Chapitre 22
Musique : FUR- Trying
Octobre :
Quand Nils passe me prendre pour la plage, j'ai tout, sauf envie d'y aller. D'autant que ma nuit n'a pas été de tout repos. Pour cause, je n'ai pas cessé de penser à Owen et à comment l'éviter aujourd'hui. Résultat, aucune solution, que des appréhensions. Heureusement, pendant le trajet nous n'échangeons pas un mot avec Nils, si ce n'est quelques politesses dont je me passerais bien. Et lorsque nous arrivons à la plage, c'est avec le cœur tambourinant que je pose un pied-à-terre ou plutôt, dans le sable.
— Ils sont où les autres ?
Nils pointe du doigt une direction précise et s'y engage en me faisant signe de le suivre. Quand j'étais en France j'avais horreur d'aller à la plage. Que ce soit pour le sable collant, l'eau salée et piquante ou encore la chaleur. Mais ici, l'air n'est pas le même, je me sens étonnamment bien. D'autant plus quand je vois l'endroit où se sont installés les joueurs et les filles au milieu des dunes. Je m'empresse de rejoindre Alaska, Jade et Sarah qui se sont assises sur la même serviette à l'écart.
— Salut les filles !
Elles m'accueillent avec un chaleureux sourire, Sarah se décale pour me faire une place à côté d'elle.
— Tu n'as pas vu Mathilde en arrivant ?
Je me tourne vers Jade qui observe attentivement la situation. Effectuant une rotation du regard, j'ai le malheur de croiser celui de Lissa, hautain et méprisant, tandis qu'elle tente d'attirer l'attention de celui que je ne veux voir pour rien au monde. Alors que je m'apprête à répondre par la négative, Aaron vient à ma rencontre.
— Mathilde et Théo ne viennent pas, on est donc au complet.
Puis à voix basse, il ajoute en se rapprochant.
— Je sais pas à quoi tu joues, mais si tu veux que notre marché fonctionne, il va falloir que tu y mettes un peu du tien aussi.
— Comment ça ?
— Ce qui s'est passé hier, plus jamais. En extérieur, tout doit paraître normal. Un peu comme si j'avais toujours la possibilité de te mettre dans mon pieu étant donné que t'es mon pion. Siffle-t-il les dents serrées, n'ayant visiblement pas du tout apprécié mon petit manège la veille.
— Ah oui, dit comme ça, c'est sûr que t'as toutes tes chances mon chou.
Je lui tapote gentiment le bout de l'épaule, ça l'irrite, ça me détend, car pendant un court instant, j'oublie les autres autour de nous. Notamment un regard que je ne remarque qu'après le départ d'Aaron. La vue se retrouve dégagée, je croise alors deux yeux rivés dans ma direction, deux pupilles vertes émeraudes.
— Octobre, t'as la tête dans les nuages ou c'est comment ? Me brusque la voix d'Alaska.
Je fais volte-face, m'arrache à un échange de regards non désiré, soulagée de passer à autre chose.
— Désolée, je pensais à la journée de merde qui nous attend, tu voulais me dire un truc ?
— Il te voulait quoi Aaron ?
À la lueur qui vacille dans son regard, je sens que quelque chose la tracasse. Mais quoi ?
— Hier je lui ai fait faux bond et il n'a pas aimé. Pourquoi ?
— Je... Rien, laisse tomber, c'est mon problème... Enfin, ce n'est même pas un problème en fait.
Alors que j'envisage d'en savoir davantage, elle s'esquive et rejoint les filles. Un problème hein ? Pourquoi cela me rappelle étrangement le sentiment que j'ai pu avoir dans la voiture d'Owen hier soir ?
— Octobre, tu te ramènes, on va chercher un sandwich.
Sarah me sourit, je hoche la tête, emboîte le pas à Jade qui la suit de près et m'approche des joueurs. Au moment où je m'apprête à en prendre un, Owen me devance, plonge ses mains dans le sac et ressort un sandwich qu'il me tend avec un sourire trop large.
— Tiens, spécial veggie pour mademoiselle.
Et encore une fois, mon sang ne fait qu'un tour. Pourquoi fait-il ça ?
— Tu sais, je suis pas manchot. Je peux parfaitement me servir moi-même.
