Chapitre 8
Aux aurores, sur la plage, la foule était regroupée autour des membres de l'expédition et de leurs langskips, dont poupe et proue avaient été parées de leur dreki, tête de dragon sculptée dans le bois.
Alors que l'auspice des dieux transformait peu à peu la brise de la nuit en un vent puissant, prêt à gonfler les voilures, les guerrières et guerriers Danois embarquaient au fur et à mesure après les dernières accolades.
Eirik lâcha la main d'Aliénor pour lui faire face :
— J'ai un cadeau pour toi, déclara-t-il en lui présentant un objet enroulé dans un morceau de tissu.
Surprise et curieuse, Aliénor s'en saisit et dévoila le petit étui et son cordon, puis sortit la petite lame :
— Encore un couteau ? s'étonna-t-elle en rivant son regard noisette à celui bleu perçant d'Eirik.
— Il est encore plus petit que le seax que tu portes à la ceinture, sourit-il en lui passant le cordon autour du cou.
— Ça me semble plus dangereux que pratique, répliqua-t-elle en rangeant la petite lame dans le fourreau qui pendait sur sa poitrine.
— Je n'avais pas de matière noble pour te faire un bracelet, s'excusa-t-il en comprenant qu'elle n'aimait pas son cadeau.
— Parce que tu l'as forgé toi-même ? s'enthousiasma-t-elle.
— Mon père était maître forgeron, sourit-il. Si je n'avais pas quitté mon village natal, j'aurais sans doute pris sa succession.
Eirik lui posa une main sur la nuque et ses cheveux courts, il lui caressa la pommette du pouce, tout en accrochant ses yeux noisette :
— Je te ferai le plus beau des bijoux avec l'or que je ramènerai, lui promit-il.
— Eirik, j'adore ton présent, affirma-t-elle avant de se dresser sur la pointe des pieds pour l'embrasser.
— Eirik ! gronda Folmer sur le langskip.
— J'arrive, grogna l'intéressé qui revint rapidement à Aliénor. On se revoit bientôt, lui sourit-il.
Le cœur serré, Aliénor opina :
— À très bientôt, alors, répondit-elle en danois, tout en s'efforçant de sourire.
Un dernier baiser et Eirik embarqua alors qu'Erma confiait Grim à Aliénor, puisqu'elle et Haldor partaient ensemble.
Pressé d'aller jouer avec les autres enfants, le jeune Grim lâcha la main d'Aliénor dès que les bateaux quittèrent le rivage, toutes rames dehors.
Alors que la foule se dissipait peu à peu, au loin, les voiles des Drakkars se déroulèrent, capturant le vent qui les gonfla de son puissant souffle pour leur permettre de prendre de la vitesse.
Aliénor et Eldrid restèrent sur la rive jusqu'à ce que le dernier navire ait disparu de leur champ de vision.
— Ils reviendront, affirma Eldrid.
— Je sais, répondit la guérisseuse.
Eldrid se caressa le ventre en fixant l'horizon :
— Ton père nous reviendra, mon amour ! murmura-t-elle.
Aliénor étudia le profil délicat de la future mère :
— Je dois me rendre sur les terres de Frode, déclara-t-elle, refoulant le récent écho des récits d'une mer imprévisible et impitoyable.
— Germund et Hakon, devront t'accompagner, insista Eldrid. Profites-en pour informer Frode que tu seras absente durant les deux prochains jours.
— Ah bon, et où irai-je ? demanda Aliénor.
— Nous devons continuer à vivre normalement, répondit Eldrid. Toutes les deux semaines, nous allons au marché de Siglunes et l'hiver sera bientôt là, il te faut des vêtements chauds en prévision.
— C'est une bonne idée, mais comment paierai-je ? s'étonna Aliénor en réalisant qu'elle n'avait pas de pièces de monnaie.
— Adi avait son pécule, il te revient de droit puisque tu lui succèdes, sourit Eldrid en prenant la direction du village. Et il te faudra demander à Frode la rétribution que tu mérites en raison des services rendus à lui et à son clan.
— Je vois, souffla Aliénor, qui fit la moue, intimidée à l'idée de réclamer de son dû au vieux jarl. Mais j'ai beaucoup de travail...
Eldrid la dévisagea en prenant un air sévère :
— Tu as été affranchie, Aliénor, la coupa-t-elle. Et tu n'es pas esclave de ta profession, alors tu vas m'accompagner et tu achèteras tout ce qui te fait envie.
Aliénor qui soutenait ses yeux verts, blêmit en comprenant qu'Eldrid avait entièrement raison.
— J'en serai ravie, opina-t-elle, en affichant un doux sourire.
— Oh, et ne rentre pas tard, surtout, insista Eldrid. Nous devrons partir tôt demain et il nous faut te préparer dès ce soir.
— Je ne comprends pas ! objecta Aliénor.
Le soir venu, dans la maison des Thermes, Aliénor trempait dans son bain alors qu'Eldrid lui tressait les cheveux et qu'elles discutaient tantôt en français, tantôt en danois, au gré de leur vocabulaire défaillant dans une langue ou dans l'autre.
— Ah, gémit Aliénor les mains plaquées à son visage. Moins serré, Eldrid ! la supplia-t-elle.
— Tu vas dormir avec tes tresses, donc il faut que ça tienne, objecta la jolie rousse aux yeux verts, pas délicate pour un sou.
— C'est une torture, grogna-t-elle de douleur.
— Il faut souffrir pour être belle, répliqua Eldrid.
— Tu parles, je vais avoir l'air ridicule, maugréa Aliénor.
Eldrid tira sur la natte pour lui faire pencher la tête en arrière et la forcer à la regarder :
— Ridicule, en quoi ? demanda Eldrid. Tu es l'une des nôtres et nous aimons arborer de jolies tresses, sourit-elle en lui remettant la tête droite pour terminer son travail.
— Ça vous va très bien, concéda Aliénor, mais avoue que tu me coiffes pour cacher mon ancien statut d'esclave.
Eldrid soupira en achevant son œuvre :
— Chez nous, être un homme ou une femme ce n'est pas ce qui compte, expliqua-t-elle. L'important, c'est notre rang, précisa-t-elle.
Eldrid se leva et la toisa, souriante :
— En ce qui te concerne, aujourd'hui tu es une femme libre et l'épouse de notre meilleur guerrier, lui sourit-elle.
— Merci, Eldrid, répondit Aliénor, reconnaissante.
Eldrid tira sur le drap qui séparait l'autre sabot baignoire et se dévêtit pour entrer dans le bac d'eau chaude, qu'une esclave avait préparé pour elle.
— Demain, nous en profiterons pour aller voir l'Oracle, soupira-t-elle d'aise, bien installée dans son bain.
***
je m'arrête là pour ce soir, et je vous laisse un petit aperçu de l'Oracle... bonne soirée
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