Chapitre 17 - Yakuza
Samara
Je devrais peut-être m'inquiéter de tout ce que je découvre sur Yongwa?
Il est clair que ses parents possèdent un empire d'une grande envergure pour avoir autant de ressources... Déjà, leur demeure tire presque du surréalisme avec sa taille, son architecture et le personnel qui y travaille. J'ai l'impression que même la Mafia italienne qui est pourtant bien installée ici ne possède pas la moitié de ce qui se trouve autour de moi!
Et cela est sans parler de ce majordome automate... Je m'y connais quand même un peu dans le domaine puisque j'ai longuement hésité entre l'ingénierie et la médecine avant d'opter pour cette dernière discipline. Je sais très bien que la robotique n'est pas avancée au point de proposer une machine aussi sophistiquée que ce "Édouard". J'ai assisté à de nombreux webinaires ces dernières années, la plupart organisés par des entreprises japonaises en technologie de pointe, et le mieux que j'ai pu y trouver sont des visages complexes animés par de nombreux actuateurs complexes qui sont encore loin d'être suffisamment miniaturisés pour être caché derrière un visage à l'allure parfaitement humaine. Et que dire de la peau et de tout le reste du corps qui donne une illusion parfaite!
En fait, je me permet même de douter en ce moment de la véracité de l'affirmation de Yongwa tellement tout ceci me paraît impossible...
De toute façon, le plus important en ce moment à mon esprit est de faire parler ma supposée génitrice. Qui sait, peut-être même cela est faux? Ce qui est certain, c'est que j'ai bien l'intention de l'apprendre et ce par n'importe quel moyen!
Il me reste donc à convaincre Virus de la nécessité d'agir immédiatement...
- Tu es bien d'accord avec moi que nous devons agir rapidement n'est-ce pas Virus?
- ... Oui... Bien sûr...
- Tu disais pouvoir m'aider avec ce stimulant. C'est toujours ton intention?
- Évidemment, mais....
- Pourquoi doit-il toujours y avoir un "mais"... Quel est le problème?
- J'ai pris toutes mes fioles. Je n'y ai pas pensé sur le coup quand j'ai proposé cette idée dans la voiture. Je suis désolé...
- Alors je devrai le faire sans ton aide... Vous n'aurez qu'à me surveiller. Si elle prend le contrôle, assommez-la!
- ...
Je vois bien dans le visage de Virus que ma dernière proposition lui paraît un peu drastique, mais je n'ai pas vraiment le choix. Si Alice reprend entièrement ses esprits, je ne pourrai certainement pas venir à bout de sa volonté...
- Il y a peut-être un moyen...
L'intervention de Yongwa me surprend sur le coup. D'un autre côté, il est évident qu'il semble en connaître plus que nous deux sur tout ce qui arrive...
- Je suppose que tu connais la formule de ce stimulant Virus?
- Évidemment puisque c'est moi qui l'ai composée...
- Et je suis celui qui te fournit la plupart des substances que tu utilises, sinon même toutes ces substances...
- En effet, la plupart viennent de toi et de tes "contacts" sur le Dark Web...
- Je n'ai aucun contact si ce n'est les réserves de mon père... Le développement d'Édouard a demandé une panoplie impressionnante de composés chimiques des plus variés pour mettre au point sa peau et les fibres musculaires synthétiques qui composent son corps.
- J'avoue ne pas pouvoir te suivre sur tous ces détails, mais il reste un problème... L'un des composés à la base de ce stimulant ne provient pas de toi mais du laboratoire de mon père. Tu n'as jamais pu me le fournir donc je suppose qu'il ne fait pas partie du stock de ton père malheureusement...
- Et quel est ce composé? Tu as sa formule chimique?
- Je peux facilement la retrouver, mais nous ne sommes pas des chimistes pour mettre au point un composé d'une telle complexité...
- Moi et Samara non, mais toi tu es un chimiste né non?
- Je fais des mélanges et je les absorbe. Je ne crée pas des molécules...
- Tu en es certain? Tu peux bien les libérer sur demande et même les concentrer en un point précis de ton corps. Pourquoi ne pourrais-tu pas les agencer au niveau moléculaire?
- Tu... tu crois que c'est possible?
- À la base, tout ce que tu fais est impossible pour nous tous... Pourquoi ne pas contourner une impossibilité de plus?
