Chapitre 2
Musique : a-ah - Take on me
— Octobre, Réveille-toi !
Ma mère crie. J'entrouvre les yeux, légèrement déstabilisée de ne plus être dans ma chambre à Paris.
— Octobre !
Moins de quelques secondes après, j'entends le bruit infernal de ses talons monter l'escalier et se rapprocher de la porte qu'elle ouvre à la volée.
— Mais lèves-toi, tu vas être en retard !
Pourquoi une telle précipitation de si bon matin ? J'enregistre ses paroles, puis doucement mes pensées s'ancrent dans la réalité; c'est la rentrée ! Précipitamment je soulève mes draps et me retrouve d'un bond sur mes pieds. Ma mère sort de la pièce comme si sa mission était accomplie, tandis que je me plante devant mon armoire d'où je sors une jolie robe que Manon, ma meilleure amie, m'a offerte à Paris. Au moins, je penserai à elle en la portant.
Lorsque ma mère s'époumone une seconde fois, c'est pour me signaler que Nils est là. J'ai tout juste fini de me préparer, j'attrape mon sac en vitesse, dévale l'escalier et le rejoins à sa voiture.
— Salut Octobre.
— Salut.
J'inspire un grand coup, lui souris, mais rapidement, les mises en gardes douteuses qu'il m'a servies la veille me reviennent.
— Nils, par rapport à hier, tu veux bien m'en dire plus maintenant sur les sous-entendus que tu faisais ?
Il me regarde une première fois un peu étonné, comme si cet instant était passé à la trappe pour lui, puis il me regarde une seconde fois et tire une grimace, à croire que ce que je cherche à savoir relève du drame.
— Écoute Octobre... Je t'avoue que je préférais me taire, mais mieux vaut que ce soit de ma bouche que tu l'entendes, alors je te préviens, y a pas de bonnes façons de présenter les choses, je vais y aller franco, après tu fais ce que tu veux avec ce que tu sais. Ok ?
Je hoche vigoureusement la tête, pressée de savoir ce qui se trame dans la sienne.
— Alors, ce que Princeton a de particulier et dont seuls les élèves sont au courant, c'est un jeu. Un jeu qu'on appelle Virginity Game. Il est géré par quatre garçons et comme tu peux le deviner au nom, c'est un jeu basé sur la virginité.
— Comment ça ?
— Octobre, je pourrais te bassiner des heures sur la façon dont les choses se passent que tu ne l'encaisserais pas différemment, alors je vais t'exposer clairement le truc, enchaîne Nils en soufflant, comme si c'était un fardeau de devoir me mettre un minimum au courant. Ce jeu consiste pour ces mecs à choisir deux filles qu'ils devront séduire avant la fin de l'année et avec qui ils devront coucher le plus rapidement pour gagner.
Je reste silencieuse, le temps de digérer ce qu'il me dit, de réaliser que ce n'est pas une blague comme je pourrais bêtement le croire.
— Tu sais, ça n'a pas vraiment de logique en soi, ni même d'intérêt pourtant, ça marche ce jeu, tu serais même bluffée si je te disais que le Virginity Game existe depuis plus de quinze ans, ajoute-t-il, comme pour planter le clou.
— Mais c'est n'importe quoi. À quel moment les gens sont assez cons pour laisser quatre abrutis faire la loi avec un jeu aussi ridicule ?! T'as jamais pensé à te manifester au lieu d'exposer les choses comme si c'était normal ?
Le regard de Nils se pose sur moi, ma réaction a l'air de le surprendre, pourtant, je la trouve à peine convaincante. Il s'attendait à quoi au juste ? À ce que je hoche la tête comme s'il m'annonçait des nouvelles météorologiques ?
— Octobre... Laisse tomber. Tu risques d'en entendre suffisamment parler autour de toi pour avoir les réponses que tu souhaites, mais d'ici là, pense quand même à te faire discrète, c'est le seul conseil utile que je peux te donner, m'assure-t-il en se concentrant sur son créneau pour garer la voiture sur le parking du lycée.
— On doit pas avoir la même définition «d'utilité».
Quand je descends de sa voiture, je suis déjà pressée que la journée touche à sa fin, mon cœur est sur le point d'exploser, je regarde de tous les côtés en proie à une paranoïa aiguë après cette conversation pour le moins surprenante. C'est vraiment la dernière chose que j'aurais pu imaginer.
