Chapitre 4
Musique : OK Go- Obsession
Quand j'entre dans la chambre de Solange qui est provisoirement la mienne, j'ai à peine le temps de jeter mes affaires sur le lit que les vibrations de mon téléphone sollicitent mon attention.
De Maman :
Je rentre demain soir, tard, alors ne m'attends pas pour manger. Je suis allée voir une amie à l'hôpital.
Un bref sentiment de frustration me gagne, je soupire, cherche mon paquet de clopes et sors sur le balcon. C'est sûrement le meilleur avantage qu'il y ait dans la chambre de Solange. Je tire longuement sur ma cigarette et contemple la rue, avant que mes pensées ne se fixent sur Owen. Je repense à son attitude depuis notre première rencontre, à cette fin d'après-midi inattendue que j'ai passée en sa compagnie et à ses traits si beaux qui font de lui un être détestable. Je ne comprends pas pourquoi il gâche ce potentiel en jouant à ce jeu ridicule et après plusieurs minutes que je passe à imaginer le déroulement de l'année dans des situations absurdes comme très réalistes, je finis par retourner dans la chambre pour contacter Manon. Je démarre un appel sur skype quand je remarque qu'elle est connectée, en moins d'une minute, son visage apparaît sur l'écran.
— Octobre ! S'exclame-t-elle aussitôt, les yeux brillants.
— Oh, Manon tu me manques bordel ! J'exagère avec une moue pleurnicharde avant de sourire.
— T'imagines même pas, c'est plus la même là je le réalise...
Elle s'interrompt, réajuste l'écran de son ordinateur de manière à ce que son visage soit en face de la caméra, puis tire une grimace qui m'arrache un rire.
— Bon, raconte-moi, c'est cool au moins là-bas ? Parce que si tu m'as abandonnée pour en plus te plaindre par la suite, je te tue.
Silence. J'esquisse un sourire comme une enfant prise en flagrant délit.
— Qu'est-ce qui se passe ? Les mecs ne sont pas aussi beaux que dans les films américains ? Glousse-t-elle en attachant ses cheveux roses pâles en queue de cheval.
— Si, c'est même carrément flippant. Mais ce qu'ils te montrent pas dans les films, c'est que ce ne sont pas tous des princes charmants qui ramassent tes livres quand tu les fais malencontreusement tomber par terre au milieu d'un couloir.
— Et ils sont plus quel genre alors ?
Je me gratte le menton, fais mine de réfléchir.
— Mmh, je dirais que ce serait plus le style à en profiter, et à coucher avec une fille pour gagner un jeu.
Il semble qu'avec cette phrase, j'ai complètement perdu Manon qui ne voit visiblement pas où je veux en venir. J'envisage d'argumenter en la voyant intriguée avec ses grands yeux ronds.
— Bon, disons que dans le lycée où je viens d'atterrir, des gars organisent un jeu de la virginité où ils doivent coucher avec un certain nombre de filles avant la fin de l'année.
Deuxième silence, durant lequel Manon lève les sourcils puis rit aux éclats.
— Non, mais tu déconnes ?
— Non, je te jure !
Je ris à mon tour. Dit comme ça, la chose est plutôt risible, je comprends pourquoi Solange parvient à en rire malgré tout. C'est foutrement ridicule. Une bande de débiles en rut qui ne pensent qu'à baiser. Comment faire plus dégradant ?
— Mais ça fonctionne comment ce truc ? C'est un jeu, genre un pari entre potes ?
Le sujet l'intéresse. Ça ne m'étonne pas, Manon et les histoires un peu frivoles, ça ne fait qu'un.
— Je sais pas trop, j'ai les idées en vrac à ce sujet ! D'après ce qu'on m'en a dit, quatre mecs organisent un jeu où ils choisissent deux filles et font une course pour coucher avec elles le plus rapidement. Après j'ai même appris que Solange y avait participé, ma sœur tu te rends compte ?!
— Attends, quoi ?! Comment ça se fait ? C'est consenti au moins ?! Et ta sœur, elle est pas branchée nana à la base ?!
— Si ! C'est justement pour cette raison qu'elle est devenue à titre officiel la «légende» du lycée ! Car vois-tu, Solange est la seule à ne pas s'être donnée ! Mais le pire dans tout ça, c'est de voir à quel point les gens se font à cette idée, comme si c'était normal de laisser faire une bande d'abrutis pareils !
Je pousse un soupir, Manon m'apaise en disant une connerie, mais elle revient rapidement sur le sujet après s'être allumée une cigarette.
