Chapitre 35
23 juillet 2015.
La veille, on s'est bien mises à l'envers avec Estelle. Quand ma mère m'a fait la remarque que j'empestais l'herbe à des kilomètres, je l'ai laissée m'engueuler, je suis allée dans ma chambre, j'ai sauté par-dessus le balcon et je suis retournée chez Estelle. Aujourd'hui, elle m'a proposé qu'on aille à la plage pour changer d'air et penser à autre chose. Depuis que je suis arrivée, je n'ai pas arrêté de jongler entre sa chambre, la mienne et quelques coins du quartier. C'est un peu restreint par ici quand on n'a pas de voiture, d'autant que ma mère ne veut pas me donner d'argent pour le bus. Sûrement que la fois où je lui ai volé du fric pour acheter de la beuh avec Estelle, l'a marquée. Heureusement, Solange m'en a donné un peu ce matin.
Alors que je cours dans la rue, les pièces ballottent dans mes poches et rythment ma course jusque chez Estelle. Elle vit seule avec son frère, mais je ne l'ai jamais vraiment rencontré, je crois qu'il s'appelle Owen. Chaque fois que je viens chez elle, il est soit dans sa chambre et n'en sort pas, soit dans le canapé et j'ai alors la chance de voir sa tignasse de dos. Estelle ne m'en dit pas beaucoup à son sujet, de toute évidence, nous ne parlons pas de choses trop personnelles, quand nous sommes ensemble, c'est pour passer du bon temps, pas pour se tracasser avec nos soucis de la veille. Quand j'arrive sous le porche de leur maison, j'ouvre la porte sans frapper. Si habituellement, je trouve Estelle dans la cuisine à fumer des pétards ou dans sa chambre avec le reste de la maison déserte, elle est cette fois en pleine engueulade avec son frère.
— Et alors !? On est tous les deux dans le même bateau, arrête de croire que t'es seul dans ta putain de souffrance !
— Tu me fais chier Estelle, va t'amuser avec ta copine et fous moi la paix.
— C'est toi qui me fais chier ! On fait rien ensemble, comment tu veux t'en sortir avec cette attitude ?!
— Mais qui te dit que je veux m'en sortir !?
Cette fois c'est lui qui crie, je retiens mon souffle, le dos plaqué contre le mur. Si seulement je savais la nature de leur dispute... Un coup vient de partir. Je me risque à jeter un œil dans leur direction, Estelle est fulminante, Owen se touche la joue, assis sur le canapé.
— Arrête de jouer au con, je t'interdis de dire une connerie pareille ok ? Si tu voulais vraiment te laisser couler, t'avais qu'à rester à Cleveland ! Maintenant on est deux, cesse de prétendre le contraire !
Estelle s'élance vers l'escalier les larmes aux yeux. Elle passe devant moi comme une flèche, puis s'interrompt, comme si elle avait senti ma présence.
— Oc-Octobre ?
Son regard est paniqué, le dessous de ses yeux légèrement barbouillé de noir. Je voudrais savoir ce qui se passe, si je savais, j'aurais peut-être les mots qu'il faut, je ne serais pas plantée devant elle, les bras ballants, à attendre qu'elle me rejette étant donné son état.
— Je vais me préparer, tu peux attendre dans le salon si tu veux, je serai pas longue. S'efforce-t-elle de me dire avec le sourire.
Ça me fend le coeur. Je n'aime pas quand les gens font semblant, ma mère le fait bien trop souvent avec moi. Voir Estelle agir ainsi me déchire de l'intérieur. Je n'ai même pas le temps de dire quoi que ce soit qu'elle continue sa course, puis une porte claque une fois qu'elle atteint l'étage. Quand le silence revient, je suis toujours plantée sur le pas de la porte. Le son de la télé me parvient, je m'avance dans le salon, Owen n'a pas bougé d'un poil, toujours scotché au canapé, une manette dans les mains, un joint entre les lèvres, une bière sur la table basse.
