Chapitre 19
Musique : Miel de montagne- Pourquoi pas
PDV Octobre :
Alors que Nils est au volant de sa voiture, direction la maison, j'appuie ma tête contre la vitre, bercée par la musique, et revois les événements de la veille défiler sous mes paupières closes. C'est à peine si j'entends ce que Nils me dit.
— ... Bon au moins, ce soir tu peux souffler, il n'y a rien de prévu.
Ce sont peut-être les seules paroles que je distingue dans tout son charabia. Un sourire s'étire sur mes lèvres à l'idée de pouvoir enfin me poser. Avec tout ce qui arrive, un peu de calme n'est pas de refus. Jusqu'à ce qu'il se gare devant chez moi, mon esprit se contente de divaguer entre le monde des rêves et les paysages qui défilent le long de la route.
— On est déjà arrivé ? je demande doucement, la bouche légèrement asséchée.
Nils sourit.
— En effet ma belle.
Le surnom qu'il m'attribue me percute de plein fouet. Je détourne le regard, ne relève pas. Je n'ai qu'une chose en tête de toute évidence : m'écraser dans mon lit. Rien qu'à cette pensée, je sens Morphée m'enlacer.
— Bon, merci Nils, c'était sympa.
Il me répond, quelque chose sans importance j'espère, car j'ai déjà claqué la porte quand sa bouche s'ouvre sans que je sache sur quoi. J'esquisse un petit sourire comme pour m'excuser, puis tourne le dos, fixée sur mon objectif, mais contre toute attente, quand je pousse la porte d'entrée, je ne rencontre pas la solitude et le calme que j'attendais. Ma mère est dans la cuisine, un verre de vin en main, en pleine conversation avec Solange. Quand celles-ci me remarquent, elle se taisent, puis ma sœur affiche un large sourire tout en venant vers moi.
— Salut Octoooobre ! s'exclame-t-elle, enlaçant ses bras autour de mes épaules. Alors, comme ça on faisait du camping ?
Elle m'adresse un regard plein de sous-entendus, comme si elle savait. Comme si les souvenirs du jeu étaient inscrits sur mon front.
— Ouais, on peut dire ça. Qu'est-ce que tu fais ici ?
— Mmh, tu ne savais pas que le dimanche en famille était mon jour préféré ?
— On n'a jamais fait de dimanche en famille Sol, je raille, sans méchanceté apparente.
Pourtant, elle fait une petite moue comme si ma remarque la vexait. Je ne dis rien et me défais de son étreinte. Derrière elle, maman me fixe, un vague sourire sur les lèvres.
— Tiens ça faisait longtemps.
Ma réflexion semble lui passer au-dessus de la tête. Elle lève les yeux au ciel, sirote une gorgée de son breuvage.
— J'espère que tu as mangé, je ne t'avais pas prévue au repas.
Encore des paroles qui me blessent, même si ce n'est peut-être pas intentionnel. Certes les joueurs n'avaient rien dit de précis sur l'heure de notre retour, mais je l'avais informée que je serais là dimanche. Face à mon mutisme, Solange me prend par le bras et m'emmène dans le salon tandis que maman reprend ses activités en silence.
— On va regarder un petit film, histoire de se reposer le cerveau et de passer du temps ensemble. J'ai fait soirée hier et à la vue de tes cernes, je suppose que ton degré de fatigue est à peu près égal au mien.
Je m'avoue conquise par l'idée et lui fais savoir d'un air approbateur et ravi.
— Et puis, je suis sûre qu'il y aura assez à manger pour toi, c'est sa façon à elle de te faire remarquer qu'elle s'est inquiétée, ajoute Solange comme pour me rassurer d'une crainte que je n'ai pas.
— Très drôle. Moi je pense tout simplement qu'elle ne va pas changer ses habitudes uniquement parce que je suis là, je peste, puis à voix basse, presque pour moi-même, je murmure : De toute façon, elle s'en fout.
Je sais que Solange m'a entendue, mais elle fait comme si ce n'était pas le cas. Elle prend ma tête dans ses mains et la pose contre sa poitrine avec douceur.
— Allez, la fatigue et la faim, ça nous fait souvent dire ce qu'on pense pas. Viens choisir le film et te détendre.
Sur ces paroles, nous prenons la direction du canapé. Je sélectionne un dessin animé dans la bibliothèque, puis nous nous installons sous une couverture l'une contre l'autre, les yeux rivés sur la télé. Je pose ma tête contre sa cuisse, allongée en boule, et ne tarde pas dès les premières images, à m'endormir.
L'esprit dans les vapes, j'ouvre un œil, la télé est éteinte, je suis seule sur le canapé. Les souvenirs se remettent en place dans ma tête, je me demande alors où est passée Solange et combien de temps s'est écoulé, quand la sonnette fait soudain écho dans le salon vide.
— Maman ?
