Chapitre 5
Musique : Chilla- Si j'étais un homme
Après maintes mises au point, je finis par me laisser tomber à la renverse sur le lit. Cette journée m'a semblé sans fin. Je ferme les yeux et songe à Matthew. Apparemment, ils vont choisir leurs pions cette semaine. Et quand je me remémore les paroles échangées entre Lissa et Owen, ce dernier n'a encore choisi personne. J'ai réfléchi longuement à tout ce qui s'est produit, pour en venir à une idée qui relève du génie. Si je n'assiste plus aux cours de la semaine en prétextant un virus ou autre, les joueurs feront leur choix, et je serai en sécurité. Mon année sera alors comme je l'avais imaginée : Normale. Du moins, sans le jeu et ses idiots à la gueule d'ange. Je cogite encore quelques instants sur cette option, puis cède en composant le numéro de ma mère. Je ne peux pas supporter ces journées de cours. La vue de ces gars me donne la nausée. Mon estomac se noue à l'idée que l'un d'eux puisse me choisir.
"— Allô ?
La voix de ma mère me ramène sur terre en moins d'une seconde. Je recouvre mes esprits et rassemble mon courage pour ficeler un joli mensonge.
— Maman, c'est Octobre.
— Il y a un problème ?
— Pas vraiment... Tu rentres toujours ce soir ?
— Oh, heu... Je ne sais pas...
Je l'entends hésiter. Murmurer des bouts de phrases pour ensuite bredouiller des mots intelligibles.
— Non. Alizé vient de se faire opérer, et elle a vraiment besoin de quelqu'un pour la soutenir.
Je soupire au bout du fil, envieuse de l'attention qu'elle est capable d'apporter à d'autres mais pas à moi. Sans pensées égoïstes, je voudrais qu'elle agisse juste une fois comme une mère, seulement, elle m'a déjà abandonnée et je sais pertinemment que rêver n'entraîne que des désillusions.
— Tu ne me demandes pas comment était ma rentrée ?
— Je sais que ça s'est bien passé. Et puis, ce n'est qu'une rentrée.
Sa voix est cassante. Automatiquement, mes ongles viennent gratter la peau fine de mes poignets.
— Très bien, alors je vais raccrocher.
— Au revoir.
C'est tout ? Je garde un instant le téléphone contre mon oreille, le souffle court, incapable de lui renvoyer l'ascenseur. Je me surprends à la comparer à mon père. Lui se serait soucié de moi. Mes ongles s'enfoncent dans mon bras. Avant de raccrocher, j'ajoute à voix basse.
— Je vais rester à la maison jusqu'à la fin de la semaine. ''
Je repose le téléphone, soudain lasse et gagne la cuisine. En farfouillant dans les placards, je mets la main sur une bouteille d'alcool déjà entamée. Une grimace vient tordre mon visage alors que je louche sur l'étiquette. Sans réfléchir, je mène le goulot à mes lèvres en espérant que la brûlure du breuvage dans mon œsophage m'apporte plus de réconfort que ma mère.
Quand je remonte dans ma chambre après avoir dansé une heure comme une sauvage dans le salon, euphorique grâce au rhum, j'ai la tête qui tourne et mon corps tombe à la renverse sur le lit. Dans la poche arrière de mon pantalon, mon téléphone se met à vibrer. Je m'efforce de l'extirper au cas où ce soit Solange qui me contacte.
De Inconnu :
Ouvre ta fenêtre.
Intriguée, je relis le message plusieurs fois avant de m'approcher de la vitre. Un projectile vient rebondir contre la paroi. Je fais un bond en arrière. L'opération se répète deux fois. Puis je cède et ouvre en vitesse la fenêtre par crainte de me prendre un caillou.
— Stop ! Je m'écris en me penchant légèrement par-dessus le balcon.
En bas, la silhouette d'un garçon se dessine. Il relève la tête, avec la lumière des lampadaires, je distingue son visage.
— Owen ?!
Mais qu'est-ce qu'il fait là ? Les battements de mon cœur accélèrent, j'ai l'impression que ma poitrine va exploser ou alors que j'ai juste abusé sur l'alcool.
— Bonsoir.
Sa voix est posée, et même dans le noir je discerne aisément son sourire. Je lâche une injure, puis fais mine de tourner les talons.
— Attend, Octobre reviens ! hurle-t-il presque en lançant un caillou qui se heurte à mon mollet.
Mes oreilles sifflent. Mon sang chauffe. J'en ai marre. D'où se permet-il de venir chez moi ? Ces mecs n'ont aucune limite ?
— Dégage ou j'appelle la police !
Owen ne répond pas. Je l'entends souffler, fais volte-face et m'approche du rebord pour voir ce qu'il fait. Mon cœur se serre brusquement lorsque je le vois escalader. Il s'accroche à la gouttière et parvient sans mal à atteindre la balustrade. Je reste une nanoseconde abasourdie par son initiative. Quand je lève mes yeux sur lui, il se maintient en équilibre, accroupi sur le rebord.
— C'est facile en fin de compte, rit-il, en admirant fièrement sa petite escalade de deux mètres.
— C'est bon ? T'es content ? T'es suffisamment allé à l'encontre de ma volonté ?
Je le fusille du regard tandis qu'il me dévisage avec un air sérieux très troublant. Sous son regard, mon corps s'embrase.
— Tu pues l'alcool ou je rêve ?
C'est tout ce qu'il trouve à dire. Je m'approche, lui souffle mon haleine chaude sur le visage en espérant qu'il tombe à la renverse, mais il retrousse simplement son nez avec une mimique de dégoût.
— Waw, t'es une bouteille de rhum à toi toute seule.
— C'était un message subtil pour te dire de dégager étant donné que tu comprends pas grand-chose quand on te parle avec des mots.
Il s'apprête à répliquer, le sourire aux lèvres, mais je ne lui laisse pas ce plaisir. J'appuie mes mains sur son torse et le repousse sèchement. Son visage se décompose le temps d'une seconde, puis son corps bascule en arrière et il disparaît de ma vue. Le cri qu'il laisse échapper me fait rire aux éclats. Je me penche davantage par-dessus le rebord, Owen est assis par terre, il passe sa main sur son dos, une expression douloureuse déforme ses traits. Et s'il s'était fait mal ? Je repousse cette pensée, après tout, ce sont les conséquences de ses actes.
— Bonsoir Owen ! Au plaisir de te revoir hein !
Lorsqu'il lève ses yeux vers moi, la colère et la frustration imprègnent ses iris. Je frissonne sous ce regard électrisant, accusateur, et recule doucement jusqu'à l'intérieur en réprimant mon fou rire. La vie est pleine de surprise finalement et elle nous en fait cadeau lorsqu'on s'y attend le moins, que ce soit pour le pire ou le meilleur. Je m'endors sur cette pensée, sans la saisir complètement, mais ce qui est sûr, c'est que le visage de ma mère est bien loin de mon esprit à cet instant.
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