Chapitre 16

Au crépuscule de la nuit, du même jour, plus haut au nord, le petit convoi arriva sur les terres de Lennart.

Chahutés à l'arrière du chariot, les deux premiers malades, Oria et Thorin, étaient éveillés et suffisamment alertes pour rester assis et mieux respirer entre leurs quintes de toux. Quant aux deux cavaliers tombés malades sur le chemin du retour, Malik et Vern, ils somnolaient toujours en proie à la fièvre, mais le remède d'Aliénor arrivait à la faire baisser.

Assise au fond du petit véhicule, la guérisseuse vit Germund se tendre sur sa selle. Intriguée elle s'agenouilla pour voir ce qu'il avait vu. Du haut de la petite colline qui entourait le village, il était évident que ce clan était plus grand que celui d'Aslak.

Lennart avait déjà talonné sa monture et filait au galop vers la zone à l'extérieur du village, où s'était rassemblé la foule.

— Qu'est-ce qui se passe ? demanda Aliénor à Germund qui gardait les yeux rivés sur l'assemblée.

— La maladie est là, répondit Germund.

— Comment le sais-tu ? s'étonna Aliénor.

Germund soupira et jeta un regard à Olrik qui chevauchait de l'autre côté du chariot, puis il dévisagea la guérisseuse :

— Ils préparent une célébration d'offrandes, expliqua Germund, l'air dur.

— Par Odin, toussa Oria, j'espère que Freya arrivera à convaincre les dieux, ajouta-t-elle entre deux quintes de toux.

— Nous devons tous y assister, précisa Germund.

— D'autres chevaux ? marmonna Aliénor, les sourcils froncés d'inquiétude.

Germund secoua la tête de négation :

— Des vierges... trois, précisa-t-il.

Aliénor se laissa tomber sur les fesses, dépitée.

Le convoi s'arrêta non loin de l'attroupement, où un grand brasier illuminait les festivités. Olrik, Germund et les cinq autres membres du clan d'Aslak suivirent Aliénor qui était descendue du petit véhicule la première, puisque Oria et Thorin voulaient assister aux réjouissances de plus près.

Parmi la foule rassemblée, des hommes, des femmes et des enfants avaient l'air souffrant, certains arboraient un teint cendreux, tandis que d'autres fiévreux portaient de lourds manteaux et que d'autres peinaient à reprendre leur souffle en toussant comme s'ils cherchaient à expulser leurs poumons. Tous étaient agglutinés autour de trois potences, surmontées d'une chaîne et des fers attendaient les offrandes.

— Qu'est-ce qui se passe ? chuchota Aliénor à Germund.

— L'enchanteresse, répondit-il en désignant une femme. Freya doit communiquer avec les dieux pour les implorer d'intervenir en notre faveur, expliqua-t-il.

Aliénor tourna son regard vers la femme qu'il avait désignée du doigt. Se tenant bien droite à côté de Lennart, elle portait une longue robe blanche, surmontée d'un lourd manteau fait de plumes noires. Le visage peint en blanc, elle arborait une coiffe faite de branchages qui rappelait les ailes d'un volatile, et de son bandeau qui semblait maintenir l'ensemble,  quelques coquillages suspendus à des fils couvraient ses yeux.

Freya tendit le bras en direction du village pour inviter un groupe d'une trentaine de jeunes filles, âgées de treize à seize ans, à les rejoindre. Toutes vêtues d'une longue tunique blanche, elles arboraient une couronne de fleurs blanches. Stimulées par les encouragements de leurs proches et des villageois en général, elles entamèrent une farandole joyeuse autour du grand feu, au rythme des tambours et des flûtes.

Emportées par l'euphorie d'être célébrées, les jeunes filles riaient en levant les bras au ciel comme pour se montrer aux dieux. Quand la musique cessa, elles allèrent s'asseoir les unes après les autres devant Lennart et Freya. Une esclave apporta une coupe à l'Enchanteresse qui passa devant chacune pour les faire boire.

Puisque le silence, interrompu çà et là par des toussotements contenus, s'imposait à l'assemblée exigeante, Freya entama son discours aux dieux, dans un dialecte que seuls ses pairs et elle pouvaient comprendre.

En transe, les jeunes filles se balançaient légèrement de gauche à droite, ou d'avant en arrière pour d'autres, attendant la suite.

Freya poursuivit en leur proposant de choisir des runes qui allaient sceller leur sort...

Radieuses et l'air émerveillé comme si elles voyaient des splendeurs bien au-delà du monde terrestre, les élues furent invitées à prendre la tête de leur dernière mais joyeuse farandole, stimulées par la musique et les applaudissements.

— Je ne veux pas voir ça, supplia Aliénor en reculant.

— Il le faut, soupira Germund en la retenant par le bras.

— Pourquoi ? couina-t-elle au bord des larmes.

— Si la magie n'opère pas et que la maladie se répand plus encore, il te sera reproché d'avoir contrarié les dieux, expliqua Germund.

— Mon Dieu reste insensible aux prières de ses adorateurs, objecta-t-elle. Pourquoi les vôtres seraient-ils plus enclins à vous venir en aide, alors que vous sacrifiez ce qu'ils ont créé ?

— Les Offrandes sont une vieille coutume, se désola Germund. Certains jarls, dont Aslak, ne veulent plus que l'on gâche des vies comme ça, ajouta-t-il en désignant les potences. Elles sont jeunes, elles sont belles et pourraient engendrer des enfants forts et courageux. Mais certains clans tiennent plus aux traditions qu'à leurs progénitures, et c'est le cas ici, précisa Germund. Nous devons l'accepter pour ne pas les contrariés, ni eux, ni les dieux ! conclut Germund.

Aliénor ferma les paupières et libéra ses larmes pendant que les élues étaient enchaînées, chacune à sa potence, les bras relevés, les poignets cernés par les fers, pour ne pas que de simples cordes brûlent trop vite et les libèrent de leur calvaire.

— Il faut que tu regardes, chuchota Germund.

Écœurée, les doigts plaqués sur la bouche, Aliénor se força à observer les familles déposer des fagots de branchages autour des filles, puis ils aspergèrent ce combustible d'huile pour faciliter l'allumage.

Freya ajouta un autre discours dans un dialecte incompréhensible, puis elle alluma un flambeau et mit le feu à la première potence.

Le feu gronda en encerclant brutalement l'Offrande, tandis que l'Enchanteresse allumait la deuxième potence, puis la dernière. Les flammes embrasèrent les tuniques, et dévorèrent les corps et les cheveux des jeunes filles, tandis que la chaleur des foyers chauffait l'air, leur brûlant aussi les poumons pendant qu'elles hurlaient...

*****

voilà c'est tout pour aujourd'hui, je vous devinez si l'Enchanteresse a su convaincre les dieux ;)

pour ne pas vous laissez dans le doute très longtemps :') j'essaierai de publier avant dimanche prochain, puisque comme beaucoup d'entre vous, c'est une petite semaine de trois jours de taf qui s'annonce (j'adore le mois de mai et ses jours fériés <3 )

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top