Sur le coup, je me demande si mon comportement l'excède, c'est la seule chose que je souhaite. Qu'il sorte un peu de ses gonds, qu'il marque une expression différente de celles qu'il emploie habituellement. Seulement voilà, il sourit d'une façon si délicieuse que c'est moi qui ronchonne.
— C'est dingue que tu me le fasses remarquer, jusqu'à présent, j'étais sûr du contraire.
— Très drôle.
Je coupe court à notre échange, m'empare du sandwich et regagne ma serviette sur laquelle Jade a pris ses aises.
— T'en fais une tête, ça va ?
Je souffle un grand coup. Serait-ce utile de lui expliquer la situation ? De lui dire tout ce qui me frustre dans la relation qu'Owen persiste à entretenir ? Avec les conséquences que ça pourrait engendrer, je choisis de garder le silence, esquisse un sourire forcé qui ne semble pas la convaincre, mais Jade n'ajoute rien. Et à peine suis-je assise à ses côtés que Sarah se penche vers nous, la mine inquiète.
— Vous pensez qu'il se passe quoi entre Mathilde et Théo ?
Jade hausse les épaules, la bouche encore pleine.
— Sincèrement, j'en sais rien, mais les joueurs vont tôt ou tard finir par nous prendre à part pour approfondir le lien.
— Tu parles, ils vont tout simplement exploiter de nouvelles techniques pour nous appâter. C'est sympa ces journées qu'ils organisent, mais ils savent très bien que c'est pas comme ça qu'ils nous mettront la main dessus.
— Ça me fout les boules qu'ils se permettent de nous trimbaler de gauche à droite quand ça leur chante, souffle Sarah complètement dépitée.
C'est ce moment que choisit Alaska pour mettre son grain de sel dans la conversation.
— Pour commencer, c'est déjà assez dingue qu'ils se permettent d'organiser un jeu aussi craignos pour nous prendre notre virginité.
Et sur ce coup-là, nous approuvons toutes d'un signe de tête. Pendant le repas, le reste de la conversation se base sur ce que nous allons bien pouvoir faire par la suite, ou encore sur la gueule des joueurs qui mangent et flirtent avec la bande de Lissa. Contrairement à nous quatre, elles ne se sont pas gênées pour s'asseoir en leur compagnie.
— Franchement elles me dégoûtent. Regardez Lissa, c'est limite si bientôt elle s'assoit pas sur la gueule d'Owen tellement elle le mate, râle Jade.
Sa remarque me retourne l'estomac quand je constate à quel point ses propos sont réalistes. Ça ne fait d'ailleurs qu'accentuer mon sentiment de mépris à l'égard d'Owen, avec elle ou avec moi, il a l'air d'être le même.
— Je crois qu'à la fin de l'année c'est pas notre virginité qui sera perdue, mais bien les couilles de ces avortons, crache Alaska entre deux bouchées.
Mon regard va d'elle aux joueurs, je remarque immédiatement le rapprochement qui s'est opéré entre Charlie et Aaron. Cette dernière a la main posée sur sa cuisse, elle rit aux éclats comme ces pimbêches dans les films.
— Oh les filles, on va faire une partie de volley, vous venez ? lance Matthew dans notre direction.
Je n'ai pas fini de manger, mais je sais que sa proposition n'est en fait pas déclinable. Nous nous levons en même temps, Alaska noue un paréo autour de sa taille, puis prend l'initiative de les rejoindre en premier. Le reste du groupe s'éloigne pour gagner la plage, tandis que je range mon sandwich. Quand je les retrouve, les joueurs sont en train d'installer le filet, les filles sont disposées en deux groupes bien distincts. Je rejoins le mien, mais Nils me fait signe de me ranger du côté du filet où malheureusement Lara, Charlie et Lissa sont en attente. Je le fixe incrédule, croise machinalement les bras sur ma poitrine. Est-ce une blague de plus ?
— Tu vas jouer aux côtés de tes meilleures copines, tire pas la tronche. Susurre une voix que je connais trop bien à quelques centimètres de mon oreille.
Je m'écarte d'un mouvement brusque pour toiser Owen durement. C'est pas le moment qu'il en ajoute une couche celui-là. Mon regard noir ne semble pas le démonter pour autant, il s'approche de Lissa, passe un bras autour de ses épaules et lui demande s'il peut se joindre à notre équipe. Et la voilà qui se met à papillonner des cils après seulement quelques mots enjolivés. Je lève les yeux au ciel, cette journée promet d'être longue. Une fois les équipes faites, je me retrouve avec la bande des cruches et Owen, tandis que de l'autre côté du filet, Jade, Alaska et Sarah me lancent un regard compatissant. Nils choisit d'arbitrer la partie pour la première manche, au moins lui, ça ne le change pas de ses habitudes. Quand le jeu commence, je me fais littéralement snober par mon équipe qui ne cesse de réceptionner le ballon pour l'envoyer à Owen.
