Chapitre 41

L'aube du quatrième jour d'occupation se levait sur la forteresse et annonçait une journée froide mais ensoleillée.

Liv ne partageait plus sa chambre avec son grand-père et leurs deux esclaves : Esther et Iseult, car Joar avait demandé que Iseult dorme dans un bon lit. Aussi, Liv choisit de quitter la demeure seigneuriale pour une bâtisse plus modeste, mais vacante au vu des nombreux morts chez les résidents et compte tenu du fait que les habitants étaient regroupés la nuit pour mieux être surveillés, quand ils ne travaillaient pas pour les Danois et les Norvégiens.

Liv quitta sa maison et sortit dans la brume matinale sous le chant de la basse-cour qui célébrait la naissance du jour. Elle aperçut Esther qui marchait d'un pas pressé, sans doute ravie de pouvoir aller prier avec les princesses dans la petite chapelle : nouveau privilège accordé aux princesses.

En approchant des écuries, Liv entendit un cri de terreur, ce qui agita les chevaux qui étaient dans les box. Les hennissements des équidés reprirent de plus belle ce qui intrigua la Danoise. En franchissant le seuil, elle vit que la porte de la geôle des princesses était ouverte. Elle entendit encore un cri puis des pleurs, alors Liv alla voir, bien qu'elle sache ce qui s'y passait.

Elle tira son scramasaxe de son étui et franchit la porte pour surprendre un jeune guerrier Danois, à peine sorti de l'enfance, en train de frapper la jeune domestique pour tenter de l'assommer suffisamment pour abuser d'elle à son aise. Liv lui plaqua sa lame sur la gorge, ce qui le figea dans sa posture, le froque jusqu'aux genoux et le sexe dressé entre les cuisses de la jeune fille.

— Bjorg, qui t'a permis d'entrer ? feula-t-elle.

— Il n'y a que les princesses qu'on n'a pas le droit de toucher, se justifia-t-il.

Liv pressa un peu plus sa lame contre sa peau pour le forcer à reculer :

— Qui t'a permis d'entrer ? insista-t-elle.

— Personne, les princesses et leurs gardiens ont quitté le bâtiment, avoua-t-il en remontant son pantalon tout en se mettant à genoux.

— Bjorg, triple idiot, se désola-t-elle. Remets les pieds ici et je te castre, le prévint-elle.

— Personne ne nous a interdit de nous amuser avec elle, insista Bjorg.

— Mais ça coulait de source, soupira-t-elle. Allez, fous le camp ! ordonna-t-elle.

Bjorg fila au pas de charge et disparut dans la brume du matin, tandis que Liv s'accroupit pour étudier le visage marqué de la jeune fille.

— Il est parti ? lui demanda la domestique, en larmes.

— Il ne reviendra pas, lui confirma Liv, l'air strict tout en remarquant ses yeux vitreux. Pourquoi n'es-tu pas à la prière avec les autres ? ajouta-t-elle en se relevant tout en rangeant son couteau.

La jeune fille se redressa pour s'asseoir au sol, tout en essayant de tarir ses larmes.

— Je me suis sentie mal toute la nuit, Hild m'a conseillée de rester ici pour me reposer, renifla la jeune fille. Est-ce que je peux voir mon père ? S'il vous plaît, l'implora-t-elle, malheureuse.

Liv soupira tout en réfléchissant aux tenants et aux aboutissants du problème.

— Suis-moi, lui ordonna Liv, ignorant sa demande.

La Danoise tournait déjà les talons, mais la jeune domestique resta assise pour pleurer dans ses mains. Liv se retourna pour la toiser :

— Si tu es malade, tu ne peux pas rester ici, alors suis-moi ! ordonna-t-elle.

— Je veux voir mon père, l'implora la jeune fille.

— Plus tard, tu dois voir une Gwrach avant, s'agaça Liv. Allez, debout ! insista la Danoise.

L'adolescente se releva et lui emboita le pas, espérant être autorisée à voir son père rapidement. La captive sur les talons, Liv entra dans la maison seigneuriale et fila aux cuisines, espérant y trouver Iseult.