— Et tu sais ce que tu vas faire avec ce jeu ? Si t'es pas consentante ils vont quand même pas te séquestrer non ?
— Bah, à dire vrai, je me demande si je préférerais pas. Leur méthode c'est plutôt le genre à te mettre un collier autour du cou comme si t'étais une chienne.
— C'est vrai qu'il y a un petit côté malsain, mais peut-être que c'est cool... Enfin, si ce jeu existe c'est qu'en théorie il marche, j'en sais rien, mais si ces gars sont vraiment à tomber, il y a certaines filles qui se plaindraient pas.
Son point de vue me fait voir rouge. Je ne sais pas si elle réalise l'absurdité de ses propos et la réalité de ce jeu, elle qui est en France, loin, bien loin de tout ce qui se passe aujourd'hui dans ma vie.
— J'ai l'impression que tu ne comprends pas Manon. Je tente de poser ma voix et d'aplanir au mieux mes pensées. C'est du viol. Du viol d'intimité, de vie privée, et le rendre officiel en annonçant que oui, il s'agit d'un jeu, rend la chose encore plus horrible ! Tu veux raconter ça comment après ? Ma voix monte dans les aigus. Je fais de grands gestes et prends un air théâtral. Salut, j'ai perdu ma virginité avec un connard qui voulait me baiser pour remporter la victoire d'un stupide jeu, hou la la, c'était le plus beau jour de ma vie !
Manon me lance un regard mauvais. Si je n'étais pas à des kilomètres d'elle, je suis sûre qu'on s'engueulerait sur le sujet. Car nos débats sont souvent animés. Pourtant, elle s'éclaircit la gorge et continue d'une voix calme.
— Ok, je suis d'accord avec toi sur ce point, mais s'ils font ça, c'est que comme je dis, quoi qu'il arrive, leur jeu fonctionne et des filles sont assez naïves pour leur céder. Peut-être que ce n'est pas si terrible, t'en sais rien. Solange elle l'a vécu comment ?
Manon tire longuement sur sa clope et hausse un sourcil. Je repense à ma conversation avec Solange dans les toilettes du lycée et m'abstiens finalement de lui en faire part. Ça lui donnerait plus aisément raison, alors je me contente de répondre brièvement, lasse d'alimenter ce sujet et croise les bras sur ma poitrine avec une mine renfrognée. J'ai tellement de choses à dire sur ce jeu, mais les mots ne viennent pas. Et puis, quand je regarde Manon, j'ai envie de parler d'autres choses, de me changer les idées. Elle finit sa cigarette et comme si nous étions d'accord, elle dérive vers un autre sujet. Elle me raconte sa rentrée, l'ambiance de sa classe et la vie de nos amis communs. Quand nous nous sommes à peu près tout raconté, mon ventre grogne et m'amène à mettre fin à notre échange. Manon me promet d'appeler plus tard, nos adieux s'éternisent, comme d'habitude, puis une fois notre appel fini, je descends dans la cuisine et m'empresse de manger le riz qui reste dans le frigo. Une fois nourrie à ma faim, je regagne au pas de course la chambre de Solange, me prépare pour dormir, puis je me roule en boule sous la couette. Les minutes passent sans que le sommeil ne vienne, alors je reprends mon téléphone et appelle ma sœur.
Mon réveil sonne, j'ai envie de l'éteindre, de rester au lit toute la journée. Je m'étire, tourne la tête en direction de la table de nuit, et consulte mon téléphone qui affiche un message.
De Nils :
Je passe te prendre ?
J'accepte et lutte contre l'envie de me rendormir. Même si je ne connais pas Nils depuis longtemps, j'ai confiance en lui. Il faut dire que de tous les garçons dont j'ai fait la rencontre hier, il est le seul à ne pas être un joueur. Ce qui est plutôt cocasse. Après quelques étirements, je file à la douche, me prépare, puis descends dans la cuisine. Nils ne devrait plus tarder. D'ailleurs, j'ai à peine le temps de boire un verre de jus d'orange, qu'une voiture klaxonne devant l'entrée. Par contre ce n'est pas celle de Nils.
— Bonjour Duchesse !
Owen passe son bras par la fenêtre et m'adresse un large sourire.
— Qu'est-ce que tu fais ici ?
— Je t'emmène au lycée !
— Je crois pas non, j'attends un ami.
Je croise les bras sur ma poitrine et fixe attentivement Owen lorsqu'il sort de sa voiture.
