Chapitre 9 - Intuition

Virus

Plus de deux heures viennent de passer et toujours aucune nouvelle du hacker... Je jette une fois de plus un regard à ma montre: il reste encore plus de quarante-cinq minutes avant la fin du cours!

Les doigts sur mon téléphone depuis un moment, j'hésite encore à envoyer un message à Samara pour devancer l'heure de notre rendez-vous. Je sais que les hackers peuvent aisément surveiller mon téléphone si je n'utilise pas l'application de messages encryptés et de redirection des adresses... Il faudra que je lui fournisse un téléphone protégé.

Je remarque qu'autour de moi, les étudiants sont tous plongés dans un exercice que le professeur a probablement demandé un peu plus tôt. Je n'ai aucune idée de quoi il s'agit puisque je suis perdu dans mes pensées.

En fait, j'ai peur. Pour la première fois de ma vie, je sens cette sensation désagréable me tenailler les tripes. Et je sais très bien pourquoi cela m'arrive. Cette peur, elle ne me concerne pas personnellement... Ce qui m'effraie en fait, c'est de savoir que quelque chose pourrait mal tourner pour ELLE.

Je suis trop inquiet pour continuer de faire semblant! D'un bond, je me lève, je saisis mon sac et je me dirige vers la sortie de la classe sous les regards ahuris de mes compagnons qui lèvent brièvement les yeux de leur travail.

- Quoi ? Est-ce interdit d'aller aux toilettes dans cette université!

Pourquoi me suis-je permis ce commentaire au juste? Aucune idée, mais je peux voir que le professeur n'apprécie pas mon geste...

- M. Delamort! Veuillez retourner à votre place et compléter l'exercice demandé!

- ...

Préférant retenir la réponse qui me vient en tête à cet instant, je pose simplement la main sur la poignée et ouvre la porte.

- Mon cours est obligatoire et je compte bien vous coller un zéro si vous ne me remettez pas cet exercice avant la fin du cours...

- J'ai un problème plus important à régler. Si vous ne pouvez pas comprendre, alors tant pis!

Sans même attendre la réponse du professeur, je sors du local et ferme bruyamment la porte derrière moi. Je dois absolument retrouver Samara. J'ai la mauvaise impression à présent que le faux message en son nom va lui attirer des ennuis et tout est de ma faute!

Malheureusement, nous n'avons pas échangé nos horaires et je n'ai aucune idée du local où elle se trouve en ce moment. Tout ce que je sais, c'est que c'est le cours de Biochimie I car elle l'a dit à ma mère dans la voiture.

Je me précipite donc en direction de la section administrative de l'université avec l'intention de demander où le cours a lieu. Nerveux, je porte la main à la poche de mon pantalon et confirme la présence de la petite fiole placée plus tôt ce matin. Mieux vaut être prêt...

Samara

S + V - P LS - B-512C - T-2200

Que peut bien vouloir dire cet étrange message?

Je regarde ma montre: il est déjà 12h30. Je suis vraiment trop en retard pour me rendre à mon cours à présent. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai encore la nette impression que quelqu'un me surveille.

Avec le départ de Yongwa il y quelques minutes, je n'imagine pas que c'est lui qui me surveille à distance à présent. Avec l'avertissement qu'il vient de me donner, je pense que je ne dois pas prendre mon intuition à la légère en ce moment... Je me demande si Virus aussi est surveillé?

Je sais que nous devons seulement nous rencontrer seulement en fin de journée, mais je ne peux pas chasser cette fichue impression. Mieux vaut confirmer immédiatement. Je saisis donc mon téléphone et compose un bref texto.

Rejoins-moi immédiatement à l'endroit de notre première rencontre. Assure-toi de ne pas être suivi. - S

Encore une fois, c'est par pure intuition que je n'ai pas donné clairement l'emplacement proposé pour notre rencontre. J'espère juste qu'il va comprendre et qu'il va prendre mon message au sérieux.