Ça fait deux ans qu'il fait du volley et j'avoue que son niveau est louable, mais si nous sommes là pour nous amuser, j'aimerais savoir pourquoi je suis visiblement la seule à être dérangée par cette tactique. Et après quelques points d'avance, elle reste la même, hop, Lissa récupère la balle, hop, Lissa l'envoie à une de ses amies ou encore à Owen qui n'hésite pas à smasher au-dessus du filet pour crâner un peu plus. Horripilée par ces minutes de jeu qui défilent sans que j'aie touché la balle une fois, je profite du changement de place pour me mettre dans un angle où Alaska l'envoie souvent. Nils siffle la reprise de la partie, c'est Matthew qui sert. Je me décale sur le côté, lève la tête et suis la trajectoire du ballon, mais au moment de l'atteindre, je me fais percuter de plein fouet par Owen qui d'un bond saisit la balle en plein vol et marque un point. Son coup me laisse une douleur vive dans l'avant-bras. Ce salaud ne s'en excuse même pas, trop absorbé par le jeu.
Cette fois, le service est pour Lissa. Elle envoie la balle dans le camp adverse, Jade la réceptionne et la passe à Alaska, qui nous la renvoie. La trajectoire du ballon s'aligne dans la direction d'Owen, mais contrairement à lui, je sais qu'il ne l'aura pas. Et pour cause, je m'empresse de saisir deux grosses poignées de sable dans mes mains et me précipite vers lui. Au moment où il lève les bras pour recevoir le ballon, je saute et lui jette le sable en pleine figure. La balle s'échoue au sol à côté de nous, Owen pousse des grognements saisissants. Il tombe à la renverse, pousse des injures à mon honneur. J'entends Nils siffler et annoncer une faute, pour ce qui est de ma satisfaction, à présent elle est à son comble.
— Là, tu peux considérer qu'on joue au même niveau.
J'adresse un dernier sourire à Owen, récupère le ballon, puis l'envoie à Jade qui se tord de rire. Plutôt fière de mon action, je lance un grand sourire à Alaska qui me le rend, gratifiant ainsi ma manœuvre. Cependant, en moins d'une seconde, sa tête change radicalement. Dans un hoquet de surprise, je me retrouve soulevée du sol, puis Owen m'écrase sur son épaule.
— Ah, mais lâche-moi sale tordu !!
J'ai beau crier, lui donner des coups dans le dos, il ne desserre pas son étreinte autour de mes jambes. À croire qu'il tient à sa vengeance comme à sa fierté.
— Je vais t'apprendre certaines règles Octobre, tu vas voir qui de nous deux a le dernier mot !
Je relève la tête, les filles et les joueurs s'éloignent drôlement de ma vue à mesure que le bruit des vagues devient plus perceptible. Quand je réalise qu'il compte me foutre à l'eau, je redouble d'efforts pour me débattre. Ma lutte ne dure pas longtemps, car une fois qu'Owen a les pieds dans la flotte, je sais que c'est trop tard. Il s'élance vers le large, quand l'eau lui arrive au niveau des genoux, il se jette dedans, moi dans ses bras. J'ai à peine le temps de prendre une inspiration que la seconde d'après, je suis sous l'eau. La prise qu'il avait autour de mes jambes disparaît, je m'agite, puis remonte à la surface.
— T'es vraiment trop con !
Owen me lance son sourire complètement foireux en passant une main dans ses cheveux pour dégager son visage. Sur le coup, j'ai véritablement envie de le tuer, de le noyer, mais si je prends la peine d'y réfléchir à deux fois, je sais que nos rôles s'inverseront très vite. Je lui tourne le dos pour regagner la rive, aveuglée par la colère qu'il suscite en moi, mais à peine ai-je atteint la plage, que tout le monde se précipite en courant dans notre direction, Nils criant à pleins poumons :
— Touuuuus à la meeer !
