Chapitre 27-2


Le cri, que je ne pus retenir, fut noyé dans le bruit sourd de la détonation du tir de Gabe. La balle frappa l'eau sans causer de dégâts apparents, pourtant la tête de Nel creva la surface à peine quelques secondes après. Il crachait de l'eau, le regard paniqué et le souffle court, ayant beaucoup de mal à rester à flot. Dans un dernier effort il reprit sa nage, mais désorienté ne partit pas du bon côté !

— Non, Nel par ici ! lui hurla Rem espérant le faire revenir dans la bonne direction.

Il tourna brièvement la tête vers nous, mais l'ombre choisit ce même moment pour affleurer de nouveau la surface de l'eau, à peine à un mètre du pauvre Nel. La peur se mua en panique dans ses yeux, tandis qu'il se mettait à agiter ses membres en de grands mouvements désordonnés ne le menant nulle-part.

— Nage vers le rocher ! lui criai-je à mon tour, sans pouvoir m'en empêcher. Le rocher, derrière toi ! Tu n'as plus le temps de revenir...vite !

Dans un dernier effort, il se retourna et d'un crawl puissant bien que désordonné, combla la faible distance qui le séparait encore du rocher le plus proche. Nous retenions tous notre souffle, nos yeux scrutant intensément chaque ridule apparaissant sur la surface du lac. Ses doigts agrippèrent enfin la surface rugueuse et il commençait à se hisser, lorsque ses bras le trahir. Il retomba dans l'eau, épuisé, le désespoir se lisant sur son visage.

— N'abandonne pas, tu vas y arriver ! l'encouragea Rem, sous le regard frustré et désapprobateur de Lynch.

Nous faisions trop de bruit, c'était une évidence, mais comment en vouloir à Rem de soutenir son ami ? Je comprenais le dilemme et la frustration de Lynch. Il mourrait d'envie de lui dire de se taire, mais n'en trouvait pas la force.

C'est alors que la crête refit soudain surface, son propriétaire se mettant à nager directement dans la direction de Nel. Ce dernier qui l'avait aperçu aussi, puisa dans ses dernières forces et prenant appuis de ses deux avants bras sur la roche, se propulsa vers le haut. Il atterrit sur la surface dure dans une roulade latérale, pile au moment où le monstre montrait enfin son affreuse tête, sa bouche pleine de dents acérés passant à quelques centimètres seulement de la cheville du pauvre Nel.

— Bordel, mais qu'est-ce que c'est que ça ? murmura Rem, son regard agrandit par la peur, toujours fixé là où le monstre venait de disparaitre.

— On aurait dit...un brochet, sortis-je sans réfléchir.

— Un quoi ?

— Un brochet. C'était un poisson très commun de l'ancien monde. Un prédateur carnassier qui vivait dans les rivières. Mais...ils étaient beaucoup plus petit que ça et ne s'attaquaient pas à l'homme, expliquai-je d'une voix blanche.

— Comment peux-tu savoir ça ? me demanda Gabe d'un ton étonné. Il ne me semble pas que la faune et la flore de l'ancien monde ait été au programme des E.E.V !

— Non, c'est sûr, lui répondis-je dans un petit rire triste. J'adorai traîner dans la partie sud de la bibliothèque, celle où personne ne voulait aller...

— Et pour cause, elle menaçait de s'effondrer à tous moment. Je la croyais condamnée d'ailleurs ?

— Elle l'a été, par la suite, mais j'avais eu le temps de rapatrier deux ou trois volumes que j'avais pris soin de cacher soigneusement au milieu des livres autorisés. J'adorai m'y plonger quand je n'avais pas le moral...cela me donnait la sensation de pénétrer dans un monde merveilleux...

— La réalité l'est un peu moins, merveilleuse ! Que fais-t-on pour Nel ? me demanda Rem d'une voix anxieuse mais déterminée à la fois. As-tu appris, dans tes bouquins, la moindre chose qui pourrait nous être utile dans l'instant présent ?

— Mise à part que c'était un prédateur tenace, ce qui n'a pas l'air d'avoir beaucoup changé, non ! lui répondis-je sur la défensive.

— Est-ce qu'il chassait la nuit ? me demanda Lynch.

— Non, je ne crois pas, lui répondis-je puisant dans mes souvenirs. Mais compte tenu des circonstances, je ne peux pas être affirmative à cent pour cent. Il n'y a peut-être pas que sa taille qui a changé ? ajoutai-je dans un murmure.