— Détends-toi, ça n'en reste pas moins un lycée tout ce qu'il y a de plus banal, ok ? M'annonce Nils en passant un bras autour de mes épaules comme pour me rassurer.
Je lève les yeux sur lui, les traits de son visage m'apaisent. Il a quelque chose dans le regard de confiant, de serein. Ma colère s'atténue, suffisamment pour que je me focalise sur ma rentrée et les démarches à accomplir. Le Virginity Game cesse alors de prendre tout l'espace dans ma tête, j'esquisse un sourire auquel Nils me répond, puis me sépare de lui pour entrer dans le lycée et faire un peu de repérage. Je sors mon emploi du temps, puis avec l'aide des panneaux, je m'oriente vers mon cours d'histoire en prenant le premier escalier sur ma droite. La sonnerie retentit au moment où je repère ma salle, je souris dans le vide, satisfaite de ne pas m'être perdue, puis entre dans la pièce et prends place sur une chaise près des fenêtres. Je regarde les élèves qui arrivent au fur et à mesure, cherche un visage amical, et me heurte au regard perçant d'une jolie blonde qui s'arrête près de moi.
— Je m'appelle Lissa et toi ?
— Octobre, je suis nouvelle, je prends la peine de préciser.
Au moment où elle s'installe à côté de moi, j'entends à peine sa réflexion tant mon attention est aussitôt attirée par la silhouette d'un grand brun qui vient se placer juste derrière nous. C'est à peine si j'arrive à y croire sur le coup, pourtant, quand je fais mine de regarder par-dessus mon épaule et croise son regard, il n'y a aucun doute possible. J'ai retrouvé mon brun arrogant de la veille. Je ne sais pas si je dois me sentir chanceuse ou non, mais une chose est sûre, le sourire qu'il m'adresse me laisse sur le cul. À dire vrai, je n'aurais jamais cru le revoir dans de telles circonstances un jour.
— Octobre ? C'est dingue que t'aies un prénom quand même et que tu le reconnaisses pas quand on te parle.
Lissa me donne un petit coup dans l'épaule, j'esquisse un sourire. Il me semblait bien l'entendre vaguement parler, seulement, j'étais trop centrée sur mon inconnu. Légèrement gênée, j'oublie qu'il est derrière nous et écoute Lissa qui entreprend de revenir sur ce qu'elle me disait un peu plus tôt, à savoir, qu'elle est nouvelle aussi. Enfin, nouvelle dans ce lycée, pas dans le pays, chose qui nous fait tout de même un micro point commun.
— Lissa ?
La voix de Mister arrogant se fait soudain entendre et Lissa s'interrompt aussitôt pour faire volte-face avec un large sourire collé aux lèvres.
— Oui ?
— Tu ne devrais pas parler avec cette fille, elle est d'une agressivité.
Je reste coite, abasourdie de voir cet abruti ouvrir la bouche pour pondre une absurdité comme celle-là. Lissa se retourne vers moi avec un regard intrigué que je lui renvoie. Elle finit par sourire, balaie d'un geste de la main ce qui vient de se passer, comme si ça n'avait plus d'importance, puis avec sa petite moue d'enfant, elle appuie son visage sur ses mains et me regarde amusée.
— Ne fais pas attention à Owen, il a tendance à être assez agaçant, enfin même tout le temps.
J'inspire, retiens mon souffle, puis songe à ma rencontre avec lui. Owen. Ce prénom vient faire écho en moi comme un lointain souvenir dont j'aurais oublié les couleurs. Owen, ça sonne familier, ça sonne bien et étrangement, je me retrouve avec cette irrépressible envie de tourner la tête. De le regarder une fois, juste une, pour m'assurer que son prénom est la seule chose qui suscite une telle réaction en moi, mais je me retiens, parce qu'à tous les coups, cet idiot en profiterait pour faire une remarque de trop.
— Je croyais que tu étais nouvelle ? Je demande alors à Lissa pour me changer les idées, surprise qu'elle le connaisse.
— Oui, mais je connais des personnes qui fréquentent ce lycée, et puis Owen, tout le monde le connaît.
