Christopher - 14 août 2014 (1ère partie)
La nuit a été très courte. Mais pour une fois, je n'ai pas fêté mon titre en sortant en boite de nuit. Non, je suis rentré tranquillement à l'hôtel et j'ai bu un verre avec mes parents mais aussi avec Lucas, Océane et sa famille. Je n'ai même pas pris une seule boisson alcoolisée, je me suis contenté d'un coca, une première pour moi. Nous avons discuté de ces deux jours intenses de compétition puis, j'ai tenu à maintenir mon massage de récupération, le bain froid et les étirements avant de me coucher.
Et puis, j'avais été obligé de rassurer Océane. Je me doutais bien qu'elle avait vu Darya Klishina se précipiter sur moi.
Je n'avais pas capté qu'elle participait à la finale de la longueur pendant que moi je finissais mon décathlon. Evidemment, elle m'avait attendu, croyant sans doute que j'allais accepter de renouveler notre très brève liaison de Göteborg qui en fait s'était résumé à passer une partie de la nuit en sa compagnie.
Heureusement, Lucas avait vu toute la scène : il m'avait vu repousser violemment Darya et m'enfuir dans les vestiaires et je l'avais supplié ensuite de le dire à Océane.
Lorsque nous étions rentrés à l'hôtel, elle avait été très distante dans un premier temps puis, au moment de gagner nos chambres, avec Lucas à mes côtés, je lui avais répété au moins trois ou quatre fois que j'avais repoussé la russe et que son frère pouvait le confirmer. Elle avait juste fait un signe de tête et était rentrée dans sa chambre.
Par habitude, je suis levé aux aurores et je n'arrive plus à m'endormir.
Je sors dans le couloir de mon étage et je décide d'aller me balader un peu à l'extérieur avant de rejoindre la salle du petit-déjeuner.
L'air frais du matin me fait du bien et je croise peu de monde dans les rues de Zurich. Lorsque je regagne ma chambre, j'y retrouve Nathan mais aussi Lucas. Très étonné, je constate qu'ils sont tendus et même énervés.
- Putain Chris, tu pouvais pas prévenir que tu partais ? Pas de message, pas de mot, Andrew incapable de nous dire où tu étais...
Sérieux, tu peux nous dire ce qui t'a pris ?
- Oh doucement Nat ! J'avais juste envie d'aller me dégourdir les jambes, je ne dormais plus.
- Mouais.
- Mais merde pourquoi personne ne veut me croire quand je dis que je me suis rangé ?
Mon coéquipier hausse les épaules puis il se rend dans notre salle de bain et je dois faire face au regard inquisiteur de Lucas. Je comprends très vite qu'il s'imagine que ma disparition soudaine est liée à sa sœur et je le rassure immédiatement :
- Non je n'ai pas passé la nuit avec Océane, non je ne lui ai pas donné rendez-vous dehors et non, je ne l'ai pas vue depuis hier soir. Ça va, rassuré ?
Lucas ne répond rien et se contente de faire une grimace.
- Non mais Lucas, tu n'as quand même pas cru que... ?
J'étais super bien ce matin en me levant, là du coup je suis hyper énervé. Je prends aussi conscience que ma réputation, ma sale réputation va vraiment me compliquer la vie pendant très longtemps. Je l'avais bien vu d'ailleurs dans le regard des parents de Lucas.
Je n'ose imaginer si un jour Océane et moi nous devenons intimes la tête qu'ils vont tirer. Surtout que je ne suis déjà pas certain d'avoir le soutien de son frère...
Mon ami quitte ma chambre en s'excusant vaguement et je regrette profondément son manque de confiance en moi même s'il n'a pas tort sur le fond.
Mon comportement jusqu'il y a dix jours à peine était celui d'un véritable connard. On ne devient pas blanc comme neige du jour au lendemain je le sais et les gens vont être très méfiants à mon égard, c'est une certitude.
C'est donc finalement de mauvaise humeur que je rejoins mes coéquipiers ainsi que Lucas, Océane, Justine, leur père et Andrew pour me restaurer.
Au milieu de la table il y a la presse du jour et je prends machinalement le Guardian où je vois ma photo en première page.
