Journal de bord : Thibault

Troisième jour de confinement

18h : Après une matinée mario kart, Luc et moi avons décidé d'arrêter un peu avec les écrans. De nous même. C'est assez incroyable. Hélène lisait Marx dans sa chambre, et de toute façon dès le
début du confinement elle a renoncé à limiter notre temps de jeu vidéo. Alors, pour faire autre chose, on a tendu des serviettes dans le couloir pour faire un filet, on a piqué les raquettes de tennis des parents et on a rejoué Roland Garros. On était assez bruyant, ça a alerté Hélène. J'ai cru qu'elle allait nous gronder, mais ça l'a amusé et elle a fait un tournoi avec nous.
On a fait des crêpes pour le goûter.

21h : Papa est rentré, il est de méchante humeur. Hélène a fait les gros yeux à Luc pour l'empêcher de raconter notre match du jour. On a mangé nos papillotes de saumon en silence, puis papa nous a envoyé dans nos chambres, Luc et moi, pour regarder l'actualité. Mon frère m'a rejoint, et on s'est mit a regarder les ratz tous les deux.
C'est marrant, comment ça agit sur nous ce confinement. Luc et moi, qui nous détestons autant que des frères le peuvent, devenons super proche. On a battu, et de loin, notre record de temps passé ensemble sans se disputer, alors que s'entretuer était bien plus probable.
Et Hélène passe plein de temps avec nous, et elle est super rigolote. Peut être que si ça dure encore, on finira par avoir le droit de l'appeler maman.

Quatrième jour du confinement

11 h : Je viens de finir mes devoirs d'école avec Hélène. Maintenant, elle s'occupe de Luc, et en attendant elle m'a demandé de mettre de l'eau à bouillir pour les pâtes. Ma mère est très intelligente ( je le sais parce que j'ai entendu pleins de gens le dire ) mais c'est une terrible cuisinière. Notre crumble de la dernière fois était complètement cramé ( même si, pour lui faire plaisir, j'ai prétendu mieux aimer les gâteaux "bien cuits" ) et elle ne sait rien faire de plus élaboré que des spaghettis avec des steaks ( des steaks de vrais viandes en plus ; normalement on mange bio et presque végétarien à la maison parce que c'est à la mode, mais depuis que c'est Hélène qui est au fourneau, elle a accepté qu'on retrouve une alimentation normale et m'a même avoué qu'elle aussi trouve que les steaks de soja sont dégueu ).

17 h : Je viens de finir une partie de Fortnite avec Loïs, mon copain d'école. Il voulait remettre ça, mais on en a déjà fait tout l'après midi et j'en ai un peu marre. Je vais essayer de convaincre Hélène et Luc de faire un Uno.

Cinquième jour du confinement

9 h : Papa tousse de plus en plus, mais il continue d'aller travailler. Hélène lui a dit, juste avant qu'il ne parte, que ce serait peut être mieux qu'il reste à la maison. Il l'a regardé comme si elle était devenue complètement folle, avant de hausser les épaules et de partir. La voisine est sortie en même temps que lui, les poubelles en main, et à travers la porte je l'ai entendu faire la morale à papa. Il déteste nos voisins, et je suis sûr que ce soir on aura encore droit à une imitation ridicule de nos "stupides voisins gauchistes". Quelle belle perspective.

13 h : Luc et moi sommes tout seuls ici, à regarder Les rois de la glisse. Hélène est partie juste après le repas faire des courses. Elle ne s'est pas plainte ( ça n'est pas son genre ; quand papa fait quelque chose qui lui déplaît, par exemple, elle l'ignore jusqu'à ce qu'il la supplie d'arrêter, mais elle ne râle jamais ) mais ça ne doit pas beaucoup lui plaire, de devoir s'en occuper elle-même. C'est peut être la première fois que ça lui arrive.

21 h : Hélène et papa se disputent dans le salon. Luc est dans ma chambre, parce que depuis le divorce des parents d'une fille de sa classe il a une sorte de phobie du conflit. J'ai collé mon oreille contre la porte, mais ce n'est pas assez pour entendre les chuchotements de Hélène. Quant à papa, il ne fait que hurler des gros mots. Tout ça ne me plaît pas beaucoup.

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