Chapitre 1


À mon réveil, la chaleur de Solange s'est dissipée pour ne me laisser qu'un bout de matelas vide. Je me relève à demi, mes yeux encore endormis se posent sur un petit bout de papier que je déplie.

" Bonjour à toi petit soleil, je suis désolée de t'apprendre de cette façon que maman m'a emmenée à la gare ce matin. Tu dormais si bien, j'ai préféré te laisser dans le monde des rêves en espérant que tu en as fait de beaux. Pour ma part, j'ai rêvé de toi, tu te faisais très rapidement à ta vie ici, peut-être que c'est un signe !
Ps : Par contre, la décision de faire de ce rêve une réalité ne revient qu'à toi, je t'embrasse, on se voit bientôt.. "

Plusieurs fois je relis son petit mot, convaincue qu'elle l'a écrit pour me faire sourire, ce qui marche plutôt bien. Alors que je m'apprête à sortir du lit, déterminée à chasser mon défaitisme, ma mère entre dans la chambre sans frapper.

- Mais qu'est-ce que tu fais encore à traîner en pyjama ?

Son petit air surpris, à la limite de l'agacement me fait l'effet d'une douche froide dès le réveil; ça n'a rien d'agréable.

- Je suppose que je me lève.

Elle lève les yeux au ciel, triture les bracelets sur son poignet qui sont bien trop nombreux à mon goût, puis son visage se décrispe légèrement.

- Eh bien je voudrais que tu t'habilles en vitesse, nous sommes invités chez les Wilson pour un barbecue. Il y aura des gens de ton âge, et de ton lycée en plus, c'est une occasion parfaite pour te faire des amis avant le grand jour !

- Je suis obligée de venir ?

- Oui, j'ai déjà annoncé à Marc et Clara que tu venais !

À croire que je n'ai pas mon mot à dire.

- Bon, prépare-toi maintenant, nous irons dans une heure.

Elle sort de la chambre et me laisse seule en proie à une colère grandissante que je m'efforce d'étouffer. Il vaut mieux que je voie le côté positif des choses. Enfin, s'il y en a un. Après tout, ce n'est pas la mer à boire, peut-être que ce sera une occasion de me rapprocher d'elle même si j'en doute fort.

Après ma douche, j'enfile un débardeur, un short, puis fourre dans mon sac, juste pour le cas où, un maillot de bain et un rechange. À peine ai-je quitté ma chambre que ma mère me crie de passer à la vitesse supérieure. Elle prétend vouloir être ponctuelle, mais j'ai bien envie de lui rappeler qu'elle ne l'a pas été hier soir.

- Mais qu'est ce que tu faisais ?!

Elle me dévisage de la tête aux pieds, triture ses bracelets pour la énième fois. Je passe devant elle et ouvre la porte d'entrée avant de faire volte-face.

- Bon, je suis là maintenant alors qu'est-ce que t'attends pour bouger ? Je rétorque avec une once de provocation qui me ravit quand je vois ses yeux s'ouvrir en grand.

- Fais attention à la façon dont tu me parles. Si avec ton père ça passe, saches qu'avec moi ce ne sera pas la même chose.

Je serre les dents, la laisse passer devant moi, puis mutique, j'entre à sa suite dans la voiture. Pour la première fois, quand je la regarde, je me demande comment une femme telle qu'elle peut être ma mère et je ne sais pas ce qui m'effraie le plus. Le fait que cette question me traverse ou la réponse qu'elle pourrait avoir.

Moins de cinq minutes plus tard, elle gare sa voiture sur un parking et se tourne vers moi avec un sourire. Je n'en reviens pas qu'elle m'ait pressée à ce point alors que les Wilson sont nos voisins. Silencieusement, j'admire la baraque aux couleurs orangées qui s'élève devant nous. Trois étages, une immense piscine et une petite allée de dalles menant à la porte d'entrée. Avant de sonner, ma mère remet ses cheveux en place conformément à son envie de faire bonne impression. Je garde pour moi les remarques cyniques qui me titillent et la porte principale ne tarde pas à s'ouvrir sur un homme dans la cinquantaine qui nous aborde avec le sourire.

- Lyse, je suis ravi de te voir.

Il embrasse ma mère puis se penche vers moi.

- Tu dois être Octobre, ça me fait plaisir de te rencontrer depuis le temps que l'on entend parler de toi. Moi, c'est Marc.

Je lui rends un sourire aussi exagéré que sa remarque, j'en suis sûre.

- Clara est dans la cuisine ? Interroge ma mère.

Marc hoche la tête. Il doit s'agit de sa femme, j'ai déjà entendu son nom dans la bouche de ma mère à l'époque, elles sont amies de longue date si je ne me trompe pas. Lorsque nous entrons dans le salon, la décoration me met un poil mal à l'aise, c'est comme si j'allais tout dégueulasser au moindre mouvement. Je suis timidement ma mère jusqu'à la cuisine plus cosy, puis salue la femme qui s'y trouve, certainement ladite Clara. Avec leur tailleur, elles se ressemblent en tout point. 

— Clara, ma fille Octobre. 

Ma mère me prend par les épaules, et sous les yeux brillants de Clara, je reçois quelques compliments auxquels je souris faussement, déjà excédée par l'hypocrisie de ma génitrice. Elles se mettent soudain à parler de l'organisation des tables et de choses complètement barbantes qui m'amènent à m'esquiver en vitesse. Dans le salon, des gens circulent, font des petits groupes où les discussions fusent. Je me faufile entre eux, pressée de trouver un endroit plus calme. Un verre d'eau en main, je monte l'escalier qui mène à l'étage, longe le long couloir, satisfaite de n'y croiser personne. Je prends mon temps, regarde les photos affichées sur les murs. À plusieurs reprises je repère un garçon charmant qui semble de mon âge. Je souris bêtement, si ça se trouve il est dans mon lycée. J'avance, préoccupée par cette pensée, quand je me heurte à une masse et renverse le contenu de mon verre sur mon haut.