- Je veux bien essayer... Tu as besoin de combien de temps pour récupérer les produits nécessaires?
- La réserve est très proche de la salle où j'ai fait emmener Alice. Cela ne devrait prendre que quelques minutes de plus...
- Donc toute la pression est sur moi.... Merci!
- Ah mais ça me fait plaisir!
Complètement estomaquée par cette brève discussion entre Virus et Yongwa, je suis néanmoins surtout nerveuse de ce que je m'apprête à faire. D'abord, je compte m'en prendre à une télépathe d'expérience alors que je viens juste de découvrir mon pouvoir. Mais surtout, cette télépathe est la femme avec laquelle j'ai partager ce qui m'a semblé être de nombreuses belles années... De devoir à présent la considérer comme une ennemie mortelle est certes très difficile et douloureux...
Nous voilà donc en route à travers une succession de corridors et d'escaliers, passant des portes dont l'ouverture est contrôlée par des systèmes d'accès biométriques. Je me croirais dans un film de James Bond...
Lorsque nous atteignons finalement ce que Yongwa a qualifié de "réserve", je ne peux retenir un hoquet d'admiration et de surprise à la vue de la quantité de fioles, de cylindres pressurisés et de matériel en tout genre. Je ne pense pas qu'un hôpital ou un centre de recherche ne possède ne serait-ce que le dixième du matériel qui se trouve devant mes yeux.
Comment un seul homme peut-il avoir mené un projet d'une telle envergure dans le plus grand des secrets?
Alors que Yongwa remet à Virus les quelques substances qu'il lui demande, je me contente d'analyser tout ce qui se trouve autour de moi. Je remarque que les étiquettes sont rédigées en plusieurs langues différentes, indiquant certainement que les items en question proviennent de plusieurs endroits différents. Il est clair que le père de Yongwa possède son propre avion...
Plus ça va, plus je m'inquiète pour nous... Et s'il n'était pas réellement de notre côté et que tout ceci n'était qu'un moyen détourné de mettre la main sur Virus et moi?
Évidemment, je ne peux pas partager mes craintes en ce moment avec Virus. D'ailleurs, je vois ce dernier qui laisse déjà tomber plusieurs gouttes de nombreuses fioles sur la peau de sa main ouverte. En seulement quelques secondes, les produits pénètrent les pores de sa peau et je le vois qui se concentre un moment, ses yeux prenant cette étrange couleur verte particulière alors qu'il fait appel à ses facultés.
Alors que sa respiration saccadée des dernières secondes revient peu à peu à la normale, il me fixe d'un regard inquiet.
- Tu es certaine de vouloir faire cela?
- Je te fais confiance, tu feras tout pour que je reste en sécurité...
- J'espère que ce sera suffisant...
- Tu as réussi à synthétiser le stimulant comme l'a dit Yongwa?
- Je pense bien. J'en ai absorbé une partie dans mon corps et j'en sens déjà les effets.
- Je t'en prie, essaie de ne pas te taper une overdose...
- Ne t'en fais pas pour moi. Avec tout ce qui circule dans mon corps en ce moment, je pourrais me donner moi-même une dose d'adrénaline si mon coeur flanche...
- Très drôle...
Le pire, c'est que je ne crois pas qu'il ait dit cela pour rire... Le sérieux dans son regard me perturbe presque plus que toute cette situation dans laquelle nous nous trouvons.
Malgré ma nervosité, je suis néanmoins Yongwa en direction de la cellule improvisée dans laquelle Alice a été placée. Cette cellule est en fait une petite salle aux murs entièrement blancs et dont le sol et les surfaces de travail sont recouverts de qui semble être de l'acier. En ce moment, je n'ose même pas imaginer à quoi cette salle peut bien servir en temps normal...
Au centre de la pièce, allongé sur ce qui semble être une table d'opération, le corps de ma mère est solidement maintenu par de larges sangles qui sont boulonnées à même les côtés de la table. La scène est vraiment horrible à voir, je vous l'assure!
Le pire, c'est que deux yeux me regardent intensément avec une haine qui me provoque un frisson de terreur.
- Comment peux-tu me faire ça à moi ta mère!
- Tu voulais me forcer à tuer Virus. Tu n'as rien d'une mère à mes yeux à présent!