En me retournant après avoir envoyé le message, je remarque du coin de l'oeil le regard furtif de deux jeunes hommes qui s'abaissent vers le journal étudiant qu'ils tiennent chacun dans leurs mains, tous deux assis à une des nombreuses tables en bordure du large corridor. Quelque chose me dit que je viens de confirmer ma crainte...

Hésitant un moment sur la meilleure action à prendre, je choisis finalement l'affrontement et je m'avance prestement vers les deux supposés étudiants.

- Salut! C'est moi où vous me faites de l'oeil tous les deux?

- De quoi tu parles?

C'est le plus costaud des deux qui vient de me répondre alors que son compagnon vient très clairement de me prendre en photo avec son téléphone! Je ne sais pas s'il pense avoir été discret, mais j'ai nettement entendu le son émis par l'appareil pour confirmer la capture. Un peu paniquée, je décide néanmoins de jouer le jeu jusqu'au bout.

- D'habitude, un gentleman a la politesse de demander une photo à une femme qu'il trouve jolie...

- Ne t'inquiète pas pour ça connasse, tu ne nous intéresse pas!

Estomaquée par la rudesse de sa réponse, je reste sans voix un moment et je porte la main à la poche de mon kangourou. Divisée entre l'idée de démolir ce crétin et celle de plutôt jouer la victime, je recule d'un pas en fixant le photographe en herbe.

Le grand costaud met brusquement fin à ma réflexion en se levant à une vitesse que je n'imaginais pas possible. D'un mouvement vif comme l'éclair, il saisit mon poignet qu'il sert avec une force impressionnante tout en me lançant un regard d'une noirceur qui me fige sur place.

- À ta place, j'éviterais de faire une scène ici si tu ne veux pas qu'il arrive malheur à ton nouvel ami... Assieds-toi avec nous!

- ...

Je n'ai clairement pas le choix. La force et la rapidité de mon adversaire ne laisse aucun doute sur l'issue d'une altercation entre nous. Puis son regard me fait froid dans le dos et ne laisse encore une fois aucun doute sur la véracité de son avertissement au sujet de Virus...

- Que me voulez-vous?

- Pour le moment, rien...

- Pourquoi me prendre en photo puis me faire asseoir ici dans ce cas?

- Ça ce n'est absolument pas de tes affaires. Je veux simplement mettre les choses bien claires avec toi: ne te mets pas sur notre chemin et tout ira bien pour toi.

- C'est plutôt vous qui me suivez depuis ce matin...

- Ça c'est nos affaires! C'est entre nous et ton nouveau copain. À ta place, je m'éloignerais de lui si tu ne veux pas finir vraiment amochée...

Encore une fois, son regard noir me terrifie. Amochée... Aucun doute sur leurs intentions.

- Éliminons-la dès ce soir.

- Ce n'est pas à nous de décider. Envoie la photo et reste tranquille!

Impossible! Je suis parfaitement consciente qu'aucun des deux hommes n'a émis le moindre son et pourtant j'ai clairement entendu leur brève "conversation"... Étrangement, c'est le costaud qui a plus ou moins pris ma défense.

Envahie par une panique démesurée, je dois faire l'impossible pour me contrôler en ce moment et retenir mes tremblements. Je dois absolument trouver une façon de m'éloigner de ces deux-là et de rejoindre Virus dès maintenant!

Malheureusement, je n'ai aucune idée de comment je vais y arriver... Surtout que les deux hommes me fixent maintenant d'un regard mauvais, comme s'ils savaient que j'avais tout entendu?

- Tu m'as compris, oui ou non?

- O...oui...

- Donc tu vas te tenir en dehors de notre chemin?

- Pro... promis... Je peux y aller maintenant?

- Fous le camp!

Ça y est, je suis certaine que mes tremblements sont bien visibles. L'agressivité avec laquelle le costaud m'a envoyé son dernier ordre a même fait sursauter les étudiants assis à la table derrière la nôtre. Aucune autre réaction. On vient de me menacer ouvertement et chacun reste dans sa petite bulle... Rien de surprenant je dois dire, j'aurais fait pareil il n'y a pas si longtemps.

