Chapitre 57
Vidéo Club- Roi
PDV Octobre :
Avec tout ce qui s'est produit durant ces deux merveilleux jours où nous étions isolés du reste du monde, j'ai de quoi m'occuper l'esprit sur le trajet du retour. Les yeux perdus dans les paysages qui défilent, je ne cesse de penser à Owen, il tournoie dans ma tête comme le plus beau des fantasmes auquel je peux m'adonner. Ce qui s'est passé pendant le cache-cache, je ne l'oublierai jamais. Je me suis jurée de chérir cet instant comme l'un des plus précieux souvenirs de ce séjour, même si celui-ci touche à sa fin et qu'une mère très certainement au bord de la crise de nerfs m'attend à la maison, je choisis de faire abstraction de l'inévitable et me shoote aux paroles d'Owen qui ne me lâchent pas une seconde.
Je souris dans le vide en pensant, une fois de plus, à l'instant où il a posé ma main contre son cœur. J'ai des frissons qui me parcourent, même s'il n'a pas dit qu'il m'aimait, je n'ai plus de doute à ce sujet. Et puis ce qui compte, c'est que lui sache. Pour mes sentiments, pour cet amour qui abonde dans mon corps, dans ma tête et qui n'a qu'une envie, être crié haut et fort. Pour ce qui est d'Owen, je comprends qu'il soit toujours hanté par le souvenir de Mélodie, ce ne doit pas être évident pour lui d'accepter l'éventualité qu'il puisse aimer une seconde fois, mais je sais qu'il affrontera ses peurs à présent parce que je suis là, parce qu'Owen a tout ce qu'il faut pour surmonter les obstacles qui se dressent dans sa vie. Doucement, je sens que je dérive, il me suffit de fermer les yeux, d'appuyer ma tête contre la vitre pour que ses traits se dessinent sous mes paupières closes.
Quand j'ouvre les yeux, les montagnes ont laissé place à des pâtés de maisons et des rues goudronnées. Je baille, m'étire, le trajet est vite passé, je ne sais pas si j'ai envie de m'en réjouir. Notamment lorsque je reconnais mon quartier, chaque mètre qui me distance de la maison compte et me rapproche un peu plus de l'événement fatidique auquel je serai livrée une fois seule avec ma mère. Au niveau de mon ventre, l'angoisse se creuse un nid douillet, j'inspire profondément pour la dénouer, mais ça ne fait qu'accentuer sa lourdeur, alors j'en viens, presque désespérément, à supplier le ciel pour que, lorsque je rentre, la maison soit vide.
— Octobre, je te dépose là, c'est bon ? Me demande Nils.
Je hoche la tête, rassemble mes affaires tandis qu'il ralentit, puis j'ouvre la portière pour sortir. Quand je la referme, j'adresse un salut de la main aux filles assises sur la banquette arrière, puis à Nils et Aaron à l'avant. Dans l'allée qui mène jusqu'à la porte d'entrée, je me mets à compter les pas qui m'en séparent pour ne pas laisser à mon esprit la liberté de créer des scénarios catastrophiques, puis je finis par me rendre à l'évidence en ouvrant la porte, soit ça passe, soit ça casse, dans tous les cas, rien ne peut être pire que ce qui est déjà. Avec une telle pensée, je franchis le seuil plus sereinement et alors que je m'avance dans le séjour, les battements de mon cœur s'apaisent devant les lieux déserts. Finalement, il n'y avait pas de quoi s'inquiéter.
— Octobre ?!
L'étau se resserre autour de ma gorge, la boule dans mon ventre prend soudain tout l'espace, j'en viens à penser que frôler la crise cardiaque serait préférable à une confrontation à laquelle je ne suis, de toute évidence, pas préparée. Ma mère émerge du salon, je laisse tomber mon sac au sol et prépare chacune de mes cellules à recevoir la gifle de l'année. Sauf que rien ne vient. Elle conserve une distance d'un mètre et me regarde de haut en bas sans que je puisse déchiffrer l'expression sur son visage.