— J'ai dit à Nils que je te prenais.
J'ouvre grand les yeux, stupéfaite que Nils lui ait délégué ce service sans me prévenir. Owen se rapproche, son regard me transperce. Je sais qu'il voit ma surprise et se délecte de l'effet qu'il est capable d'avoir sur moi. Si je savais comment aller au lycée à pied, je me verrais bien lui sortir une phrase toute faite pour le laisser sur le pas de ma porte, seulement, je comptais vraiment sur Nils. Je suppose que je ferais mieux de me résoudre à monter en voiture avec Owen, afin de m'en séparer au plus tôt. C'est même très certainement la meilleure chose à faire. Je passe devant lui et rejoins sa voiture.
— Bon eh bien, qu'est-ce que tu attends ? Je scande avec un demi-sourire, une lueur de défi dans les yeux.
Il me sourit, puis retrouve rapidement sa place derrière le volant et s'engage sur la route. Pendant le trajet, je croise les doigts pour qu'il n'engage aucune conversation, car de toute évidence, je ne m'en chargerai pas. Mais ça ne m'empêche pas de le regarder du coin de l'œil. Il est si beau. C'est presque impensable. Je lève soudainement les yeux au ciel, à croire que la beauté lui donne le droit d'abuser de tout et que bien évidemment, il s'en sortira toujours indemne. Je pense notamment aux filles avec qui il a dû jouer sans le moindre scrupule. Je m'apprête à le regarder une seconde fois, il tourne la tête et nos regards se croisent malencontreusement.
— Et sinon, c'est où que tu as appris à parler anglais ?
— Avec ma mère, quand j'étais plus petite. Puis je l'ai étudié.
Il émet un petit «Oh» surpris, puis il ajoute avec un de ses sourires irrésistibles :
— Le monde est petit !
Je le fixe, légèrement intriguée, tandis qu'il affiche un rictus moqueur.
— De quoi tu parles ?
Pour toute réponse, Owen sourit dans le vide, secoue la tête et se concentre sur la route sans m'accorder plus d'importance.
Quand il se gare sur le parking du lycée, les autres joueurs l'attendent sur le même banc où je les ai vus la veille. Je n'avais pas pensé à l'impact qu'aurait notre arrivée ensemble au lycée, mais rapidement je remarque que certains nous lorgnent d'un œil mauvais, tandis que d'autres filles bavent presque de me voir aux côtés d'Owen. Le fait qu'il soit un con doublé d'un pervers narcissique ne semble pas ébranler sa cote de popularité. C'est vraiment n'importe quoi et je meurs d'envie de prendre mes jambes à mon cou.
— Bon eh bien merci, dis-je alors à son attention, espérant m'en éloigner au plus vite.
— Aucun souci, au plaisir de te revoir.
Mon sang ne fait qu'un tour. Son clin d'œil était très certainement de trop.
— Ne sois pas surpris que cette envie ne soit pas partagée.
Et alors que je m'apprête à m'éclipser, un de ses acolytes m'interpelle.
— Hey ! C'est quoi ton petit nom ?
Je me retourne, trop rapidement et je regrette quand mon regard se pose sur le beau brun. Alias, l'amour de la vie de Jade.
— Octobre.
Silence. Il se lève, s'approche doucement. J'ai beau tourner le dos à Owen, je sens ses yeux braqués sur moi. Je me sens comme toute petite, prise au piège au milieu d'une arène ne regroupant que des prédateurs.
— Moi c'est Matthew.
Je lui rends son sourire, puis reporte mon regard sur le grand blond derrière, celui que je me suis refusé à observer hier. Sa beauté atypique me surprend et quand ses iris se baladent sur mon visage, je suis sur le point de me liquéfier.
— Ça m'importe peu de le savoir, je réplique sèchement pour tenter d'échapper à l'attraction que le blond a sur moi.
Et maintenant, je voudrais courir le plus loin possible. La situation m'échappe et je ne sais toujours pas pourquoi je reste plantée au milieu de leur groupe. Ce n'est qu'après les avoir tous regardés attentivement que je parviens à me détourner et marche d'un bon pas jusqu'au bâtiment principal. Rapidement, je mets de côté cet incident et me jure que cette rencontre sera la dernière. Après ça, je sors mon emploi du temps pour voir que deux heures de philo m'attendent. Quand je trouve la salle, quelques personnes sont déjà installées, j'entre et prends place au fond. Une fois devant mon bureau, j'observe les gens dans la pièce et reconnais la silhouette de Matthew qui se découpe devant l'entrée. Lorsqu'il me remarque, un sourire vient figer ses lèvres et le voilà qui s'approche.