Finalement, ils ne semblent pas avoir réalisé que j'ai "entendu" leur discussion... D'ailleurs, comment est-ce possible? Pour le moment, le plus important reste de retrouver Virus et de foutre le camp loin d'ici. Clairement, certaines personnes lui en veulent vraiment...

Vais-je suivre le conseil du costaud et abandonner Virus à son sort? Certainement pas! Par contre, je suppose que cette fichue photo risque de nous attirer des ennuis en facilitant le travail de ceux qui nous suivent. Si seulement le costaud pouvait porter son attention ailleurs un petit moment, je pourrais récupérer le téléphone...

Alors que je cherche désespérément des yeux l'aide de quelqu'un autour de moi, j'entends un cri surpris en provenance de la table que je viens de quitter.

- Merde! Mon téléphone est brûlant!

- Qu'est-ce que tu fous? Arrête de faire l'imbécile et envoies cette putain de photo!

- Peux pas... mon téléphone il...

Je n'y crois pas... D'où je suis, je vois clairement de la fumée s'élever de la table sur laquelle le téléphone repose à présent. Je vois même de fines flammes s'élever à présent de l'appareil! Voilà au moins un problème de régler... Il me reste à présent à retrouver Virus au plus vite.

Sans hésiter, je me lance dans une course folle. Je dois rejoindre la fameuse salle de bain au plus vite sans que ces deux gaillards puissent me suivre.

Virus

Je ne pensais pas que c'était si difficile d'obtenir une information aussi ridicule qu'un numéro de local pour un cours de première année... Impossible que je sois le premier à faire une demande de ce genre! Voilà déjà au moins cinq minutes que la dame de l'accueil est partie chercher quelqu'un capable de me répondre.

Désespéré, je regarde une fois de plus l'écran de mon téléphone qui est resté sur la fenêtre de l'application d'encryptions en attente de la réponse tant attendue à mon message. Toujours rien! Excédé, je ferme l'application et reviens à l'écran d'accueil. La petite icône indiquant un message texte attire instantanément mon attention. Presque personne connaît ce numéro et je n'ai jamais reçu de message texte avant aujourd'hui. Serait-ce mon père qui cherche à me contacter?

Déjà je sens le rythme des battements de mon coeur qui s'accélère.

Qu'a-t-il trouvé pour me contacter ainsi par texto?

Soudainement, je reconnais le numéro de provenance du texto: Samara! Cette fois, je sens mon coeur s'arrêter entre deux battements alors qu'une myriade d'images de scénarios d'horreurs me traverse l'esprit en un battement de cils.

Une seule ligne apparait sur mon écran. La simplicité du message ne me rassure aucunement et ne fait qu'alimenter l'un des scénarios traversant mon esprit.

1) Quelqu'un l'a vu hier assommer les deux gars.

2) Cette personne l'a agressée.

3) Elle veut maintenant me forcer à venir la rejoindre...

Merde! Jamais je n'aurais dû la laisser seule tout à l'heure alors que je savais bien que quelque chose se tramait derrière notre dos!

Enragé et bien décidé à faire payer le prix fort à la personne inconsciente qui a voulu faire du mal à mon amie, je sors en trombe du bureau administratif sous les yeux ébahis de la dame qui a précisément choisi cet instant pour revenir de sa quête d'information.

Sans même ralentir le pas, je saisis la fiole dans ma poche, en retire le bouchon et la vide dans ma bouche. Par contre, pas question de refaire la même erreur qu'hier cette fois... Toujours sans ralentir le pas, je bascule mon sac à dos devant moi et place la fiole dans une pochette sur le côté du sac. Imperméable, cette dernière évitera à qui que ce soit de toucher la dangereuse fiole...

Pas le temps de mettre des gants. Je devrai me concentrer à ne libérer la substance que si la situation l'exige. J'espère seulement avoir choisi la bonne fiole ce matin (oui, je dois me faire un système de classement). Disons que la découverte d'un corps en décomposition dans les toilettes n'est pas une situation souhaitable... Par contre, une crise cardiaque passera plus ou moins inaperçue une fois passée la surprise de la découverte du corps. Reste cependant à savoir si le mécanisme de transmission fonctionne sachant que l'adrénaline est habituellement injectée et non absorbée par voie cutanée...