— Salut ? Je minaude.
L'ombre d'un sourire se dessine sur ses lèvres tandis qu'en moi, tout est sur le point de se fissurer. Les secondes filent et rien ne se passe, son comportement cache quelque chose, j'en suis persuadée, alors je prends les devants.
— Je sais que j'étais punie et que tu n'étais pas d'accord pour que j'aille au ski, mais je l'ai fait parce que j'en avais vraiment envie, donc maintenant je suis prête à en payer les conséquences.
Cette fois, je suis consciente d'être viscéralement en faute, cependant le silence perdure, c'est à peine si j'ose respirer. Je m'efforce de la regarder droit dans les yeux, d'y déceler une faille quelconque qui m'indiquerait ce qui se passe dans sa tête, mais elle demeure statique. Et finalement, je ne sais pas ce qui est pire, la voir inébranlable ou au contraire, au bord du pétage de plomb. Au moins, dans le deuxième cas, elle exprime quelque chose contre quoi je peux répliquer, alors que là, je ne peux pas débattre avec son mutisme. Lorsqu'elle esquisse enfin un pas dans ma direction, mes muscles se détendent.
— Écoute, je l'espère bien, de toute façon, c'est déjà décidé.
— Comment ça ? Tu veux prolonger la punition ?
Elle secoue doucement la tête, esquisse un maigre sourire. Si c'est dans l'intention de me rassurer, c'est dommage, tout le contraire s'opère.
— Non, je lève ta punition. Tu vas pouvoir profiter de tes vacances comme bon te semble, je n'ai plus envie de me battre avec toi.
Suis-je en train de rêver ou est-ce que les choses vont enfin rentrer dans l'ordre ? Va-t-elle mettre de côté tout ce qui nous empêche de réellement communiquer ? Je sens comme un apaisement général se répandre dans tout mon être, mon espoir de nous voir renouer les liens renaît, mais je suis vite rattrapée par une facette de la réalité qui m'échappe, quelles sont les conséquences auxquelles je vais devoir me plier pour être partie avec les joueurs ?
— Octobre, j'ai contacté ton père... Commence-t-elle tandis qu'à ses premiers mots, je sens déjà mon cœur se détacher des nerfs qui le maintiennent pour s'échouer au sol. On a convenu que le mieux serait que tu retournes vivre chez lui. Je suis désolée, mais je... Je n'arrive pas à gérer la situation.
Elle affiche un semblant de déception, mais dans le fond, ça la soulage de pouvoir me refiler une fois de plus à mon père pour pouvoir librement jouir de ses activités sans qu'un boulet lui traîne dans les pieds. Et là, c'est tout mon monde qui s'effondre. Si avant je me serais fait une joie de rentrer à Paris, aujourd'hui, ce n'est plus quelque chose d'envisageable. Plus maintenant que les choses avancent, que je trouve ma place et qu'Owen a... Et qu'Owen a enfin répondu à mes sentiments. C'est trop injuste, trop dur à encaisser et alors que je tangue entre le désespoir profond et la rage, ma mère se penche en avant pour s'emparer de mon sac. Dans un mouvement que je n'avais pas prémédité, je m'empresse de le lui arracher des mains. Son visage se farde d'incompréhension, le mien se liquéfie, je ne peux pas la laisser me détruire avec quelques mots alors qu'elle s'en sort avec plus de soulagement que de honte.
— Alors c'est ça hein ? Dès que t'es confrontée à la moindre difficulté, tu préfères fuir ou reléguer la tâche à quelqu'un d'autre ?
— Octobre, ça n'a rien à voir... Je... Je n'y arrive pas, c'est tout.
Elle a l'air désemparé, ça me met dans tous mes états, parce que je ne comprends pas son comportement ni son raisonnement.