Je ne m'attendais certainement pas à la trouver consciente et je vois bien que mes amis non plus à voir leur regard paniqué... Prenant tout mon courage à deux mains, je m'avance en direction de la table et m'approche de ma mère, suivie de Virus qui pose ses mains sur les miennes alors que nous sommes debout d'elle. Je ne sais pas ce qu'il fait, mais je sens déjà un étrange picotement dans mes mains alors qu'une chaleur se répand dans mon corps tendu par la nervosité.
- J'ai fait tout ceci car lui et son ami sont dangereux et tu le sais parfaitement bien toi aussi!
- C'est pourtant ton collègue qui nous a attaqué en premier à l'université... Je ne suis pas aussi innocente que tu sembles le croire!
L'attaque mentale survient soudainement avec une force inouïe. En un éclair, je me retrouve à genoux au sol avec la tête entre les mains, relâchant du coup celles de Virus. Transpercée moi-même par la douleur, je remarque que la situation est semblable pour mes amis qui se tordent littéralement de douleur au sol.
Paniquée et tétanisée par la douleur, j'entends la voix de ma mère dans ma tête.
- Tu vas amèrement regretter ta trahison ma fille... J'ai essayé de te garder en dehors de tout ça, mais tu te bornes à te mêler de mes affaires et je ne peux plus l'accepter. Quelques minutes... Je n'avais besoins que de quelques minutes hier pour que tu me suives aveuglément et il a fallu que ce stupide Virus vienne tout foutre en l'air une fois de plus!
- Tu... tu voulais... le... tuer...
- Tu ne comprends donc rien! Virus est la clef de notre projet. Je dois le ramener en vie avec moi. Je voulais simplement que tu lui fasses mal et qu'il hurle de douleur sous tes mains...
- Tu... es... folle...
- Tu n'as même pas idée à quel point!
La douleur redouble alors d'intensité, paralysant tous les muscles de mon corps. À mes côtés, Virus semble déjà inconscient et Yongwa est pris de convulsions à quelques pas à côté de lui. Il semble que Virus ait eu raison, mon plan n'était vraiment pas le meilleur après tout...
Incapable de la moindre réaction, je laisse la douleur me guider peu à peu vers l'inconcsience, la main posée contre celle de Virus à mes côtés.
Alors que mon esprit est sur le bord de lâcher, une brûlure à ma main réveille brusquement mes sens. La vague de chaleur qui s'ensuit dans mon corps est semblable à un feu ardent qui consume un bûcher. À la limite de la douleur physique, ce feu intérieur chasse soudainement la douleur qui transperce mon esprit et mes yeux s'ouvrent sur une lumière qui me paraît surnaturelle.
Profitant de ce bref moment de répit, je fixe intensément le regard de ma mère dont les yeux s'agrandissent sous l'effet de la surprise de me voir reprendre mes esprits.
- C'est impossible...
L'effet du stimulant sur mon esprit est tout simplement ahurissant. Par la seule force de ma pensée, je parviens à localiser les dizaines de personnes qui travaillent dans l'immense demeure. Je ressens l'esprit de chacun et je suis certaine que je pourrais probablement leur parler si je le voulais. L'espace d'un moment, le seul esprit qui m'intéresse est toutefois celui de Virus près de moi. Il est bien vivant et je sais que la douleur infligée par ma mère est partie à présent, c'est tout ce qui compte!
Je peux donc me concentrer sur la seconde chose la plus importante, ma vengeance dont le désir vient de monter encore d'un cran avec la nouvelle attaque que je viens de subir.
Le hurlement qui sort des poumons de celle qui a prétendu être ma mère aurait certainement pu réveiller un mort. Je suis parfaitement consciente de la formidable douleur que je lui inflige en ce moment et j'avoue que cela me provoque un grand sentiment de soulagement.
Je peux enfin la faire payer pour les atrocités qu'elle m'a fait subir!
Près de moi, je sens l'esprit de Virus qui reprend peu à peu conscience et je l'aide à se relever sans pour autant relâcher ma pression mentale sur l'esprit de ma victime. Je vois dans les yeux de mon ami qu'il approuve entièrement mon désir de vengeance et cela me rassure grandement. Après tout, elle a voulu me pousser à lui faire du mal non?
Pourtant, quelque chose en moi commence à me déranger. Les cris de douleur ne suffisent déjà plus à assouvir cette colère qui m'enflamme l'âme. À ce rythme, je sais qu'elle va bientôt mourir et cela serait bien trop facile pour elle...