Mon visage se décompose très vite lorsque je lis l'article associé.
Christopher Hodges a reconduit hier à Zurich son titre de champion d'Europe du décathlon. Contrairement à ses prestations à Sopot ou encore à Moscou l'année dernière, l'athlète natif de Coventry a paru nettement moins tranchant. A la fin de la première journée, il ne disposait que de 15 points d'avance sur Ilya Shkurenyov, considéré également comme grand favori au même titre que Hodges ou que le français Lucas Metzelder. Ce dernier, très régulier, ne doit sa seconde place qu'à ses prestations moyennes sur les haies. Sans cela, il est presque certain que Christopher Hodges n'aurait pas été sacré champion d'Europe à nouveau.
Plus étonnant encore est l'attitude de Hodges : totalement perdu dans ses marques lors du concours de la longueur, il a semblé fébrile durant les deux jours de compétition. Totalement crispé à la fin du 400 mètre, il a également été très moyen au lancer du disque et a bénéficié de beaucoup de chance à la perche où ses sauts très peu académiques auraient pu lui coûter la victoire.
Il se murmure qu'à la veille des Jeux du Commonwealth, Christopher Hodges a reçu un avertissement de la fédération britannique le menaçant d'une suspension de quatre ans en raison de son comportement déplacé lors de tous les grands championnats et jeux olympiques auxquels il a participé depuis le début de sa carrière.
En effet, il est de notoriété publique que le décathlonien, membre du club du Belgrave Harries depuis ses débuts, est un fêtard et buveur invétéré qui fréquente avec une certaine assiduité les boites de nuit des villes où se déroulent les compétitions internationales.
Invité régulièrement pour des soirées où se côtoient les stars du cinéma et la jet-set, Christopher Hodges a régulièrement délaissé le tartan ces dernières années pour fouler le tapis rouge aux côtés des mannequins les plus en vue du moment.
Connu également pour avoir eu de très nombreuses partenaires sexuelles, Hodges a récemment été accusé de détournement de mineur après s'être affiché avec une athlète ukrainienne de seize ans à Sopot. Il a été rapidement blanchi grâce à la législation qui fixe la majorité sexuelle à seize ans justement.
Il faut croire que la fédération en a eu assez et a décidé de sévir.
A Zurich, bon nombre d'athlètes ont été très étonnés de constater que Christopher Hodges, contrairement à son habitude, ne s'est à aucun moment affiché avec une jeune femme à son bras et il semble qu'aucune athlète présente sur place n'ait bénéficié de ses faveurs. Il n'a apparemment fait aucune apparition dans les nombreuses soirées organisées en ville et n'a jamais été aperçu dans les endroits branchés de Zurich.
Il est très difficile de croire que le jeune homme de 25 ans se soit rangé subitement mais son comportement en dehors du stade a été, pour une fois et d'un point de vue extérieur, irréprochable. Cependant, il ne reste qu'à Hodges une seule compétition avant de clôturer sa saison : il est donc fort probable que nous retrouvions prochainement le décathlonien, au physique très apprécié par la gente féminine, dans les soirées londoniennes.
Je jette violemment le journal sur la table sous le regard interloqué de tous ceux qui m'entourent.
Océane, qui se trouve deux places plus loin que moi le récupère et elle lit attentivement le torchon que ces crétins de journalistes ont écrit à mon sujet. Encore une fois on se fiche presque de mes performances sportives pour rappeler mes trop nombreux écarts de conduite.
Je me ferme complètement et je mange rapidement sans plus adresser la parole à qui que ce soit.
Avant, lorsque je lisais ce genre d'article, je m'en fichais royalement. Mais les choses sont changé à présent : je veux absolument convaincre Océane que tout cela c'est du passé et que je veux être considéré comme quelqu'un de sérieux.
Mais ça, ça ne va pas m'aider. Je doute qu'elle soit au courant de tout et si la presse s'amuse à ressortir certains faits à intervalle régulier, elle va finir par m'envoyer promener définitivement.
