Chapitre 23
Musique : Monsune- Nothing in return
Seconde après seconde, minute après minute, mes pensées ne cessent de me ramener à ce moment, tandis que je m'en éloigne peu à peu. Le trajet me semble soudain plus long tant je croule sous la contradiction. Pourquoi est-ce que je n'arrive pas à maintenir de distance avec Owen ? À bien y songer, toutes les insultes et les discours que j'ai pu lui servir n'ont été que du vent à côté de mes actions qui ne cessent de me montrer mes incohérences. Et ce baiser moins de quelques heures plus tôt a imprégné mes lèvres comme preuve insoutenable de mon trouble.
— Octobre ? Tu m'entends ?
Alors que j'imaginais presque ces mots sortir de la bouche d'Owen, je réalise en ouvrant les yeux que Nils me regarde de travers. C'est la deuxième fois qu'il tente d'engager la conversation, n'a-t-il pas compris que je voulais être tranquille ?
— Quoi ?
— Il se passe quelque chose avec Owen ?
— Pardon ? Tu crois sincèrement que j'en ai pas déjà assez avec un joueur dans les pattes ?
— Je sais pas, j'ai remarqué qu'entre la soirée au lac et aujourd'hui, vous aviez pas mal de contacts, alors je me demandais s'il y avait quelque chose ou non.
Son insistance et son timbre suspicieux m'ébranlent le temps d'une seconde. Dans ma tête, le chaos déjà bien présent se transforme en tumulte. Je songe à tout ce qui s'est produit entre Owen et moi et me demande ce que Nils voit vraiment derrière cette simple question.
— Il me semblait que c'était clair depuis le temps. J'en ai rien à foutre des joueurs, et à ce que je sache, Owen n'y fait pas exception. Certes il se montre plus collant que les autres, mais ça ne fait de lui qu'une tache de plus dans mon quotidien, je crache, un peu trop sur la défensive.
Mon père m'a toujours dit qu'une agitation ou de la colère perceptible au travers d'une argumentation ne cachait qu'un mensonge, celui-là est si gros que j'en rirais presque. Nils reste silencieux, j'espère qu'il ne va pas en remettre une couche.
— Je dis ça pour toi. Fréquenter un autre joueur c'est enfreindre les règles, alors si tu tiens tant que ça à marquer l'histoire du Virginity Game d'une nouvelle légende, fais valoir tes ambitions.
Non mais je rêve. Nous a-t-il vus près des serviettes ? Auquel cas, il saurait que c'est Owen qui ne cesse de me chercher et pas l'inverse.
— Écoute, je sais ce que je fais. Merci pour les conseils, mais je m'en sors très bien sans toi.
— Si tu le dis, au moins je t'ai prévenue. Et j'ai promis que je t'aiderais avec le jeu, mais si tu fais de la merde, je pourrai rien pour toi.
— Ouais, donc dans tous les cas, mieux vaut que je parte du principe que tu t'avéreras pas utile. Je raille, exacerbée par ses remarques.
Notre échange s'arrête après ces quelques mots et si pour le moment, je ne comprends pas Nils et ses véritables intentions, il n'est, de toute évidence, pas sur la liste de mes priorités.
En arrivant à la maison, je m'empresse de sortir mon téléphone et m'écroule sur le canapé. Après mûre réflexion, j'ai compris à quel point il était crucial que je parle aux filles. Si je veux qu'on se serre les coudes, mieux vaut qu'elles sachent pour l'ambiguïté entre Owen et moi, enfin, si on peut appeler ça ainsi. Ma première tentative pour joindre Jade tombe à l'eau, elle m'annonce par texto qu'elle est encore en voiture avec Théo. Quand je lui demande si elle est libre demain, elle me dit que non, et la réponse d'Alaska est réciproque. La déception se creuse une place douillette dans ma tête, mais je ne me démonte pas, au fond si Mathilde ou Sarah peut venir et me soutenir dans mes doutes, ça ira.
Au fil des minutes qui passent sans que j'aie de réponse de leur part, je lâche mon téléphone, monte prendre une douche. La radio à fond, je me déshabille devant le miroir, danse sur un rythme loufoque qui me fait un bien fou. Depuis combien de temps n'avais-je pas lâché prise de cette façon ? Sûrement longtemps. Je ne me souviens pas m'être sentie aussi à l'aise dans cette maison depuis que j'y ai mis les pieds. Avec un large sourire et une euphorie électrisante, je continue mon dandinement jusqu'à finir sous la douche. L'eau tiède qui s'écrase sur mon corps lave les derniers tourments qui trottaient dans mon crâne. C'est agréable. Enfin, jusqu'à ce que j'entende de l'agitation de l'autre côté du mur. À contre cœur, mais les sens en alerte, je coupe l'eau et sors la tête de la cabine.
— Y a quelqu'un ?