Elle hausse les épaules en prononçant son prénom, puis se tourne vers le prof qui réclame de l'attention.
Vers midi, Lissa me propose de me joindre à elle pour manger, chose que j'accepte avec le sourire, ravie de m'être déjà trouvée quelqu'un avec qui passer du temps le premier jour. Nous traversons quelques couloirs pour aller à son casier avant de manger, elle pose sa veste à l'intérieur, je profite que mon casier soit à côté pour faire de même. Alors que Lissa s'apprête à descendre l'escalier, je remarque du coin de l'œil une silhouette familière, me tourne et constate qu'il s'agit de Nils. Dès qu'il me voit, un large sourire se dessine sur ses lèvres, il vient à ma rencontre, Lissa fait rapidement demi-tour et salue Nils avec charme. Je la regarde faire, amusée par ses airs entreprenants.
— Tu vas manger ? Je lui demande avec l'idée de l'inviter à se joindre à nous, le regard cependant fixé sur le garçon derrière lui qui s'approche.
— Ouais, j'attends des potes, mais...
Il n'a pas le temps de terminer sa phrase que le gars en question s'affale presque sur lui en rigolant, puis quand il nous remarque, son attitude change et le voilà qui sourit à Lissa.
— Waouh, mais c'est une année qui commence en beauté !
Il nous adresse un clin d'œil commun, puis ricane en regardant Nils qu'il entraîne avec lui, un bras autour de ses épaules. Un sentiment de malaise m'étreint. Pendant une seconde, le Virginity Game me revient en tête et j'en viens à imaginer que son pote beau gosse en fait partie vu la façon dont il nous mangeait du regard. Seulement, je songe à Nils, à sa façon d'être et je ne parviens pas à saisir le lien qui l'unit à ce type. Je n'ai pas le temps de cogiter davantage que Lissa m'attrape par le bras et reprend la direction du self tout sourire en piaillant sur des faits futiles qui me passent au-dessus de la tête.
— Salut les filles ! S'exclame Lissa en rejoignant une table où deux filles sont assises.
Je souris timidement, puis lui emboîte le pas pour me retrouver en face des amies que je suppose être celles dont elle m'a parlé en histoire.
— Octobre, voici ma cousine Clarisse.
Elle me montre du doigt une jolie blonde avec des taches de rousseur que je salue gentiment avant de prendre place en face de Lissa, à côté de Megan.
— Alors comme ça tu viens de Paris, Octobre ? Commence Megan.
Je hoche la tête, mange un peu de pâtes, tandis qu'elle s'enthousiasme à l'idée d'aller en France un jour. On en vient donc dans un premier temps à parler de Paris. J'ai le cœur qui se serre en pensant à mon père, au sourire de Manon qui me revient et me manque déjà, puis Clarisse fait dévier la conversation sur les derniers ragots du lycée avant de faire une petite remarque concernant un jeu sur lequel elle reste évasive. Bien sûr, je fais directement le lien avec le Virginity Game et choisis, cette fois, d'obtenir plus d'éléments à ce sujet. Après tout, comme moi, ce sont des filles, elles doivent sûrement se sentir plus concernées que Nils.
— Pour ma part j'ai entendu parler de ce jeu avant même d'arriver au lycée, mais si je pouvais avoir plus de détails ce serait cool.
— Sérieusement ? S'exclame alors Megan. Pourtant, moins t'en sais et mieux tu te portes, ajoute-t-elle en soupirant, ce à quoi Clarisse acquiesce vigoureusement.
— Justement, je suis pas d'accord sur ce point. Je vous avoue que du peu que j'en sais, je suis déjà révulsée par le contexte, alors j'aimerais savoir comment ça se fait que personne ne fasse rien.
Je croise les bras sur ma poitrine, prends appui sur le dossier de ma chaise, les sourcils froncés devant leur air outré, à croire que mes paroles sont un blasphème. Clarisse me jette un regard noir, Megan pousse un soupir et se penche davantage vers moi.
— Octobre, sans vouloir t'offenser, tu ne sais pas de quoi tu parles, alors ne cherche pas à avancer quoi que ce soit. Tu sais, avant on avait une amie qui s'appelait Margot. Elle s'est retrouvée dans l'équipe d'un joueur et quand elle a voulu en parler au proviseur, il n'a pas voulu écouter un traître mot de ce qu'elle avait à dire. Quand les joueurs ont appris ses intentions, ils l'ont humiliée pendant des semaines jusqu'à ce qu'elle change de lycée. M'annonce-t-elle d'une traite, ses yeux plantés dans les miens.