Même si nos activités ressemblent habituellement à la sienne, cette image me dégoûte. Je ne connais peut-être pas leur histoire, mais je sais qu'Estelle est blessée, qu'une part d'elle souffre toujours derrière le moindre de ses sourires. Je n'ai pas besoin d'être voyante pour comprendre que le lien entre eux, autre que celui du sang, est celui d'une douleur passée et je ne peux supporter de voir son frère ou plutôt l'ombre de lui-même, abattu dans ce canapé, tandis qu'Estelle fait de son mieux pour porter leur fardeau.
— Tu viens à la plage avec nous ?
J'ai posé cette question avec un timbre de voix beaucoup trop assuré pour le tumulte qui s'est formé en moi. Seule une idiote poserait une telle question après avoir assisté à la scène précédente, pourtant, je me dis que si Owen venait avec nous, peut-être qu'il retrouverait le goût de respirer autre chose que ses idées sombres et la fumée de ses joints dans cet espace clos qui empeste.
— T'as dit quelque chose ?
Il a mis son jeu en pause, à présent, son bras est appuyé sur le dossier du canapé, son regard rivé sur moi est quasiment éteint si ce n'est mort. C'est la première fois que je vois son visage. Ses cheveux lui tombent sur le visage, le rendent plus négligé qu'il ne l'est déjà. Pas l'ombre d'un sourire, les joues creusées, le teint pâle, c'est vraiment une épave. Alors c'est lui, le frère d'Estelle. Dans son état, j'ai du mal à voir leur ressemblance, l'un s'efforce d'être joyeux, l'autre fait semblant d'être encore en vie, l'un tient, l'autre est tenu par les joints. Pourquoi ? Pourquoi tant de vide dans ce regard si sombre ? Où est cet éclat ? Celui que je guette dans le regard d'Estelle à chaque fois que la chaleur d'un moment heureux la traverse.
— Je m'appelle Octobre.
— Je sais.
Owen pivote dans l'autre sens, je reviens en tête à tête avec son dos. Mes pensées fusent, il faut que je dise quelque chose avant qu'il ne remette son jeu en marche. Il faut que je trouve les mots, ceux que je voulais pour apaiser Estelle, car si elle descend maintenant, si nous partons à la plage avec, sur nous, la lourdeur de cet instant, je crains de ne pas revoir l'ombre de son sourire avant longtemps. Après ce qu'elle a fait pour moi, c'est à mon tour de lui apporter l'éclat d'une lumière qu'elle a ravivée dans ma vie.
— Bouge-toi de ce canapé et viens à la plage avec nous.
Owen qui était en train de s'emparer de sa bière interrompt son geste, repose la bouteille sur la table. Je l'entends souffler. J'ai les mains moites, le cœur qui s'emballe. D'où je me permets de lui parler ainsi ? Pourtant, c'est plus fort que moi. Il ne m'intimide pas avec son indifférence et sa souffrance qui pue à des kilomètres. Il se lève du canapé, bifurque dans ma direction, debout, il est bien plus grand que moi. Finalement, peut-être qu'il est plus intimidant que ce à quoi je m'attendais. Plus il s'approche, plus je me sens vaciller, mais pour rien au monde je ne reculerais, même quand il n'est plus qu'à un tout petit mètre.
Son regard se balade sur mon corps, m'analyse presque avant de se poser sur mon visage. Ses yeux s'ancrent dans les miens avec une puissance, une douceur indescriptible, c'est comme si le temps d'une seconde, il était capable de voir au plus profond de moi. Je me sens littéralement aspirée par ses iris verts, par le brin de nature sauvage qui illumine soudain son regard. Alors c'est à ça qu'il ressemble quand la vie circule à nouveau dans son corps ?
— Est-ce qu'on se connaît ? Me demande-t-il, rompant ainsi la justesse du silence qui nous enveloppait.
