Chapitre 12

Des volutes brumeuses s'élevaient des champs fraichement fauchés autour du village fortifié, alors que de l'aube naissant à l'horizon, rien ne filtrait, car de l'orage de la nuit il ne restait que d'épais nuages noirs, qui engloutissaient l'immensité du ciel.

Visages peints ou affichant une simple mais large bande noire de suif autour des yeux, les Danois profitèrent du manque de clarté pour s'approcher discrètement de la haute palissade en rondins. Dans la pénombre du crépuscule, ils longèrent le mur jusqu'à la grande porte, vite escaladée par Eirik et Botilde qui l'ouvrirent sans rencontrer de difficulté, permettant à la horde sauvage de franchir le seuil à la hâte, mais l'invasion n'était pas spectaculaire :

Les Danois, presque en sur nombre au vu de la quinzaine d'habitations, défoncèrent les portes, créant peur et confusion parmi les résidents, qui ne purent résister face à l'entrer fracassante de démons armés. Ainsi, pas une goutte de sang ne fut versée, alors qu'ils mettaient tout à sac et prenaient ce qui leur fallait.

Ce premier pillage leur semblait trop facile et sans saveur, même en atteignant la maison-forte, demeure du seigneur de ce hameau, qui était à peine plus riche que ses serfs, car ils ne rencontrèrent aucune hostilité.

En revanche, quand Eirik et Folmer entrèrent dans la chapelle, sous les conjurations du moine, la bonne fortune leur sourit, puisque de l'or, il y en avait...

(Du côté d'Aliénor, même jour)

En ce milieu de matinée, alors qu'Hakon et des guerriers observaient la mer en quête d'une menace, Germund fut averti que des cavaliers approchaient.

Eldrid et Aliénor restèrent à côté de Frode et des six apprenties, venus pour la journée, ils observèrent les cavaliers entrer lentement dans le village. De leurs yeux aguerris, les visiteurs étudiaient les habitants sans en avoir l'air. Au loin, Germund sera l'avant-bras de l'homme en tête de convoi et lui indiqua la position de la femme du jarl.

Eldrid se caressa le ventre machinalement, tout en jetant un œil sur le profil de Frode, qui serrait les mâchoires, comprenant que lui non plus n'appréciait pas la manière dont Lennart et les siens étudiaient le village.

Lennart, jarl et chef de convoi, avait une partie du visage tatouée, les côtés et l'arrière du crâne rasés, tandis que ses cheveux châtains tirés en avant lui revenaient sur le visage, malgré son bandeau en cuir. Il s'arrêta à bonne distance d'Eldrid et la toisa du haut de son destrier.

— Lennart, le salua Eldrid, que nous vaut cette visite ?

— Je suis venu demander l'assistance de votre guérisseuse, répondit-il, en étudiant la femme du jarl avec un petit sourire lubrique, puis il jaugea les femmes qui entouraient Frode. Tu sembles en bonne compagnie, ajouta-t-il au jarl.

— Aslak est en mer... répondit Eldrid.

— Il sera très vite de retour, ajouta Frode, et il n'aimera pas entendre que tu reluques son épouse !

— C'est une très belle femme, répliqua Lennart, et son état la rend encore plus belle, déclara-t-il en regardant autour de lui. Alors, reprit-il après un court silence, puis-je espérer l'assistance de votre talentueuse guérisseuse ?

— Désolée, mais elle est en mer avec Aslak ! objecta Eldrid en se tendant légèrement.

— Pourquoi mentir ? répliqua Lennart en s'accoudant sur le pommeau de sa selle. La description que l'on m'en a faite me laisse penser qu'elle se tient juste à tes côtés !

— Quel est le problème ? demanda Aliénor, la voix mal assurée, intimidée qu'elle était de soutenir le regard de Lennart.

— Nous avons attaqué un village qui avait beaucoup de malades, expliqua Lennart en désignant le chariot. Ces cinq-là se sont sentis mal à notre retour.

En avançant vers le chariot, Aliénor se souvint de la prédiction de l'Oracle « deux ennemis marchent vers toi, l'un est invisible mais redoutable ».

« Pitié, mon Dieu, faites que ce ne soit pas la peste » pria-t-elle tout en regardant à l'arrière du chariot où trois hommes et deux femmes étaient allongés, inconscients, fiévreux et affichaient des taches rouges au niveau du cou.

— Ils sont tous tombés malades en même temps ? insista Aliénor en se tournant vers Lennart.

— Oui, confirma-t-il.

— Ces gens souffrent d'une forte fièvre et d'une éruption cutanée, c'est peut-être un début d'épidémie, s'alarma Aliénor.

— Tu sais ce qu'ils ont ? s'inquiéta Eldrid.

— Non, soupira Aliénor. Mais ça semble contagieux, ces deux-là, ajouta-t-elle en désignant des cavaliers de Lennart. Ils sont pales et frissonnent, ils doivent avoir de la fièvre, précisa-t-elle. Je vais devoir l'accompagner, et tous ceux qui sont entrés en contact avec Lennart et ses hommes devront nous suivre.

— Pourquoi ne pas les soignerez ici ? martela Lennart.

— Si c'est une épidémie, on ne peut pas prendre le risque qu'elle se répande ici, insista-t-elle.

— Et si vous vous trompez ? sourit Lennart.

— Dans ce cas, Aslak devra se trouver une guérisseuse bien plus compétente que moi, répliqua Aliénor.

— On ne peut accepter que tu partes, objecta Frode, inquiet pour la jeune femme.

— Je l'accompagne, répliqua Germund. J'ai serré la main de Lennart, je ne peux pas rester ici.

— Soit, je vous emmène, mais pouvez-vous soigner mes hommes ? insista Lennart.

— Je peux traiter les symptômes, répondit la guérisseuse.

Lennart acquiesça, puis Aliénor fit une liste de ce qu'il lui fallait et demanda à Violette et Agathe de les lui apporter. Pendant qu'on lui préparait ses affaires, la guérisseuse expliqua à Eldrid ce qu'il fallait faire pour limiter la contagion : isoler les malades dès les premiers signes d'infection et traiter les symptômes : toux, maux de tête, fièvre, nausée et douleur musculaire.

Très vite, Agathe revint avec des gourdes emplies d'un sirop dilué pour apaiser la fièvre et des sacoches pleines d'herbes médicinales, de fioles et de décoctions.

Aliénor récupéra tout ce qu'Agathe avait laissé à quelques pas d'elle, puis elle les mit dans le chariot et y grimpa :

— Dis à Grim, que je reviendrai très vite, lança-t-elle pour se vouloir rassurante.

— Je veillerai sur lui, répondit Eldrid qui se tourna vers Lennart. C'est la femme d'un de nos guerriers, elle est des nôtres et j'entends bien la récupérer.

— Si elle ne sait pas ce qu'elle, alors ça ne dépendra que de la volonté des dieux, conclut Lennart qui mit son convoi en route.

***
Merci de l'intérêt que vous portez à cette histoire ❤️

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top