Visiblement, il n'y a personne pour répondre et la sonnette retentit une seconde fois. Son bruit strident me fait grincer des dents. Je me lève, un peu trop vite et ma vision se brouille. En me dépêchant pour aller ouvrir la porte, je me cogne le petit orteil contre une chaise.
— Mais bordel, c'est quoi ce réveil !?
Qui que ce soit derrière cette porte, qu'il ne soit pas surpris par mon air renfrogné. Pour couronner le tout, la sonnette se fait de nouveau entendre au moment où ma main se pose sur la poignée. Ça a pour effet de me vriller les tympans et d'accentuer ma mauvaise humeur. Quand j'ouvre la porte, j'en tombe des nues. Owen est sur le perron, le regard désinvolte, un sourire moqueur sur les lèvres à l'instant où ses yeux se posent sur moi. La goutte d'eau qui fait déborder le vase.
— Bon alors à ton dossier de pervers voyeur, psychopathe, il faut que j'ajoute harceleur ? je crache, ravie de pouvoir exprimer mon aigreur.
Il esquive un mouvement de recul qui suffit à me faire jubiler.
— Waouh, je crois que t'es la première personne que je rencontre qui m'offre un accueil aussi chaleureux.
— Très drôle. Qu'est-ce que tu veux ?
Je prends appui contre l'encadrement de la porte et croise les bras. Owen semble soudain gêné. Il perd son éternel sourire, son regard accroche le mien si brusquement qu'il me déstabilise.
— Je voulais m'excuser pour tout ce qui s'est passé entre nous. Je veux pas te laisser croire que je suis un connard et je pense qu'il y a deux ou trois petites choses qui ont dérapé depuis qu'on se connaît. Alors quitte à ce qu'on se fréquente toute l'année, enfin si tu y tiens, j'aimerais que ça se passe dans une meilleure ambiance.
Je me déteste d'être la première à baisser les yeux. C'est incroyable à quel point ses paroles ont bien plus d'effet sur moi que ce que je laisse voir. Je redresse la tête, ses prunelles vertes ne me lâchent pas et à cet instant, la brisure que je distingue dans ses yeux me touche en plein cœur.
— Tu veux boire quelque chose ? je propose de crainte que le silence perdure.
Owen sourit, je lis du soulagement sur son visage, mais peut-être qu'encore une fois, mon esprit me joue des tours. Je me recule pour le laisser entrer, puis ferme la porte sans cesser de le regarder. Le voir dans le salon semble brusquement me rappeler qui se cache derrière cette simple apparence de beau garçon. Owen est un joueur et ça, je ne dois jamais l'oublier.
— C'est joli chez toi.
— Te force pas, je suis autant étrangère que toi ici.
L'acidité dans le ton de ma voix me surprend moi-même. Soudain mal-à-l'aise, je fuis son regard avec l'excuse d'aller chercher deux verres dans la cuisine. Quand je reviens avec des jus de fruits et une phrase toute préparée, je reste bouche bée face au salon vide. Merde. Où est-ce qu'il est passé ?
— Owen ?
N'ayant aucune réponse, je n'hésite pas plus d'une seconde pour me débarrasser de ce qui m'encombre et cours jusqu'à l'étage. Parfois, je me dis que l'instinct a du bon. Notamment quand je manque de percuter Owen, pris en flagrant délit en train de sortir de mon ancienne chambre.
— Je peux savoir ce que tu fais ?
Malgré la colère qui gronde dans mon ventre, je contrôle ma voix et décide de lui laisser une chance de s'expliquer.
— J'étais curieux. Désolé.
Je crois qu'il oublie souvent le principe d'intimité et de respect, il serait bon de lui rappeler que moins de vingt-quatre heures plus tôt, il était une des personnes que je haïssais le plus.
— C'est pas une excuse, t'as pas besoin de savoir comment est constituée dans les moindres recoins toute cette baraque.
Mon ton cassant réveille en lui cette flamme joueuse qui échauffe mes joues à la seconde même où nos regards se croisent. Je peste intérieurement, excédée par cette tension palpable et électrique qui s'établit entre nous.
— Il fallait bien que je fasse des repérages pour la prochaine fois.
Quand ces paroles franchissent ses lèvres, je m'empresse de lui tourner le dos, complètement déstabilisée par les sentiments qui se bousculent dans mon corps et le détachement dont il fait preuve.
— Ça n'arrivera pas, arrête de rêver et descends, je lance par-dessus mon épaule, avec pour dernière image en tête, son diabolique sourire.
Au milieu de l'escalier, je ne prends pas la peine de me retourner, certaine qu'il me suit au son de ses pas derrière moi. Cependant, il y a peut-être une chose que j'avais oubliée et qui n'était absolument pas souhaitable. À peine ai-je fait irruption dans le salon que la porte d'entrée s'ouvre. Solange et maman entrent, en pleine conversation, ce qui fait que dans un premier temps, je suis la seule à les voir. Sans réfléchir, je me retourne aussitôt, percutant cette fois Owen de plein fouet.
