Chapitre 32
Au crépuscule, en haut de la palissade, Joar le Jeune s'accouda au créneau pour observer les champs de culture qui encerclaient la petite cité, tandis que le soleil automnal se couchait à l'horizon, déposant un air frais et humide qui accompagnerait une nuit claire, mais venteuse.
Au loin, Joar aperçut leurs hommes en train de reboucher la fosse creusée pour inhumer leurs morts, tandis qu'à l'opposé, des habitants avaient été autorisés à sortir, sous bonne garde, pour enterrer les leurs. En effet, les troupes avaient prévu de rester un certain temps dans la forteresse et, malgré l'air frais automnal, les cadavres allaient vite finir par empester.
Alors que le vent faisait vaciller les cultures, Joar réalisa que si les récoltes n'étaient pas réalisées prochainement, elles seraient perdues, mais ce détail ne fut qu'une pensée fugace parmi ce qu'il avait en tête :
En fait, tandis que Storm et Siger palabraient sur le montant des wergelds versés pour les deux princesses et pour la forteresse, Joar, lui, ne s'en inquiétait pas vraiment, car pour le moment, ce n'était que spéculation. Il fallait attendre qu'un émissaire pointe le bout de son nez, et seulement alors, le temps serait venu de négocier le meilleur prix.
En réalité, le problème principal de Joar était Guthred le Désossé. Parmi tous les guerriers du clan, aucun, hormis Joar le Valeureux, n'avait été capable d'avoir le dessus sur Guthred. Son caractère sanguinaire faisait de lui un meneur d'hommes, et bien qu'il lui ait assuré sa fidélité quand il est devenu le nouveau jarl, Joar ne pouvait pas et ne devait pas ignorer que l'enfermement entre ces murs allait créer des tensions. Alors, tôt ou tard, et peut-être même sans cela, Guthred le Désossé allait le défier pour devenir le nouveau jarl.
Sans en avoir parlé avec Liv, Sven et l'Ancien, Joar savait que ses trois plus fidèles alliés avaient cette même idée en tête, et qu'ils étaient, tout comme lui, aux aguets du moindre signe d'émancipation de Guthred, tout comme ils l'alerteraient si lui-même témoignait d'un quelconque signe de faiblesse, car le clan attendait de son jarl qu'il soit son protecteur, son guide vers la fortune et qu'il soit juste et respectueux de leurs lois.
Et puis, il y avait Iseult. Il l'avait croisée en sortant de la grande salle. Alors, comme il craignait pour elle, il lui avait demandé de le suivre, car l'Ancien avait décidé de rester avec Storm et Siger pour discuter de ce que les deux princesses seraient autorisées ou non à faire durant leur captivité.
— Avez-vous besoin de quelque chose ? lui demanda Iseult, un peu en retrait derrière lui.
— Reste avec moi, c'est tout, lui répondit-il, les yeux rivés vers l'horizon.
— Je devrais peut-être descendre pour aider Esther et les autres pour le repas, tenta-t-elle, en croisant les bras pour se frictionner à cause d'une bourrasque.
Joar se détourna et l'étudia :
— Rentrons, tu vas mourir de froid sans manteau, lui ordonna-t-il.
— Combien de temps va-t-on rester ici ? lui demanda-t-elle en lui emboîtant le pas.
— Tout va dépendre des Saxons, éluda-t-il. Mais en ce qui te concerne, j'espère que l'Ancien t'emmènera dès demain en Danelaw.
— Pourquoi ? s'étonna-t-elle, bien qu'elle ait son idée sur le sujet.
Peu crédule, la jeune femme comprit qu'elle n'était plus un terrain à conquérir pour Joar et qu'il voulait se débarrasser d'elle.
— L'enfermement va rendre les hommes anxieux, soupira Joar en descendant l'escalier en bois de la palissade. Tu ne voudras pas voir ce qui se passe dans ce cas-là, précisa-t-il en foulant la cour d'un pas pressé.
Joar aperçut Liv et Sven rentrer par la grande porte que des gardes refermaient derrière eux, car ils avaient tenu à faire le tour de l'enceinte pour étudier la palissade de l'extérieur.
— J'en ai eu un aperçu, marmonna Iseult, alors qu'il entrait dans la maison seigneuriale après les avoir salués de loin.
— Et ça sera pire, précisa-t-il pour lui faire savoir qu'il l'avait entendu.
Joar prit la direction de la grande salle où plusieurs tables avaient été ajoutées dans le but d'en faire un Skali temporaire.
— Rejoins les autres pour aider, lui déclara-t-il, conscient qu'il ne pouvait pas encore se rapprocher d'elle comme il l'aurait souhaité.
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