Chapitre 62

Musique: Beach House- Space song


PDV Octobre :

Je n'ai pas pardonné, je ne vais pas faire comme si rien ne m'importait, mais en attendant de rentrer en France, de savoir ce qui se passe et ce qui se passait dans la tête de mon père, je vais faire en sorte que tout aille pour le mieux avec... Maman. Solange reste à la maison pour les quelques jours qui me reste. Je dois dire que maintenant qu'il n'existe plus de non-dits entre nous, les tensions ne sont volatilisées et malgré les distances et les habitudes qui persistent, l'amour est présent. Un foyer chaleureux, voilà une chose que je ne pouvais que conceptualiser fut un temps. Aujourd'hui je me sens bien à la maison... Non, disons que je me sens mieux, je ne me sens plus étrangère à ces lieux, à ces gens qui m'entourent. Et même s'il me reste encore beaucoup de choses à accepter, à éclaircir, j'ai envie de mettre de côté la situation «familiale» pour me concentrer sur les filles. 

Elles sont censées venir cette après-midi, en attendant qu'elles arrivent, Solange m'aide à faire mes valises. Lyse vient se glisser dans la chambre pour me faire cadeau de son journal. Elle me dit, tout bas, sur le ton de la confidence, que si je veux comprendre, si je veux vraiment d'elle dans ma vie, alors je n'aurais qu'à le lire dans l'avion et je prendrais soin de bien réfléchir ma décision. J'accepte son présent, le cœur chargé d'émotions, alors qu'elle repart vaquer à ses occupations. Cette nuit, j'ai rêvé d'une certaine Rose et de mes parents. Je les ai vus jeunes, comme si j'étais une amie et ensemble, nous avions des moments complices, heureux, et d'autres plus tragiques, qui m'ont fait sortir de mes songes aux alentours de quatre heures. Mon téléphone vibre dans ma poche pour la troisième fois consécutive. Je prends sur moi pour ne pas le sortir en vitesse, de toute évidence, je sais d'ores et déjà qu'il s'agit d'Owen. Ça fait quelques jours maintenant que je filtre ses appels et ses messages. J'ai peur et je me sens confuse. Je l'aime et cet amour me déchire plus qu'il m'apaise. 

Comment lui dire que bientôt je m'en vais ? Comment lui faire part de ces récentes révélations que moi-même je n'ai pas encore digérées ? Peut-être qu'il vaut mieux se quitter comme on l'a fait, avec pour souvenir, une bonne partie de jambes en l'air. On trimbale chacun suffisamment de casseroles, ne nous rajoutons pas de peine. J'ai peut-être torts de lui imposer un tel silence, mais je le fais pour son bien, pour le mien. Au rez-de-chaussée, la sonnette retentit, je fais l'impasse sur mes pensées, sors de la chambre et cours jusqu'à la porte d'entrée que j'ouvre à la volée.

— Plutôt express Octobre, ricane Alaska avant de me serrer dans ses bras. Alors que nous vaut cette invitation de dernière minute ?

J'esquisse un sourire, mon regard se pose sur Sarah, puis sur Jade, j'ai un bref pincement au cœur. Comment leur annoncer à elles, de but en blanc, que bientôt je ne serai plus là ?

— Déjà entrez et après je prendrai le temps de vous expliquer.

Quand je m'écarte du passage, elles entrent les unes à la suite des autres et prennent la direction du salon. Je me laisse tomber la première sur le canapé et attends qu'elles soient installées pour prendre la parole.

— Alors, quelles sont les nouvelles ?!

Pour l'instant, je suis incapable d'aller droit au but. Le visage de Jade s'illumine instantanément, elle se jette sur l'occasion pour prendre la parole.

— Je vous ai pas dit ! En début de semaine, je suis allée chez Nils, il organisait une réunion, mais en fait, ça s'est avéré être un piège. Matt a pris une photo de moi en train d'embrasser un autre gars, donc je suis exclue du jeu. Mais ce qui reste le plus dingue, c'est que j'ai appris que t'avais perdu ta virginité avec Owen !

Elle me pointe du doigt avec un air accusateur. Alaska et Sarah me regardent toutes deux stupéfaites, finalement, je regrette de ne pas avoir parlé de mon départ. Penser à Owen me fait culpabiliser. J'aurais dû répondre à ses messages. Au moins m'excuser d'être partie sans rien lui dire.

— Heu, vous voulez pas plutôt qu'on parle de ton exclusion ? Ça, c'est surprenant.

Ma tactique pour faire diversion tombe à l'eau lorsque Alaska affirme que c'est intéressant, mais pas autant que ma trahison. Avec les circonstances qu'elles ignorent, peut-on vraiment appeler ça une trahison ?

