Chapitre 61 part 1
Musique : Sabrina Carpenter- Thumbs
PDV Octobre :
J'ai passé ces derniers jours terrée chez Owen, tantôt en sa compagnie tantôt avec Estelle et malgré toute ma volonté, malgré les moments de grâce partagés, impossible de chasser de mon esprit, le visage en pleurs de Lyse. Je ne sais même plus comment l'appeler. Qui est-elle ? Qui suis-je ? Peut-être que j'aurais des réponses si je daignais répondre à ses appels ou même à ceux de Solange, mais rien que de penser à leurs voix, l'angoisse inonde mon plexus et se tord à l'intérieur en enfermant dans ses doigts serrés, des sentiments que je parviens pas à faire remonter. Je suis terrifiée. Voilà la vérité. Terrifiée de remettre en question tout ce en quoi j'ai cru aveuglément jusqu'à aujourd'hui. Je me sens si fragile, si instable, qu'il suffirait d'un coup de vent ou d'une révélation de plus pour que je m'effondre. À moins que je ne me sois toujours pas relevée depuis la dernière.
— Octobre ?!
Estelle débarque dans la chambre d'Owen en trombe, je sursaute.
— Anh, t'es là. Fallait que je te tienne au jus, Owen a été prévenu à la dernière minute qu'il y avait une réunion chez Nils et moi je vais retourner chez mes parents quelques jours, alors... Si tu veux pas rester seule ici, tu ferais bien de rentrer chez toi.
Elle s'approche du lit sur lequel j'ai élu domicile. Un brin de compassion passe dans son regard, je n'ai rien dit sur ma mère, enfin, sur le fait que justement elle ne l'était pas. Je n'ai rien dit pour mon retour en France. Mais Estelle sent bien que je cache des choses et comme avec son frère, elle fait preuve de patience. Elle me couve de douceur, m'assure que j'ai suffisamment de force en moi pour surmonter les épreuves de la vie. Quelle qu'elles soient. Et j'ai envie de la croire, car Estelle en a vécu des choses, jamais elle ne s'est avouée vaincue.
— Quand vous êtes partis avec Owen, vos parents ont réagi comment ?
Ma question semble la surprendre, elle affiche un sourire tendre, s'assoit, cale sa tête sur mon épaule.
— Ils avaient peur. Peur que partir empire les choses, peur qu'Owen sombre et ne se relève pas. Peur que je foute en l'air mon avenir en le suivant, mais malgré toute la peur du monde, ils n'auraient rien pu faire contre notre décision. Alors mon père nous a filé des thunes, pour pas qu'Owen gâche tout son potentiel, tu sais, il le cache bien, mais c'est un génie en art.
Elle se redresse pour me regarder, sourit.
— Et puis moi, je continue de prendre des cours à domicile, et de temps en temps, je retourne voir mes parents. Owen est pas prêt, mais un jour, je sais qu'il viendra avec moi et... Bah, Octobre, qu'est-ce qu'il t'arrive ?
Elle a soudain l'air inquiète et je réalise que ma vision se brouille, impossible d'arrêter de pleurer. Je me mets à renifler bruyamment, j'essaie de trouver des mots à mettre sur mes pleurs, mais rien me vient, je suis bonne qu'à chouiner.
— Anh ma belle.
Estelle me prend dans ses bras, je blottis ma tête contre sa poitrine et j'explose. Je ne pensais pas avoir accumulé autant, je ne pensais pas me livrer à elle de cette façon, mais à quoi bon résister, Estelle est la meilleure personne auprès de qui je pourrais me confier.
— C'est... C'est ma mère.... Je-je sais pas quoi faire. Elle a toujours, toujours était froide et exigeante avec moi... Je... Je pensais que le temps arrangerait les choses, mais ça a fait qu'empirer. Je... Maintenant que j'assemble les souvenirs entre eux et que je sais... Bah la vérité me pète aux yeux, tout était là et j'arrive pas à l'accepter !
— De quoi tu parles ma douce ? Respire, prends ton temps.
Elle me caresse les cheveux, ce geste m'apaise, m'enveloppe dans un cocon de tendresse qui calme mes soubresauts.
— Je... Je crois que j'ai été adopté. En fait, j'en sais rien et ça me rend folle !
— Mais d'où tu sors des idées pareilles ?!
— De ma mère...
