d'après match et sa douche, j'obtiens l'autorisation de Pascal et de Denis pour emmener Océane faire une balade en amoureux dans Paris. On ne va pas faire des kilomètres mais je pense que ça ne peut pas lui faire de tort. Et j'avoue que je veux aussi l'éloigner un peu de la foule et des journalistes.

Après un rapide détour par mon appartement, nous nous rendons non loin de la Tour Eiffel. Dans les allées du Champ de Mars, je m'arrête un instant puis je prends Océane dans mes bras :

— From the moment I first saw you I knew that we were going to have something special. I feel like I've become a better person because of you, better able to love and care for other people in my life. You are the best thing that has happened to me. I can't believe there was a time in my life when I didn't have you. I can't believe there were mornings where I didn't wake up next to you. You have become a part of me and I am so thankful for it. You mean so much to me sweetheart. You are my world.

Puis, sans lui donner le temps de répondre, je l'embrasse avec douceur. Je veux, par ce baiser, essayer de lui transmettre tout l'amour, toute la tendresse et toute l'admiration que j'ai pour elle. Bordel, je ne pensais pas devenir comme ça un jour. Moi qui n'étais pas du tout romantique...

J'essaie de ne pas penser à mon prochain départ pour le Sud de la France. J'ai pris du retard dans ma préparation pour Rio, Océane le sait et ce stage, que je vais entamer dans trois jours à peine est obligatoire dans ma quête du minima pour les Jeux. Je reviendrais à Paris le 15 juillet, soit cinq jours seulement avant le départ d'Océane pour les Etats-Unis. Je ne l'accompagnerai pas durant sa tournée américaine car j'ai reçu une invitation pour la Diamond League de Zurich. Je me testerai sur 110 mètres haies ainsi qu'au lancer du disque. Si tout va bien, si je ne ressens aucune douleur, je lancerai peut-être le javelot à Bruxelles une semaine plus tard. Je ne participerai pas au Décastar mais j'irai supporter Lucas qui semble quand même vouloir prendre le départ de l'épreuve.

Cela me changera les idées car Océane ne reviendra pas à Paris avant la fin du mois d'octobre. Demain elle fera son entrée dans le top vingt mondial. Après sa tournée américaine, elle enchaînera par les tournois de Tokyo, Wuhan et Pekin et elle terminera sa saison à la Kremlin Cup de Moscou. Après toutes ces semaines de séparation, je prévois deux semaines de vacances avec ma girlfriend afin de nous retrouver. Il ne me reste que la destination à choisir.

Je me reconcentre sur le présent : si je pense trop aux mois qui arrivent je vais déprimer. Seigneur, comment ce petit bout de femme que je serre contre moi a-t-elle pu prendre autant de place dans ma vie ?


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Si je vous dit le calme avant la tempête ???


Traduction du texte en anglais :

 Dès le moment où je t'ai vu pour la première fois, je savais que ce serait particulier entre nous. J'ai l'impression d'être devenue une meilleure personne grâce à toi, d'être capable d'aimer et de prendre soin des autres dans ma vie. Tu es la meilleure chose qui me soit arrivée. Je ne peux pas croire qu'il y a eu un moment de ma vie où tu n'étais pas avec moi. Je ne peux pas croire qu'il y avait des matins où je ne me réveillais pas à tes côtés. Tu es devenue une partie de moi et je t'en suis reconnaissant pour cela. Tu signifies tellement pour moi ma chérie. Tu es mon monde.

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