— Ok, ok... J'ai couché avec Owen à la soirée chez Matthew et même si j'étais extrêmement soûle, je ne vais pas mettre ça sur le compte de l'alcool. Parce qu'on a recommencé. Plus d'une fois...

J'évite le regard des filles, me remémore un instant la douceur d'Owen et son regard que j'oublierai jamais.

— Il y a certaines choses que je vous ai pas dites... En réalité, je connais Owen depuis mes quinze ans. Je l'ai rencontré une fois à l'époque et je me suis rappelé tout ça il y a quelques semaines. On en a un peu parlé, puis j'ai réalisé que je l'aimais comme une dingue, alors je sais pas si c'est entièrement réciproque, mais ce qui s'est passé entre Owen et moi, c'était bien plus qu'un jeu à ce moment-là. Et si je l'ai fait avec lui... C'est parce que je vais bientôt rentrer en France.

Cette fois, tout est dit (enfin, à quelques détails près). Leurs regards changent brusquement, Alaska ouvre la bouche, mais aucun son n'en sort.

— Attends ? Quooooi ?! S'exclame Sarah dont la mâchoire manque de se décrocher.

Je laisse échapper un rire nerveux, puis leur explique dans les détails la relation que j'avais avec ma mère ces derniers mois sans parler du dénouement. Ça, ça ne les concerne pas. Je mentionne Owen à plusieurs reprises, jusqu'à en venir au retour du ski, au soir où tout a explosé. Pendant mes explications, les filles restent attentives, tantôt elles tirent la grimace, esquissent de petites moues. Quand mon récit touche à sa fin, je me sens vidée de mon âme et sans concertation, on s'enlace toutes dans un même élan d'amour. C'est presque trop pour moi. Les cheveux d'Alaska me viennent dans la figure, son parfum emplit mes narines, je ne sais même pas d'où me vient cette quantité de larmes que je meurs d'envie de laisser éclater.

— Bon, bah, ça c'est une histoire qui pue bien la merde, soupire Jade.

— Ouais, y a de quoi plomber le moral à n'importe qui, ajoute Sarah avec un maigre sourire.

Je tente de sourire à mon tour, regarde Alaska, les yeux perdus dans le vague, la mine assombrie et pose une main sur son épaule, l'attention se porte enfin sur quelqu'un d'autre.

— Al, qu'est-ce qui se passe ?

— Je crois que j'ai merdé grave.

Elle sort son téléphone, nous montre la quantité de messages qu'Aaron lui a envoyés depuis le début de la semaine et auxquels elle n'a pas répondu.

— Franchement Octobre, reprend-elle, on n'a pas à te juger pour ce que t'as fait avec Owen, si tu sentais au fond de toi que c'était la chose à faire, alors t'as bien fait. Ton histoire, ça me fait réaliser, que moi, j'ai tiré aucune leçon de la mienne.

— Comment ça ?

Jade appuie son menton sur son épaule avec une moue adorable. Alaska sourit un peu, à bien y penser, même si on était proches ces derniers mois, les confidences n'ont pas été notre point fort, c'est peut-être en se divisant de cette façon que les choses ont fini par véritablement éclater.

— Je suis amoureuse d'Aaron depuis mes douze ans. J'ai compris ça au ski, en passant du temps avec lui. J'ai compris aussi que je m'étais voilée la face ces dernières années et maintenant que je réalise tout ça, j'ai très certainement bousillé la dernière chance qui me restait.

Elle pousse un soupir, nous regarde à tour de rôle, puis rigole doucement comme si ça n'avait pas d'importance, mais on sait que c'est faux. Au fur et à mesure, elle aborde le sujet en profondeur et nous confie ses peurs, notamment celle qui l'a envahie quand elle a vu Aaron avec Charlie. Ça lui a rappelé des blessures, elle n'a pas su y faire face, mais ce que je comprends surtout, c'est qu'à présent elle regrette, alors j'en viens inévitablement à me poser la question, est-ce que je regrette d'avoir laissé Owen en plan ? La réponse est soudain évidente. Je regrette, je regrette ma décision plus que tout. Seulement, Alaska a besoin de notre présence, alors je lui donne la mienne et je remets à plus tard ce qui me pèse.

Après une pause gâteaux, Alaska retrouve le sourire, Jade s'est assurée de lui filer un nombre incalculable de conseils dont j'ai pris note moi aussi, puis le tour est venu à Sarah de prendre la parole, quand elle nous apprend qu'elle sort avec Théo, c'est le comble.

— QUOOI ? Je m'entends crier sous l'effet de la surprise.