Et des corps en plein élan passent près de moi à toute vitesse pour se précipiter dans les vagues. Tous à la mer qu'il dit ? Non très peu pour moi. De mauvais poil, je continue mon avancée à contre-courant des autres, rejoins ma serviette pleine de sable, trempée et grelottante. Je me souviens d'un coup pourquoi je n'ai jamais aimé aller à la mer. Le sable qui colle, l'eau qui pique, ici ou en France, finalement c'est la même. Je fais un demi-tour sur moi-même, repère aussitôt une large serviette disposée sur un sac. Merveilleux ! Une fois enroulée dedans, je me concentre sur la chaleur qui m'envahit, mais la colère refait surface quand Owen apparaît.
— J'aurais bien récupéré la serviette que t'as autour de toi parce que c'est la mienne, mais on peut dire que je te dois bien ça.
Il se penche au sol, s'empare d'une autre dont il ébroue le sable, puis la pose sur ses épaules. Mon regard s'attarde sur son corps, il est quand même sacrément bien forgé, à croire que les dieux lui ont tout donné, sauf une âme.
— Je peux savoir ce qui t'as pris sur le terrain ?
Je l'incendie du regard, me borne à rester muette. Owen arque un sourcil, s'approche, brise le cadre de mon espace personnel.
— Octobre, c'est pas en boudant comme ça que les choses vont s'arranger. T'es grave chiante depuis hier, tu le sais ça ?
Ses paroles sont comme une gifle momentanée. Ça fait mal, c'est sûr, mais je peux tenir, parce que ce n'est toujours pas assez. Même s'il a l'air irrité, il garde ce petit rictus au coin des lèvres qui me nargue et accentue mon aigreur.
— Tu veux que je te dise ? J'en ai marre de toi Owen. Pourquoi tu ne t'énerves pas si je suis si chiante que ça ? Pourquoi tu ne manifestes pas de réelles émotions ? C'est vrai, t'es pas un putain d'automate ! Pour ma part c'est pas le cas, et ce que je veux c'est un contact humain, or si ton masque est trop précieux, garde-le je m'en fous, mais dans ce cas-là arrête de me chercher !
Son comportement commence à m'horripiler. Comment peut-il s'indigner de quoi que ce soit si aucun sentiment ne le saisit vraiment ? C'est comme s'il ne cessait jamais d'agir dans le faux. Il ne peut pas dire qu'il est triste de quelque chose, si aucune tristesse ne marque le fond de son cœur, il ne peut pas dire qu'il m'aime bien, si en contrepartie son regard n'est animé que par le jeu.
— Alors c'est quoi que tu voudrais Octobre ? Que je sois un gentil petit garçon avec toi, parce que tu en as marre que je t'embête ?
Comme d'habitude, il ne prend aucun de mes propos au sérieux, il n'a tout bonnement rien compris. Je fais un pas dans sa direction, un pas qui m'amène à n'être qu'à quelques centimètres de lui, ce qui, à mon plus grand bonheur, le déroute. Enfin ! Je pose un doigt sur son torse, refoule cette sensation électrisante et pourtant agréable qui me saisit à son contact.
— Ce que je veux c'est que tu puisses être entier ! Si t'aimes tant ce jeu à la con, au moins ne joue pas ton rôle qu'à moitié ! Énerve-toi un peu, pète les plombs, je sais pas moi, mais fais quelque chose de vivant !
Et alors que j'ouvre la bouche pour en ajouter, car je suis très loin d'en avoir terminé, Owen plaque brusquement ses lèvres sur les miennes. Et là, c'est comme si tout s'effondrait. Chaque conviction, chaque désir, chaque pensée. Owen se retire, plante un sourire sur son masque.
— Ce genre de pétage de plomb, c'est du ressort d'un pion, Octobre, pas d'un joueur.
Cataclysme dans le cerveau, morceaux de verre qui s'enfoncent profondément dans l'âme. Je me sens en plein cauchemar, enfermée dans un bocal dont les parois m'étouffent déjà. Il faut que je m'éloigne, que plus jamais Owen ne puisse exercer une telle attraction sur mon être, mais paradoxalement, je suis incapable de me détacher de lui et de ce sentiment qui m'étreint.
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Incroyable un nouveau chapitre mes ptit loups !
Bisou, bisou, il y a eu un bisouuuuuuu !! ouais je m'émoustille pour un rien, mais c'est le début des grandes choses !
Vous en pensez quoi vous !?
Plein d'amour et de bisous tout frais <3 ^^
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