L'adrénaline du combat avait permis à Eirik de tenir debout, mais alors qu'il serrait Aliénor contre lui, la tenant soulevée du sol, il sentait la douleur et la fièvre le réinvestir.

— Je suis tellement heureuse que tu sois là, avoua-t-elle ne sachant pas si elle pleurait de joie ou à cause du contrecoup de son agression.

— Tu m'as vraiment manqué, clama-t-il, honteux au souvenir de son moment d'égarement, et si soulagé qu'elle n'ait rien.

— Eirik... Tout ça, c'est ma faute, avoua-t-elle en s'écartant pour le regarder.

— Qu'est-ce que tu racontes ? soupira-t-il en la posant.

— Mon... Mon frère était avec ces hommes... Si j'avais accepté de parler avec l'Oracle, marmonna-t-elle perdue dans sa réflexion de « si et de peut-être ».

— Tu m'expliqueras tout, la coupa-t-il, les sourcils froncés d'incompréhension. Mais d'abord, allons te nettoyer, affirma-t-il en lui séchant ses larmes tout en s'efforçant de lui sourire pour la rassurer.

— Je devrais aider, souffla-t-elle en balayant la petite place du regard, où chacun avait à faire.

— Plus tard, objecta-t-il.

Quand Eirik se baissa pour récupérer ses armes, Aliénor aperçut Erma, elle fit de son mieux pour ne pas réagir à la vue de son visage abîmé et enlaidi par son air triste. Les deux amies se saluèrent d'un hochement de tête, puis Eirik lui prit la main pour la conduire à la maison des thermes.

D'ordinaire, ces bains publics étaient mixtes. Des bacs (dont l'intérieur était drapé) étaient remplis à moitié tandis que des chaudrons faisaient chauffer l'eau toute la journée, rendant l'atmosphère chaude et humide. Il suffisait d'ajouter des seaux d'eau chaude dans l'un des bacs pour obtenir une température agréable pour le bain. Des esclaves s'occupaient de garder les chaudrons pleins, d'alimenter le foyer et de vider l'eau après la toilette.

Assis l'un en face de l'autre à côté d'une des baignoires, toussotant encore par moments, Aliénor laissait Eirik lui nettoyer le visage :

— Qu'est-il arrivé à Erma ? demanda-t-elle.

— Cette balafre n'est pas le pire qu'il lui soit arrivé, éluda Eirik en lui lavant le front.

— Comment ça ?

— Ce soir, il y aura une veillée pour nos morts... Tous nos morts ! précisa-t-il en soutenant son regard noisette.

— Haldor ?

Eirik soupira en trempant l'éponge dans l'eau chaude savonneuse.

— C'est... souffla-t-elle ne sachant pas quoi dire pour le réconforter, alors qu'il lui nettoyait la joue.

— Il est mort après l'avoir sauvée, sourit-il.

— Il était courageux, il a rejoint le palais du Walhalla, tenta-t-elle de se réjouir pour lui.

— Oui, il ne peut en être autrement, affirma-t-il en lui retirant le sang séché sur sa gorge.

Une fois encore, le silence s'imposa entre eux, Aliénor étudia Eirik concentré sur la mission qu'il s'était donnée : la débarrasser de cette souillure. Malgré sa présence rassurante, elle avait l'impression que le contrecoup de son agression allait reprendre possession de son corps, car ses mains tremblaient à nouveau, alors elle souhaita devenir plus forte, pour ne plus se retrouver telle une petite souris coincée entre les griffes d'un autre prédateur.

— Il doit y avoir des blessés, je dois aider Eldrid et Erma, objecta-t-elle, lassée d'elle-même et de sa fragilité.

— Tu t'en sens capable ? s'inquiéta-t-il.

Elle soupira de déception en accrochant son regard bleu perçant.

— Tu n'as pas l'air bien, réalisa-t-elle.

— Il fait chaud ici, soupira-t-il.

— Tu es blessé, s'inquiéta-t-elle en sentant la peur la faire blêmir.

— Ça peut attendre, affirma-t-il en se levant.

— Eirik, laisse-moi voir ! l'implora-t-elle.

— Allons d'abord voir si on peut aider, affirma-t-il en lui tendant la main. Tu t'occuperas de moi plus tard, ajouta-t-il en affichant un sourire en coin.

La journée fut longue et riche en émotions entre retrouvailles, blessures plus ou moins graves et annonces de décès.