— Tu fais quoi ? Je peste lorsqu'il tente de prendre place.
— Je m'assieds.
— Va ailleurs s'il te plaît.
Je détourne le regard, le professeur fait signe à Matthew de prendre immédiatement place. Il s'installe donc, satisfait.
— On choisit les pions la première semaine, me glisse-t-il après plusieurs minutes.
Je le regarde du coin de l'œil, mais il garde les yeux rivés droit devant lui. Pourquoi me fait-il part de ça ? J'ai envie de l'envoyer bouler, mais je m'abstiens. Ce n'est pas la chose à faire. Peut-être que si je la joue cool et détendue, il pensera que mon désintérêt est dû au fait que je ne suis plus vierge. Et à cet instant, je regrette un tantinet que ce ne soit pas le cas.
— C'est con, en si peu de temps, vous pouvez passer à côté de perles rares.
— Je pense qu'on l'a déjà trouvée...
Il m'adresse un sourire, avec une petite étincelle dans le regard.
— Ah...
En fait, j'aurais dû prendre une autre option et la fermer. La façon dont il me regarde me donne soudain un haut le cœur. Je repense à Owen qui me colle depuis hier alors que ce n'est que le deuxième jour de cours, puis à l'abordage des joueurs un peu plus tôt et ça suffit à me donner le tournis ainsi qu'une irrépressible envie de vomir. Je lève la main, demande au professeur de sortir quelques minutes, chose qu'il m'autorise. Je me précipite en dehors de la salle et fais les cent pas dans le couloir. Rien n'y fait, la boule de stress au fond de mon estomac persiste. Je ne veux pas retourner près de Matthew, je veux rentrer chez moi, à Paris. Tant pis pour la première heure de philo, je serre la bandoulière de mon sac et prends la direction du parking. Quelques lycéens s'y trouvent, certains commencent les cours plus tard, d'autres sèchent, comme moi. Je descends les marches, m'assieds sur un banc le long du mur, puis sors une cigarette. Mon briquet ne produit qu'une petite étincelle avant de me lâcher. Je soupire, les mains tremblantes. Je ne me sens pas bien. Et je ne saurais dire à quoi cela est réellement dû. Des bruits de pas me font relever la tête sur une carrure masculine. Owen s'approche, arbore un sourire enjôleur et me tend un feu.
— T'as l'air d'en avoir besoin.
— Non merci.
En fait, si je me sens mal, c'est en partie à cause de ces fichus mecs. Je ne tiens pas à m'en coltiner un de plus. Pourtant, Owen garde sa main tendue dans le vide, un petit briquet blanc coincé entre son pouce et son index.
— Allez, joue pas les gamines.
J'hésite un court instant avant de m'en emparer. Une flamme surgit et brûle le bout de ma cigarette.
— Tu n'as pas cours ?
Owen s'assied à côté de moi, cette scène me rappelle amèrement l'insistance dont il faisait preuve au café. Je me décale afin que la distance entre nous soit plus que raisonnable et tire longuement sur ma clope. Il se racle bruyamment la gorge et tente à nouveau de lancer un sujet de conversation tout en extirpant une cigarette de son paquet.
— Pourquoi tu t'entêtes tant ? Je n'ai rien fait qui puisse justifier cette froideur.
Ma main gauche se serre, jusqu'à ce que mes ongles s'enfoncent dans ma paume, puis j'abandonne.
— Ne me prends pas pour une conne. Je sais ce que tu fais, toi et les autres. Vous n'êtes qu'une bande de minables et j'ai pas envie de perdre mon temps avec un type dans ton genre.
Ma réplique ne fait qu'augmenter son hilarité, bien qu'il s'efforce de la cacher.
— Et je suis quel genre de type ?
Je roule des yeux et me lève.
— Le genre dont la présence suffit à faire chier.
— Tu finiras par changer d'avis ! lance-t-il alors que je suis déjà sur ma lancée.
Ses mots me font voir rouge. Je me retourne et lui tends mon majeur.
— T'es trop prétentieux Owen, ça va finir par te jouer un mauvais tour !
Ses prunelles sombres me scrutent, ses lèvres restent scellées, au moins il n'est pas voué qu'à la provocation. Je souris, m'éloigne en direction de l'infirmerie où j'attends la fin de la matinée en prétextant un mal de crâne épouvantable qui disparaît miraculeusement après les deux heures de philo auxquelles je devais assister.