Ma réaction la fait se tordre de rire, les confidences se sont bien trop accumulées entre nous, ça me fait un choc de réaliser qu'on ne s'ouvre vraiment les unes aux autres qu'à l'aube de mon départ.

— Et beh, je trouve que pour critiquer les joueurs on manque pas d'air, mais pour ce qui est de communiquer entre nous, c'est autre chose !

Les mimiques hilarantes de Jade n'arrêtent pas de détendre l'ambiance. À cet instant, je trouve qu'on se complète drôlement bien pour ce qui est de passer des rires aux larmes en un rien de temps.

— Non mais c'est très récent, reprend Sarah sans lâcher son incroyable sourire. Et avant ça, je détestais vraiment Théo hein, ne croyez pas que je me foutais de vous !

— Alors tu nous expliques comment t'es passée de la haine à l'amour toi ?

— Tu sais Alaska, de l'amour à la haine, il n'y a qu'un pas. Rigole Jade en lui tapant doucement le bras. Enfin, je crois bien que c'est une connerie dans le genre le proverbe.

Leurs remarques à tout bout de champ me font sourire, j'ai l'impression de réaliser tout juste à quel point je les aime. Avant ça, j'étais obnubilée par le jeu, par Owen, je les voyais comme des alliées dans la bataille du Virgnity Game, mais aujourd'hui, je constate avec une torsion au cœur, qu'elles sont bien plus que ça.

— Hé ho, si vous arrêtiez de m'interrompre à chaque fois, peut-être que vous sauriez ce qu'il en est !

— Oui, oui, Sarah a raison, arrête de toujours t'interposer dans sa narration ! Lâche Jade en jetant un regard mauvais à Alaska avant de sourire comme une petite garce.

Sarah roule des yeux, excédée par leur comportement. Je reporte mon attention sur elle et esquisse un petit sourire pour l'inciter à poursuivre.

— Ouais heu... Du coup, ah oui, en fait, j'ai vraiment réalisé que les choses changeaient quand Théo m'a pris mon carnet. C'est un peu toute ma vie, maintenant il est en morceaux, mais bon, à la base j'écrivais beaucoup dedans. J'ai vu rouge au début, mais en fait, c'est surtout parce que j'ai réalisé que j'appréciais vraiment Théo. J'étais complètement perdue sur le moment, et au début des vacances, il est venu en bas de chez moi pour jouer de la guitare et chanter... Après on a beaucoup échangé et je sais pas... Ça a été comme une évidence, je l'ai ressenti au travers de sa musique, c'était... Waw, c'était tellement dingue en fait, je trouve pas les mots.
Elle soupire avec un air béat à couper le souffle. En regardant les filles, je remarque qu'elles sont tout aussi bouche bée que moi.

— Jade, ferme ta bouche tu vas gober des mouches. Raille Alaska en mettant un doigt sous son menton pour qu'elle se reprenne.

— Non, mais c'est incroyable quand même qu'on n'ait pas parlé plus tôt de ce genre de truc ! Entre Alaska et son éternelle passion pour Aaron, Octobre qui nous la joue ancien amour retrouvé avec Owen et Sarah l'indéniable fleur bleue qui a un coup de foudre pour Théo, y a vraiment de quoi en faire un bouquin !

Jade rit de sa propre constatation qui rend la réalité plus niaiseuse qu'elle ne l'est.

— Et toi c'est quoi alors ? Jade et son célibat indétrônable ? Ou alors mieux encore, Jade la refoule en série !
Dès qu'Alaska lâche cette dernière option, les rires se tassent, je la lorgne d'un regard sceptique, légèrement intriguée par ce qu'elle sous-entend.

— Vous avez pas compris ? Je viens de faire un jeu de mots avec «tueur en série» qui devient «refoule en série», c'est pas mal ? Non ?

On est trois à secouer négativement la tête. Alaska fait mine de se renfrogner, Jade rigole pour ne pas la vexer même si aucune n'est dupe, sa blague était vraiment nulle.

— Au fait, pourquoi refoule en série ? Questionne Sarah.

Jade et Alaska s'échangent un regard entendu, à croire qu'elles s'en disaient plus qu'on ne l'aurait cru.
— Bah en fait, j'ai peut-être avoué à Alaska, qu'à un moment donné, j'avais eu un faible pour Nils, mais je me suis fait refoule et il m'est à peu près arrivé la même chose avec Matt... Franchement, c'est vraiment, mais vraiment drôle quand on voit les choses avec du recul, parce que je vais vous avouer un truc. Si Nils m'a refoulée, c'est parce qu'il est gay, et si Matt m'a refoulée, c'est parce qu'il est gay aussi, c'est vraiment gai d'apprendre ça, non ?