Sur le coup, mes pensées s'emmêlent, je n'arrive plus vraiment à trouver un sens à tout ce merdier et avant que je ne pose une autre question, Clarisse attire l'attention sur elle en se raclant la gorge.
— Il y a des rumeurs qui circulent depuis l'année dernière comme quoi le principal serait un ancien joueur, ce qui expliquerait pourquoi personne ne fait rien.
À cette nouvelle, je vois Lissa ouvrir grand les yeux, comme si elle n'y croyait pas, un peu comme moi d'ailleurs. Alors que je suis assaillie par des émotions contradictoires et des pensées complètement abstraites, j'en viens sincèrement à me demander pourquoi ma mère m'a inscrite dans le seul lycée au monde qui abrite de tels psychopathes, puis bien vite, j'en viens à m'insurger davantage en songeant que si ce jeu existe depuis longtemps c'est qu'il fonctionne.
— Alors attendez, si je comprends bien, en parler à des enseignants ou quoi ça mène à rien, je commence, en essayant de mettre les choses à plat pour m'éclaircir l'esprit. Dans ce cas-là, la solution la plus envisageable et la plus logique, c'est juste de remballer ces mecs en rut et de les remettre à leur place une bonne fois pour toutes ! Je veux dire, à quel moment des filles se laisseraient faire dans un contexte aussi grossier que celui-là ?!
Même si mon indignation est visible sur mon visage, Clarisse et Megan ricanent, effaçant ainsi toute ma crédibilité.
— T'es mignonne Octobre, mais jusque-là, figure-toi qu'il n'y a qu'une fille qui a résisté au jeu et c'était il y a plus de trois ans je crois, raille Clarisse dont le regard mauvais m'incite à croire qu'elle prend plaisir à me voir tomber des nues chaque fois que ses paroles contrent mes propos.
— Oui, d'ailleurs, on a même fini par la considérer comme la légende du lycée, c'est pour te dire, complète Megan en souriant, avec un tel détachement qu'il est évident que nous ne portons pas le même regard sur le Virginity Game.
J'en suis outrée, offusquée, indignée, si ce n'est plus, tandis qu'elles semblent s'y faire, comme si c'était une banalité.
— Je peux savoir comment ça se fait qu'une fille seulement ait résisté à des connards ? Parce que d'un point de vue extérieur, ça n'a pas l'air compliqué de leur faire mordre la poussière.
Alors que je peste, elles pouffent comme des garces. Clarisse et Megan échangent un regard complice, Lissa et moi sommes attentives à leurs moindres faits et gestes.
— Disons que c'est justement parce que tu n'es pas dedans que tu ne peux pas savoir... commence l'une.
— .. Et puis, on ne s'appelle pas toutes Solange Gyder, finit l'autre.
Alors que Clarisse et sa copine me sortent par les yeux avec leur indifférence exaspérante et leur hilarité mal placée, je n'omets pas que parler avec elles m'apportent tout de même beaucoup, car à cet instant, l'information me percute de plein fouet. La soi-disant légende de ce lycée, Solange, n'est autre que ma sœur. Et là, c'est tout simplement trop d'un coup. Alors que je me lève de table sous le regard intrigué de Lissa et de ses amies, je ne prends pas la peine de me justifier, l'esprit trop confus, je tourne les talons et cours me réfugier loin de cette démence.
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Et (roulement de tambour) ... laaaa suuuite ! Bon, si vous voyez toujours pas le moindre changement, inquiétez-vous et manifestez-vous, si vous les voyez, j'en suis fortement ravie parce que devinez quoi ? C'est le BUUUUUT !
Ouhouhouh ! Je pète soudain beaucoup trop la forme, est-ce cette histoire de nouvelle publication ? L'exaltation de vous retrouver pour de (presque) nouvelles aventures ?
J'en ai absolument aucune idée, mais je vais en profiter pour continuer sur cette lancée, et bien évidemment :
Plein d'amouuuuuuuuuuuuuuuuur à vous mes petits loups ! :D
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