Je baisse la tête, c'est plus fort que moi. Je la relève, hors de question de plier face à lui.
— Non, mais...
— Alors qu'est-ce que tu me fais chier ?
Le ton tranchant de sa voix me déstabilise, la haine qui se condense dans ses pupilles irradie tout mon être. Je suis à deux doigts de partir en fumée, à deux doigts de tomber en morceaux sous l'intensité pesante de son regard qui s'applique à dégager une aura de domination.
— Écoute, crois-moi on se connaît suffisamment pour que je me permette de te dire à quel point t'es naze. Je me fous de savoir ton histoire ou même les raisons que t'utilises pour justifier ton mal-être à deux balles. Tu vois, je crois pas qu'Estelle ait demandé à t'avoir comme frère, à devoir supporter le malheur dans lequel tu te noies et si tu t'en branles, c'est ok, mais dans ce cas-là, fallait rester seul. La réalité, c'est que tu vis avec elle. Elle n'a que toi et tu n'as qu'elle. Essaye le temps d'une seconde de penser à autre chose qu'à ta propre gueule, si t'es pas capable de vivre pour toi, tu peux au moins essayer de voir si sourire une fois à ta sœur t'en donnerait pas l'envie. Parce que c'est facile de se laisser mourir à petit feu, mais c'est difficile d'essayer de vivre quand tout te pousse au contraire, alors putain, enlève la merde que t'as sur les yeux et vois le mal que ton propre mal propage !
Je suis à bout de souffle, mes joues me brûlent tant il m'est difficile de lui faire face comme je viens de le faire en maintenant un discours aussi brusque qui me donne soudain envie de m'enterrer six pieds sous terre. Quand je relève les yeux sur le visage d'Owen, je ne distingue pas l'infinie noirceur que j'imaginais. À la place, un maigre sourire s'est étiré au coin de sa lèvre. Je voudrais bien croire que je rêve, mais non. L'étincelle qui danse dans les yeux d'Estelle vient de s'allumer dans son regard vide. Tout mon corps en est parcouru de frissons, je pourrais mourir là, maintenant, que tout irait bien, je partirais heureuse.
— Octobre ? Owen ? Vous foutez quoi ?
Je me retourne, Estelle nous fixe étrangement. Ses yeux sont gonflés, elle a l'air surprise, il y a de quoi. Je m'apprête à sortir un mensonge, histoire que mon petit discours sympathique, mais inutile ne soit pas le dernier souvenir de ce moment, mais la dernière des choses que je pouvais imaginer se passe alors, sous nos yeux qui ne peuvent concevoir une telle réalité.
— Je viens avec vous à la plage.
Owen passe devant moi, s'approche d'Estelle, pose sa main sur son épaule, lui sourit et murmure quelque chose que je n'entends pas. Par la suite, il monte l'escalier et disparaît de mon champ de vision.
— Je peux savoir ce que t'as fait ?!
Estelle se jette sur moi, sidérée par ce qui vient de se produire, je crois bien être la plus ébahie de nous deux.
— J'ai peut-être un peu pété les plombs ?
— Bordel, mais pète les plombs plus souvent Octobre, je crois que t'as un don !
Elle encadre mon visage de ses mains et me souffle un «merci» qui vaut tout l'or du monde.
— Vous comptez camper ici ou on se casse ? Balance Owen qui vient tout juste de revenir, ses cheveux attachés, un sac sur le dos.
Il s'est changé, peut-être même lavé le visage de toute la crasse de son malheur, pour que soudain je le trouve beau comme jamais. Énième frisson qui me parcourt l'échine quand son regard croise le mien. Estelle, joyeuse comme je l'ai rarement vue passe la première le pas de la porte en sautillant.
— On y vaaaaa !