Je dois trouver une meilleure souffrance.
Une souffrance qui durera plus longtemps.
Une souffrance que moi je connais bien.
Alors que je stoppe net la pression mentale sur l'esprit de ma mère, cette dernière peut finalement reprendre son souffle sous le regard déçu de Virus qui me fixe le visage empli d'incompréhension.
- C'est tout? Après tout ce qu'elle nous a fait subir?
- Oh non, ce n'est pas tout...
Je sais que la douleur sera épouvantable pour moi aussi, mais moi je m'y suis habituée depuis le temps... Alors que je pose mes mains sur la tête de celle qui fut ma mère, je ressors dans ma tête tous mes souvenirs les plus douloureux, commençant bien sûr par la découverte du corps de mon père baignant dans la mare formée de son propre sang. Puis, viennent les images de la tentative de viol de mon père adoptif alors que son sang recouvre mon corps a moitié dénudé, le stylo que je viens de planter sortant de son cou alors qu'il tente de hurler sa douleur. Le pire, c'est que je lui fait vivre tous ces souvenirs tels que moi je les ai vécus, pas comme spectatrice indifférente. Elle peut donc vivre ma douleur et constater ses effets sur le coeur même de ma personne.
Je ne sais pas encore si cela a fonctionné, mais de partager ainsi ma douleur vient de me donner un nouveau souffle, comme si je n'étais plus seule à devoir en supporter le fardeau.
Et voilà qu'elle craque totalement. Des larmes se mettent à couler sur ses joues alors que des sanglots dignes d'une jeune enfant soulèvent par acoups sa poitrine. Il est clair qu'elle ne simule pas car tout son corps est agité de ces tremblements que je ne connais que trop bien pour m'être réveillée si souvent aux prises avec eux... Elle vit ma douleur. Une douleur accumulée et refoulée pendant plusieurs années.
- A... arrrête... avec ces... images... Je... je suis désolée... Je n'ai pas eu le choix...
Bien que ce ne soit aucunement la pitié qui anime mes actions en ce moment, j'arrête néanmoins la transmission de mes souvenirs et de ma propre douleur dans l'esprit de ma mère. Du moins pour l'instant.
- Je ne peux vraiment pas te croire! Tu as tué mon père et tu étais prête à me tuer moi, ta propre fille. Nous avons tous le choix jusqu'à ce que quelqu'un comme toi nous en prive!
- Tu n'as aucune idée de ce dont ces gens sont capables Samara...
Près de moi, Virus observe ma mère avec un air qui mélange la colère, l'incompréhension et ce qui me semble même une forme de pitié. Personnellement, je suis incapable de ressentir de la pitié, surtout pas après avoir fait rejaillir tous ces souvenirs dont la source est précisément elle.
- Tu as tué mon père et je me suis retrouvée dans cette famille d'accueil à cause de toi! Je me fiche de ces gens, c'est toi et seulement toi qui a détruit toute ma vie!!!
- Tu as raison de m'en vouloir, mais le seul choix que j'ai eu à l'époque. c'était entre lui ou toi... Je le tuais ou eux s'en prenaient à toi.
- Et tu voudrais que je te crois après ce que tu viens de nous faire subir hier?
- Je ne suis plus moi-même depuis bien des années... Ils possèdent des moyens de rompre la plus forte des volontés, je peux t'en assurer. Ils n'arrêteront devant rien pour arriver à leurs fins...
- Qui ça "ils"? Tu me dois au moins cette réponse il me semble...
- Tu ne pourras pas leur échapper donc autant que tu saches... Tu connais la société des Yakuza?
Ce seul mot suffit à détruire la moindre parcelle d'espoir qui restait en moi et la réaction de Virus est tout aussi paniquée que la mienne alors que nous reculons de quelques pas en fixant avec horreur l'entrée de la salle.
Dans le cadre de la porte se tient Édouard, ses yeux froids et sans vie fixés sur nous alors que Yongwa se relève péniblement à quelques pas de nous.
Il a tout entendu, j'en suis certaine...
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Chapitre 17 complété!
Et voici les petites questions en préparation de la suite:
1) Et maintenant, vous pensez quoi de Yongwa?
2) Et du père de Virus puisque nous n'en parlons pas depuis un bon moment déjà?
Cedemro
25/11/2020
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