Chapitre 28
PDV Octobre :
Si Solange n'était pas venue passer le week-end à la maison, les choses ne se seraient pas arrangées si facilement avec Lyse. Jeudi, après notre dispute, enfin si on peut considérer que c'en était une, j'ai déprimé jusqu'au lendemain, ressassant encore et encore des pensées mornes, puis Solange est arrivée. Comme un soleil, rayonnante, souriante, elle m'a soutenue dans la tempête de mes souffrances. Parce que ma sœur a toujours su, elle a toujours eu les mots, ceux qui consolent, ceux qui aiment et rassurent. C'est grâce à elle que j'ai surmonté mon coup de blues du vendredi pour finalement passer un merveilleux week-end sans la moindre prise de tête à ses côtés mais aussi aux côtés de maman, qui finalement s'est détendue. Quand Solange est partie dimanche soir, j'ai gardé comme souvenir de sa venue, un large sourire et des ambitions nouvelles pour le jeu. L'image d'Owen a changé dans ma tête au fil des discussions que nous avons eues, ce qui m'a permis de voir le courant dans lequel j'étais emportée la semaine dernière. Des désirs trop forts m'ont déracinée de la terre de mes résolutions.
Quand il est venu lundi soir sous mon balcon, je ne l'ai pas laissé monter. Au début, ça l'a surpris, puis le mardi, il semblait s'y être fait et j'ai apprécié qu'il reste, assis dans l'herbe, moi sur la rambarde, à parler de choses futiles. Sa présence sans le moindre contact m'a fait du bien, je sais à présent, sans plus aucun doute, qu'il apprécie celle que je suis. En tant que personne. Néanmoins, j'ai peur qu'il reprenne, avec mon retour au lycée, les aises du gars qui gère tout et à qui rien ne résiste. Même si le faible que j'ai pour lui persiste, je ne tiens pas à le voir grandir comme la semaine passée. C'était trop, trop d'un coup. Avant de commencer la journée, j'oublie Owen ou du moins, je le laisse de côté pour penser aux filles. Alaska, Jade, Sarah. Nous allons enfin nous retrouver, mettre en commun nos pensées.
Ça va faire tout juste un mois que le jeu a commencé, il est temps de savoir où nous en sommes individuellement. Il n'est plus nécessaire que je leur cite mes moments d'égarement, c'est du passé. Enfin, peut-être pas tant que ça, sinon je n'aurais pas ce petit problème pour expliquer le fait qu'en marchant jusqu'à l'arrêt de bus, en montant dedans, en m'asseyant, toutes mes pensées n'ont été focalisées que sur lui et l'instant où je vais le voir au milieu des autres joueurs. Je ne peux m'empêcher d'anticiper ma réaction. Mes désirs vont-ils se manifester avec la même ardeur ? Pour minimiser mon angoisse, je concentre mon regard sur les arbres qui défilent de l'autre côté de la vitre. C'est si beau. J'aimerais me convaincre qu'il ne sert à rien de songer à ce qui n'est pas encore, pourtant, la douceur des paysages, qui m'apaisait, cède bientôt la place au bâtiment du lycée. En sortant du bus, je fais le vide dans ma tête, marche en direction des escaliers, là où Jade a pour habitude de s'asseoir quand elle fume sa clope le matin. Elle n'y est pas encore, mais je préfère attendre seule que de rejoindre les joueurs, après tout, je ne suis pas obligée d'être toujours avec eux. Sauf quand ils nous l'imposent, mais avec du recul, je dois bien m'avouer que si j'y allais tous les matins, c'était avant tout pour voir Owen. Je grimace en songeant à quel point il m'en a fallu peu pour qu'il me retourne la cervelle avec ses sourires en coin.
— Octobre ?
J'esquisse un petit sursaut quand Sarah apparaît juste sous mon nez.
— Je suis désolée pour jeudi dernier.
Je souris devant sa moue fautive. Sur le coup, j'étais énervée qu'elle nous ait fait exclure, mais cette émotion m'a quittée, et puis, ça m'a permis de réaliser un bon nombre de choses, alors peut-être n'était-ce qu'un mal pour un bien.
— T'inquiète, tu m'as dit que t'avais fait ça pour me sauver la mise et je pense que t'avais pas tort dans un sens, enfin, t'aurais quand même pu trouver autre chose, mais bon, ça nous fera des aventures supplémentaires.
— Mon génie est trop grand, j'y peux rien si les gens l'interprètent pas de cette façon !
Ses yeux pétillent à nouveau, on rit, puis elle me prend par le bras et fait volte-face, tandis que Jade se précipite à notre rencontre.
— Aaaaaaah ! J'ai l'impression qu'on s'est pas vu depuis des mois !!
Elle nous saute dessus avec un enthousiasme contagieux, son agitation me fait rire aux éclats. C'est si bon de la voir avec autant de joie, j'ai l'impression, pendant une nanoseconde, que ma vie ne comporte plus le moindre souci, mais ce bonheur tombe à plat en un temps record au moment où la sonnerie retentit. Jade change alors du tout au tout, son regard se plonge dans celui de Sarah, son sourire se dégrade et ses yeux reflètent un sérieux que je ne l'avais jamais vu arborer.
— Merde. Bon. Je suis désolée d'annoncer ça de but en blanc, mais je peux vraiment pas être en retard, faut que je voie ma prof de bio avant qu'elle ait cours parce qu'après elle est pas là de la journée, fin, bref on s'en fout, faut juste que vous sachiez : Mathilde et Théo... Ils l'ont fait.