Aliénor, Erma, Eldrid et Erika se chargèrent des blessés, tandis qu'un autre groupe prépara les huit défunts, dont la femme de Germund, pour leur dernier voyage. Pour mettre les enfants à contribution et honorer celles et ceux tombés durant les raids, ils furent chargés de préparer des petits vaisseaux flottants, comme ceux préparés par Eirik pour qu'Aliénor puisse dire adieu à ses proches.

En ce qui concerne Aslak, il avait ordonné qu'un groupe aille récupérer les navires des agresseurs, accostés à l'écart du village. Après quoi, les corps y furent attachés et les trois bateaux furent conduits au large pour y être coulés. Quant à Eirik qui s'était porté volontaire, il fut éjecté de l'expédition par Botilde et Eskil.

La journée fut donc longue pour tout le monde et quand la nuit s'imposa, le village avait retrouvé en partie son allure paisible, restait encore à faire les réparations nécessaires, mais ça allait devoir attendre, car le firmament s'était paré de ses plus beaux atours en cette nuit chaude et humide malgré la fin de l'été et il était temps de festoyer en l'honneur des disparus.

Comme à l'accoutumée, tout le clan s'était réuni au Skali pour entamer le deuxième et dernier repas de la journée, annonçant le début de la veillée.

Attablés avec un groupe de frères d'armes, Eirik caressa le dos d'Aliénor qui écoutait les récits épiques des raids de l'été, tandis que çà et là dans le Skali, on levait sa chope d'hydromel à chaque évocation du nom d'un frère ou d'une sœur, mort au combat.

Alors qu'Aliénor lui souriait, Eirik fut saisi par l'idée de quitter le clan avec sa femme pour l'éloigner de tous ceux qui lui voulaient du mal, mais la douleur dans son dos lui rappelait qu'il n'arriverait jamais à la protéger seul. D'ailleurs, Eldrid, Germund, Olrik et Hakon avaient tous prouvé qu'il pouvait compter sur eux pour cette mission.

Peu avant de rejoindre le Skali, ils s'étaient tous regroupés pour faire le point. Après avoir reçu la confession d'Aliénor sur l'implication de son demi-frère dans l'attaque du village, Eldrid et Germund restaient convaincus que Lennart n'y était pas étranger. Aslak et Hakon pensaient plutôt à Ketil, le fils de Frode, parti en mer après avoir agressé Aliénor.

Quant à Olrik et Erma, ils avaient souligné que hormis Edmond, les attaquants étaient tous des Rus, et savoir quand et comment le frère d'Aliénor avait réussi à la retrouver et à les engager les taraudaient.

Quand Aslak proposa qu'Aliénor retourne voir l'Oracle, cette évocation la fit frissonner, tandis qu'Eirik était pris d'une nouvelle bouffée de rage envers Eldrid, qui avait emmené Aliénor avec elle à Siglunes... Eirik sortit de sa réflexion quand Aliénor se leva en apercevant Botilde et Eskil entrés avec les autres membres d'équipage qui revenaient de leur mission : faire disparaître les navires et les cadavres des Rus.

Aliénor marcha droit sur Botilde qui plissa le regard, se faisant menaçante involontairement, mais la guérisseuse, souriante, la rejoignit pour l'enlacer brièvement tout en la remerciant. Avant de partir en mer, la ravissante blonde s'était personnellement chargée de l'informer qu'Eirik avait une blessure qui nécessitait toute son attention, et après avoir entendu les récits des raids, Aliénor savait sans l'ombre d'un doute qu'elle lui devait la vie sauve d'Eirik, tout comme celle d'Erma, qu'elle avait soignée et veillée de son mieux sur le chemin du retour.

Aliénor sourit à Eskil et retourna s'asseoir auprès de son mari.

— Tu viens de te faire une amie, ou je rêve ? s'amusa Eskil en se moquant de son air gêné.

— Si tu ne veux pas perdre un autre membre, arrête de me charrier, feula Botilde.

— Ne sois pas mesquine, ricana-t-il. Allez, viens Beauté Fatale, allons nous saouler, s'esclaffa-t-il en lui claquant une main amicale sur l'épaule.

— Enfin un propos sensé qui sort de ta bouche, clama-t-elle.

— C'est stratégique, lui expliqua-t-il à l'oreille. D'ici la fin de la veillée, je t'aurai convaincue d'apprécier les gros câlins, sourit-il avant d'aller s'installer à une table.

Amusée par sa fausse et naïve arrogance, Botilde le suivit et s'installa à son côté.

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chapitre un peu long, désolée :(

j'essaierai d'en poster trois demain 🤞

Lulu19846 je n'oublierai pas de faire souffrir Eirik pour son écart de conduite 😉