La voix qui me répond baragouine des mots étouffés par la musique. Je pousse un grognement. C'est pas possible d'avoir un moment de paix ? Même si c'est ma mère, il faudrait qu'elle apprenne à saisir le bon instant, parce qu'en toute logique, avec la musique et la porte fermée à clé, le message est très clair : je ne suis pas disponible. Pourtant je fais un effort pour sortir de la douche, enfile une serviette et coupe la radio.
— Maman ?
— Octobre, tu as bientôt fini ?
Elle hausse le ton alors que moins d'obstacles séparent sa voix de mes oreilles.
— Oui. Tu as besoin de quelque chose ?
— Il faut que je prenne une douche aussi, donc si tu pouvais te dépêcher...
Je roule des yeux. Pourquoi m'irrite-t-elle autant ? De façon presque incontrôlable, je lui demande sur un ton cynique si elle compte encore sortir ce soir. En l'espace d'une semaine, elle n'a été à la maison que deux fois.
— Ça ne te regarde pas, mais oui donc tu mangeras sans moi.
— Un peu comme tous les jours quoi.
Le bruit de ses pas s'éloigne dans le couloir. Un sentiment de colère grandit en moi, une sensation amère qui me colle à la peau et menace de se refermer sur mon cœur. Pourquoi agit-elle comme si nous étions des colocataires, voire des étrangères, alors que je suis sa fille ? Pourquoi sa relation avec Solange diffère à ce point de la nôtre ? Je presse les paupières, chasse ces pensées parasites qui me foutent le moral dans les chaussettes et prends sur moi. J'enroule mes cheveux dans une serviette, récupère la plupart des affaires qui traînent et sors de la pièce pour laisser le champ libre à ma mère. Dans la chambre, je vérifie si j'ai reçu des messages. Du côté de Mathilde, c'est silence radio, mais Sarah m'en a laissé deux en plus d'avoir appelé. Pour demain, c'est la seule à être disponible et même dès ce soir.
Au début, je pensais qu'avec ma mère nous ferions un truc ensemble, mais cette idée peut désormais aller à la poubelle pour céder la place à une nouvelle. Si je vois Sarah ce soir, je pourrai mettre à plat ce que je pense vraiment au lieu de passer la nuit à cogiter. En quelques messages, on se met d'accord pour qu'elle me rejoigne d'ici une heure. Ravie de la tournure que prend soudain la soirée, je me prépare tranquillement, échange quelques messages avec Solange qui me remonte le moral, puis ma mère finit par quitter la maison, laissant derrière elle une traînée de parfum. Je sors de la chambre, cours jusque dans la cuisine où j'entreprends de faire un sauté de riz avec des légumes. Au bout d'un certain temps que je vois à peine passer, la sonnette retentit. J'ouvre la porte, accueille chaleureusement Sarah.
— Holà !
— Hey ! Depuis le temps qu'on s'est pas vues !
Elle rit, retire son manteau, pose son sac sur la table, l'ouvre, puis se tourne vers moi, une bouteille de rhum dans les mains.
— Taaadaaam !
— Waouh, où c'est que t'as déniché ça ?!
— Bah, c'est à mon frère, mais avec tous les trucs qu'il me prend sans demander, on peut dire qu'on est quittes maintenant...
Son haussement d'épaules et sa moue fautive sont peu convaincants, mais on a de l'alcool alors pourquoi se plaindre ?
— Bon, alors on va se servir un petit verre pour trinquer à tes initiatives dangereusement inconscientes !
Sarah fait une réflexion sur la «délicieuse» odeur du repas qui cuit doucement. Du coin de l'œil, alors que je cherche les verres à shooter, je la vois soulever les couvercles un par un, à demi en train de saliver.
— Putain, mais tu nous as préparé une tuerie !
— Ouais, attends avant de balancer les compliments, j'ai un peu fait cramer le riz.
Elle me fait signe d'arrêter de me justifier, préférant se fier à son jugement. D'après elle, ses yeux experts et son odorat sur développé prédisent un repas divin. Je ris. Une fois que je mets la main sur deux verres, je lui demande de couper le feu et vais dans le salon, Sarah sur les talons.
La soirée passe doucement, au fil des verres qu'on descend, ma tête s'allège, tournoie, mes mains me resservent un verre. Contrairement à ce que je m'étais imaginée, j'expose beaucoup moins de détails sur ma relation avec Owen. Je lui fais part de l'attraction qu'il exerce sur moi, mais impossible de parler du baiser. C'est quelque chose de trop concret, de trop réel. D'ailleurs, pourquoi ? Quel sentiment l'animait à ce moment-là pour qu'il joue autant avec mes sens ? Je ne parviens pas à me l'expliquer, et tant que je n'y trouve pas un semblant de cohérence, je ne peux confier cet acte à Sarah.
— Je t'avoue que je comprends pas trop comment marche leur jeu. Jusque-là, Matthew me parlait à peine, mais depuis deux jours, il se montre drôlement plus entreprenant et je suis un peu perdue...