L'esclave de Joar y était et s'activait avec les autres pour préparer le repas du matin. Iseult marqua un temps d'arrêt en voyant Liv entrer et marcher vers elle.

Liv attrapa la jeune fille par le bras et la tira à sa hauteur pour la présenter à Iseult :

— Elle partage la cellule des princesses, mais elle dit être malade depuis cette nuit, lui expliqua Liv.

— Je m'en occupe, accepta Iseult avant de sourire à sa patiente.

— Bien, fais au mieux, déclara Liv.

— Et que dois-je faire d'elle après ? demanda Iseult.

— Quand tu l'auras examinée et soignée, tu iras voir Joar. Il trouva quoi en faire, répliqua Liv.

Liv quitta les cuisines, tandis qu'Iseult emmenait la domestique à l'écart pour parler avec elle. La Danoise trouva son frère dans la grande salle, en train de manger avec l'Ancien et Sven. Elle s'installa à leur table et leur exposa brièvement les faits.

Peu après, dans la cour devant la grande demeure, une légère effervescence anima les troupes.

— Tu as prévenu quelqu'un que tu sortais la prisonnière ? l'interrogea Joar.

— Non, il n'y avait personne à prévenir, se défendit Liv.

— Par Odin, feula Joar en se levant. Sven, trouve-moi Bjorg, j'ai deux mots à lui dire, précisa-t-il avant de sortir au pas de course.

*

Siger avait peu dormi, car il avait été de garde une partie de la nuit et il fut réveillé par une cacophonie, car les gardiens supposaient que la jeune domestique s'était enfuie.

Vingt minutes plus tard, Siger quitta le bureau de Storm, car lui et son frère avaient entendu les explications de Joar le Jeune concernant les actions de sa sœur, dès l'aube. De plus, le jarl s'entêtait à refuser de donner l'identité de l'agresseur, car il estimait que c'était à lui d'infliger la sanction méritée.

Siger marcha d'un pas décidé pour prendre part aux duels amicaux qui avaient lieu dans la cour pour s'y défouler, mais avant de sortir de la demeure, il aperçut Liv entrer dans la salle des parchemins, alors il y déboula et claqua la porte derrière lui.

— De quel droit, t'es-tu permis de sortir ma prisonnière de sa cellule ? gronda-t-il en lui tendant un index accusateur.

— Parce que selon toi, j'aurais dû la laisser transmettre sa fièvre à Tes chères princesses ? répliqua-t-elle, piquée au vif.

Siger lui jeta un regard dédaigneux :

— Toi et ton frère, cessez de vous croire supérieurs aux autres, lui reprocha-t-il. Donne-moi le nom du violeur, ordonna-t-il, désireux de punir celui qui avait bravé ses ordres.

— Non, feula-t-elle.

— Répète, gronda-t-il, furieux.

— Ta prisonnière n'a pas été violée, et malgré ça, mon jarl infligera la sanction que ce jeune crétin mérite, clama-t-elle, en réponse à sa colère.

— Ne me fais pas croire que si la situation était inversée, tu ne voudrais pas punir l'agresseur toi-même, s'emporta-t-il.

— Dans ce cas, toi, ne joue pas l'hypocrite, car quand tes hommes violent à tour de bras toutes ces femmes, je ne t'entends pas réclamer justice, s'énerva-t-elle.

— En matière de viol, les Danois ne sont pas en reste, feula-t-il, conscient que leur débat était stérile et qu'il passait sa colère sur elle.

Ils se défièrent du regard un bref instant, mais Siger tourna les talons :

— Qu'est-ce que j'aurais dû faire selon toi ? l'interpella-t-elle, énervée d'être prise à partie.

— Rien, feula-t-il. Continue d'ignorer tout et tout le monde !

— J'ai empêché un viol et j'ai mis tes princesses à l'abri de la maladie, le contredit-elle alors qu'il claquait la porte en sortant.

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