Et voilà que je fonds de nouveau en larmes. Pendant un moment, j'arrête de parler et Estelle ne dit rien. Elle me serre dans ses bras. Une fois que j'ai retrouvé mon calme, je parviens à lui raconter, assez difficilement, les derniers échanges que j'ai eus avec Lyse. Et bien qu'elle ait prévu de partir voir ses parents, Estelle me propose de venir avec moi chez ma mère, ça me gêne, je refuse, elle insiste. Si je manque de force, elle me prêtera la sienne, voilà son argument et étrangement, il me réconforte, alors je finis par accepter.
Cinq minutes pendant lesquels l'incertitude habite tout mon être tandis qu'une main ancrée dans celle d'Estelle, je fais face à la clôture de mon jardin. J'ai envie de fuir, mon corps tremble, mes pensées font des allers-retours pour toujours revenir au même point. Suis-je prête ? Puis-je faire face à la réalité ? Rah j'en sais foutrement rien, alors je me décide, j'avance d'un pas rapide vers la porte d'entrée.
— On sonne ou on entre ?
Estelle esquisse un sourire gêné, je grimace, abaisse la poignée. En face de nous, Solange et Lyse sont étroitement enlacées, notre venue les laisse coites. Elles se détachent l'une de l'autre, ma sœur a des cernes, une mine affreusement inquiète que je ne lui avais jamais vue.
— Octobre ! Bon sang !
Elle se jette sur moi, me serre si fort contre elle que je peine à respirer.
— Pardon, j'aurais dû répondre à tes messages.
L'envie de pleurer commence à se manifester, j'inspire profondément, je ne peux pas chanceler à chaque instant de faiblesse.
— Tu... Tu vas bien ?
Solange me regarde droit dans les yeux, je hausse les épaules, non ça ne va pas, mais ce n'est pas non plus la misère, enfin, je crois. Estelle se racle la gorge, Solange s'excuse, engage le dialogue avec elle et mes yeux se posent sur Lyse. Une part d'elle semble dévastée, l'autre plus forte que jamais. Deux extrêmes pour maintenir un seul et même pilier.
— Oc... Octobre.
Elle tente de sourire, ses lèvres s'affaissent presque aussitôt. Cet espace entre nous, emplit de mensonges et de secrets. J'ignore comment le combler. Elle aussi sûrement. Je m'avance dans la pièce, lui fait signe de me suivre et monte l'escalier. J'ai besoin d'intimité, de calme, d'un lieu où je me sente bien; la chambre de Solange. En bas, je sais qu'elle et Estelle sauront trouver de quoi s'occuper.
— J'avais peur que tu reviennes pas.
Ce sont les premières paroles distinctes que m'adresse Lyse une fois que nous sommes dans la chambre.
— C'est assez ironique venant d'une personne qui toute sa vie a fait en sorte de m'éloigner d'elle.
Son visage devient blême, je ne suis pas là pour la blesser, je suis là pour comprendre, pourtant, c'est plus fort que moi, je m'arme de colère et d'amertume pour protéger mon petit cœur qui se rétracte.
— On peut en parler ?
Je hausse les épaules, croise les bras, elle s'approche, sa main gauche vient gratter la peau de son poignet.
— Bon par où commencer... Tu... Enfin, tu voudrais bien qu'on s'assied ?
Jamais je ne l'avais vue prendre des pincettes comme ça pour s'exprimer, elle a l'air si peu sûre d'elle, qu'étrangement ça me met à l'aise. Je me pose sur le lit, elle aussi, toujours en conservant cette distance entre nous.
— Ton père et moi, on s'est rencontrés pendant nos études. Je... J'étais très centrée sur mon travail, rien n'était censé compter en dehors de ça. Du moins, jusqu'à ce que je le vois. Je suis tombée follement amoureuse de lui tu sais, et des enfants avec lui, j'en ai tout de suite voulu. On s'est fréquenté pendant un an avant que je tombe enceinte de Solange.
Elle soupire, ses yeux sont embués de nostalgie et puisque j'ai la gorge soudain nouée, je me tais, l'écoute attentivement.
— C'était un accident, mais Jack a choisi d'assumer, il m'a demandé en mariage dans la foulée. Je pensais que c'était par amour, je pensais qu'il m'aimait autant que je pouvais l'aimer, mais très vite j'ai compris. Durant les trois ans qui ont suivi notre mariage, il n'a pas été très présent, mais ça allait, en fait, j'étais complètement aveuglée par l'amour et puisque je n'avais pas trop d'expérience dans ce domaine, je lui faisais confiance... Puis un jour... Un jour est venu où je me faisais un sang d'encre, il avait disparu pendant une semaine entière, avant de se pointer comme une fleur un dimanche soir, avec un bébé dans les bras. C'était toi.
