chapitre 43

Musique: The Palms- Push Off.

PDV Octobre

Posture inconfortable. Gorge sèche, rêves brefs et perturbateurs. Plusieurs facteurs de ce style me réveillent aux alentours de deux heures. J'ouvre les yeux, regarde autour de moi, le cerveau complètement embrumé. Le corps d'Estelle étalé en grande partie sur le canapé justifie que j'en sois à moitié tombée. Après ce qu'elle m'a appris sur Owen et leur passé, je crois qu'on a un peu trop fumé et qu'on a fini par s'endormir comme des pâtés dans le salon. Je me redresse, étire mon corps endolori et circule dans la pièce à la recherche de mes affaires. Même si ce n'est pas l'heure la plus propice, il faut que je rentre chez moi pour grappiller quelques heures de sommeil plus convenables. Et puis, ma mère ne doit se douter de rien. Dans la soirée, j'ai reçu un message de sa part comme quoi demain matin nous allons chez Solange. 

Alors que je finis de rassembler mes affaires, des bribes de rêves me reviennent. Je revois le visage pourtant inconnu de Mélodie tournoyer dans ma tête tandis qu'aux côtés d'Estelle, je découvre son corps baigné de sang. J'en frissonne, chasse ces images et me dirige à tâtons jusqu'à l'entrée, puis ouvre la porte, un vent frais s'engouffre à l'intérieur. Dans le silence de la nuit, je bâille bruyamment et reste quelques secondes plantée sur le perron. Quand je traverse la pelouse jusqu'au trottoir, le lampadaire se met à grésiller. Je lève les yeux vers la lumière qui vacille, un sentiment d'angoisse émerge. Je focalise ma vision sur la rue, mon cerveau s'agite, je commence à me faire des films et comme pour confirmer mes craintes irréalistes, le lampadaire disjoncte. Je perçois des bruits sur ma gauche. J'inspire profondément, recule de quelques centimètres, juste au cas où, pour m'assurer d'être plus proche de la maison d'Estelle que du néant infini de la nuit qui laisse à mon imagination le champ libre. À l'instant où je crois percevoir le son d'une voix, mon sang ne fait qu'un tour.

— Y a quelqu'un... ? 

Il semble que j'ai été entendue, les bruits de pas cessent. Les battements de mon cœur redoublent, à tel point que je n'entends plus qu'eux. Je tente de me calmer par de brèves respirations, seulement, quand les bruits de pas reprennent, plus rapides, plus proches, je sens que je vais craquer. Mes jambes vont me lâcher. Pourquoi est-ce que je tenais tant à rentrer maintenant au fait ? Une silhouette se rapproche de moi, sur le coup, je suis tellement paralysée et manipulée par mon cerveau qui s'imagine le pire que je ne parviens pas à esquisser un mouvement. 

— BOUH ! 

Deux mains s'abattent brusquement sur mes épaules. Je laisse échapper un cri, mes yeux accrochent ceux de mon potentiel agresseur qui s'avère être quelqu'un de particulièrement familier.

— Owen ?! Putain mais t'es trop con !

— Rah trop drôle bordel ! Si tu voyais ta tronche !

— Non c'est pas drôle, tu m'as foutu la trouille !

Owen ne répond pas, il rit encore, puis essaye de se contenir, mais c'est peine perdue, il est littéralement plié en deux. Je souffle, agacée, il finit par se calmer, le silence revient.

— Au fait, qu'est-ce que tu fous toute seule dehors ?

— J'allais rentrer chez moi. Et toi ?

Ma question s'avère stupide après réflexion, mais je l'ai posée par automatisme, pour ne pas laisser les souvenirs de notre conversation avec Estelle prendre le dessus. Je regarde Owen, c'est comme le voir pour la première fois. Je passe alors d'un état à l'autre, le malaise prenant le relais sur la situation, comment agir avec lui à présent ?

— J'allais faire de même. Pourquoi tu pars maintenant ? Tu pouvais pas attendre qu'il fasse jour ?

— Non, j'ai des trucs à faire avec ma mère demain matin, donc si t'y vois pas d'inconvénients, je vais reprendre ma route.