J'ai prévu une matinée de repos aujourd'hui avant de me rendre au stade en fin d'après-midi pour regarder les compétitions de la session du soir : après avoir expédié mon petit-déjeuner, je retourne dans ma chambre dans l'optique de ne plus croiser personne.
J'attends devant les ascenseurs lorsque Lucas et sa trop jolie petite sœur me rejoignent.
Océane me regarde avec un certain étonnement :
- Tu t'attendais à quoi ? ils n'ont fait que dire la vérité.
Je ne réponds pas tout de suite. J'aurai aimé avoir cette conversation en privé mais étant donné les conditions imposées par Lucas c'est impossible.
En entrant dans l'ascenseur, je grimace en regardant Océane :
- Je le sais bien ! Mais pourquoi toujours ressasser les mêmes choses ? Merde, je sais que j'ai déconné. Je n'avais pas conscience auparavant de la gravité de mon comportement, je ne pensais qu'à m'amuser. J'ai décidé de changer, je veux faire des efforts. Pourquoi personne ne semble vouloir le croire ? Pourquoi est-ce que personne ne veut me fait confiance ?
- C'est compliqué Christopher. On ne change pas du jour au lendemain, surtout quand...
- Ça veut dire que tu as changé d'avis et que tu ne veux même pas me laisser une chance ?
Parce que si c'est le cas, je préfèrerai que...
- Stop.
Océane regarde ensuite son frère d'un air menaçant :
- J'ai besoin d'avoir une conversation en privé. Sans toi.
Lucas n'a pas le temps de protester. Dès que nous quittons l'ascenseur, sa sœur me prend par la main et elle m'entraîne vers sa chambre.
Le contact de ses doigts sur ma peau me fait frissonner. Océane se rend compte très vite de ce qu'elle fait et elle me lâche très vite la main à mon plus grand regret.
Lorsque nous nous retrouvons dans sa chambre elle me demande de m'assoir sur le bord du lit. Je m'exécute sans rien dire et j'attends qu'elle enchaîne sur les paroles que je viens de prononcer.
- Christopher...Je t'ai dit que je voulais bien te laisser une chance et je n'ai pas l'intention de revenir sur ma décision. Je sais que tu as envie de changer je l'ai bien compris. Mais les gens autour de toi vont sans doute rester méfiants pendant un certain temps, moi la première. Je suis convaincue que tu es sincère et honnête avec moi mais je t'avoue que ton changement assez radical de comportement me fait un peu peur. Tu as l'habitude d'avoir tout, tout de suite. Ça ne sera pas le cas avec moi. Ne t'imagine pas que d'ici à la fin des championnats je vais m'afficher à ton bras.
Je vais être honnête avec toi comme tu l'as été avec moi : tu es un homme très attirant mais tu n'es pas le genre de mec avec lequel j'ai envie d'avoir une relation. Pourtant, tu me perturbes et je ne peux pas nier que j'éprouve des trucs particuliers lorsque je te vois. Mais pour le moment je n'ai aucun sentiment amoureux pour toi parce que je garde en tête cette image déplorable que tout le monde véhicule à ton sujet. J'ai entendu des choses dans les tribunes à ton sujet, à chaque fois que je suis venue voir Lucas et souvent cela me donnait juste envie de vomir. Tout ce que tu as fait m'écœure et pourtant, je suis convaincue que tu peux être quelqu'un de tout à fait fréquentable. Et si tu réussis cela, alors oui, peut-être que je pourrais avoir certains sentiments pour toi.
Lorsque je regagne ma chambre, je peux résumertrès facilement ce qui m'attends dans les prochaines semaines : je doistout faire pour redorer mon image et surtout, je dois faire en sorte qu'Océanetombe amoureuse de moi. Au moins je sais que je ne la laisse pas indifférente,c'est déjà ça. Et elle a accepté que je me rende, toujours chaperonné parLucas, au club de tennis du Grasshoper pourregarder son entraînement
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Ah les journalistes...Christopher n'est sans doute pas encore au bout de ses peines...
Il reste quatre jours avant la fin des championnats d'Europe. Notre anglais a désormais pas mal de temps libre devant lui. Que va t-il faire avec Océane à votre avis ?
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