— Je sais, mais il faut bien tenter quelque chose. De toute manière, il fera nuit avant que nous n'ayons rejoint l'abri, me répondit-il alors que le soleil plongeait derrière l'horizon, nous inondant de ses derniers rayons.

Nel, toujours étendu au centre du rocher, le plus loin possible de l'eau, tentait de reprendre son souffle, son regard braqué sur l'onde désormais trompeusement calme.

— Nel ! l'interpela Lynch d'une voix modérée, mais qui portait malgré tout. Nous allons attendre la nuit et tu retenteras la traversée.

Le regard qu'il nous lança, voulait tout dire. Il était trempé, épuisé, retourner dans l'eau sans visibilité serait du suicide et il le savait.

— ca peut marcher, lui affirma Gabe pour l'encourager et le motiver. Si la visibilité baisse pour nous, il en sera de même pour lui, ajouta-t-il en désignant l'eau d'un signe de tête. À mon signal tu nageras tout droit et tout ira bien. En attendant, reprend des forces.

Durant de longues minutes, nous restâmes là, debout dans le silence à attendre impatiemment la chose que nous redoutions le plus depuis notre départ...la nuit. Les oiseaux allaient-ils revenir ? Hantaient-ils le ciel toutes les nuits ou avions-nous seulement joué de malchance la première fois ? Nous allions vite être fixé, me disais-je alors le crépuscule s'installait, transformant toutes les couleurs en différentes teintes de gris. Le froid tomba presque aussi vite que les ténèbres, nous faisant frissonner dans nos vêtements légers encore adaptés à la chaleur de la journée. Quant à Nel, encore trempé de ses bains forcés, il claquait carrément des dents.

— On devrait peut-être faire un feu ? proposa Rem, ses bras enroulés autour d'elle pour se tenir chaud. Surtout pour Nel.

— Bonne idée, lui dis-je avec un sourire. Sans compter que nous aurons certainement besoin de lumière pour retrouver notre chemin.

— Je m'en occupe. Je stress trop à rester là sans rien faire...et ce silence...brrr, murmura-t-elle en s'éloignant à pas rapide en direction des arbres.

Bientôt et bien qu'une faible lueur persista, les étoiles commencèrent à apparaitre dans le ciel, aussi magnifiques que dans mon souvenir. Une lueur orangé à l'orée des arbres nous appris que Rem était parvenue à faire du feu.

— Nel, tu es prêt ?

La voix de lynch, bien que ténue, me fit néanmoins sursauter dans le silence irréel qui régnait autour de nous.

Sans prononcer un seul mot, ce dernier se glissa le plus silencieusement possible dans l'eau. Bien que la luminosité ambiante soit réduite à sa plus simple expression, nous parvenions encore à distinguer Nel. Le malheur fut que la créature aussi ! Cette fois, il ne se risqua même pas à tenter de nous rejoindre et dès qu'il perçut les premiers mouvements, s'empressa de retourner à l'abri ;

— C'est impossible, je n'y arriverais pas ! Partez, ne restez pas à découvert.

— Hors de question que l'on te laisse ! lui répondis-je sans réfléchir, même si je n'avais pas d'idée de génie pour désamorcer cette situation insoluble.

— Hayden a raison. Nous nous sommes trop précipiter, il ne faisait pas assez sombre, c'est tout. Nous réessaierons un peu plus tard, tiens bon ! lui dit Lynch avant de se retourner en me faisant signe d'en faire autant. Ce sera la dernière tentative, si ça ne marche pas...

— Tu sais ce qui va lui arriver, si on le laisse là ?

— Bien sûr que je le sais ! me répondit-il la voix pleine d'impuissance. Mais nous sommes à court de solutions miracle !

— Gabe, Hayden, venez-voir ! nous interpela Rem d'une voix sourde, une urgence inquiète dans la voix.

Après avoir pris soin de préciser à Nel que nous revenions tout de suite, nous nous empressâmes de rejoindre Rem.

— Que se passe-t-il ? lui demandai-je, étonnée par son comportement étrange.

— Nous ne sommes pas seuls, nous chuchota-t-elle les yeux agrandis pas la peur, alors qu'elle nous montrait d'un signe de tête les restes du feu qu'elle venait d'allumer, à présent éteint, de la terre recouvrant les braises qui finissaient de s'étouffer. 

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