PDV Sarah :
Alors que Jade s'esquive en courant, ses derniers mots ricochent dans ma tête. Mathilde, Théo. Comme un mauvais rêve dont je ne peux chasser le souvenir, tous les moments où j'ai pu les voir ensemble reviennent par flash dans mon esprit avec ce même pressentiment qui me rongeait. Octobre vient claquer des doigts à deux reprises juste sous mon nez avec cet air inquiet, comme si elle voyait en moi tout le bouleversement qui se crée.
— Sarah, je sais ce que tu penses, c'est un peu juste à digérer dès le matin, et on va en parler, mais pour ça il faudrait qu'on aille en classe, genre, maintenant.
Je hoche la tête, rabats un voile sur mes pensées pour ne pas rester figée sur les marches. Si je suivais la petite voix qui s'acharne en moi, j'irais retrouver Mathilde de ce pas, mais elle doit déjà être en cours, alors j'emboîte le pas à Octobre. Dix minutes après que le cours ait commencé, elle rompt le silence qui tournoie entre nous.
— J'arrive toujours pas à croire ce que Jade nous a dit.
— T'es pas la seule, même s'il fallait s'attendre à quelque chose quand même avec leur rapprochement.
Je dois me rendre à l'évidence, j'ignore ce qui a poussé Mathilde a céder si facilement, mais si elle s'est crue spéciale aux yeux de Théo, alors l'amour est une illusion encore plus grotesque que je ne l'imaginais.
— Il faut qu'on se concerte avec Alaska et Jade... Chuchote Octobre en faisant mine de prendre des notes.
— Tu t'en charge à la récré, moi je vais voir Mathilde. Je pense que si elle a couché avec Théo, ce n'est pas parce qu'elle partage la même optique que Lissa ou quoi, mais plutôt parce qu'il a dû lui faire croire des choses et elle a craqué.
Je m'abstiens d'émettre une comparaison la concernant avec Owen, en soi, elle ignore que je l'ai vu l'embrasser. L'action de Mathilde lui servira peut-être d'exemple pour qu'elle reste sur ses gardes et puis, du compte-rendu qu'Alaska m'a fait sur le week-end, Owen n'a pas perdu de temps pour se tourner vers Lissa. Notre exclusion a eu l'effet que j'espérais. Les cinq dernières minutes qui nous restent avant la fin du cours me semblent si longues qu'Octobre se moque à plusieurs reprises de me voir fixer ma montre, mais si seulement l'aiguille trottait plus vite ! Quand la sonnerie retentit, je remballe mes affaires en deux temps trois mouvements, m'éclipse de la salle et pars comme une flèche dans le couloir, le téléphone collé à l'oreille en espérant que Mathilde réponde. Après être tombée trois fois sur sa messagerie, j'envisage de laisser tomber mon idée de réconciliation, mais mon regard divague et se pose à tout hasard sur la silhouette finalement pas si hasardeuse de Théo. Le beau salaud.
— Théo ! Je hèle dans sa direction en feignant une démarche assurée.
Il esquisse un sourire désabusé, me salue l'air de rien.
— Bon, étant donné que tu colles Mathilde depuis deux semaines et qu'en plus vous avez, apparemment, couché ensemble, tu saurais où je peux la trouver ?
— Plutôt que de sortir les griffes dès le matin, tu devrais t'assurer de tes sources, parce que ce n'est pas «apparemment». J'ai baisé Mathilde et plutôt bien même, elle a tellement aimé qu'elle en redemandait, si t'avais vu ça... Elle est pas prête de s'en remettre je suppose, vu qu'on l'a pas vue depuis mardi.
Au fur et à mesure que ce connard exprime sa fierté d'avoir pris mon amie pour simplement la prendre, tout ce que j'ai accumulé de rancune envers leur jeu à la con remonte à la surface et mon indignation prend le dessus. Dans un premier temps, je meurs d'envie de lui faire ravaler son sourire dégueulasse ainsi que chacun des mots qu'il a pu dire, ensuite, j'enregistre dans un coin de ma tête la seule information que je considère importante dans tout son charabia.
— J'ai pas besoin de plus de détails merci.
Alors qu'il s'apprête à s'esquiver sans la moindre embûche, je réalise qu'il est hors de question que ce connard s'en sorte bien avec sa gueule d'ange et que nous, nous devions payer le prix de leur démence.
— En fait attends Théo, j'avais pas fini...
Au moment où je le rappelle, il fait volte-face légèrement désinvolte, sa bouche s'entrouvre, mais avant que le moindre dégueulis n'en sorte je lui assène une gifle phénoménale qui laisse une brûlure cuisante sur la paume de ma main.
— Maintenant, je crois que c'est bon.
Son regard croise le mien, l'ombre qui le traverse m'insuffle une fierté sans limite. À présent, je vois à quoi un joueur ressemble lorsqu'il joue son rôle à fond. Cette image de gars gentil, doux, attentionné, n'est qu'un leurre et je ne flancherai pas devant leur sourire à la con. Après Charlotte, Mathilde, Octobre, je crois que j'ai suffisamment en horreur le comportement de ces scélérats pour me laisser berner par leur drague affligeante.
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Coucou les ptits choux !!
Alors alors il s'en passe des choses là !
Mathilde/Théo c'est quoi vos impressions ? (a part qu'elle s'est faite avoir comme une... courge? huhu)
Si vous avez des questions, des avis, des âneries à partager, hésitez pas hein, j'adore vos ptits commentaires ahah !
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