Et alors que j'étais absorbée par ses confidences, elle mène une main à sa bouche comme pour taire ce qui va suivre. Elle me regarde, des larmes naissantes aux coins des yeux. Ça me retourne l'estomac. Je réalise qu'avant d'être une mère, Lyse est une femme. Qu'avant la rancœur et les reproches, elle était différente, fleurissante au contact d'une idylle qui lui a volé ses rêves. Et ça, ça je m'en doutais pas.
— Tu étais un beau bébé, vraiment. Et je t'ai tout de suite aimée, n'en doute pas. Il m'était juste inconcevable de faire face à cette réalité dans laquelle tu étais le fruit d'une autre union. Celle de ton père et celle de la seule femme qu'il a vraiment aimée. Elle s'appelait Rose. Rien qu'à son prénom je l'enviais. Je l'avais vu plusieurs fois, sans me douter de rien, elle venait à des dîners, à des soirées, elle était délicate et drôlement attentionnée. Quand ton père m'a parlé de l'amour qu'il lui portait, ça m'a détruite. Rose est morte à ta naissance. Jack a voulu bien faire, il voulait pas que tu souffres de cette perte, il voulait que tu aies une mère, alors j'ai dit oui.
Elle s'interrompt, aucune larme n'a roulé sur ses joues. Son ton de voix est clair, comme si elle avait pris le temps qu'il faut pour accepter ce passé. Pour le comprendre et ne plus le rejeter. Et moi je la regarde, je sais pas quoi faire de toutes ces informations, je me sens vide, je me sens écartelée entre ce passé qui est le mien et ce présent qui m'échappe.
— Si... Si tu devais vraiment être ma mère, pourquoi tu m'as mis de côté pendant toutes ces années ?
Lyse se décale, sa cuisse vient toucher la mienne et son bras se pose sur mes épaules. Elle a soudain l'air triste, mais surtout, elle a l'air de celle qui aime et ça, c'est la première fois que je le vois quand elle me regarde.
— Parce que... Parce que je réalisais pas l'ampleur des conséquences. Jack ne voyait plus que par toi, adieu ma première histoire d'amour bourrée d'illusions, je suis tombée de haut Octobre et j'ai pas su me relever. Je pouvais pas garder pour moi toutes ces choses-là et t'élever comme si de rien n'était. Ton père pensait que c'était la meilleure solution, moi elle me bouffait. Alors je suis partie oui, avec Solange parce que je voulais désespérément m'accrocher au bout d'histoire qu'elle représentait. Et avec le temps, avec le recul, j'ai fini par comprendre. J'ai dit à Jack que si tu venais cette fois, je te dirais tout. Ça le rongeait, mais il pouvait pas supporter de te voir sombrer, alors il a accepté. Et je suis sincèrement désolée d'avoir attendu si longtemps. Je suis désolée de ne pas avoir pu être cette mère que tu mérites. Désolée de ne pas t'avoir accordé l'attention et l'amour dont tu avais besoin. Désolée de...
— Arrête-toi s'il te plaît.
J'ai mal au crâne, tout se met à fuser et fusionner dans ma tête. Les larmes que j'ai retenues en arrivant se mettent à couler abondamment. Je laisse tout sortir. Mes colères, mes peurs, tout ce que je comprenais pas, tout ce qui m'échappe et me blesse, je laisse tout. Je veux plus de cette souffrance et de cette violence. Je veux plus de tout ça. Pour le moment, je veux un câlin, je veux de l'amour et on verra pour le reste. Si Lyse peut m'apporter ça, alors ça ira, alors on apprendra à se connaître et à s'aimer. On apprendra à être une famille comme certains apprennent à compter. Je veux pas d'un fantôme pour parent, je veux celle qui m'a toujours rejeté et en qui je n'ai jamais cessé de croire. Je veux Lyse et Lyse m'enlace. J'enroule mes bras autour de sa taille, j'inspire son odeur, sa chaleur, sa sincérité, et je remplis tous les vides qui m'habitent avec ce que dorénavant elle me donne.
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Et voilà la suite de la situation familiale d'Octobre ! Wew c'est vraiment pas évident... Vous aimez bien ?
Moi perso, j'adore les dramas mdr
Deess bisouuuuus partouuut !!
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