— Oh merde !

Je baisse les yeux sur mon tee shirt imbibé d'eau dont le tissu se colle à ma peau et mon soutien-gorge ne tarde pas à devenir visible, la forme de mes seins avec.

— Plutôt joli.

Je relève la tête, croise le regard d'un garçon beau à en crever dont le sourire en coin souligne l'arrogance.

— Pardon ?!

— Bah je sais reconnaître les jolies choses quand j'en vois, alors je te dis «plutôt joli» parce que c'est le cas.

Intérieurement, je fulmine devant son manque de respect. Depuis quand avoir une belle gueule suffit pour se montrer à ce point impertinent ?

— Waw, c'est vraiment des propos qui craignent, je sais pas si t'es au courant.

J'inspecte brièvement mon verre, souris en constatant qu'il reste un fond d'eau, et lui envoie le tout à la figure, puis tourne les talons et regagne le rez-de-chaussée. Alors que je suis en proie à des questionnements insensés et des scénarios complètement barrés, mon attention se reporte sur mon tee-shirt humide, il est temps de trouver un endroit pour me changer. Je m'enferme à clé dans une salle de bains et me sèche sans parvenir, ne serait-ce qu'une seconde, à me détacher du souvenir prégnant de cet étranger. Son sourire ne me lâche pas, la sensation irréaliste que ses iris au vert trop intense sont toujours posés sur moi me transperce, tandis que je m'efforce sans succès de chasser son visage de mon esprit. S'il n'avait pas été si arrogant, je pourrais peut-être fantasmer sur lui, mais ce gars a tout du genre que je ne porte pas dans mon cœur. Or paradoxalement, j'éprouve l'irrépressible envie d'en savoir plus sur lui, ne serait-ce que son prénom. C'est malheureux, mais cette curiosité naissante m'apparaît comme la seule distraction intéressante dans ma vie désormais. 

Je sors de la salle de bains, déambule dans le salon à sa recherche. Cette quête absurde m'occupe l'esprit et me libère de l'ennui pour un instant. Je me dirige vers l'extérieur, puis réalise que la terrasse et la piscine sont envahies de jeunes de mon âge, seulement je n'ai pas vraiment la tête à sympathiser, encore moins quand j'aperçois mon bel inconnu appuyé au rebord de la piscine, une ribambelle de filles collées à lui. C'est quoi ce cliché ? Je tire une grimace. Pour l'heure, j'oublie l'idée stupide de vouloir connaître son prénom, finalement c'est encore plus rasoir que de compter les secondes qui passent.

 Je retourne dans le salon, me fraie un passage entre deux ventrus qui échangent des banalités exécrables concernant l'achat de son dernier 4x4 pour l'un, son nouveau mariage avec une jeunette pour l'autre. J'ai l'estomac qui se retourne, il vaut mieux battre en retraite tant qu'il est temps. Au loin, ma mère à l'air de celle qui s'épanouit dans le milieu, je ne prends pas la peine de l'informer de mon départ, de toute évidence elle ne le remarquera pas.

- Je te raccompagne ?

Je me retourne au moment de franchir le portail, puis surprise, je découvre le garçon métis que j'ai vu sur des photos à l'étage.

- Octobre c'est ça ?

- Et toi le fils de Marc je présume ?

Nous sourions tous les deux.

- Je préfère que tu m'appelles Nils.

Ses yeux presque noirs me scrutent, il n'a rien à voir avec le type de tout à l'heure, pourtant son charme agit de la même façon.

- Je sais où habite ta mère, tu veux que je te raccompagne ?

- Avec plaisir. Tu vas à quel lycée au fait ?

Il me rejoint dans la rue et s'avance.

- Je vais à Princeton, ta mère a dit à mes parents qu'elle t'y avait inscrite aussi. C'est à dix minutes d'ici en voiture, je pourrai passer te prendre demain matin si tu veux.

Il affiche un sourire agréable, sa compagnie a quelque chose de rafraîchissant après ce que j'ai vécu hier, ça me fait du bien.

- Ce serait sympa oui. Finalement cette rentrée va peut-être bien commencer.

- Y a aucune raison à ce qu'elle se passe mal, faut juste que tu fasses attention à toi.

- Qu'est-ce que t'insinues par-là ?

- Ce lycée n'a pas une très bonne réputation, enfin pour les filles du moins...

J'affiche un regard interloqué, Nils se pince l'arête du nez, soupire.

- Je me suis mal exprimé. Il y a seulement quelques particularités dans ce lycée qui font que... Que tu ferais mieux d'être prudente et de ne pas trop poser de questions.

Ce qu'il dit n'a aucun sens. En a-t-il seulement conscience ? Je continue de le regarder de travers, mais Nils n'y fait pas attention, il fixe un point devant lui et sourit.

- Bon nous sommes arrivés Octobre, je te dis à demain !

Le bref soulagement qu'il laisse transparaître me sature d'incompréhension. Il me fait un petit signe de la main, puis reprend le chemin en sens inverse sans s'attarder. J'attends qu'il ait disparu à l'angle de la rue pour rentrer, l'esprit préoccupé par ce qu'il m'a dit. Une fois dans le salon, je soupire, observe les lieux qui n'ont rien d'accueillant, puis je grommelle toute seule, frustrée jusqu'à la moelle par ma situation.

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Gnnééé surtout hésitez pas à partager vos avis, moi j'adore lire les petites pensées que vous avez pu avoir ! ;)

J'vous aime les tartes aux poires ! (d'où sort cette expression seigneur jésus?)

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