Aux alentours de midi, j'entre à la cafétéria et repère Lissa en compagnie de sa cousine. Alors qu'elles cherchent une table de libre, j'interpelle Lissa et me précipite vers elle. Son regard croise la trajectoire du mien le temps d'une seconde, puis elle le détourne. J'accélère le pas, étonnée par sa réaction.
— Qu'est-ce qu'il y a ?
Elle me fixe dans le blanc des yeux sans répondre. Clarisse me prend par le bras, et m'entraîne à l'écart.
— Octobre, écoute, c'est pas contre toi, mais Lissa ne préfère pas que tu traînes avec nous...
Elle me regarde presque avec compassion. Je fronce les sourcils, incapable de dire quoi que ce soit. Pourquoi Lissa ne me le dit pas directement ? Face à mon silence, Clarisse soupire.
— Tu sais, avec le mot sur ton casier, le jeu et toutes ces conneries, c'est mieux qu'elle n'y soit pas mêlée.
Cette fois, elle me lâche le bras et me fixe avec dédain. Je n'arrive pas à croire qu'elle dise cela sérieusement, ça me semble tellement absurde.
— Je pense pas que ce mot implique beaucoup de choses. Et puis...
Elle secoue aussitôt la tête et ne cherche pas à m'écouter davantage.
— Il n'y a pas que ça. Les rumeurs circulent vite, tout le monde sait qui tu es. Tu aurais dû nous dire que tu étais la sœur de Solange. Les joueurs vont forcément essayer de t'avoir, et je ne veux pas qu'ils aient ma cousine pour cible.
Mon cœur s'emballe. Si à l'époque aucun joueur n'a réussi à avoir ma sœur, c'est pour la seule et bonne raison qu'elle s'intéressait aux filles. Et personne ne semble savoir ça, or si les joueurs pensent que je suis intouchable comme Solange, c'est la fin. Je ne suis pas comme elle. Pourtant, je ne dis rien. Si ce simple lien suffit à faire de moi une cible, ça ne veut pas dire que Lissa sera concernée. Je hoche sèchement la tête et feins l'indifférence en tournant les talons. Cette journée est vraiment de pire en pire. Un sentiment de colère gonfle dans ma poitrine. Je ne peux pas réellement en vouloir à Clarisse de protéger sa cousine de la sorte, mais il y a des limites. Et puis Lissa n'est pas une enfant, si notre amitié pouvait la mettre à la portée des joueurs je suis sûre qu'elle ne m'en tiendrait pas pour responsable. Perdue dans mes pensées, je prends la direction d'une table où Nils est assis en compagnie d'une fille aux cheveux bruns, un sourire timide aux lèvres. Je pose brusquement mon plateau sur leur table.
— Salut.
Je les aborde un peu sèchement, ce qui me vaut un regard gêné de la part de la fille. Nils quant à lui hausse les sourcils, affiche une surprise bornée.
— Tiens, je croyais que tu m'évitais.
Sa remarque a le don de me refroidir aussitôt.
— Pardon ?
Il m'adresse un regard blasé, puis fais un signe vague de la main comme si ça n'avait pas d'importance. Il se tourne à nouveau vers la fille à côté de lui et sourit. Je me mords l'intérieur de la joue. Pourquoi tout se retourne contre moi au juste ?
— Nils ! Je hausse le ton afin d'attirer son attention. Explique-toi. Tu laisses Owen venir me chercher ce matin sans même me prévenir et tu me reproches maintenant de t'éviter ?
— Qu-Quoi ? Mais qu'est ce que tu racontes ? Je t'ai envoyé un texto et tu n'as pas répondu !
Il me regarde et aucun de nous n'a l'air de comprendre. La petite brune ne dit rien, son regard va de Nils à moi. Je sors à la hâte mon téléphone de ma poche et constate, presque honteuse, que ma réponse ne s'est pas envoyée. Je lui montre la conversation, un sourire désabusé dissimilé aux coins des lèvres.
— Tout s'explique, lâche-t-il rassuré. Je suis quand même passé, mais tu n'étais pas chez toi.
— Oui, Owen est venu.
Il aborde un air confus qui semble étrangement faux. Je n'y prête guère attention et reporte mon regard sur la fille.
— Moi c'est Octobre, désolée si j'ai interrompu quelque chose.
Cette dernière me sourit.
— Pas de problème, moi c'est Sarah.