J'y suis presque. Le lieu de rencontre indiqué dans le message est juste au bout du corridor dans lequel je viens de m'engager. Je ralentis donc le pas et je prends une seconde fiole dans la pochette de l'autre côté de mon sac. Encore une substance expérimentale, mais cette fois destinée à ma propre personne...

Dès l'ingestion du liquide, je me concentre sur sa composition et force mon corps à l'absorber. L'objectif cette fois n'est pas de l'accumuler pour une libération future, mais bien de la diriger vers mon propre système afin d'exacerber mes capacités.

D'une manière similaire à ce que j'ai fait lors de ma démonstration à Samara avec l'acide hier soir, je concentre la substance dans mon corps et je l'achemine mentalement d'abord à mon système nerveux afin d'augmenter mes sens. Puis, je fais de même avec mon centre moteur, dirigeant la substance à tous les muscles de mon corps. L'effet est surprenant, du moins de l'intérieur... Je sens la densité de mes muscles augmenter à un tel point que j'ai l'impression de flotter, ne ressentant plus du tout le poids de mon sac rempli de lourds volumes de médecine. J'ai l'impression de pouvoir entendre le moindre son provenant des salles de classe loin derrière moi.

Rassuré par mes nouvelles capacités, j'arrive devant la fameuse porte.

Personne dans le corridor

Aucun son audible à par celui d'une respiration derrière la porte.

Ne me risquant pas à annoncer ma présence, je pousse violemment la porte. Inconscient de ma force nouvellement acquise, cette dernière percute si fort le mur que la poignée s'encastre littéralement dans le panneau de gypse, maintenant du coup la porte grande ouverte.

Personne n'est visible devant moi. J'entends cependant nettement la respiration de la personne présente dans le petit local. Elle s'accélère. J'entends même les battements de plus en plus rapprochés de son coeur! Elle est dans la première cabine...

Le coeur serré de constater l'absence de Samara, je sens une rage démesurée monter en moi. Cette personne dans cette cabine est mieux d'avoir une réponse à ma question...

Aucun pied visible sur le sol. Visiblement, la personne pense me surprendre... Je pose d'abord doucement la main sur la porte de la cabine: elle est bloquée. Pas de problème... D'un coup de poing sec mais très puissant, je brise le verrou de la porte. Insensible à la douleur engendrée par le coup, je fais un pas devant espérant surprendre à mon tour mon supposé agresseur.

Quelle n'est pas ma surprise de me retrouver percuté de plein fouet par la masse d'un corps qui vole subitement en ma direction! Heureusement pour moi, je remarque le bras levé au dernier moment, tout juste avant que le poing ne s'abaisse sur ma tempe. D'une poigne puissante, je bloque le coup avant d'agripper le corps en vol et de l'entraîner dans une chute mutuelle.

Ayant reconnu l'arme au poing de mon agresseur, je fais l'impossible pour rattraper la situation explosive.

- Arrête, c'est moi!

Comme si elle venait de sortir d'un rêve, je vois le regard d'incompréhension de Samara se poser sur moi.

- Virus?

- Lui-même. Désolé pour tout ça, j'étais convaincu que tu étais en danger...

- Et moi pareil de mon côté... Disons que je ne m'attendais pas à ce genre d'entrée de ta part.

- Je vais tout t'expliquer, mais avant nous devons foutre le camp d'ici.

- Sur ce point, je ne vais absolument pas te contrarier... Moi aussi j'ai plusieurs choses à te dire.

Alors que j'aide Samara à se relever, un son parvient à mon oreille et je me retourne instinctivement vers la porte restée grande ouverte. Plus ou moins surpris, je vois deux hommes se détailler devant moi.

En fait, je devrais plutôt dire deux colosses...

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Chapitre 9 complété!

Et voici les petites questions en préparation de la suite:

1) Une idée de pourquoi ces gens en veulent à Virus?

2) Qui est le hacker Dark_Shadow vous pensez?

Cedemro

06/11/2020


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