Chapitre 61 part 2


PDV Jade :

Depuis la soirée chez Matthew, je passe une majorité de mon temps à penser à Tobias, mais puisqu'il y a une réunion chez Nils ce soir, j'essaie de me le sortir de la tête, en vain. Je souris bêtement en songeant à son sourire, ses mains, ses lèvres qui embrassent merveilleusement bien ou même à sa façon de danser. C'est en partie grâce à Matt que j'ai pu savourer de tels instants, d'une certaine façon, si j'ai décidé de me fier à lui, c'est pour qu'en retour, il puisse avoir l'assurance d'en faire de même. C'est avec cette vision des choses et le cœur léger que je me rends chez Nils, aucune raison de s'en faire, Matthew gardera mon secret, il en est à l'origine et puis, je possède moi aussi, un bon nombre de secrets le concernant. Pourtant, quand je frappe à la porte d'entrée, je ne parviens pas à apaiser cette angoisse naissante qui m'assure que tout va virer au fiasco. C'est le risque lorsque des secrets sont en jeu.

— Salut Jadine !

Nils ouvre, me lance un sourire faussement réjoui, puis regarde par-dessus son épaule avant de m'entraîner par le poignet un peu à l'écart.

— Dis-moi, je peux savoir ce que t'as foutu ?!

Je me défais de son emprise, arbore une mine inquiète, dans le fond, je sens que c'est en rapport avec Matthew ou même Tobias, il ne peut s'agir que de ça pour que Nils tire la gueule à ce point.

— De quoi tu parles ?!

— Jadine, c'est Matt qui a tenu à faire cette réunion, il va vraiment falloir que tu m'expliques ce que...

Il s'interrompt quand la voix de Théo l'interpelle depuis le salon. On échange un bref regard, mon désarroi est palpable.

— Bon, c'est trop tard, on verra bien de quoi il relève.

Si Nils voulait me mettre à l'aise, c'est drôlement raté. Dans un silence commun on prend la direction du salon comme si de rien n'était, en posant un pied dans la pièce, je saisis l'ampleur de cette soirée qui n'annonce définitivement rien de bon.

— Jade, on n'attendait plus que toi !

Théo se montre chaleureux, j'arbore une expression farouche, les joueurs prennent place sur le canapé. L'ambiance a soudain quelque chose d'austère, c'est étrange de se retrouver seule en face des gars, ils cherchent à m'intimider avec leurs allures inquiétantes.

— Wow, je peux savoir ce qui se passe là ?

— Assieds-toi, on va bien prendre le temps de t'expliquer.

Owen me fait signe de prendre place sur le fauteuil opposé au leur.

— Elles sont où les filles ?

Sans elles, la compagnie des joueurs est moins rassurante, j'ai la sensation désagréable d'être un pigeon dans une cage aux lions. Pour la première fois, je discerne vraiment le visage hostile des gars et sous cette apparence trompeuse, ils m'apparaissent tellement vides.

— Alaska est partie chez ses cousins, tu devrais être au courant, elle l'avait précisé la semaine dernière et Sarah et Lara sont pas là de la semaine. M'annonce Théo de but en blanc.

— Ok, et les autres sont passées où alors ?

Matt lève les yeux au ciel, mon petit manège l'agace, mais ça m'aide à maintenir pendant un temps l'inévitable raison qui m'a amenée ici ce soir.

— Octobre a couché avec Owen.

Dès l'instant où Matt énonce ces propos, je sens que la fin est proche. Octobre n'a rien sous-entendu par rapport à Owen depuis un moment. Comment a-t-elle pu lui céder, alors qu'elle était la première à prôner que c'était une idée inconcevable ?

— Moi j'ai couché avec Charlie. Souffle Aaron comme pour le compléter.

Le peu d'espoir qui me restait se retrouve réduit en miettes. Au moins c'est clair, il n'y a plus personne à attendre, je suis la seule qui reste. Mon cœur devient atrocement lourd, j'ai envie de fuir.

— Bon, c'est pas vraiment le sujet de conversation qui nous a réunis ici ce soir.

Avec son annonce, Nils ramène les joueurs à l'ordre et attire mon attention par la même occasion.

— Ouais, Jade, si t'es là, c'est parce que t'as enfreint les règles !

L'enthousiasme de Matthew m'écœure, son sourire tordu me retourne l'estomac. C'est donc ça.

— Ah bon ? Et comment ?