— Alors t'imagines à quel point je le suis ? J'ironise devant son regard confus.
Sarah se ressert un verre, le vide d'un trait.
— Ce qui est bizarre dans ton cas, c'est que c'est un autre joueur. Imagine s'il t'aime ? ce serait cocasse quand même...
J'avale le rhum de travers, tousse bruyamment. Cette éventualité ne m'avait pas traversé l'esprit, avec tous les détails que je garde pour moi, je sais qu'Owen est loin de nourrir des sentiments de ce style. Mon loup préfère les jeux vicieux et la tourmente.
— Enfin... Commence Sarah avant de s'abstenir.
Je l'incite d'un regard à poursuivre, mais elle secoue la tête comme pour chasser la pensée qu'elle s'apprêtait à me partager.
— Non rien, je pense à Mathilde. Je m'inquiète un peu pour elle.
Même si elle semble sincère, je sens que ce n'est pas ce dont elle voulait parler. Je chasse le frisson qui me gagne et reprends un verre. Sarah me fait part de ses doutes, elle est persuadée qu'il se trame un truc entre elle et Théo, ce qui est surprenant, car aux dernières nouvelles, Mathilde ne voulait en rien se mêler au jeu. Pourquoi choisirait-elle de faire confiance à Théo plutôt qu'à nous ? Dans ma tête, la question se retourne contre moi, pour l'éviter, je bois un shot et cette fois, mes neurones partent en vrille.
Notre conversation finit par s'égarer sur des sujets moins sérieux, laissant quelques rires s'épancher, mais regagnée par des frissons, j'annonce à Sarah que je vais me chercher un pull. Cette dernière en profite pour aller prendre un bol de riz. Je la laisse vaquer à ses occupations, puis chancelante, j'entreprends l'épreuve, l'ultime, à savoir : monter l'escalier. Une fois cette rude tâche accomplie, j'atteins aisément la chambre, l'esprit ailleurs, la démarche vacillante. À tâtons, je cherche l'interrupteur, mais quand la lumière éclaire la chambre, une frayeur me saisit. À moins de quelques mètres, de l'autre côté du lit, de l'autre côté de la vitre, à une distance interminable et pourtant si courte, Owen me regarde.
Nos échanges avec Sarah à son sujet me reviennent par petits bouts. La situation m'échappe. Et après une absence physique de plusieurs secondes, j'en conclus que les effets du rhum ne m'assaillent pas d'une hallucination. Owen tape à la vitre, il a dégainé son sourire, et moi je sens que je vais vomir. Pourtant, sans que je puisse me l'expliquer, je contourne les obstacles qui nous séparent et m'approche de la fenêtre. Mes yeux ne le quittent pas, c'est à peine si j'y crois. Pourquoi ? Après ce qui s'est produit, pourquoi faut-il qu'il revienne ? Comme me l'a fait remarquer Sarah, de la part d'un autre joueur, cela n'a plus aucun sens. Face à mon inaction, Owen approche sa bouche de la vitre, souffle de l'air chaud contre le verre et sur la buée qui se forme, il écrit «Ouvre-moi». J'hésite une seconde. Seulement une avant de céder. J'ai le cœur qui se contorsionne, je voudrais seulement savoir, oser pour une fois lui confier les tourments qui me pèsent, afin qu'il y donne un sens et que cette agitation interne cesse.
— Surtout prends ton temps.
La fenêtre s'entrouvre, je l'entends se plaindre, mais ne réplique pas. Je n'ai plus de temps à perdre à renvoyer une balle invisible qui fait mal quand l'un de nous se la prend en pleine gueule. Surtout que la plupart du temps, c'est moi qui n'encaisse pas ses coups.
— Qu'est-ce que tu fais là ?
— Je t'ai envoyé un message, t'as quand même pas oublié nos rencontres nocturnes habituelles ?
— Owen, pour le coup on ne peut pas parler d'habitude. Ensuite, faut que t'arrêtes. J'en ai marre de ton comportement, je croyais pourtant que c'était clair ? Je veux pas te voir, je veux rien avoir à faire avec toi.
Un tel calme me surprend moi-même, tant dans le fond, l'alcool m'embrume. Owen marque une hésitation, ouvre la bouche, mais la referme.
— Je peux rentrer ? Demande-t-il, comme si une fois encore, mes mots ne l'atteignaient pas.
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Holà mes ptits loups !
Gnééé c'est qu'il a un comportant particulier notre petit Owen.. à votre avis il se trame quoi dans sa tête ? ;)
Sarah/Octobre une petite pensées pour elles aussi ?
Avec tout mon amour je vous fais pleeeeeein de bisouuus, et cette fois, je peux vous promettre une suite très bientôt ! Comme d'habitudes, vos avis sont les bienvenus huhuhu ^^
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