— Je peux savoir de quoi tu parles au juste ? T'as rien tenté ! T'as pas été une seule fois là pour moi depuis que je suis arrivée ! En fait, tu te fous de ce que je peux ressentir, tout ce qui t'importe, c'est ton petit confort de merde ! Je suis pas comme Solange moi, ça c'est clair, je te laisserai pas me modeler comme bon te semble ! Je suis même fière de te voir te chier dessus dès que j'ai l'audace de contester ton autorité minable !
Et alors que j'étais super bien partie, que je me sentais enfin en capacité d'évacuer ce trop-plein d'énergie condensé en moi, je chute brusquement sous la gifle qu'elle m'assène. Elle ne s'est pas retenue, tout comme moi. Et j'ai la joue en feu, le cœur en charpie, le cerveau sur le point de craquer, mais pour rien au monde je ne baisserais les yeux alors qu'elle me fixe, le regard accusateur et en même temps, complètement détruit. J'ai visé où ça fait mal et je ne me suis jamais sentie aussi satisfaite d'être à l'origine du malheur de quelqu'un. J'aurais presque envie de la voir pleurer, qu'elle souffre, autant que je souffre et au moment où je m'apprête à lui jeter la pierre en lui renvoyant son incapacité à gérer les choses, le plus inattendu se produit. Elle se rapproche, son geste me prend tellement au dépourvu que je n'ai pas le temps d'esquiver et voilà que ses bras m'enlacent, que ma tête se heurte contre sa poitrine.
— Je suis désolée. Désolée, désolée, tellement désolée... Couine-t-elle entre deux sanglots que je n'ai pas vus venir.
Je sens sa main posée sur le haut de mon crâne me tenir fermement contre elle, comme si je risquais de me dérober à son étreinte d'une seconde à l'autre. C'est ce que j'envisage de faire, sincèrement, sauf qu'au lieu de laisser ma colère prendre le dessus, je réalise que pour la première fois, ma mère me serre dans ses bras. C'est quelque chose que je souhaitais depuis toujours, mais avec le temps, j'avais fini par me résigner au fait qu'elle resterait froide et distante peu importe la situation. À cet instant, je sens que cet élan vient du cœur, que si je le rejette par fierté ou désespoir, j'aurai définitivement perdu le cap de mes motivations premières. Même si je n'imaginais pas les choses de cette façon, je me dois de saisir cette occasion, au moins pour l'enfant que j'ai été un jour et qui pleurait ce manque d'affection. Je lève alors les bras pour répondre à son étreinte, au moment où je la serre à mon tour, une légère secousse traverse son corps et dans le creux de mon épaule, je l'entends pleurer. Mes yeux se ferment, la tempête en moi se calme, plus rien ne s'agite, plus rien n'existe, si ce n'est ce bref souvenir qui remonte alors, cette promesse d'antan qui m'assurait que jamais je n'aurais à souffrir du manque d'amour.
— Maman... Je t'aime.
Ces mots jaillissent d'eux-mêmes du fond de mon être, ses pleurs redoublent, elle se détache de moi, se cache le visage presque honteuse.
— Octobre... Je... Pardonne-moi, pour tout. Pour les mensonges et toutes ces choses que tu n'aurais jamais dû ressentir à cause de moi...
Je la fixe, quelque chose m'échappe. J'ai l'impression que ses excuses ne sont pas en lien avec mes pensées.
— Qu'est-ce qui t'arrive... ? Maman...
Je pose une main sur son épaule, sans savoir quel geste je dois véritablement adopter ni quelle émotion doit me traverser. Elles s'emmêlent toutes et le vide se déploie dans mon corps. Je n'avais jamais eu à vivre un tel moment.
— Je n'en peux plus... De mentir depuis toujours. Octobre, je ne sais pas comment m'y prendre et je ne l'ai jamais su. Mais... Mais saches que ça n'a jamais été contre toi. Je me suis détestée dès le jour où j'ai compris que j'allais te rejeter parce que...