— Raah, bouge ton cul, on remonte, vite, vite !
Je le presse en le poussant à plusieurs reprises. Complètement dérouté, il pivote dans l'autre sens et reprend l'escalier dans un étonnant réflexe de fuite anticipée. Je me lance à sa poursuite, passe devant lui dans le couloir et cours jusque dans la chambre de Solange. Une fois qu'Owen m'y rejoint, je ferme la porte à clé, le cœur battant à vive allure.
— Waouh, même dans mes rêves j'imaginais pas atterrir aussi vite dans ta chambre.
— Stop aux remarques déplacées. À partir de maintenant.
Je concède que sur ce coup, je suis bien plus tranchante que je ne le devrais. Je sais très bien qu'Owen cherche à détendre l'ambiance, je le vois dans la gêne qu'il affiche soudain et qu'il tente pourtant de dissimuler.
— Bon, alors sans arrières-pensées, on fait quoi là ?
— Tu te rappelle le balcon, petit cascadeur ?
Il lui faut quelques secondes pour remettre les éléments à leur place, mais quand il me regarde, son visage se décompose tandis qu'un sourire vicieux me gagne.
— Tu sais à quel point j'aime quand cette expression se dessine sur ton visage ?
Ces mots. Je les ai peut-être pensés trop fort, mais contrairement au malaise que je craignais, cela a l'effet de détendre les traits d'Owen et soudain, j'ai l'impression de comprendre.
— À supposer que je passe par cette fenêtre, dit-il tout en la désignant d'une main, il faudrait qu'après ça, j'aie la certitude de pouvoir emprunter ce passage à ma guise.
À nouveau ce regard joueur. Alors c'est donc ça qu'il veut. C'est donc ça qu'il incarne. Un joueur qui ne cesse jamais de prendre de l'avance. Car maintenant j'ai accepté. Je me suis prise au jeu, et je sens que même si Owen semble en connaître les moindres failles, il en est autant prisonnier que moi.
— Je suis pas sûre que tu aies remporté le test de confiance haut la main.
— Pourtant mon instinct me souffle le contraire.
Owen se dirige vers la fenêtre, il l'ouvre et s'engage sur le balcon. Je le rejoins, puis le contemple silencieusement observer la hauteur avec attention. Je suppose que cette fois, il veut le préparer son saut, mais nous n'avons pas tellement de temps devant nous. J'entends Solange m'appeler depuis le rez-de-chaussée, ce n'est qu'une question de secondes d'ici à ce qu'elle vienne.
— Owen, y a pas le temps. Tu peux pas te faire plus mal que la dernière fois de toute façon.
Comme je l'a fait un peu plus tôt dans l'escalier, je le presse un peu en le poussant, geste qui l'amène à enjamber rapidement le rebord sur lequel il s'accroupit.
— Octobre, est-ce que tu me pardonnes ?
Il me regarde, son visage trop près, si près que je peux discerner de façon précise les cristaux jaunes dans le fond de ses yeux, sa fossette absolument craquante et quelques taches de rousseur qui agissent comme la cerise sur le gâteau. Bordel, pourquoi faut-il qu'il m'embarrasse à ce point ?
— J'aimerais que te détester soit plus simple...
Me rappelant l'urgence de la situation, je m'écarte et voyant qu'il s'apprête à parler, je le pousse précipitamment. Owen tente de s'équilibrer, ce qui s'avère inefficace et en une nanoseconde, son corps bascule de l'autre côté. Je me précipite contre le rebord, suffisamment vite pour le voir se rattraper in extremis.
— Tu peux prendre ça pour un oui. Je claironne, plus à l'aise qu'il soit maintenant hors de portée.
Il se redresse plus facilement que la première fois, à croire que le métier rentre. Cependant, son regard contient la même rage.
— Octobre. Tu peux être sûre que de ta vie, c'est la dernière fois que tu me pousseras de ce balcon.
Les coups contre ma porte m'interpellent aussitôt. Je jette un dernier coup d'œil sur le jardin, voyant Owen s'en éloigner. Il se retourne, lui aussi, et sourit. Encore.
— Par contre, assure toi de m'y accueillir tous les soirs !
Je me contente de sourire en levant les yeux au ciel. Ses paroles font écho dans ma tête jusqu'à ce que je perçoive le fond de sa pensée et alors que je retourne dans ma chambre pour ouvrir à Solange, je me demande s'il reviendra vraiment, auquel cas, j'avoue que je ne suis plus certaine de ce qu'il est bon de faire ou non.
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Coucou mes petits louuups !! ^^
Alooors, vous commencez à vous faire vos avis sur les relations des personnages ?
Owen/Octobre ?
Octobre avec sa soeur et sa mère ? Y a des tensions particulières dans l'air huhuhu
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