Son jeu de mots est aussi douteux que celui d'Alaska, mais au moins, il la fait rire aux éclats. Cette nouvelle me laisse pantoise, je repense à la façon dont j'ai toujours été agressive avec Nils et je réalise qu'au final, je le jugeais sans rien connaître de lui. Je me suis contentée de ce qu'il me laissait voir, tout comme avec les joueurs. Qui aurait cru que Théo jouait de la guitare en plus d'être un grand romantique ? Et Aaron, l'amant torturé d'Alaska ? Alors que les filles continuent d'échanger, de rigoler, je me penche sur les réflexions qui émergent en moi à la suite de nos conversations.

 Je voulais tellement détruire le Virginity Game, battre les joueurs, que je n'ai même pas cherché à savoir qui ils étaient au fond et je me sens pitoyable quand je repense à toutes les fois où j'ai agi sans prendre de demi mesure. Ma relation avec Lyse vient s'ajouter au tableau déjà bien noirci et soudain je manque d'air, mon cœur se liquéfie. La crise d'angoisse pointe le bout de son nez. C'est peut-être trop pour moi tous ces événements qui s'enchaînent. Je me tourne vers les filles en proie à une panique démesurée, je commence à avoir des sueurs froides, une incroyable envie de vomir. Sarah, Jade s'étonnent de me voir si pâle, puis mes paupières tombent, mon corps lâche et c'est le néant.

Quand j'ouvre les yeux, tout est flou, je ne perçois aucun son. Peu à peu ma conscience émerge, je distingue les murs du salon. J'ai une première pensée pour les filles. Il n'y a plus aucun éclat de voix dans la pièce, excepté celui de ma mère quand j'envisage de me redresser.

— Octobre, reste allongée encore un peu.

Elle se penche à côté de moi comme au chevet d'un proche mourant. C'est pas une ambiance qui m'égaye.

— Où sont passées les filles ?

— Je leur ai demandé de rentrer, je pense qu'il serait bon pour toi que tu te reposes.
  
Au début, j'ai ce réflexe qui me vient, cette envie de l'envoyer bouler en lui demandant comment elle peut savoir ce qui est bon pour moi, mais je ne réponds rien.

— Maman ? Je souffle en la rattrapant par le poignet au moment où elle se lève.

Presque aussitôt, elle s'accroupit pour se remettre à mon niveau, je fixe attentivement les traits de son visage, elle a l'air tellement reconnaissante.

— Je sais que c'est prévu que je rentre à Paris... Mais... J'aimerais rester encore quelques jours pour régler certaines choses au lycée.

Le visage d'Owen s'impose à moi, mes sentiments sont toujours présents, plus puissants que des tornades et bien décidés à se déchaîner. Elle m'adresse un sourire, tendre, si tendre que mon cœur se craquelle aux souvenirs que j'ai de tous ces regards sombres qu'elle a pu me lancer.

— Je suppose que c'est pas les cours qui t'intéressent.

— Non, ce sont des gens. Des gens que j'aime, mais à qui je n'ai pas suffisamment montré mon amour.
Lyse caresse mon front, légèrement, comme si elle craignait de m'abîmer.

— Tu restes la semaine qui vient si tu veux et on te réserve un billet pour samedi prochain ?

Je hoche la tête, contre toute attente, derrière le masque qu'elle portait en ma présence, c'est une personne attentionnée et compréhensive. Je suis heureuse qu'elle m'ait dit la vérité, ça n'a pas été facile, ni pour elle, ni pour moi, et l'avenir ne sera pas plus simple, mais au moins, je peux voir son véritable visage, et la colère que je projetais sur elle, s'étiole doucement.

— Est-ce que... Est-ce que tu voudras revenir pour les prochaines vacances ?

Elle me demande ça en chuchotant, comme si elle craignait ma réponse. J'attrape sa main, la serre dans la mienne avec un petit sourire.

— Chaque chose en son temps. On s'écrira des mails, et on verra pour la suite. D'accord ?

Elle sourit, accentue la pression de sa main au creux de ma paume. C'est un «oui» silencieux et nous restons comme ça, silencieuses, encore un long moment.

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Et voilà un petit chapitre pour vous donner le smiiile tout en douceur ! ;) 

Finalement le séjour d'Octobre va se prolonger (qui l'eut cru hein ^^) et avec les confidences dont les filles se sont fait part, ça risque d'être un véritable retour en force ! 

La fin approche à grands pas, je suis heureuse, comblée, euphorique même de vous annoncer qu'il ne reste plus que 4 chapitres ! (oui oui 4, si j'ai bien compté) ^^

M'enfin voilà, c'est pas pour autant que j'oublie de vous envoyer un maximuuuum d'amouuur et de bienveillance dans vos vies mes petits loups ! 💛💛

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