33. Peser son poids

- BASILE -

Arrêt cardiaque. J'ai toujours trouvé cette expression curieuse. Arrêt cardiaque. On dit que le cœur s'arrête. On dit qu'il ne bat plus. Qu'il ne fonctionne plus. Qu'il cesse toutes activités. Et tu sais quoi ? Je crois que c'est ce qui vient de se passer à l'intérieur de l'immense entreprise qu'est mon corps. Il y a eu une cessation d'activité. A l'instant même où j'ai entendu les médecins s'affoler, j'ai su...J'ai su sur l'instant, comme si je m'y étais préparé depuis longtemps, que si c'est ce que tu avais décidé, alors automatiquement, j'allais suivre.

Quand j'ai entendu les bips s'agiter, quand j'ai entendu l'infirmière se précipiter dans la chambre. Quand j'ai entendu une voix hurlant "Un chariot de réa vite!", j'ai su. Su que ça n'allait pas.

Il faut toujours que ça soit comme ça, n'est-ce pas ? Quand on pense que le plus gros est derrière nous, que la tempête est passée . et qu'enfin les choses vont s'arranger...Il faut toujours, toujours qu'il y ait quelque chose qui vienne zapper toute lueur d'espoir, tout signe positif. Pourquoi ? Expliquez-moi pourquoi faut-il que le bonheur nous échappe constamment ? N'y a-t-on pas le droit ? Existons-nous seulement pour le goûter et ainsi en ressentir l'envie et le besoin tout le reste de notre misérable vie ?

Je n'aime pas ce que j'entends, parce que je ne comprends pas. On m'a poussé dans un coin, et tout est devenu si bruyant que je suis incapable de me concentrer sur un seul son, une seule voix, un seul bruit. Je ne capte même pas ce qu'il se passe autour de moi dans cette petite chambre d'hôpital et j'ai horreur de ça. J'ai alors l'impression d'avoir été coupé du monde. Isolé.

Je n'aime pas ça.

Gabriel...

- C'est bon, ça revient ! Je veux que l'on garde un œil sur ce gamin, compris ?! Vous ne me le lâchez pas !

- Sacrebleu, quelle frousse...

Arrêt cardiaque. J'ai toujours trouvé cette expression curieuse tandis que je sens mes forces m'abandonner, laissant mon corps glisser contre la paroi du mur duquel je n'ai pas osé me dégager depuis qu'on m'y a mis. Je me suis laissé glisser au sol, me retrouvant les fesses par terre. Mon corps tout entier a dû perdre 10 degrés, j'ai soudainement froid...Trop froid.

J'ai peur Gabriel. Peur de te savoir parti. J'ai peur qu'une de ces infirmières viennent m'annoncer que tu n'es plus là. J'ai vraiment peur. Sais-tu ce que c'est ? Sais-tu ce que cela me fait ? Ça me bouffe. Littéralement. Ça m'étouffe et me prend à la gorge. Ça me monte à hauteur des yeux et c'est ce qui me fait pleurer tandis que je suis paralyser à l'idée de devoir revivre un nouvel épisode dans ce genre-là.

Je n'ai pas envie de ça. Comment vais-je survivre à ça ? Dis-moi ? Comment suis-je supposé surmonter tout ça ? Tu n'es pas là. Tu ne me dis rien.

Je n'en sais rien, moi. Je ne sais pas beaucoup de choses et j'aurai aimé resté ignorant tout le reste de ma vie. J'aurai aimé rester dans ma campagne profonde, loin de ce monde. Loin de cet univers où je me rends compte que je suis encore capable de tout perdre. Je m'étais écarté pour ça, pour ne pas le revivre et pourtant, me revoilà. Rebelote !

J'ai perdu un ami.

Je ne veux pas perdre un amant.

Tu me trouves égoïste, j'en suis sûr, mais comprends moi...Tout ça, c'est de ta faute. Si le bonheur devait porter un nom, il aurait le tien. J'ai résisté pendant, ce qui me semble, être une éternité et j'ai fini par céder à la tentation en me laissant emporté par mes pulsions. J'ai goûté au bonheur en goûtant à tes lèvres et maintenant quoi ? Que suis-je supposé faire ? M'en passer ? Faire comme si tout ça ne s'était pas passé ? Mais figure-toi que j'ai essayé ! Je n'y arrive juste pas. C'est aussi simple que ça.

J'ai besoin de toi Gabriel, alors ne m'abandonne pas. Reviens-moi. Peu importe dans quel état tu seras. Je te ramasserais. Je te porterais sur mon dos s'il le faut, car je te porte déjà dans mon cœur et c'est déjà un sacré poids que tu m'imposes. Tu pèses plus lourd que ce que je n'aurai jamais imaginé.

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