Je la détaille un court instant. Elle a l'air fatigué, mais les cernes sous ses yeux n'enlèvent rien de son charme. Je me détends un peu et cesse de penser à tout ce qui est arrivé ce matin quand je louche sur mon assiette. Je commence à manger, Nils s'occupe de faire la conversation, tantôt avec moi, tantôt avec Sarah, et par moment, nous débattons tous les trois. Leur compagnie me remonte le moral. Je me sens mieux. Je me sens prête à finir la journée sans craquer une fois de plus.
Lorsque la sonnerie retentit, nous nous rendons chacun à nos cours respectifs. Je trouve rapidement la salle d'histoire et prends sur moi en me souvenant que je suis à côté de Lissa. Après tout, c'est peut-être l'occasion d'avoir son avis à elle sur tout ce que m'a dit sa cousine. Je m'avance vers la table libre à côté d'elle, quand je reçois un coup brusque dans l'épaule et me cogne au bureau du prof. Ce dernier esquisse un sourire que je lui rends, gênée, puis je me tourne vers le responsable de la douleur le long de mon bras. Mes yeux lancent des éclairs, pourtant, quand je me heurte au regard d'Owen, je range les armes et baisse la tête.
— Tu pourrais faire attention, abruti.
Il murmure de plates excuses pas le moins du monde pensées, puis ce salaud prend la place que je convoitais. Hors de question que je le laisse me marcher dessus. Je m'approche de la table de Lissa, et montre du doigt la chaise sur laquelle Owen vient de poser son derrière.
— C'est ma place, bouge de là.
— Octobre, il y a d'autres places libres, tu n'as que l'embarras du choix, raille la petite voix de Lissa.
Je reste stupéfaite. Clarisse me dit de ne pas traîner avec elle pour ne pas attirer les joueurs, mais elle laisse Owen s'asseoir à ses côtés. Ça n'a plus aucune logique ! Le prof m'adresse une petite remarque et me prie de bien vouloir prendre place. Je ne reste pas une seconde de plus pour soutenir les yeux perçants d'Owen et ceux fuyants de Lissa. Une part de moi aimerait qu'elle soit prise dans le jeu. Ce serait une sacrée ironie. En silence, je m'assieds derrière eux et cède rapidement à la curiosité en les voyant échanger des messes basses.
— Alors, vous avez commencé à faire vos choix ? chuchote Lissa avec un demi-sourire.
— Si c'est ce que tu veux savoir, non je n'ai encore personne.
Owen se rapproche d'elle, tandis que je m'efforce de ne pas les interpeller. Parlent-ils vraiment du Virginity Game ? Lissa m'a l'air plus quémandeuse qu'horripilée.
— En tout cas, sache que je ne serai pas facile à avoir...
La réplique de cette dernière me reste en travers de la gorge. Son ton de voix, presque mielleux à la limite du supportable n'est pas crédible un seul instant. Pourtant, ça fait sourire Owen. Et moi, pour une raison inconnue, je fulmine. Tout compte fait, derrière ses airs de princesse, Lissa ne semble être qu'une garce. Ce n'est peut-être pas une si mauvaise chose que Clarisse m'ait écartée d'elle. La voix d'Owen bourdonne à mes oreilles, je tente de me concentrer sur ses paroles, mais il parle si bas qu'il m'est impossible d'en saisir le sens. À la place, je remarque que le prof a le regard braqué sur moi, comme s'il m'avait demandé quelque chose. C'est sûrement le cas. Je deviens rouge comme une pivoine. Owen s'est retourné et m'offre un sourire sarcastique. Je bredouille quelques mots incompréhensibles, le prof répète sa question, mais s'adresse à un autre élève. J'esquisse une petite moue tandis que Lissa me foudroie du regard. Elle se détourne, passe sa main sur l'avant-bras d'Owen.
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Ohohoh mais que vois-je ? Le chapitre 4 publié ? Et une Lissa bien plus "salope" ... héhé, je trouvais que son personnage n'était pas assez mis en avant dans l'autre version, et il en va de même pour les pions secondaires que j'aimerais mettre un peu plus en avant, mais pas de panique, je ne vais pas faire 10 mille PDV, je m'y perdrais plus que vous à la fin :') !
Je donne pas plus de détails sur ce que je réserve à nos petits protagonistes, mais y en aura des plus chanceux que d'autres ! A très vite pour la découverte (qui n'en est une qu'à moitié je sais) ^^ des prochains chapitres ... ! :D
Amour, amour, amour, telle sera la nouvelle formule magique (pas si nouvelle me diriez vous) <3
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