J'esquisse un sourire, le contourne pour rejoindre le trottoir, l'envie de me retourner pour le regarder une dernière fois me démange, j'y cède presque instantanément.

— Attends Octobre ! Tu voudrais pas qu'on fasse un tour avant ?

Sa proposition secoue mon pauvre petit cœur qui en a trop vu pour ce soir.

— Comment ça un tour ? Un tour de quoi ? De notre relation minable ?

Je me montre agressive, plus que je ne le devrais c'est certain, mais comment me protéger face à ses changements brutaux qui ne cessent de me faire sauter d'un pied à l'autre ? Qu'est-ce qu'il cherche au juste ?

— Je pensais plutôt à la plage. Ces pas des instants minables qu'on a pu vivre sur le sable.

J'ai envie de hurler. Très fort pour percer le voile mystérieux et serein de la nuit, qui fait d'Owen un être dont finalement je ne sais rien, ne comprends rien. Le halo de la lune vient éclairer son visage, je n'y discerne pas l'ombre d'une supercherie. Et alors, j'envoie valdinguer tout principes rationnels au fil des pas que je rebrousse.

— C'est ton instant chance, je suis d'humeur à voir la mer, pas à me foutre dans un lit.

Owen rit et s'engage en direction de sa voiture. Je l'imite, presque interdite. Je n'ai jamais été si confuse ou alors peut-être que si, c'est sûrement ce qui rend ce moment agréable. Je ne sais pas dans quoi je me lance ni qui m'y guide, seulement le plaisir et l'imprévu sont de la partie, fut un temps où ils étaient les seuls que je suivais. Owen démarre, nous n'échangeons pas un mot, pas même lorsque le quartier est loin derrière nous. J'ai des papillons aux ailes colorés dans la tête et les nœuds dans mon corps où habituellement se logent les angoisses, semblent se dissoudre, ne laissant sur mes lèvres, qu'un tendre sourire qui ne demande ni explication ni raison.

— Aucun regret ?

Owen me regarde du coin de l'œil, je le trouve différent. Est-ce l'obscurité, les secrets qu'à présent je sais, ou seulement cette sensation d'être dans une autre dimension qui rend l'instant si magique ?

— Aucun.

— Bon, bah t'auras qu'à dire ça à ta mère demain matin si elle s'inquiète de tes cernes.

Je ris, comme pour chasser cette réalité qui semble se rapprocher de moi à mesure qu'Owen emploie des mots pour combler le silence.

— Ça se voit que tu la connais pas, maintenant tais-toi et laisse-moi rêver.

— À vos ordres duchesse.

Un dernier rire se diffuse dans l'habitacle, il m'accompagne dans des royaumes de la pensée que jusqu'à présent, je me refusais à voir, de crainte ne perdre pied. Là maintenant, je n'en ai plus rien à faire. Le jeu est loin, et celle qu'habituellement je suis aussi. Si je perds pied ce soir, c'est pour danser avec Owen, sous la toison de l'univers.

Le moteur cesse de tourner, la lumière de la lune créée une atmosphère tout autre dehors. J'entends le vent souffler, caresser le sable et y déposer quelques grains sur ma peau.

— C'est magnifique.

Owen hoche la tête. Dans la pénombre, je sens son doigt frôler la paume de ma main. Les frissons sont nombreux à me parcourir, les doutes ne le sont pas tant. J'enlace ses doigts avec miens, les sensations dans mon corps redoublent d'intensité. Je n'ai pas envie de me poser de questions.

— Tu viens ?