Je sais que j'ai brisé la règle la plus importante de leur foutu jeu, mais mieux vaut feindre l'innocence tant que je le peux, si Matthew se décide à me trahir, pourquoi n'en ferais-je pas de même ? Ce dernier lâche un rire mauvais, bien caché derrière son masque. Le voir agir de la sorte me dégoûte, je songe pendant une seconde à l'évolution des événements, à ce qu'il m'a confié quand nous étions au ski, mais ça ne me semble plus qu'un lointain mensonge.

— J'ai ici même, la preuve irréfutable que tu t'es permis quelques... extravagances on va dire. Continue-t-il, toujours avec ce petit air satisfait à la con que je me ferais un plaisir de remballer.

Matthew sort son téléphone de sa poche, montre le contenu aux gars et me le tend par la suite, la déception que je ressens bat des records. Sur l'écran, je reconnais malgré l'obscurité, l'instant où Tobias m'a embrassée dans la cuisine. Je ne l'ai pas repoussé, car j'ai pensé assez naïvement que Matt me couvrait, mais maintenant que tout s'éclaire, je cerne sa minable tactique et je ne ressens même plus l'envie de m'abaisser à son jeu en leur faisant part à tous de ce que je sais. Notamment lorsque je croise le regard de Nils qui me supplie de ne pas agir sur un coup de tête en ayant l'idée pittoresque de me venger. J'esquisse un sourire confiant à deux doigts de vomir toutes mes tripes, puis renvoie à Matthew son téléphone.

— Ok, et après quoi ? Je lâche en apparence complètement détachée.

J'ai le plaisir de voir que ma réaction ne convient pas à Matt, peut-être espérait-il que je fonde en larmes ou crie, à dire vrai, je ne suis plus très sûre de ce qui se passe dans sa tête, mais je ne le laisserai pas me démonter avec si peu. La fin approche, les filles tombent les unes après les autres, que je reste ou pas dans le jeu n'a plus tellement d'importance, si on ne trouve pas très vite une façon de remonter la pente, toutes nos stratégies n'auront servi à rien et le Virginity Game perdurera.

— Eh bien, on va commencer par te reprendre ton collier et pour la suite, tu auras tout le temps de découvrir les conséquences de tes actes à la rentrée, tu subiras le même sort que les imprudentes avant toi.

C'est toujours Matthew qui parle, comme s'il cherchait à régler ses comptes avec moi tandis que les autres sont spectateurs. Nils a l'air particulièrement mal à l'aise, de mon côté, la pression est retombée, un étrange sentiment d'apaisement se répand dans mon corps. C'est la fin. Voilà ce qui résonne dans ma tête. La fin de quelque chose qui n'avait même pas commencé. Adieu les plans stupides pour résister aux joueurs, adieu l'idée absurde de Nils pour les aider à se retrouver, tout ça, c'était que des conneries. Au final, être exclue est une libération. Ce sont eux qui vont rester confinés dans leurs prisons mentales, incapables de voir que le mal qu'ils propagent est un reflet des nécroses de leur amour-propre. J'ai presque envie de rire devant une telle ironie du sort, mais au lieu de ça, je me lève, me dirige vers Théo qui possède les clés de ma liberté.

— Si tu pouvais faire ça vite, j'ai d'autres trucs de prévus pour le reste de ma soirée.

Je parle uniquement pour ne pas perdre la face devant eux, même si a priori, je n'ai pas l'ombre d'un plan qui se dessine à l'horizon. Ce dernier s'empresse de fouiller ses poches tandis qu'Owen et Matt s'échangent des messes basses, leur dialogue a l'air envenimé. Si en plus d'être renvoyée, mon départ fout la bazar dans leurs relations, c'est le jackpot. Les doigts de Théo effleurent ma nuque, dès l'instant où le poids de la chaîne s'affaisse, j'ai l'impression de respirer pour la première fois. Je me redresse en proie à une véritable euphorie qui me traverse sans que je m'y sois attendue, cette sensation me fait un bien fou.

— Bon, bah les gars, surtout, je tiens à vous souhaiter que de la merde pour ce qui est à venir. Du plus profond de mon cœur !

Je mène une main à ma poitrine d'un geste presque solennel, Théo en rit. Le silence perdure, je tourne les talons, mais avant, j'admire une dernière fois la belle brochette d'idiots qu'ils font cloués au canapé. Cette scène a quelque chose de désolant. Quand je pars, j'emporte avec moi un brin de rancœur concernant Matthew. Je n'ai pas dit mon dernier mot, je ne suis pas du genre à faire des histoires pour rien, mais il est hors de question que je laisse la leur se finir comme ils l'entendent.

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