Dans la voiture, elle prend place à côté d'Owen, allume le poste de la radio et se dandine sur le rythme de la musique qui emplit l'habitacle. Je m'appuie contre la vitre, regarde de l'autre côté les paysages qui commencent à défiler. En fond, j'entends la musique, mais surtout, les échanges entre Owen et Estelle qui sont détendus, presque joyeux et innocents, comme s'ils se retrouvaient pour la première fois. Étrangement, j'ai l'impression que ce bonheur nous est commun, comme s'il n'y avait que nous trois, puis le reste du monde. Quand je vois enfin les dunes de sable se dessiner sous mes yeux, je souris, c'est plus fort que moi, c'est si beau à regarder. Je sors la première, cours sans réfléchir en direction de la mer, l'air fouette mon visage, dans ce genre de moment, il fait bon vivre.
— La première dans l'eau roule un péétard !
Estelle passe devant moi comme une flèche, retire son haut et le jette derrière elle sans un regard, comme elle se débarrasserait de ses démons.
— Prépare-toi à perdre ! Je m'écrie.
Même si l'inverse a plus de chance de se produire. Estelle est déjà en maillot de bain, de l'eau jusqu'aux genoux. Je me déshabille, m'empresse de la rejoindre. Les vagues qui viennent lécher le rivage m'éclaboussent, le contact de l'eau me donne la chair de poule, mais je fonce. Je dépasse Estelle, fais de grandes enjambées ridicules qui la font rire, puis me retourne pour l'éclabousser, mais manque de bol, mes pieds s'emmêlent et je tombe en arrière.
— Quel gracieux plongeon ! Se moque Estelle quand je sors la tête de l'eau.
— Je m'en fous, j'ai gagné !
Je savoure ma victoire en l'éclaboussant, tandis qu'elle couine comme un hamster avant de se jeter d'elle-même dans les flots. Alors que nos rires ricochent sur les vagues, je me retourne vers la plage, Owen est assis sur le sable et nous fixe sans bouger. Estelle reporte son attention sur lui, fait de grands signes pour qu'il vienne, mais il secoue la tête, nous crie qu'il n'a pas envie de se baigner.
— C'était bien la peine qu'on le traîne jusqu'ici. Je souffle, partagée entre le rire et la déception.
— On va vite régler ça !
Sans même me concerter, elle s'élance vers le rivage. Quand elle atteint la plage, je la vois s'écraser sur son frère qui la repousse en grognant que l'eau est gelée. Je me positionne en planche pour regarder l'immensité du ciel qui s'étend au-dessus de nos têtes et les laisser tous les deux. Je suis contente qu'Owen soit venu, même si j'ignore ce qui l'a véritablement motivé, ce qui importe c'est qu'il soit là, avec Estelle, avec moi. Doucement, le temps s'écoule, quelques regards en biais vers le rivage m'indiquent qu'ils sont en train de parler, lui assis en tailleur, elle enroulée dans une serviette, son épaule contre la sienne. Ont-ils toujours eu cette complicité ou est-ce l'effet de leurs retrouvailles qui les rend si proches ? Quand je les rejoins, Estelle se lève et me tend sa serviette dans laquelle je m'emmitoufle.
— Alors, il est où ce joint que je dois rouler ?
Elle esquisse une petite moue, court à la voiture chercher son sac qu'elle avait oublié. Pendant son absence je me retrouve seule avec Owen. Ses yeux fixent le large, je m'assieds à ses côtés et fais de même. Dans un sens, c'est comme si l'on se mirait l'un l'autre au travers de l'infinie surface bleutée qui s'étend.
— Merci Octobre.
— T'inquiète, te voir ici, avec nous, ça me comble plus que n'importe quel remerciement.
