Chapitre 17

L'épaisse et asphyxiante fumée provenant de l'incendie d'un énorme tas de foin, charriée par la brise dans les venelles, donnait substance au chaos par son voile brumeux et quasi surnaturel, d'où s'échappaient les cris, la fureur et le sang.

Hauts dans le ciel matinal, quelques corbeaux survolaient l'enceinte fortifiée en croassant leur déception, car sans savoir comment, alors que les Danois avaient entamé leur dixième jour d'expédition, ce nouveau raid avait mal tourné et ils peinaient à prendre le contrôle de la petite cité.

Eirik, le visage et sa natte déjà peints en noir, avait ajouté à son masque de guerre, des zébrures blanches qui lui barraient les yeux du front aux joues, puisque la fine et longue entaille qu'il avait de la tempe à l'oreille était recouverte d'argile blanche pour aider à la guérison.

Alors que le soleil se dressait maintenant au-dessus de l'horizon, ses éclairs blancs étaient tachetés de sang, puisqu'il donnait libre cours à sa rage, parant, pourfendant, cinglant. Eirik qui cherchait à écourter ce nouvel affrontement, esquiva l'attaque et planta sa lame à double tranchant dans la gorge de son ennemi. Il la retira dans un mouvement transversal, décapitant à moitié son adversaire et recevant d'autres éclaboussures au passage.

Eirik ne s'attarda pas son agonie  et chercha une autre proie, mais à travers l'écran de fumée ondulant, il aperçut Botilde désarmée.

La guerrière, toujours debout, avait une lame enfoncée dans l'épaule et hurlait de douleur. Son adversaire retira la pointe de la hallebarde d'un geste brusque, la faisant chanceler. Alors qu'elle mettait un genou à terre, l'ennemi arma son bras, prêt pour la mise à mort.

Botilde vit une lame jaillir du torse de son bourreau, tandis qu'il écarquillait les yeux : autant de douleur que de frayeur. Le mouvement brutal qui retira l'épée laissa choir le soldat, qui s'agenouilla les mains sur sa plaie.

Eirik, les yeux brillants de haine et de soif de sang, l'acheva en lui fendant le crâne.

— Va à l'arrière ! ordonna-t-il à la guerrière.

— Je peux encore me battre, répliqua Botilde, furieuse en récupérant son épée et son bouclier.

— Alors ne m'oblige plus à intervenir pour te sauver la peau, gronda-t-il, aussi furieux qu'elle.

Botilde hocha la tête pour approuver et se mit en quête d'un autre affrontement.

Sur ses gardes, Eirik se retourna pour pourfendre un homme qui se jetait sur lui en hurlant de désespoir et c'est sans remords aucun, qu'il abandonna l'agonisant pour se jeter dans une mêlée...

Eirik encaissa la douleur du coup de poignard dans le dos, qui lui entailla l'épaule sans trop de gravité, grâce à l'intervention de Erma, qui avait tranché net la main armée de l'assaillant, tandis qu'elle était récriée par l'un des hommes de Sverre qui évacuait son jarl blessé.

Alors que le soldat hurlait de désespoir face à l'amputation, Erma ne perdit pas de temps et laissa le choix de sa vie ou de sa mort à Eirik.

Debout face au soldat agenouillé, qui tenait fermement son avant-bras ensanglanté, les yeux exorbités par la folie et rivés sur sa chair à vif, Eirik lui donna un coup d'estoc pour le mettre à mort, puis il aperçut Haldor.

Blessé, le géant blond se battait comme un loup sanguinaire, mais il était en mauvaise posture. Eirik récupéra la hache d'un Danois mort et la lança de toutes ses forces.

L'arme acérée roula dans les airs à plusieurs reprises pour se planter profondément dans le dos de l'homme qui escomptait prendre Haldor en traître. Le géant blond se retourna d'un mouvement brusque en entendant son douloureux hoquet de stupeur et l'éventra pour terminer le travail d'Eirik.

Les deux frères d'armes s'adressèrent à peine un regard, avant de foncer sur d'autres ennemis.

À travers l'épaisse fumée ondulante, Folmer, le crâne luisant et couvert du sang de l'ennemi, repéra Eirik. Il le récria pour qu'il l'aide à protéger le flanc gauche d'Aslak. Bien que blessé à la cuisse, le jarl refusait de battre en retraite, même si Sverre avait déjà été évacué.

Harangués par le cri de rassemblement d'Aslak, les Danois, disciplinés, finirent par arracher la victoire dans le sang, la sueur et la rage.

Un peu plus tard, quand enfin les Danois eurent la cité sous contrôle, le temps vint de compter leurs morts : une demi-douzaine, qu'ils allaient devoir enterrer dans un lieu isolé hors de la cité.

De son côté, Erma épuisée par la rude bataille, était déjà attelée à son autre mission : panser les plaies. Face aux nombreux blessés parmi leur rang, elle eut une pensée pour Aliénor et espéra être aussi efficace que la guérisseuse pour empêcher que les blessures s'infectent, car elle avait déjà bien entamé les décoctions préparées. Et malheureusement, elle n'allait pas pouvoir en préparer dans ce village qui leur était encore hostile.

Au château, dans la salle du trône, Eirik et Folmer, étudiaient la foule entassée pour observer la reddition de leur souverain. Les deux frères d'armes veillaient à ce que leur regard froid et haineux impose le respect et la méfiance. Chacun devait comprendre que les Danois leur offraient une chance de rester en vie, car ils venaient de prouver qu'ils étaient redoutables : des fléaux répandant la mort sur leur passage.

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