Owen fait un pas en avant, doucement on s'avance vers la mer dont on ne perçoit, pour l'instant, que l'agitation. Il y a comme un voile d'argent qui recouvre sa surface. Les pieds dans le sable frais, je reste immobile, ma silhouette bien droite aux côtés de la sienne. Owen lâche ma main, la fraîcheur qui s'immisce entre mes doigts par la suite me laisse un vague sentiment de peine. Ça ne dure pas. Son rire chasse l'ombre de mes craintes, il s'empresse de me prendre par la taille et d'une démarche rapide, il se rapproche de la mer. Mon dieu, s'il compte me mettre à l'eau comme la dernière fois, il ne va pas s'en tirer facilement. Je m'agite, lui mords l'épaule, me débats comme une folle. Il rit aux éclats, son étreinte se desserre, mon pied touche le sol, j'en profite pour prendre appui contre son torse et me propulse en arrière. Maintenant à quatre pattes, je sens à l'humidité du sol, qu'il était près de son but. Je tente de m'éloigner le plus vite possible, mais Owen attrape ma jambe et la tire. Je pousse un cri, me retourne et saisis à deux mains son bras pour le faire tomber. Pris de court, il lâche sa prise et s'écrase à côté de moi.

— Ah ah ! Qui c'est qui a le dessus sur qui maintenant ?!

J'affiche un large sourire, me redresse sur les genoux pour souligner ma fierté.

— On ne t'as jamais dit, Octobre, que celui qui est plein d'orgueil...

Owen s'interrompt, roule sur le côté et vient se jeter sur moi. Je perds l'équilibre, tombe à la renverse et finis écraser par son torse.

— ... Finit au tapis ! Conclut-il tout sourire.

Je gesticule, le souffle court, comprenant le message, Owen se redresse un peu, mais ne se dégage pas pour autant. J'inspire profondément, prends conscience de ses jambes qui encadrent mes cuisses et de ses mains au-dessus de mes épaules. La défaite est cuisante, mais pas dite ! Je tente de le faire bouger en m'agitant, ça ne l'ébranle pas d'un poil. À la limite il rit et moi je grimace en sentant le sable qui s'est infiltré sous mes vêtements.

— AAAH !

D'un geste brusque je lève la tête, me cogne au menton d'Owen qui pousse un gémissement et tombe K.O sur le côté. Je m'apprête à savourer ce retournement de situation, mais en le voyant se cacher le visage, je ravale mon cri de joie.

— Owen ? Est-ce que ça va ?

Je m'approche de lui timidement, pose une main sur son bras. Il reste silencieux. J'y suis peut-être allée un peu fort.

— Owen...

Je penche mon visage au-dessus du sien, souffle sur son front pour dégager les mèches de ses cheveux. Ses mains s'enlèvent, son regard se plante dans le mien. La colère et l'excitation s'y mêlent étroitement. Mon estomac se retourne. Doucement, sa main se pose sur ma joue, il y dépose une caresse, la laisse retomber. Le changement d'ambiance qui s'opère me cloue face à mes incertitudes. Je pensais maîtriser mes émotions désormais, mais elles prennent le dessus malgré moi. J'ai envie de l'embrasser. Et cette envie me tord de douleur. J'y cède pour m'en libérer, pose mes lèvres contre les siennes avec empressement. Owen répond à mon baiser sans l'ombre d'une hésitation. Ses mains s'emparent de mon visage, j'ai l'impression qu'il va fusionner avec le sien et la puissance de l'exaltation qui s'empare de moi me fait perdre la tête. Après un échange langoureux auquel nous sommes contraints de mettre fin pour reprendre nos souffles, je retrouve une once de lucidité.

— Owen, est-ce que c'est un jeu pour toi ?

Le silence qu'il laisse perdurer entre ma question et sa réponse suffit à me sortir des griffes de mes désirs.

— Qu'est-ce que ça pourrait être d'autre ?

Aie. Certainement pas ça. Mes émotions basculent bien trop vite, des larmes amères remontent à la surface de mes yeux. Je suis trop conne. Je me relève brusquement, la magie de ce monde que je croyais nôtre se brise, et il ne reste qu'une idiote candide sur une plage.

— Ramène-moi à la maison.

Owen se lève. Je lui tourne le dos, me dirige vers sa voiture, dépourvue de tout ce qui me comblait un peu plus tôt. Une fois de plus, je n'ai pas su faire la part des choses et je me retrouve affreusement seule au pied de mes désillusions.

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Annh ils auraient pu être si mignons si Owen gâchait pas tout à chaque fois ^^ 

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