Je souris, il se tourne vers moi, on se retrouve presque nez à nez. Ça me met mal-à-l'aise quand je réalise à quel point j'aime cette proximité. C'est comme si je voyais Owen pour la première fois. Le véritable Owen, pas l'ombre de lui-même, mais celui qui est capable de sourire d'une façon si délicieuse, si vraie, que mon cœur finit par valdinguer dans ma cage thoracique. Je voudrais rester comme ça toute ma vie si possible, dans le silence du monde et le chant de la mer, la chaleur de son regard embrassant le mien. L'arrivée d'Estelle met fin à nos œillades, elle pose un bras sur mon épaule, un autre sur celle de son frère. Néanmoins, j'ai encore sur le cœur, déposé comme la plus douce des attentions, le baiser de son silence et ce sentiment ne me quitte pas quand je me déplace pour qu'Estelle s'installe entre nous deux. Alors qu'elle sort quelques blagues auxquelles Owen ricane, je m'empare de son sac, cherche le matériel dont j'ai besoin, puis roule un joint.
— Je propose qu'on s'en roule un chacun à savourer devant cette magnifique vue.
La proposition d'Estelle est approuvée, une fois que nous avons tous un briquet en main, Owen lance le signal pour qu'on l'allume en même temps. J'aspire une grande bouffée la première fois, accentue le plaisir que cela me procure en plongeant mon regard dans l'horizon. J'appuie mes mains en arrière dans le sable, adopte une position plus détendue. Estelle replie ses jambes vers sa poitrine, les bras sur ses genoux, ce changement me donne alors un parfait angle de vue pour admirer le profil de son frère, illuminé d'un sourire. Le temps passe, je finis par m'allonger complètement sur le sable, Estelle en fait autant et cale sa tête sur mon ventre. Je ferme les yeux. Un bref mouvement sur ma droite me sort de mes pensées, j'ouvre un œil, reçois du sable, plisse les paupières et me redresse pour l'enlever. Owen s'excuse, Estelle qui somnolait, se réveille, nous regarde à tour de rôle.
— Je vais aller dessiner vers les dunes et après on rentre, on se fait une petite bière ou quoi ?
Estelle pousse un cri de joie, heureuse que cette complicité avec son frère se prolonge dans la soirée. Pour ma part je hoche la tête, curieuse à l'idée de ce qu'il va dessiner, mais je ne dis rien. Quand Owen s'éloigne, Estelle et moi nous concertons sur quoi faire, j'esquisse alors un sourire enfantin.
— Ça te dit de construire la plus grande cité que cette plage ait jamais connue ?
— Mais carrément ! Je m'occupe de creuser un puits !
Je ris, choisi de récupérer du sable mouillé là où les vagues viennent se retirer. Au fil de nos constructions qui ressemblent plus à des pâtés qu'à autre chose, je ne peux m'empêcher de regarder au loin, vers la butte de sable, la silhouette d'Owen avec un carnet sur les genoux. Lorsqu'il relève la tête, c'est pour regarder dans notre direction, je masque ma surprise et mes questionnements en baissant la mienne. Que peut-il bien dessiner ? Voilà une question qui m'a tourmentée, mais qui n'a jamais eu de réponse. Parce qu'après cette journée à la plage, pas une seule ne s'est renouvelée. Je suis pourtant revenue, le jour d'après et encore celui d'après, mais je n'ai jamais revu Owen. Estelle me disait qu'il s'occupait de sa rentrée, qu'il commençait à se bouger un peu, à faire des trucs de son côté, alors je n'ai pas posé de questions. Nous avons continué à nous voir tout l'été et doucement, cette flamme que j'avais ressentie dans ma poitrine en voyant son frère la première fois s'est étiolée, jusqu'à finir par disparaître, emportant avec elle, cet instant que j'avais tant aimé.
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Et vooilà ! C'est fini pour ce petit saut dans le temps, prochain chapitre, retour à la réalité, et qui dit réalité, dit confrontation avec le présent, entre Owen et Octobre il est temps que les choses se mettent au clair... ;)
Maintenant ce que je veux à tout prix c'est vos... AVIS mouhahaha !!
Qu'est-ce qui pouvait bien se passer dans la vie d'Owen a ce moment là ? Vous êtes chaud pour des suppositions ? :)
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