Je ne comprends rien à ce qu'elle raconte. Elle n'arrête pas de pleurer, de renifler et inconsciemment, j'instaure une distance entre nous.
— Je... Je suis pas ta mère Octobre.
Silence. Je la fixe de travers, pourquoi la conversation prend cette tournure ? Elle fait un pas vers moi.
— Si tu savais comme ça me fait du bien que... Qu'enfin tu saches...
Les larmes continuent de couler sur ses joues, elle a un léger sourire aux coins des lèvres, j'arrive toujours pas à en croire mes oreilles. Ma tête bourdonne, je ne trouve plus rien à quoi m'accrocher. Plus elle cherche à m'approcher, plus je recule.
— T'es en train de me faire marcher... hein ?
Je croise les doigts pour qu'elle rit et me dise oui, que dis-je, je me tords les phalanges jusqu'à ce que la douleur me ramène sur terre. Elle secoue doucement la tête. Je sens les traits de mon visage se crisper de douleur.
— Oc... Octobre.
Elle tend sa main vers moi, touche mon bras. Je me recule sèchement, pousse un cri à en pourfendre les cieux. Je ne sais pas d'où il sort, ce n'est plus moi qui contrôle mon corps. Je regarde le plan de travail, le verre posé dessus et d'un geste, je l'envoie s'écraser à l'autre bout de la pièce. Et je hurle. Encore. Lyse gémit, elle essaie de m'approcher, je l'entends balbutier mon prénom mélangé à des excuses. Je veux plus rien entendre venant d'elle et pour taire cette vérité, je lui tourne le dos, claque la porte et m'enfuis en courant dans la rue. Mes jambes tremblent, le monde entier se met à tournoyer. Où aller, qui retrouver ? Avant aujourd'hui, je ne savais finalement rien de la solitude et de ses salves dévastatrices.
Papa, dis, pourquoi maman s'en va ?
Papa... Papa, pourquoi tu ne réponds pas ?
Je... J'ai peur maintenant que Solange ne dort plus avec moi, dis, elles vont revenir hein ?
Papa... Tu pleures ? Est-ce ma faute ?
Tu penses que maman m'aime ?
Est-ce qu'on est obligé d'aimer son enfant ?
Papa, pourquoi tu travailles autant ?
Ce soir, tu manges avec moi ? Non ? Tu ne rentres pas ? D'accord.
Dis papa... Non rien.
Je ne pleure pas, qu'est-ce que tu racontes ?
Est-ce que maman et Solange me manquent ? Oui... Même si j'ai mal de l'avouer.
Est-ce que je voudrais les rejoindre ?
... Non. Enfin... J'ai peur.
Papa, peut-on être détruit plus d'une fois ?
La nuit est tombée. J'ai froid et les souvenirs qui me cherchent me glacent. Je n'ai plus la force de pleurer. Toute ma vie, j'ai cru que le problème c'était moi, mais toute ma vie est un mensonge. Je ne sais pas qui je suis. Penser à Owen ne me rassure plus de la même façon. Ses étreintes, son amour, plus rien ne m'atteint. J'ai mal de me sentir couper de tout ça. Maman... C'est quoi cette histoire ? Je serre les poings, mes doigts sont ankylosés, je ressens plein de petites aiguilles s'enfoncer dans ma peau. Mes paupières sont gelées, j'ai la sensation qu'elles vont sceller mes yeux et m'abandonner au noir.
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Hey hey mes ptits loups !
Gnnéééé sachez que ce chapitre a été très dur à écrire, enfin, pas tant, mais comment dire... C'était pas évident de se mettre à la place d'Octobre, j'espère que le contexte et la scène vous semblent suffisamment réalistes pour pas être interrompu dans vot' lecture !
Donnez moi vos avis svp (si vous en avez hein ^^)
Voilà voilà, plein d'amour, plein de gaieté et de bisouus à vouus !
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